Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 07/11/2019
la SCP MADRID CABEZO MADRID FOUSSEREAU MADRID
la SCP OUSACI
PARQUET GENERAL
ARRÊT du : 07 NOVEMBRE 2019
No : 359 – 19
No RG 19/00526
No Portalis DBVN-V-B7D-F3UE
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d’ORLEANS en date du 09 Janvier 2019
PARTIES EN CAUSE
APPELANTES :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265234013469607
SAS SIPC
Représentée par sa présidente
[…]
Ayant pour avocat postulant, Me Susana MADRID, membre de la SCP MADRID CABEZO MADRID FOUSSEREAU MADRID, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Patrice PAUPER, membre de la SELARL C.A.P.A., avocat au barreau de l’ESSONNE
SAS ENDUIT DIFFUSION
Représentée par son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège, […]
Ayant pour avocat postulant, Me Susana MADRID, membre de la SCP MADRID CABEZO MADRID FOUSSEREAU MADRID, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Patrice PAUPER, membre de la SELARL C.A.P.A., avocat au barreau de l’ESSONNE
SARL SPARKAL
représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège, […]
Ayant pour avocat postulant, Me Susana MADRID, membre de la SCP MADRID CABEZO MADRID FOUSSEREAU MADRID, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Patrice PAUPER, membre de la SELARL C.A.P.A., avocat au barreau de l’ESSONNE
D’UNE PART
INTIMÉE : – Timbre fiscal dématérialisé No: -/-
SELARL G…
Prise en la personne de maître A… G…, ès-qualités de mandataire liquidateur à la procédure de liquidation judiciaire de la société SIPC, où il a été désigné suivant jugement rendu par le tribunal de commerce d’ORLEANS le 5 juillet 2017
[…]
Ayant pour avocat Me Thierry OUSACI de la SCP OUSACI, avocat au barreau d’ORLEANS
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 30 Janvier 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 19 Septembre 2019
Dossier communiqué au Ministère Public le 21 mars 2019
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l’audience publique du 19 SEPTEMBRE 2019, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, en son rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 786 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel D’ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire, le 07 NOVEMBRE 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Par jugement du 5 juillet 2017, le tribunal de commerce d’Orléans a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société SIPC qui a pour président et actionnaire majoritaire la société SPARKAL GROUPE et pour activité la fabrication et la vente de tout produit chimique, savonnerie, colle, peinture, décapant. Il a fixé la date de cessation des paiements au 30 juin 2017. La SELARL G… en la personne de Maître A… G… a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte d’huissier du 5 juin 2018, la SELARL G… ès qualités de liquidateur judiciaire de la SOCIÉTÉ SIPC a fait assigner cette dernière ainsi que la société Sparkal Groupe et la SOCIÉTÉ ENDUIT DIFFUSION devant le tribunal de commerce d’Orléans afin principalement d’obtenir le report de la date de cessation des paiements au 5 janvier 2016 et de voir déclarer commun et opposable à la SOCIÉTÉ ENDUIT DIFFUSION le jugement à intervenir.
Par jugement du 9 janvier 2019, le tribunal de commerce d’Orléans a statué ainsi :
Reporte la date de cessation des paiements de la société SIPC du 30 juin 2017 au 5 janvier 2016,
Déboute les sociétés SPARKAL GROUPE et ENDUIT DIFFUSION de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
Déclare commun et opposable à la société ENDUIT DIFFUSION le présent jugement,
Condamne les sociétés SPARKAL GROUPE et ENDUIT DIFFUSION À payer à la SELARL G… ès qualités la somme de 3000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne les sociétés SPARKAL GROUPE et ENDUIT DIFFUSION aux dépens.
Les sociétés SIPC, SPARKAL GROUPE et ENDUIT DIFFUSION ont formé appel de la décision par déclaration du 30 janvier 2019 en intimant la SELARL G… ès qualités de liquidateur de la société SIPC et en critiquant tous les chefs du jugement. Elles ont conclu le 5 mars 2019 pour demander, de faire droit à leur appel et de :
Annuler ou à tout le moins réformer le jugement déféré,
Voir dire que Maître G…, ès qualités de mandataire liquidateur de la socité SIPC ne rapporte pas la preuve que la société SIPC était dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible et exigé avec son actif disponible, avant la date du 30 juin 2017,
Voir en conséquence débouter Maître G… de sa demande de report de date de cessation des paiements,
Fixer définitivement la date de cessation des paiements de la société SIPC au 30 juin 2017,
Voir débouter Maître G… de sa demande dirigée contre la société Enduit Diffusion, faute de lien suffisant avec l’action principale,
Voir condamner Maître G… ès qualités de mandataire liquidateur de la société SIPC à verser aux sociétés SPARKAL GROUPE et ENDUIT DIFFUSION une indemnité de 1500€ à chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.
La SELARL G… ès qualités de liquidateur de la société SIPC demande à la cour, par dernières conclusions du 13 mars 2019 de:
Dire les sociétés SPARKAL et ENDUIT DIFFUSION mal fondées en leur appel,
Confirmer le jugement déféré en tous points,
Débouter les sociétés SPARKAL et ENDUIT DIFFUSION de leurs demandes et les condamner au paiement d’une somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Elle expose que le passif déclaré dans la procédure de liquidation judiciaire s’élève à la somme de 2.982.799,88€ dont plusieurs créances exigibles sont très antérieures à la date de cessation des paiements et que c’est à tort ou sans en justifier que les appelantes prétendent que ces créances seraient prescrites ou non exigibles ou récentes et ne pourraient être prises en compte. Elle ajoute que les sociétés ENDUIT DIFFUSION et SIPC appartiennent au même groupe contrôlé par la société mère ARTIS DIVERSUS et que la SOCIÉTÉ ENDUIT DIFFUSION est susceptible de faire l’objet d’une instance fondée sur les articles L632-1 et suivants du Code de commerce.
La société SPARKAL GROUPE a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d’Evry du 1er avril 2019 qui a désigné Maître K… en qualité de liquidateur.
Selon avis communiqué le 23 juillet 2019 aux parties, le Ministère Public a sollicité la confirmation de la décision déférée, en indiquant d’une part que l’actif immédiatement disponible entre 2012 et 2015 bien qu’en augmentation était très largement inférieur au passif exigible, lui-même en hausse constante, d’autre part que la cession de marques à la société Enduit Diffusion, à effet rétroactif au 1er juin 2017, est intervenue en période suspecte et est susceptible de justifier une action en nullité.
Par conclusions du 5 septembre 2019, Maître K… ès qualités de liquidateur de la SOCIÉTÉ SPARKAL GROUPE, est intervenu volontairement à la procédure et a réitéré les demandes formées par la société Sparkal groupe, en demandant à la cour de lui en donner acte, et d’y faire droit.
Par dernières conclusions du 18 septembre 2019, la société SIPC représentée par son gérant, Maître K… ès qualités de liquidateur de la SOCIÉTÉ SPARKAL GROUPE et la société Enduit diffusion demandent à la cour de :
Vu les articles L 631-1 et L 631-8 du Code de Commerce.
Vu la jurisprudence.
Voir donner acte à Maître L… K… de son intervention volontaire pour la société Sparkal groupe.
Voir dire et juger recevables et bien fondées les sociétés SIPC, Me L… K… ès qualités de mandataire liquidateur de la SPARKAL GROUPE et la société Enduit diffusion en leur appel.
Y faisant droit
Annuler ou à tout Ie moins réformer le jugement déféré.
Voir dire et juger que Maître G…, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SIPC, ne rapporte pas la preuve que la société SIPC était dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible et exigé avec son actif disponible, avant la date du 30 juin 2017.
Voir en conséquence débouter Maître G… de sa demande de report de date de cessation des paiements.
Fixer définitivement la date de cessation des paiements de la société SIPC au 30 juin 2017.
Voir débouter Maître G… de sa demande dirigée à l’encontre de la société Enduit diffusion, faute de lien suffisant avec l’action principale.
Voir condamner Maître G…, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SIPC, à verser à Me L… K…, ès qualités de mandataire liquidateur de la SPARKAL GROUPE et à la SOCIETÉ ENDUIT DIFFUSION une indemnité de 1.500 € à chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonner l’emploi des dépens au frais privilégiés de la procédure collective.
Au soutien de leurs demandes, les appelants font valoir principalement :
– au sujet du report de la date de cessation des paiements, que Maître G… ne se réfère qu’au passif déclaré sans référence à l’actif disponible, alors même que la société SIPC bénéficiait durant l’année 2016 d’une autorisation de découvert de 200.000€ faisant partie de l’actif disponible et n’étant pas dépassée au 30 juin 2017 et que les sept créances invoquées par le liquidateur pour faire remonter la date de cessation des paiements sont, soit prescrites, soit contestées, soit récentes sans remonter à l’année 2016, soit encore déclarées hors délai, ou non exigibles ou tacitement abandonnées ; qu’au final, le passif exigible était inférieur à l’actif disponible jusqu’au 30 juin 2017,
– au sujet de la SOCIÉTÉ ENDUIT DIFFUSION :
. que celle-ci, qui a pour actionnaire M. R… également dirigeant de la société Sparkal groupe, a signé le 4 janvier 2016 avec la société SIPC une convention de trésorerie par laquelle elle a prêté à cette dernière une somme supérieure à 250.000€ avec en contrepartie, la cession à la SOCIÉTÉ ENDUIT DIFFUSION de l’entière propriété des droits sur les marques appartenant à la société SIPC ainsi que des matériels et outillages de production des produits pour lesquels ces marques étaient exploitées ;
. que l’avance de trésorerie ne lui étant pas remboursée en juin 2017, la société Enduit Diffusion a demandé l’activation de cette garantie et la société SIPC a accepté la cession de 8 marques au prix de 210.000€ par contrat du 7 juin 2017,
. qu’au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, le risque de tierce opposition est réduit de sorte que la mise en cause de la SOCIÉTÉ ENDUIT DIFFUSION n’est pas justifié, d’autant que la cession des marques ne s’est pas faite gracieusement mais en contrepartie d’une somme de 210.000€ ce qui a permis de ramener la créance de la société Enduit diffusion à 24.213,09€.
L’affaire a été fixée à l’audience du 19 septembre 2019 en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 19 septembre 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de report de la date de cessation des paiements
En application de l’article L631-8 du Code de commerce, la date de cessation des paiements peut être reportée en une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de 18 mois à la date du jugement d’ouverture de la procédure, le tribunal étant saisi par l’administrateur, le mandataire judiciaire ou le Ministère public et se prononçant après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur.
L’article L631-1 du même code définit l’état de cessation des paiements comme étant « l’impossibilité pour le débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible » et dispose en outre que « le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements ».
L’actif disponible s’entend des liquidités ainsi que de l’actif pouvant être réalisé à bref délai, en englobant les avances en trésorerie si elles ne sont pas bloquées et si leur remboursement n’a pas été demandé. Le passif exigible correspond à l’ensemble des dettes échues au jour où l’appréciation est portée, les dettes en cause devant en outre être certaines et liquides.
En l’espèce, le jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société SIPC intervenu le 5 juillet 2017 a fixé à titre provisoire la date de cessation des paiements au 30 juin 2017. Le passif déclaré entre les mains du liquidateur s’élevait au 24 mai 2018 à la somme de 2.982.799,88€ et ce dernier demande que la date de cessation des paiements soit reportée au 5 janvier 2016, en raison de l’existence de sept créances exigibles antérieurement au 30 juin 2017.
Celles-ci sont toutefois contestées par la société SIPC et c’est à bon droit que le tribunal a relevé qu’il incombait au liquidateur d’établir que la société SIPC était dès le 5 janvier 2016 dans l’impossibilité de faire face, avec son actif disponible au passif exigible puis a analysé successivement à ce titre chacune des créances alléguées.
S’agissant des créances déclarées par la société AYMING selon déclaration d’appel reçue le 20 septembre 2017 pour un total de 34.670,66€ avec à l’appui la production de trois factures datées des 22 avril 2011, 16 mai 2012 et 22 avril 2013, il n’est pas justifié d’actes interruptifs de prescription, autres que la déclaration de créance. C’est donc à juste titre que les premiers juges ont uniquement tenu compte, à titre de créance exigible permettant de faire remonter la date de cessation des paiements, de la troisième facture, pour un montant de 3549,73€, étant ajouté que la société SIPC indique qu’elle disposait de la trésorerie suffisante pour la régler mais ne l’a pas payée « compte tenu du litige », sans justifier d’un quelconque litige alors que cette somme était exigible depuis avril 2013.
S’agissant des créances déclarées par la DIRECTION DES FINANCES PUBLIQUES, le tribunal a pris en compte au titre de la demande de report, une créance de 30.483€ relative à la TVA au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016, exigible au 1er janvier 2017.
Les appelants font valoir d’une part que seule la somme de 19.989€ pourrait être prise en compte compte tenu d’un solde de 10478€ au titre d’une régularisée de TVA, d’autre part, que la société SIPC avait convenu avec l’administration fiscale que cette somme serait compensée avec une créance au titre du CICE à hauteur de 22.764€. Néanmoins, celle-ci ne justifie par aucune pièce de la régularisation alléguée à hauteur de 10478€ ni de l’accord « tacite » en vue d’une compensation qu’elle invoque. La créance de 30.483€ était donc exigible, certaine et liquide au 1er janvier 2017 et doit être prise en compte pour apprécier la demande de report de la date de cessation des paiements, celle-ci ne pouvant toutefois, au vu de cette seule créance remonter avant le 1er janvier 2017.
S’agissant de la créance déclarée par la société DIDGI à hauteur de la somme de 571.546,67€ à titre de loyers impayés, c’est à tort que les appelantes prétendent que la déclaration a été déposée hors délai alors que le jugement d’ouverture de la procédure a été publié au BODACC le 23 juillet 2017 et qu’il ressort de la déclaration de créance effectuée par la société DIDGI et de l’accusé de réception produits en pièces 24 et 25 par l’intimée que cette déclaration de créance datée du 28 juillet 2017 a été adressée par courrier reçu en juillet 2017. Elle a donc bien été effectuée dans le délai de deux mois prévu par les articles L622-24 et R 622-24 du Code de commerce. Il est exact que les justificatifs n’étaient pas joints et n’ont été transmis, à la suite d’une demande de Maître G…, que par courrier reçu le 19 février 2018.
L’article R622-23 du Code de commerce dispose toutefois : « A cette déclaration sont joints, sous bordereau les documents justificatifs ; ceux-ci peuvent être produits en copie. A tout moment le mandataire judiciaire peut demander la production de documents qui n’ont pas été joints ».
Il ressort de ces dispositions que la déclaration de créance n’est pas nulle au prétexte que les pièces la justifiant ne l’accompagnent pas. En l’espèce, la créance de la société DIDGI n’a pas fait l’objet d’une contestation et les justificatifs sollicités ont été produits. Elle ne peut donc être déclarée comme forclose.
Au vu des factures produites, la créance s’élevait à la somme de 414.449,59€ au 31 décembre 2014, outre une somme de 155.405,12€ arrêtée au 30 juin 2017. La société SIPC prétend que la créance de 414.449,59€ a nécessairement été abandonnée tacitement par la société DIGDI car à défaut, elle n’aurait pas consenti un renouvellement du bail par acte authentique du 26 juillet 2016. L’abandon d’une créance doit toutefois être non équivoque et la conclusion d’un bail postérieur est insuffisant à ce titre. Par ailleurs, le fait que la créance à hauteur de 155.405€ arrêtée au 30 juin 2017 et correspondant aux loyers dûs en 2015, 2016 et jusqu’au mois d’avril 2017, n’ait pas fait l’objet d’une procédure tendant à la résiliation du bail est inopérant, dès lors que la preuve d’actes de poursuites n’est pas une condition de l’exigibilité d’une créance et que la société SIPC ne démontre pas que la dite créance a été abandonnée ou a fait l’objet d’un moratoire.
Le tribunal a donc à juste titre pris en compte, pour apprécier la demande de report formée par Maître G…, la créance déclarée par la société DIDGI, qui en tenant compte de la somme arrêtée au 31 décembre 2014 et des loyers dus et avoirs réglés en 2015 mentionnés dans le grand livre, s’élevait en fin d’année 2015 à la somme de 496.158€, créance liquide, certaine et exigible au 5 janvier 2016.
S’agissant de la créance déclarée par courrier reçu le 8 août 2017 par la société LABOMAT à hauteur de 3339€ correspondant à une facture du 27 février 2005, la société SIPC se contente d’invoquer un litige sur les prestations fournies, sans en justifier. Il s’agit donc d’une créance liquide, certaine et exigible au 5 janvier 2016 devant être prise en compte.
La créance de la société Lixol déclarée par courrier reçu le 4 septembre 2017 à hauteur de 42002,34€ correspond à deux factures émises les 15 février et 3 avril 2017 venant à échéances les 15 avril 2017 et 15 juin 2017. Compte tenu de la proximité de la date d’échéance de cette seconde facture, avec la date provisoire de la cessation des paiements retenue dans le jugement, seule la créance au titre de la première facture (27.495,36€) peut justifier un report à une date antérieure, au 15 avril 2017.
La société SGIP a adressé deux déclarations de créance, l’une à hauteur de 159.956,19€ correspondant au compte courant débiteur au 5 juillet 2017 et l’autre, à hauteur de 98.550,40€qui correspond à des factures émises du 28 février 2011 au 30 avril 2013. Seule la déclaration de créance de 98.550,40€ est invoquée pour faire remontrer la date de cessation des paiements. C’est à bon droit que les premiers juges ont uniquement tenu compte des factures émises entre le 28 septembre 2012 et le 30 avril 2013 soit une somme de 32.531,20€ compte tenu de l’ancienneté des factures précédentes qui en l’absence d’actes interruptifs établis, apparaissent prescrites.
Les appelantes indiquent que la société SGIP, actionnaire exclusif de la société SIPC jusqu’en avril 2013, a cédé ses parts à la société Sparkal groupe ; que dans le protocole d’accord de cession, il était convenu que ces factures ne seraient pas exigibles ni exigées par la société SGIP et que Maître G… ne justifie d’ailleurs d’aucun acte de recouvrement de la société SGIP, restée associée minoritaire. Il n’est toutefois pas justifié d’un quelconque moratoire ou accord en faveur d’un abandon de créance. La somme de 32.531,20€ doit donc être prise en compte.
S’agissant enfin de la créance de l’URSSAF, déclarée le 2 août 2017, le tribunal a à juste titre pris en compte uniquement la créance de 10.538,01€ au titre de la période de janvier 2017, les créances ultérieures étant très proches de la date provisoire de cessation des paiements. La société SIPC indique que le non paiement de cette somme procède d’une erreur ou d’un oubli car elle avait la trésorerie suffisante pour la régler. Force est de constater que cette somme n’a pas été réglée et s’ajoutait aux autres sommes déjà analysées qui ne l’ont pas non plus été.
Au total, l’intimée établit qu’au 5 janvier 2016, la société SIPC avait un passif certain, liquide et exigible d’environ 535.500€ (3549,73 + 496.158 + 3339 +32.531,20).
Or, s’agissant de l’actif disponible, il convient de prendre en compte les comptes arrêtés au 31 décembre 2015 pour apprécier la possibilité pour la société SIPC de régler le passif exigible au 5 janvier 2016, et il en ressort que les disponibilités de la société s’élevaient à la somme de 58.264€ seulement. S’il est exact que la société bénéficiait alors d’une autorisation de découvert de 200.000€ auprès de la Banque populaire, la cour constate la mention dans les comptes 2015 (page 20) d’un découvert auprès de la BANQUE POPULAIRE de 188.596€. L’autorisation de découvert était donc en très grande partie utilisée. En outre, le bilan comporte à l’actif un poste « clients et comptes rattachés » de 341.178€. Il n’est pas établi que cet actif puisse être réalisé à bref délai dans sa totalité et à supposer même qu’il puisse être pris en compte, le total de l’actif disponible reste inférieur aux créances exigibles susvisées.
Il convient en outre ainsi que l’a fait le tribunal par des motifs pertinents que la cour adopte, de prendre en considération l’évolution de la situation financière de la société dont le chiffre d’affaires a baissé de 2012 (3.982.120€) à 2015 (2.429.413€) alors que le passif exigible (dettes fournisseurs, sociales et fiscales) a augmenté (de 887.005€ à 1.558.691€), d’où une augmentation des pertes sur la même période (-460.745€ fin 2012 et -601.205€ fin 2015), ainsi que le rapport du commissaire aux comptes qui, au sujet des comptes annuels 2015, relevait l’existence d’une « incertitude significative faisant peser un doute sur la continuité d’exploitation ».
Il est donc établi que dès le 5 janvier 2016, l’actif disponible de la société SIPC ne lui permettait pas de faire face à son passif exigible et le jugement sera confirmé en ce qu’il a reporté la date de cessation des paiements de la société SIPC au 5 janvier 2016.
Sur les autres demandes
Au terme de l’article 331 alinéa 2, un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.
En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que par convention de trésorerie signée le 4 janvier 2016, la SOCIÉTÉ ENDUIT DIFFUSION, qui appartient au même groupe que la société SIPC, a prêté à cette dernière une somme de plus de 250.000€ avec en contrepartie, la cession à son profit de l’entière propriété des droits sur les marques appartenant à la société SIPC ainsi que des matériels et outillages de production des produits pour lesquels ces marques étaient exploitées, et que cette avance de trésorerie ne lui étant pas remboursée en juin 2017, la SOCIÉTÉ ENDUIT DIFFUSION a demandé l’activation de la garantie, la société SIPC acceptant par procès verbal d’assemblée générale extraordinaire du 6 juin 2017 de lui céder 8 marques au prix de 210.000€.
Si la convention de trésorerie a été signée avant le 5 janvier 2016, date de cessation des paiements retenue par le tribunal et la cour, la cession de marques, acte translatif de propriété, a en revanche été conclue postérieurement, soit pendant la période suspecte.
Il n’appartient pas à la cour de céans de dire si les conditions de fond de l’action qui sera éventuellement exercée sur le fondement de l’article L632-1 du Code de commerce par la SELARL Villa, en sa qualité de liquidateur de la société SIPC sont ou non réunies à ce jour. En revanche, cette dernière justifie d’ores et déjà, dans la perspective d’une éventuelle action sur ce fondement, d’un intérêt à ce que la présente décision faisant remonter la date de cessation des paiements soit commune à la SOCIÉTÉ ENDUIT DIFFUSION. La cour observe au surplus que le jugement du 8 novembre 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Paris qui a notamment prononcé la déchéance totale de l’une des marques cédée à la SOCIÉTÉ ENDUIT DIFFUSION est frappé d’appel et n’est pas définitif.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef et dans le surplus de ses dispositions, sauf à préciser que la SOCIÉTÉ SPARKAL GOUPE est désormais représentée par son liquidateur Maître K….
La société Sparkal Groupe représentée par son liquidateur, Maître K… et la société Enduit diffusion succombant dans leur appel, les dépens d’appel seront mis à leur charge et elles devront régler à la SELARL G…, ès qualités de liquidateur de la société SIPC la somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
– CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à préciser que la société Sparkal Goupe est désormais représentée par son liquidateur Maître K…;
Y AJOUTANT,
– CONDAMNE Maître K…, ès qualités de liquidateur de la SOCIÉTÉ SPARKAL GOUPE et la SOCIÉTÉ ENDUIT DIFFUSION à verser à la SELARL G…, ès qualités de liquidateur de la société SIPC une indemnité de 3000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– CONDAMNE Maître K…, ès qualités de liquidateur de LA SOCIÉTÉ SPARKAL GOUPE et la SOCIÉTÉ ENDUIT DIFFUSION à verser à la SELARL G… ès qualités de liquidateur de la société SIPC aux dépens.
Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT