Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 mai 2021, 19-21.999, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 mai 2021, 19-21.999, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 27 mai 2021

Cassation partielle

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 611 F-D

Pourvoi n° E 19-21.999

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2021

M. [E] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 19-21.999 contre l’arrêt rendu le 2 juillet 2019 par la cour d’appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l’opposant à la société Charles André, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La société Charles André a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Maron, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [F], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Charles André, après débats en l’audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maron, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 2 juillet 2019), M. [F] a été engagé par la société CGA Trans le 1er octobre 1988. Son contrat a été transféré à la société Charles André Management puis à la société Charles André.

2. Il dirigeait, en dernier lieu, la filiale Sotrogaz au Maroc.

3. Il a été licencié pour faute grave le 30 mars 2015.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, les première, deuxième, quatrième à sixième branches du deuxième moyen du pourvoi principal du salarié et le moyen unique du pourvoi incident de l’employeur, ci-après annexés

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal du salarié, pris en ses trois première branches

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de toutes ses demandes au titre des heures supplémentaires accomplies, outre congés payés afférents et au titre des repos compensateurs afférents, outre congés payés, alors :

« 1°/ que selon l’article L. 3111-2 du code du travail, sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise ; qu’en retenant que les fonctions de l’exposant en qualité de directeur de la société Sotragaz  »revêtaient une grande importance pour son employeur puisque, outre la direction de la société Sotragaz au Maroc, sa mission s’étendait au continent africain », que  »compte tenu de son isolement par rapport à la société mère située en Europe, et du périmètre de sa mission de travail à savoir pour partie le continent africain il disposait d’une large autonomie dans sa prise de décision et d’une grande indépendance dans l’organisation de son travail » et enfin qu’il siégeait au sein du comité de direction de la société employeur et que  »outre la qualité de président directeur général de la société Sotragaz dont il a rendu compte de l’action auprès des actionnaires à l’occasion du conseil d’administration, il exerçait également les mandats d’administrateur des sociétés Sotragaz, GCA Routes et GCA Transport, sociétés membres du groupe Charles André concourant à ce titre à la prise de décision au plus haut niveau de la société Charles André », sans examiner les fonctions réellement exercées par le salarié au regard de chacun des trois critères précités afin de vérifier si le salarié participait à la direction de l’entreprise, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3111-2 du code du travail ;

2°/ qu’en affirmant que nommé en qualité de directeur de la société Sotragaz à compter du 1er juin 2013, l’exposant percevait un salaire de base de 10 000 euros bruts  »soit, compte tenu de sa qualité de dirigeant de la société, une des rémunérations les plus élevées de la société », sans nullement justifier ce point, lequel était précisément contesté par l’exposant, la cour d’appel s’est prononcée par voie d’affirmation péremptoire en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l’employeur avait fait valoir qu’  »à compter du mois de juin 2013, Monsieur [F] s’est vu confier la direction opérationnelle de la société Sotragaz, filiale marocaine du groupe Charles André », qu’  »au dernier état des relations contractuelles (il) occupait des fonctions identiques » et encore qu’  »en sa qualité de Directeur opérationnel de la société Sotragaz » il était cadre dirigeant ; qu’en énonçant que  »outre la qualité de président directeur général de la société Sotragaz dont il a rendu compte de l’action auprès des actionnaires à l’occasion du conseil d’administration, il exerçait également les mandats d’administrateur des sociétés Sotragaz, GCA Routes et GCA Transport, sociétés membres du groupe Charles André concourant à ce titre à la prise de décision au plus haut niveau de la société Charles André » , sans nullement rechercher ni préciser d’où il ressortait que l’exposant aurait occupé ces titres et fonctions, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 3111-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires accomplies à compter du 1er juin 2013, l’arrêt retient, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que celui-ci était un cadre dirigeant de l’entreprise dès lors que, nommé directeur de la société Sotrogaz à compter du 1er juin 2013, il percevait une des rémunérations les plus élevées de la société. Il ajoute que les fonctions qu’il exerçait revêtaient une grande importance pour son employeur puisque, outre la direction de la société Sotrogaz au Maroc, sa mission s’étendait au continent africain et que, compte tenu de son isolement par rapport à la société-mère, située en Europe, et du périmètre de sa mission de travail, à savoir pour partie tout le continent africain, il disposait d’une large autonomie dans sa prise de décision et d’une grande indépendance dans l’organisation de son travail. Il précise enfin que l’intéressé siégeait au comité de direction de la société Charles André et exerçait des mandats d’administrateur de sociétés membres du groupe Charles André, concourant à ce titre à la prise de décision au plus haut niveau de la société Charles André.

7. La cour d’appel, en se déterminant ainsi pour la période postérieure au 1er juin 2013, a, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision.

8. Le moyen ne saurait dès lors être accueilli.

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

9. Le salarié fait les mêmes griefs à l’arrêt, alors « qu’il demandait notamment le paiement des heures supplémentaires qu’il avait accomplies en 2012 et 2013 soit antérieurement à sa nomination, à compter du 1er juin 2013, en qualité de dirigeant de la filiale Sotrogaz au Maroc ; qu’en se fondant exclusivement sur le fait que l’exposant, en sa qualité de président directeur général de la société Sotrogaz à compter du 1er juin 2013, avait la qualité de cadre dirigeant de la société employeur, pour retenir qu’il ne pouvait en conséquence revendiquer l’application des dispositions du code du travail relatives à la durée du travail, sans nullement rechercher ni préciser à quel titre il ne pouvait bénéficier de la législation relative aux heures supplémentaires jusqu’au 1er juin 2013, soit pour la période antérieure à sa nomination en qualité de dirigeant de la société Sotrogaz, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3111-2 du code du travail, ensemble l’article L. 3171-4 dudit code. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 3111-2 du code du travail :

10. Selon ce texte, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou leur établissement. Ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l’entreprise.

11. Pour rejeter la demande du salarié en paiement d’heures supplémentaires en ce qui concerne la période antérieure au 1er juin 2013, l’arrêt retient notamment que le salarié avait été nommé directeur de la société Sotragaz à compter du 1er juin 2013, et que, compte tenu de sa qualité de dirigeant de la société, il percevait une des rémunérations les plus élevées de celle-ci.

12. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants pour la période antérieure au 1er juin 2013, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le deuxième moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

13. Le salarié fait grief à l’arrêt de limiter la condamnation de l’employeur aux sommes de 5 000 euros bruts à titre de solde de prime d’objectifs année 2011 payable en 2012, outre congés payés afférents, de 7 500 euros bruts à titre de solde de prime d’objectifs année 2012 payable en 2013 outre congés payés afférents et de le débouter de ses demandes à ce titre pour les années 2013 (prime payable en 2014), 2014 (prime payable en 2015) et 2015 (prime payable en 2016), alors « qu’ayant constaté que le salarié avait perçu 17 500 euros en 2013 au titre de la prime annuelle sur objectifs, que le montant maximum de la prime doit être fixé à 30 000 euros et que le salarié  »est en conséquence fondé à réclamer le solde dû pour les primes exigibles en 2012 et 2013 », la cour d’appel qui néanmoins condamne l’employeur à payer la seule somme de 7 500 euros au titre de la prime exigible en 2013, n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il ressortait que le solde de prime annuelle d’objectifs exigible en 2013 était de 12 500 euros (30 000 ? 17 500 euros) et a violé l’article 1134 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 1134, devenu 1103 du code civil :

14. Selon ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

15. Après avoir constaté que le salarié avait perçu une prime annuelle sur objectifs de 40 000 euros en 2011, de 25 000 euros en 2012, de 17 500 euros en 2013 et de 30 000 euros en 2014, la cour d’appel a estimé qu’en considération des éléments soumis à son appréciation, le montant de la prime devait être fixé à 30 000 euros et que le salarié était fondé à réclamer le solde dû pour les primes exigibles en 2012 et 2013. Puis, elle a condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 7 500 euros pour cette dernière année, outre 750 euros de congés payés afférents.

16. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que les stipulations contractuelles devaient conduire à allouer au salarié une somme complémentaire de 12 500 euros au titre de la prime payable en 2013, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute M. [F] de ses demandes au titre des heures supplémentaires accomplies à compter du 30 mars 2012 et antérieurement au 1er juin 2013 et congés payés afférents ainsi qu’au titre des repos compensateurs et congés payés afférents relatifs à la même période et fixe à 7 500 euros la somme allouée à M. [F] à titre de solde de prime d’objectifs année 2012 payable en 2013 outre 750 euros de congés payés afférents, l’arrêt rendu 2 juillet 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry ;

Condamne la société Charles André aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Charles André et la condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé par Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président en ayant délibéré en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. [F].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L’ARRÊT ATTAQUÉ D’AVOIR jugé que le licenciement de l’exposant reposait sur une cause réelle et sérieuse et de l’avoir débouté de toutes ses demandes à ce titre et notamment de celles tendant au paiement d’une indemnité de préavis, d’indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’au titre de ses primes d’objectifs exigibles en 2015 et 2016 et à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive de son contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE sur la prescription: L’article L. 1332-4 du code du travail édicte qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. Il ressort des factures produites aux débats par la société Charles André que M.[F] a régulièrement séjourné au sein de l’hôtel Sofitel à Casablanca à compter du mois de juin 2013, que les factures émises entre les mois de juin et juillet 2013 comprennent l’indication du nom de M.[F] ainsi que le détail précis des prestations facturées à l’employeur (transport, mini-bar, SPA massage, retraits en liquide), qu’à compter du mois de septembre 2013, ces factures sont libellées à l’ordre de la société Charles André, sans indication du nom de leur bénéficiaire, et qu’elles mentionnent uniquement le montant journalier facturé à la société Charles André sans préciser la nature des prestations fournies ; que la société Charles André verse aux débats le détail de ses frais généraux pour la période courant de l’exercice 2010 à l’exercice 2013 dont il ressort que pour les exercices 2010, 2011 et 2013 le compte «VOYAGES ET DEP H.PERS » de la société Sotragaz est passé de 101 746 ? à 241 699 ? puis à 361 643 ? ; que le 30 décembre 2014, le directeur administratif et financier de la société Charles André a sollicité de l’hôtel Sofitel le détail des factures pour la période courant de juin 2013 au 30 décembre 2014 ; que au terme d’un rapport d’enquête interne du 5 février 2015, la direction financière de la société Charles André, après analyse des factures détaillées de la société Sofitel, transmises le 30 janvier 2015, a relevé l’existence de dépenses, qu’elle a estimé personnelles à M.[F], qui lui été facturées par la société Sofitel et consistant dans des frais de spa, massage, hammam et remise en forme, des consommation au bar, des retraits d’espèces auprès de l’hôtel, ainsi que des frais de restauration et de taxi douteux ; que il ressort de ce qui précède que les dépenses liées au poste «VOYAGES ET DEP H.PERS » de la société Sotragaz ont augmenté notablement en 2012 puis en 2013, année de la nomination de M.[F] en qualité de directeur de la société Sotragaz, que l’opacité des factures émises par la société Sofitel à compter de septembre 2013 ne permettait pas de connaitre le détail des opérations facturées à la société Charles André et ainsi de détecter d’éventuelles dépenses frauduleuses et que les faits retenus à l’encontre de M.[F] dans le cadre de la lettre de licenciement n’ont pu être connus, suite à l’envoi par la société Sofitel de factures détaillées, qu’au terme du rapport d’enquête interne du 5 février 2015 ; que dès lors, la société Charles André a engagé la procédure disciplinaire ayant conduit au licenciement de M.[F] dans le délai de deux mois prévu par l’article L. 1332-4 du code du travail et M.[F] ne peut en conséquence conclure à la prescription des faits invoqués par l’employeur pour procéder à son licenciement ; sur les faits reprochés : Il est de principe que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise ; que M.[F] s’est vu confier, à compter du 1er juin 2013, la direction de la société Sotragaz au Maroc. Il ressort de la note interne de la société Charles André du 27 mars 2013 que sa mission s’étendait principalement au continent africain ; qu’au terme de la lettre de licenciement du 30 mars 2015, il lui est reproché d’avoir, entre juin 2013 et décembre 2014, abusé des moyens de paiement de la société Charles André pour procéder à des retraits d’espèces pour un montant de 13 500 ? et engagé des soins de massage et spa pour un montant de 2 400 ? ; qu’il ressort clairement des factures et du rapport d’enquête précités que la réalité de ces dépenses supportés par l’entreprise, dont M.[F] a été le bénéficiaire, n’est pas contestée ; que par ailleurs, la société Charles André verse aux débats des commandes d’hébergement adressées en juillet 2013 et novembre 2013 à l’hôtel Sofitel [Localité 1] par l’assistante de direction de M.[F] et le témoignage de celle-ci dont il ressort qu’en juillet 2013, il avait été demandé à cet hôtel de faire figurer dans les factures le détail des frais engagés (hébergement, taxes, petits déjeuner, restaurant, transfert aéroport), qu’en novembre 2013, l’hôtel avait reçu pour consignes de mentionner uniquement dans ses factures le montant quotidien des frais engagés et qu’une telle demande relative à la présentation des factures avait été formulée par M.[F] ; que pour justifier de cette demande de modification de la présentation des factures d’hôtel, M.[F] ne peut se fonder sur la note du directeur administratif et financier de la société Charles André suite à une visite des 14 et 15 mai 2012 puisqu’en effet, la directive émise dans cette note ne vise que les dépenses d’hébergement des visiteurs de la société Charles André et non celles des cadres de cette société ; que d’autre part, le rapport de visite rédigé par le directeur administratif et financier de la société Charles André, à l’issue d’une visite de la société Sotragaz les 30 novembre et 1er décembre 2011, relève bien diverses irrégularités ou fraudes relatives à la gestion des stocks, la cession de véhicules ou encore à la tenue de la caisse. En revanche, il n’en ressort pas de manière directe ou indirecte l’allégation à l’encontre des prédécesseurs de M.[F] de faits similaires à ceux retenus pour procéder à son licenciement. Par ailleurs, la circonstance que la dirigeante de la société Charles André ait pu, à titre exceptionnel, réaliser deux dépenses de 530 ? et 125,01 ? à l’aide de la carte affaires de M.[F] dans l’attente de l’activation de sa carte professionnelle ne suffit pas à démontrer, eu égard au caractère ponctuel de telles dépenses, qu’il était usuel dans l’entreprise, pour les cadres de haut niveau, d’acquitter des dépenses personnelles sur les fonds de l’entreprise ; qu’enfin, il ressort clairement de la demande d’hébergement de juillet 2013 que les frais de soins, massage et spa, faute de mention dans ce courrier, n’étaient pas considérés comme devant être acquittés par la société Charles André. M.[F] ne démontre par aucun élément de preuve extrinsèque avoir reçu l’accord de sa direction pour engager de tels soins ; que si M.[F] verse aux débats des articles de presse de la revue « L’Économiste » ou de l’association Transparency international dont il ressort l’imputation de faits de corruption au sein des forces de l’ordre au Maroc, notamment le service des douanes, il ne justifie aucunement qu’il a, avec l’accord de l’employeur, procédé au retrait de ces fonds auprès de l’hôtel Sofitel et employé ceux-ci afin de corrompre l’administration des douanes en vue de faciliter l’activité économique de la société Charles André ; qu’ il résulte de ce qui précède qu’entre juin 2013 et décembre 2014, M.[F] a fait acquitter par la société Charles André des dépenses personnelles, à savoir des retraits d’espèces, des séances de soins, massage et spa, pour un montant total de 15 900 ? et qu’il a tenté de dissimulé l’existence des dépenses vis à vis de son employeur en demandant à l’hôtel Sofitel de modifier la présentation de factures ; que ces faits de détournement de fonds au détriment de l’entreprise, commis par un cadre de très haut niveau chargé de la direction d’une filiale à l’étranger et qui devait en conséquence, compte tenu de l’éloignement, bénéficier de toute la confiance de l’employeur, rendaient impossible le maintien de M.[F] au sein de la société Charles André et justifiaient par conséquent son licenciement pour faute grave. Le jugement déféré, qui a débouté M.[F] de sa contestation de ce chef et de ses demandes indemnitaires connexes sera en conséquence confirmé et M.[F] sera débouté de sa demande tendant à voir juger que son licenciement pour faute grave est dénué de cause réelle et sérieuse et de ses demandes indemnitaires de ce chef ; Sur l’exécution fautive du contrat de travail: M.[F] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice distinct du retard dans le paiement des sommes dont la cour a estimé que la société Charles André était redevable envers son salarié ; que M.[F] sera en conséquence débouté de sa demande en dommages et intérêts de ce chef.

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE sur la faute grave ; que dans la lettre de licenciement, il est fait reproche à Monsieur [F] d’avoir depuis juin 2013, abusé des moyens de paiement de la société Sotragaz et engagé d’importantes dépenses à son profit (13.500 euros en retrait d’espèces et 2400 euros en soins massages, spa?) après avoir fait modifier le lettrage de la facturation à compter de septembre 2013 ; que Madame [T] certifie avoir été l’assistante de Monsieur [F] de mars 2011 à février 2014, que ce dernier lui a demandé en septembre 2013 de faire modifier les factures relatives à ses séjours à l’hôtel Sofitel [Localité 1] et que ne devait plus apparaitre les services consommés mais uniquement la répartition des sommes dues par jour ; que les factures fournies aux débats confirment que ces factures donnant le détail des prestations services sont fournies pour juin et juillet 2013 et qu’à compter de septembre 2013, seules les dépenses globales sont mentionnées ; que la société CHARLES ANDRE, après réclamation auprès de Sofitel a reçu le 20 janvier 2015 (date de l’édition des factures étant le 12 janvier 2015) des factures détaillées laissant apparaître des retraits d’espèces et des soins divers (hammam, spa) ; que les retraits en espèces sont importants par rapport à la durée des séjours, au coût de la vie locale et que Monsieur [F] n’en justifie pas l’usage à la barre ; que la société CHARLES ANDRE soulève que ces frais non justifiés sont sciemment effacés des factures à la demande de Monsieur [F] ; que la société CHARLES ANDRE a eu connaissance des faits le 20 janvier 2015 et qu’elle a convoqué Monsieur [F] le 9 mars 2015 pour un entretien préalable au licenciement, le délai de prescription de 2 mois défini à l’article L 1332-4 du code du travail n’ayant pas été dépassé ; que la cour estime que les faits notifiés par la société CHARLES ANDRE à Monsieur [F] justifient un licenciement reposant sur une faute grave et en conséquence déboute Monsieur [F] de ses demandes indemnitaires afférentes ;

1°) ALORS D’UNE PART QU’ en l’espèce, pour dire que les faits reprochés à l’exposant, sur la période juin 2013 au 30 décembre 2014, n’étaient pas prescrits, la cour d’appel a considéré que le 30 décembre 2014, le directeur administratif et financier de la société employeur avait sollicité de l’hôtel Sofitel le détail des factures pour ladite période, que ce n’est qu’au terme d’un rapport d’enquête interne du 5 février 2015 que la direction financière de la société employeur, après analyse des factures détaillées de la société SOFITEL transmises le 30 janvier 2015, avait relevé l’existence de dépenses qu’elle a estimé personnelles au salarié et que l’opacité des factures émises par la société SOFITEL à compter de septembre 2013 ne permettait pas de connaitre le détail des opérations facturées à la société Charles André et ainsi de détecter d’éventuelles dépenses frauduleuses; qu’en statuant ainsi sans nullement rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si le fait, non contesté, que la société employeur, pendant toute la période litigieuse soit de juin 2013 à décembre 2014, avait réglé les factures de la société SOFITEL, lesquelles entre les mois de juin et juillet 2013 « comprennent l’indication du nom de M. [F] ainsi que le détail précis des prestations facturées à l’employeur (transport, mini-bar, SPA massage, retraits en liquide) » (arrêt p 4 § 6) puis, à compter de septembre 2013 ne comportent plus le détail des opérations, sans jamais en remettre en cause le bien-fondé ou la régularité, alors au surplus que l’employeur savait que sur les exercices 2010,2011 et 2013 le compte « Voyages et DEP H.PERS » de la société Sotragaz était passé de 101.746 euros à 241.699 euros puis à 361.643 euros (arrêt p 4 §7) ne démontrait pas qu’en réalité la société employeur, après son abstention fautive pendant 18 mois, avait feint de faire démarrer son enquête en décembre 2014 afin de « monter un scénario juridiquement valable dans le but d’évincer l’exposant dans un contexte de compression de la masse salariale sans risquer de se voir opposer la prescription », la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

2°) ALORS D’AUTRE PART QU’ aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu une connaissance exacte et précise ; que l’abstention fautive de l’employeur qui, informé de l’existence de faits susceptibles de caractériser une faute, a omis d’effectuer les enquêtes et investigations qui lui auraient permis d’avoir la connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié, le prive de la faculté de se prévaloir par la suite de l’absence de prescription de la faute ; Qu’ayant expressément relevé d’une part que « les factures émises entre le mois de juin et juillet 2013 comprennent l’indication du nom de M. [F] ainsi que le détail précis des prestations facturées à l’employeur (transport, mini-bar, SPA massage, retraits en liquide) », d’autre part que l’employeur était parfaitement informé dès la fin de l’année 2013 de l’augmentation sensible du compte « VOYAGES ET DEP H.PERS » de la société Sotragaz qui était passé de 101.746 euros en 2010, à 241.699 en 2011 et à 361.643 euros en 2013, et dès lors que, comme l’avait fait valoir l’exposant, l’employeur avait, depuis juin 2013, réglé l’ensemble des factures de l’hôtel, sans jamais en remettre en cause le bien-fondé ou la régularité, bien qu’elles ne comportaient plus aucune indication du nom du bénéficiaire ni précision de la nature des prestations fournies, la cour d’appel qui se borne à relever que le 30 décembre 2014, le directeur administratif et financier de la société employeur avait sollicité de la société Sofitel le détail des factures pour la période de juin 2013 au 30 décembre 2014 et que l’opacité des factures émises par la société SOFITEL à compter de septembre 2013 ne permettait pas de connaitre le détail des opérations facturées à la société Charles André et ainsi de détecter d’éventuelles dépenses frauduleuses, sans nullement rechercher, si, antérieurement au 30 décembre 2014, l’employeur n’avait pas, par son comportement et son abstention fautive, omis de s’interroger sur les faits litigieux et les factures qu’elle avait payées sans en remettre en cause ni le bien-fondé ni la régularité de sorte que c’est tardivement, au regard du délai de prescription des faits, qu’elle avait engagé la procédure de licenciement, n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L 1332-4 du code du travail.

3°) ALORS ENFIN QUE lorsque le salarié soutient que les motifs véritables de son licenciement ne sont pas ceux énoncés dans la lettre de rupture, il incombe au juge de vérifier quelle est la cause exacte du licenciement ; que l’exposant avait fait valoir et offert de rapporter la preuve par la production d’une note interne confidentielle du 6 janvier 2015 faisant état d’importantes difficultés économiques dans le groupe et de la nécessité de « serrer les boulons » au maximum, que la véritable cause de son licenciement ne résidait pas dans les faits invoqués dans la lettre de licenciement relatifs au contenu de factures de l’hôtel Sofitel que l’employeur avait réglées de juin 2013 à décembre 2014 sans jamais en remettre en cause le bien-fondé ou la régularité, mais dans un motif économique inavoué (conclusions d’appel p 15 et 16); qu’en s’abstenant de vérifier la cause exacte du licenciement et de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée si, le licenciement n’était pas de nature économique, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L 1235-1 du code du travail ;

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE A L’ARRÊT ATTAQUÉ D’AVOIR limité la condamnation de l’employeur aux sommes de 5000 euros bruts à titre de solde de prime d’objectifs année 2011 payable en 2012, outre congés payés y afférents, de 7.500 euros bruts à titre de solde de prime d’objectifs année 2012 payable en 2013 outre congés payés y afférents et de l’avoir débouté de ses demandes à ce titre pour les années 2013 (prime payable en 2014), 2014 (prime payable en 2015) et 2015(prime payable en 2016) ;

AUX MOTIFS QUE Sur les primes d’objectifs année 2011, année 2012, année 2013, année 2014 et année 2015 : M. [F] a perçu une prime annuelle sur objectifs de 40 000 ? en 2011, de 25 000 ? en 2012, de 17 500 ? en 2013 et de 30 000 ? en 2014. Il ressort de ses bulletins de paie que la prime sur objectifs afférentes à l’année 2011 lui a été réglée en novembre 2012. M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes le 19 juin 2015, soit dans le délai de trois ans prévu par l’article L. 3245-1 du code du travail à compter de la date de paiement de cette prime. Sa demande au titre du solde de celle-ci s’avère en conséquence recevable ; qu’il est de principe que lorsque le contrat de travail prévoit une prime sur objectifs annuelle, il appartient à l’employeur d’en fixer les conditions d’un commun accord avec le salarié lorsque le contrat de travail prévoit cette modalité ou, dans la négative, de fixer unilatéralement les objectifs assignés à son salarié ; qu’il ressort de la répétition du paiement d’une prime sur objectif sur plusieurs années que la société Charles André s’était engagée


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