Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 mai 2015, 14-10.005, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 mai 2015, 14-10.005, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1273 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a été engagé le 1er septembre 2008, en qualité de directeur commercial, par la société Scarabus et nommé le même jour président de la société ; que celle-ci ayant été placée en liquidation judiciaire le 12 janvier 2011, le liquidateur judiciaire a licencié, le 26 janvier 2011, M. X…, lequel a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir, notamment, la fixation de sa créance de salaires non perçus de juillet à décembre 2010 ;

Attendu que pour le débouter de sa demande, l’arrêt retient qu’il est constant que le salarié, qui demande le paiement de ses salaires impayés à compter de juillet 2010, n’a adressé aucune réclamation écrite à son employeur jusqu’à leur déclaration entre les mains du liquidateur judiciaire six mois plus tard, que la poursuite de son activité pendant ces six mois sans formuler de réclamation salariale à celui qu’il désigne aujourd’hui comme son employeur, même lorsqu’il lui rend compte de la situation de l’entreprise sur ce point, ne s’explique que par sa volonté, en tant que représentant légal de la société qui avait été chargé de redresser sa situation, de ne pas l’obérer davantage en acceptant de transformer sa créance salariale, de nature alimentaire et donc exigible mensuellement, en créance civile dans l’espoir d’un redressement, auquel il avait été personnellement intéressé par une rémunération variable totalement exorbitante, qu’il n’oppose aucun argument à cette novation, en prêt, des salaires échus jusqu’au jugement de liquidation judiciaire, novation qui s’oppose en conséquence à leur fixation et à leur garantie par l’AGS ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il ne résulte pas de ces constatations une volonté non équivoque du salarié de renoncer à sa créance salariale ou de lui substituer une obligation nouvelle, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute M. X… de sa demande d’inscription au passif de la société Scarabus de la somme de 39 000 euros à titre de rappel de salaires pour la période de juillet à décembre 2010, l’arrêt rendu le 31 octobre 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Gauthier-Sohm, ès qualités, aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X… ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. X…

Le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait fixé au passif de la société SCARABUS la somme de 39.000 ¿ à titre de rappel de salaire pour la période antérieure au jugement de liquidation judiciaire concernant la société SCARABUS et D’AVOIR débouté M. X… de la demande qu’il avait formée afin de voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SCARABUS la créance de salaire à cette somme ;

AUX MOTIFS QUE le cumul d’un mandat social et d’un contrat de travail est possible à la condition que l’intéressé justifie qu’il exerçait une fonction technique distincte de son mandat social dans un lien de subordination à l’égard de la société ; qu’il résulte des pièces produites au dossier que quinze jours après son embauche et sa nomination au sein de la société SCARABUS, M. X… a reçu un courriel de M. Y…, actionnaire principal de la société, lui adressant le compte rendu écrit de la réunion du même jour, avec l’organigramme de la société et un point sur l’organisation des achats, le suivi des stocks et le planning des réunions à suivre ; que M. Y… y indiquait souhaiter donner son avis sur les mutations inter service, les sanctions disciplinaires ou les augmentations du personnel, limité à six personnes en sus du directeur commercial, attendait ses propositions pour les achats durant le dernier trimestre 2008, et lui demandait de lui faire parvenir au plus vite l’état du stock complet, le tableau récapitulatif des prix achats et ventes et une étude détaillée des marges, lui annonçant le planning des réunions hebdomadaires et les points téléphoniques journaliers venant alimenter et construire l’ensemble des réunions à venir ; que M. X… a adressé à M. Y…, par lettre du 1er décembre 2008, l’état des stocks et a établi, le 22 décembre suivant, le compte rendu de la réunion achat et vente ; que le 4 janvier 2009, il lui a envoyé le compte rendu d’une réunion sur la refonte du site internet avec le résumé des demandes de son interlocuteur ; que le 7 janvier, M. Y… a validé le projet en demandant au salarié qu’il lui envoie la gamme complète des produits ; que le 20 mai 2009, M. X… a adressé le rapport de son activité de la fin de l’exercice, rappelant que le dépassement du budget était dû au licenciement d’un salarié à sa demande ; que, par courriel du 14 septembre 2009, M. Y… formule un certain nombre de remarques sur différents points, chiffre d’affaires, préparation des fêtes, refonte du site, embauche de nouveaux vendeurs à laquelle il souhaite participer ; que, par la suite, il envoie à M. X… des instructions sur un Dual Technologies auquel il lui demande d’apporter des modifications ; que, par courriel du 17 mars 2010, M. X… adresse à M. Y… le référencement de la marque Revatto et lui demande sa validation afin de pouvoir valider les contrats en cours ; que, le 6 septembre 2010, il lui adresse pareillement les promos de décembre afin qu’il valide le choix des produits ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments, d’une part, que M. X… a bien effectué une prestation technique commerciale distincte de la direction de la société, d’autre part, que cette fonction commerciale s’est exercée sous la subordination directe de l’actionnaire principal, M. Y…, dont il recevait les directives et à qui il rendait compte ; que la réalité du contrat de travail n’est donc pas contestable et que le jugement sera confirmé sur ce point ; que, par ailleurs si la novation ne se présume pas, elle peut en revanche ressortir des faits de la cause ; qu’il est constant que le salarié, qui demande le paiement de ses salaires impayés à compter de juillet 2010, n’a jamais adressé la moindre réclamation écrite à son employeur jusqu’à leur déclaration entre les mains du liquidateur judiciaire, soit six mois plus tard ; que certes, cette absence de réclamation peut se justifier par sa qualité de président de la société pourvu « des pouvoirs les plus larges pour agir en toute circonstance au nom de la société », selon les termes de la résolution de l’assemblée générale du 1er septembre 2008 le nommant à cette fonction et lui conférant donc la signature sur les comptes, en l’absence de directeur général ; qu’il reste qu’il a adressé le 21 décembre 2010 à M. Y… un courriel par lequel il lui transmet le relevé bancaire du virement au 1er décembre d’une partie du salaire d’un des salariés en lui indiquant avoir expliqué à ce dernier leurs difficultés de trésorerie, et avoir établi les fiches de paie des autres collaborateurs en temps et heure « conformément à votre demande », sans en profiter pour lui rappeler sa propre situation, alors que les circonstances s’y prêtaient ; que la poursuite de son activité pendant 6 mois sans qu’il formule la moindre réclamation salariale à celui qu’il désigne aujourd’hui comme son employeur, même lorsqu’il lui rend compte de la situation de l’entreprise sur ce point, ne s’explique que par sa volonté, en tant que représentant légal de la société qui avait été chargé de redresser sa situation, de ne pas l’obérer davantage en acceptant de transformer sa créance salariale, de nature alimentaire et donc exigible mensuellement, en créance civile dans l’espoir d’un redressement, auquel il avait été personnellement intéressé par une rémunération variable totalement exorbitante ; que l’intimé n’oppose au demeurant aucun argument à cette novation, en prêt, des salaires échus jusqu’au jugement de liquidation judiciaire, novation qui s’oppose en conséquence à leur fixation et à leur garantie par l’AGS ; qu’en revanche, cette novation est sans emport sur la créance du salarié au titre du solde de son salaire postérieur au jugement de liquidation et de ses indemnités de rupture, tels qu’ils ont été fixés par le conseil de prud’hommes, leur montant, rectification des congés payés comprise, n’appelant pas de discussion des parties ;

1. ALORS QUE la novation ne se présume point ; qu’il s’ensuit que la novation de la créance de salaire en une autre obligation de nature civile doit résulter d’un acte positif démontrant la volonté non équivoque du salarié d’éteindre l’obligation en paiement de ses salaires née du contrat de travail pour lui substituer une obligation nouvelle ; qu’en décidant que M. X… était inspiré par l’intention de nover sa créance de nature salariale en une autre obligation civile dans l’espoir d’un redressement de la société SCARABUS, auquel il était intéressé par la promesse d’une rémunération variable, après avoir retenu qu’il n’avait formé aucune réclamation salariale pendant une durée de six mois tout en établissant les fiches de paie des autres salariés de l’entreprise, la cour d’appel, qui n’a caractérisé aucun acte positif et non équivoque de la volonté de la salariée d’éteindre l’obligation en paiement de ses salaires née du contrat de travail pour lui substituer une obligation nouvelle, a violé les articles 1271 et 1273 du Code civil ;

2. ALORS QUE le silence opposé à l’affirmation d’un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait ; qu’en décidant l’intention de nover du silence de M. X… qui n’aurait opposé aucun argument à cette novation, la cour d’appel a violé l’article 1315 du Code civil, ensemble les articles 1271 et 1273 du Code civil.

ECLI:FR:CCASS:2015:SO00927


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