Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 9 novembre 1992, 92-81.432, Publié au bulletin

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 9 novembre 1992, 92-81.432, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :

– X… Dominique, prévenu,

contre l’arrêt de la cour d’appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 5 novembre 1991, qui, prononçant sur les seuls intérêts civils du chef d’abus de biens sociaux, a reçu la constitution de partie civile de la société LJD, lui a donné acte de ce que celle-ci se limitait à corroborer l’action publique, et a condamné le prévenu à lui payer la somme de 2 000 francs au titre des frais irrépétibles en cause d’appel.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen de cassation, pris de la violation des articles 425.4° et 431 de la loi du 24 juillet 1966, 2 et 10, 87, alinéa 1er, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

 » en ce que l’arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a reçu la constitution de partie civile de la société LJD à laquelle il est donné acte de ce que son intervention se limite à corroborer l’action publique et a condamné X… à payer 2 000 francs au titre des frais irrépétibles en cause d’appel ;

 » aux motifs que s’il est exact que le créancier de la société ne peut souffrir à raison du délit d’abus de biens sociaux que d’un préjudice indirect, cette règle ne saurait empêcher la constitution de partie civile qui n’est pas motivée que par le souci de corroborer l’action publique ; que c’est donc à bon droit que le Tribunal a accueilli la constitution de partie civile de la société LJD alors même que la réparation de son préjudice échappe à la compétence de la juridiction répressive et que par ailleurs elle poursuit effectivement la réparation de ce préjudice devant la juridiction commerciale ; qu’il sera alloué à la société LJD au titre des frais irrépétibles en cause d’appel la somme de 2 000 francs ;

 » alors que, seuls les associés et la société eux-même peuvent se dire victimes directes d’un abus de biens sociaux à l’exclusion des créanciers ou des salariés de la société ; que le caractère indirect du préjudice allégué par la société plaignante sur la base de sa qualité de créancier, suffisait à justifier l’irrecevabilité de sa constitution de partie civile fût-ce pour corroborer l’action publique  » ;

Vu les textes précités, spécialement les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ;

Attendu que le délit d’abus des biens ou du crédit d’une société ne cause de préjudice direct qu’à la société elle-même et à ses actionnaires ; que les créanciers de la société ne peuvent souffrir que d’un préjudice qui, à le supposer établi, serait indirect et dont la réparation, dès lors, ne pourrait être demandée qu’aux juridictions civiles ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que le 21 janvier 1987 la SA Lubrifiants LJD, franchiseur et principal créancier de la SARL Oil Production dirigée par Dominique X…, a déposé plainte avec constitution de partie civile pour abus de biens de cette dernière société, dont le règlement judiciaire, prononcé en octobre 1985, était, selon la plaignante, imputable aux malversations de son gérant ; que, par jugement du 14 mars 1991, devenu sur ce point définitif, X… a été déclaré coupable du délit d’abus de biens sociaux et pénalement sanctionné ;

Attendu que pour recevoir, comme corroborant l’action publique, la constitution de partie civile de la société LJD, qui faisait valoir qu’elle avait connu d’importantes difficultés financières à la suite du non-recouvrement de sa créance, et lui accorder au titre de ses frais irrépétibles en cause d’appel la somme de 2 000 francs, la juridiction du second degré énonce que  » s’il est exact que le créancier de la société ne peut souffrir à raison du délit d’abus de biens sociaux que d’un préjudice indirect, cette règle ne saurait empêcher la constitution de partie civile qui n’est motivée que par le souci de corroborer l’action publique, alors même que la réparation du préjudice échappe à la compétence de la juridiction répressive et que, par ailleurs, la partie civile poursuit effectivement la réparation de ce préjudice devant la juridiction commerciale  » ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’action civile devant les tribunaux répressifs est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites fixées par les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des principes susvisés ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, en ses seules dispositions concernant la recevabilité de l’action de la société LJD, l’arrêt de la cour d’appel de Rennes du 5 novembre 1991 ;

Et attendu qu’il ne reste rien à juger ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi.


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