Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
FAITS ET PROCEDURE Par exploit d’huissier en date du 21 et 22 octobre 1998, la société de droit Libanais MISTRAL SAL a saisi le Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE d’une demande de mise sous séquestre de 11.438.537 actions émises par la Compagnie Générale Maritime – C.G.M. et détenues par la C.G.M.- C.M.A. HOLDING. Par ordonnance en date du 24 novembre 1998 à laquelle il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le magistrat sus-désigné a statué dans les termes ci-après : « Déclarons la société COMPAGNIE MARITIME D’AFFRETEMENT recevable en son intervention volontaire ; Donnons acte à la société C.G.M.-C.M.A. HOLDING de son engagement de ne céder à quiconque les actions COMPAGNIE GENERALE MARITIME détenues par elle jusqu’à ce que la Cour de VERSAILLES ait statué sur l’appel interjeté contre notre ordonnance du 04 novembre 1998, et, au cas où celle-ci serait confirmée, jusqu’à ce qu’il soit statué définitivement sur l’instance introduite devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE et concernant la propriété de ces mêmes actions ; Déboutons la société MISTRAL SAL de sa demande de séquestre des actions de la COMPAGNIE GENERALE MARITIME ; Condamnons la société MISTRAL SAL aux dépens et à payer la somme de 50.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile à chacune des sociétés défenderesses et à l’intervenante volontaire ; Déboutons les parties du surplus de leurs demandes respectives en toutes fins qu’elles comportent ; Rappelons que l’exécution provisoire est de droit ; Appelante de cette décision, la société MISTRAL SAL, après avoir rappelé les nombreuses procédures qui l’opposent à ses adversaires, fait grief au premier juge d’avoir méconnu ce contexte conflictuel qui, selon elle, suffit à caractériser la manière frauduleuse dont la société HOLDING C.M.A.-C.G.M. s’est approprié les actions en litige et le dommage irréversible et imminent qui pourrait en résulter, dès lors que ladite société HOLDING conserverait la
possibilité d’exercer librement le pouvoir attaché à ces actions qui lui assurent le contrôle de la C.G.M. et ce, alors même que Monsieur X… SAADE, Président de la HOLDING, a été mis en examen par un juge d’instruction avec un contrôle judiciaire lui faisant interdiction d’administrer les sociétés dont il assure la présidence. Elle déduit de là que sa demande est parfaitement justifiée et elle demande à nouveau à la Cour de : À ordonner la mise sous séquestre des 11.483.537 actions C.G.M., actuellement détenues par la société HOLDING C.M.A.-C.G.M. ; À dire que la société HOLDING C.M.A.-C.G.M. sera privée durant le séquestre, de son droit de vote ; À dire que ce droit de vote sera exercé par le seul séquestre et uniquement à l’occasion des Assemblées Générales Ordinaires ; Elle réclame également à chacun des intimés, une indemnité de 100.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. » La société HOLDING C.M.A.-C.G.M. et Monsieur X… SAADE exposent tout d’abord que la présente action s’inscrit dans le cadre d’une entreprise de déstabilisation menée à leur encontre, tant sur le plan judiciaire que médiatique, par Monsieur Johnny SAADE à travers la société MISTRAL SAL qu’il contrôle. Ils font ensuite valoir que l’appel est désormais dépourvu d’objet dès lors que le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a, par jugement passé en force de chose jugée, débouté la société MISTRAL SAL de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la cession par la société C.M.A. à HOLDING C.M.A.-C.G.M. des 11.483.537 francs qu’ils détenaient dans la C.G.M. et que, de même, la fusion entre la C.G.M. et la C.M.A. a été réalisée, par voie d’absorption de la C.M.A., conformément à la décision rendue le 10 décembre 1998 par la Cour d’Appel de VERSAILLES, ajoutant que la seule circonstance tenant à l’existence d’une procédure pénale en cours, laquelle participe au harcèlement judiciaire précédemment évoqué, ne saurait justifier la mesure
sollicitée ou caractériser un péril imminent. Les intimés sollicitent en conséquence la confirmation en toutes ses dispositions de l’ordonnance déférée sauf à se voir accorder chacun une indemnité complémentaire de 100.000 francs en couverture des frais qu’ils ont été contraints d’exposer devant la Cour. La société C.M.A.-C.G.M., également intimée, développe la même argumentation que la société HOLDING C.M.A.-C.G.M. et Monsieur X… SAADE, précisant que la chambre d’accusation de la Cour d’Appel de VERSAILLES a, par arrêt du 25 mai 1999, levé l’interdiction d’administrer prononcée à l’encontre de Monsieur X… SAADE. Elle conclut dès lors aussi à la confirmation de l’ordonnance déférée, sauf à se voir allouer une indemnité complémentaire de 100.000 francs en couverture de ses frais. » MOTIFS DE LA DECISION Considérant qu’une mesure de séquestre ne peut être ordonnée en référé qu’autant que le demandeur justifie d’un péril imminent ou d’un trouble manifestement illicite au sens de l’article 873 du nouveau code de procédure civile ; considérant que la société MISTRAL se prévaut, ainsi qu’il a été dit précédemment, du caractère litigieux des actions dont la société HOLDING C.M.A.-C.G.M. serait, selon elle, frauduleusement devenue propriétaire et du dommage irréversible et imminent qui en résulterait pour elle dès lors que serait laissé à la société HOLDING C.M.A.-C.G.M. la possibilité de s’assurer, à travers les pouvoirs attachés aux actions, le contrôle de la C.G.M. ; qu’à l’appui de son recours, elle invoque les nombreuses procédures judiciaires en cours qui, toujours selon elle, caractérisent le contexte conflictuel susévoqué et suffisent à légitimer son action conservatoire ; mais considérant qu’il apparaît des pièces des débats que, depuis le prononcé de la décision dont appel, le Tribunal de Commerce de MARSEILLE a, par jugement en date du 18 juin 1999, débouté la société MISTRAL SAL de son action tendant à voir prononcer la nullité de la cession par la
C.M.A. à la HOLDING C.M.A.-C.G.M. des 11.483.537 actions qu’elle détenait dans la C.G.M. ; qu’il suit de là que, en vertu de l’autorité même provisoire de la chose jugée attachée à ce jugement, la société MISTRAL SAL ne peut plus, en l’état, se prévaloir utilement d’un péril imminent résultant de la prétendue appropriation frauduleuse des actions par la HOLDING C.M.A.-C.G.M. ; considérant que, de même, il apparaît que, à la suite de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de ce siège le 20 décembre 1998, la fusion entre la C.G.M. et la C.M.A., par voie d’absorption de la C.M.A., a été réalisée sur décision des actionnaires des deux sociétés réunies en Assemblées Générales Extraordinaires le 27 septembre 1999 ; qu’il en résulte que la perspective d’une prise de contrôle de la C.G.M., invoquée par la société MISTRAL SAL, ne peut plus servir de fondement à la mesure de séquestre et ce, d’autant que l’opération de fusion en question a été réalisée sur autorisation judiciaire, de sorte que l’appelante ne peut plus désormais invoquer le péril imminent ou le trouble manifestement illicite qui pourrait résulter de cette prise de contrôle ; considérant enfin que, s’agissant de la procédure pénale en cours, force est encore de constater que l’interdiction de gérer prononcée à l’encontre de Monsieur X… SAADE a été levée par la Chambre d’Accusation et que la société MISTRAL ne démontre pas en quoi cette information pénale, même si elle traduit un contexte éminemment conflictuel rappelé par le Tribunal de Commerce de MARSEILLE dans son jugement du 18 juin 1999 opposant Monsieur X… à Monsieur Johnny SAADE, serait de nature à remettre en cause l’apparente régularité des opérations précédemment invoquées, et, en tout cas, à justifier la mesure de séquestre sollicitée ; considérant que dans ces conditions, et eu égard à l’évolution du litige que la Cour statuant en matière de référé se doit de prendre en compte, l’ordonnance entreprise sera confirmée, mais par substitution de
motif, en ce qu’elle a refusé de faire droit à la mesure de séquestre réclamée par la société MISTRAL SAL ; considérant que l’équité ne commande cependant pas qu’il soit fait application en cause d’appel de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, les sommes déjà allouées à ce titre par le premier juge étant suffisantes à couvrir l’ensemble des frais exposés à ce jour par les intimés ; considérant enfin que la société MISTRAL SAL, qui succombe, supportera les entiers dépens ; » PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoire et en dernier ressort, REOEOIT la société MISTRAL SAL en son appel, mais DIT celui-ci mal fondé et l’en DEBOUTE ; CONFIRME, mais par substitution de motifs, eu égard à l’évolution du litige, l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, DIT n’y avoir lieu en cause d’appel à application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ; CONDAMNE la société MISTRAL SAL, qui succombe, aux entiers dépens exposés à ce jour et AUTORISE la SCP d’Avoués BOMMART-MINAULT, à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant, comme il est dit à l’article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER
LE PRESIDENT M. Thérèse Y…
F. ASSIÉ