Cour d’appel de Paris, du 19 mars 2002

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Cour d’appel de Paris, du 19 mars 2002

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS 1ère chambre, section H ARRET DU 19 MARS 2002

(N , 13 pages) Numéro d’inscription au répertoire général :

2001/17786 Pas de jonction Décision dont recours : décision n° 201C1190 du Conseil des marchés financiers en date du 19/09/2001 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : REJET DEMANDEUR AU RECOURS : Monsieur THARREAU X… demeurant La Commanderie, route de Paris – 49480 SAINT-SYLVAIN D’ANJOU Assisté de Maître Alain GENITEAU, avocat au Barreau de BREST, 44, rue Emile Zola – 29283 BREST CEDEX DEFENDEURS : – Monsieur THARREAU Y… … par la SCP GAULTIER-KISTNER-GAULTIER, avoués, 148, boulevard Hausmann – 75008 PARIS Assistés de Maître Sylvain PELTIER, avocat au Barreau de PARIS, Cabinet CLIFFORD-CHANCE, 112, avenue Kléber – 75116 PARIS, Toque K 112 EN PRESENCE DES : 1 ) CONSEIL DES MARCHES FINANCIERS, 31, rue Saint Augustin – 75001 PARIS Représenté par Maître TEYTAUD, avoué, 4-6, quai d la Mégisserie – 75001 PARIS Assisté de Maître Diane PASTUREL, avocat au Barreau de Paris, 9, rue des Pyramides – 75001 PARIS, Toque R 279 2 ) COMMISSION DES OPERATIONS DE BOURSE, 17, Place de la Bourse 75082 – PARIS CEDEX 2 Représentée par Monsieur Bertrand Z…, muni d’un mandat régulier COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré, Madame A…, Présidente Monsieur LE DAUPHIN, Conseiller Madame DELMAS-GOYON, Conseiller GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l’arrêt, Madame PADEL, greffier MINISTERE PUBLIC : Monsieur B…, Substitut Général DEBATS : A l’audience publique du 19 Février 2002, ARRET : Prononcé publiquement le DIX NEUF MARS DEUX MIL DEUX, par Madame A…, Présidente, qui en a signé la minute avec Madame PADEL, greffier.

* * *

Statuant en application du décret n 96-869 du 3 octobre 1996 relatif aux recours exercés devant la Cour d’Appel de PARIS contre les décisions du Conseil des marchés financiers ;

Après avoir, à l’audience publique du 19 février 2002, entendu les conseils des parties et du Conseil des marchés financiers, le représentant de la Commission des opérations de bourse et le Ministère public en leurs observations, les conseils des parties et du Conseil des marchés financiers ayant eu la parole en dernier ; * * *

La société Tharreau Industries, créée en 1930, est une société anonyme ayant pour activité la fabrication de textiles techniques non tissés, utilisés dans l’industrie. Le chiffre d’affaires de l’exercice 2000 a atteint 226 millions de francs.

En 1998, les actions de la société Tharreau Industries ont été admises à la cote du second marché de la bourse de Paris.

A l’issue de l’assemblée générale des actionnaires du 15 juin 2001, le capital de la société Tharreau Industries était réparti comme suit :

– M. Jacques Tharreau : 24,26% (26,44% des droits de vote)

– Société civile Finta Technologies : 20,61% (23,04% des droits de vote)

– M. Y… Tharreau : 23,10% (25,65% des droits de vote)

– M. et Mme X… Tharreau : 12,86% (14,27% des droits de vote) – Mme Marie-France Tharreau : 2,61% (1,48% des droits de vote)

– Public : 16,56% (9,12% des droits de vote).

Il est ici précisé que le capital de la société Finta Technologies était réparti entre Jacques Tharreau (58,98%%) et Y… Tharreau (39,98%).

M. Jacques Tharreau, président du conseil de surveillance de la

société Tharreau Industries, alors âgé de 69 ans, a décidé d’organiser son retrait de la société selon le schéma ci-après décrit :

1°) Regroupement dans Finta Technologies, transformée en société anonyme et désormais dénommée Finta SA, pour partie par voie d’apport et pour partie par cession, de l’ensemble des participations directes de Y… Tharreau et de Jacques Tharreau dans Tharreau Industries (soit au total 47,36% du capital de Tharreau Industries).

A l’issue de ces opérations, la société Finta SA détiendra 67,97% du capital de Tharreau Industries, Y… Tharreau détiendra 58,06% du capital de Finta SA, Jacques Tharreau étant détenteur du solde du capital de Finta Technologies, soit 41,9%.

2°) Cession par Jacques Tharreau de la totalité de sa participation dans Finta SA à deux Fonds Communs de Placement à risques gérés la société BNP Private Equity, FCPR Middle Market Fund II et Natio Vie Développement, respectivement cessionnaires de 31,77% et 2,83% des actions représentant le capital de la société Finta SA, le solde de la participation de Jacques Tharreau, soit 7,30% dudit capital, étant cédé à la société BNP Paribas Développement (ces trois parties étant ci-après dénommés, ensemble, les Investisseurs).

Ces opérations ont donné lieu à la conclusion, le 6 septembre 2001, entre Jacques Tharreau, Y… Tharreau et les investisseurs, d’un protocole d’accord qui en précise les modalités, fixe au 28 septembre 2001 la date limite de leur réalisation et stipule, à titre de condition suspensive, « l’obtention auprès du Conseil des Marchés Financiers par Monsieur Y… Tharreau et la société Finta Technologies d’une dérogation à l’obligation de déposer un projet d’offre publique d’achat sur les actions de la société Tharreau Industries à l’occasion de l’opération de reclassement de titres »

objet dudit protocole.

A cette convention s’est ajouté un pacte d’actionnaires signé le 27 septembre 2001 par Y… Tharreau, d’une part, les Investisseurs, d’autre part, dont les principales stipulations seront évoquées ci-après.

Après avoir constaté que Finta SA, à titre direct, et M. Y… Tharreau, à titre indirect, celui-ci devenant majoritaire dans le capital de la société holding, franchiront ainsi en hausse le seuil du tiers du capital et des droits de vote de Tharreau Industries et indiqué que ces derniers ont, dans cette perspective, demandé une dérogation à l’obligation de déposer un projet d’offre publique, le Conseil des Marchés Financiers, par décision n° 201C1190, délibérée le 19 septembre, rendue publique le 25 septembre et publiée le 28 septembre 2001 au Bulletin Officiel du Conseil des Marchés Financiers, a accordé à la société Finta Technologies et à M. Y… Tharreau une dérogation à l’obligation de déposer un projet d’offre publique visant les actions Tharreau Industries en application de l’alinéa g) de l’article 5-5-7 et de l’article 5-5-8 de son règlement général.

La cour ;

Vu le recours formé, le 8 octobre 2001, par M. X… Tharreau, représenté par Me Alain Géniteau, avocat, muni d’un mandat spécial, tendant à l’annulation de la décision n° 201C1190 du Conseil des Marchés financiers ;

Vu le mémoire contenant l’exposé des moyens du requérant, déposé le 7 novembre, dans le délai prévu à l’article 4 du décret n° 96-869 du 3 octobre 1996 relatif aux recours exercés devant la cour d’appel de Paris contre les décisions du CMF, par lequel M. X… Tharreau demande à la cour :

– de le recevoir en son recours,

– d’annuler la décision du Conseil des Marchés Financiers en date du 19 septembre 2001 accordant à « Finta Technologies et à M. Y… Tharreau une dérogation à l’obligation de déposer un projet d’offre publique visant les actions Tharreau Industries »,

– de dire en conséquence que la SA Finta Technologies et M. Y… Tharreau devront déposer un projet d’offre publique sur les actions Tharreau Industries sous astreinte de 10.000 euros par jour et que, dans l’attente, la « société Finta Technologies ayant déclaré avoir directement franchi en hausse les seuils du 1/3, de 50% et des 2/3 du capital et des droits de vote de Tharreau Industries » dont elle détient, depuis le 28 septembre 2001, 67,97% du capital et 67,07% des droits de vote, comme il est dit à l’avis n° 201C1240 du Conseil des Marchés Financiers du 10 octobre 2001, les actions Tharreau Industries détenues par la société Finta Technologies seront privées de droit de vote en application et selon les conditions de l’article 433-3 I du Code des marchés financiers,

– de condamner le Conseil des Marchés Financiers, M. Y… Tharreau et la société Finta Technologies aux dépens et au paiement de la somme de 20.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 21 décembre 2001 par la société Finta Technologies et par M. Y… Tharreau tendant au rejet du recours ;

Vu les observations déposées le 14 janvier 2002 par le Conseil des Marchés Financiers tendant au rejet du recours ;

Vu les observations déposées le 21 janvier 2002 par la Commission des Opérations de Bourse tendant au rejet du recours ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 4 février 2002 par M. X…

Tharreau ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 6 février 2002 par la société Finta Technologies et M. Y… Tharreau ;

Vu les conclusions du représentant du ministère public tendant au rejet du recours, mises à la disposition des parties avant l’ouverture des débats ;

Sur ce :

Sur la demande tendant au rejet d’un mémoire et de certaines pièces :

Considérant que le délégué du premier président ayant, par ordonnance du 21 novembre 2001 prise en application des dispositions de l’article 6 du décret n° 96-869 du 3 octobre 1996, dit que les défendeurs au recours devront déposer leurs observations au greffe de la cour « avant le 21 décembre 2001 », le requérant demande à la cour, aux termes de son mémoire en réplique, de rejeter des débats le mémoire déposé le 21 décembre 2001, soit après l’expiration du délai ainsi fixé, par la société Finta Technologies et M. Y… Tharreau, ainsi que les pièces annexées audit mémoire ;

Mais considérant que le requérant ne demandant pas que soit écarté des débats le mémoire en duplique déposé par les défendeurs au recours, dans le délai fixé par le délégué du premier président, et ce mémoire, auquel est annexé un bordereau récapitulatif de l’ensemble des pièces invoquées par M. Y… Tharreau et la société Finta Technologies, reprenant l’intégralité des termes du mémoire déposé le 21 décembre 2001, M. Paul-Louis Tharreau est sans intérêt à demander le rejet de ce dernier mémoire et des pièces qu’il vise ;

Considérant, en toute hypothèse, que le requérant ne justifie pas que l’inobservation du délai imparti par le délégué du premier président, dont il fait état, a porté atteinte au principe de la contradiction ;

qu’il résulte au contraire de la teneur de son mémoire en réplique, en date du 4 février 2002, qu’il a été à même de prendre en considération, en temps utile, l’argumentation développée par les défendeurs au recours et les pièces produites par ces derniers et de leur apporter la réponse qu’il a jugée appropriée à l’organisation de sa défense ;

Sur la demande de sursis à statuer jusqu’à la production de certaines pièces :

Considérant qu’aux termes de son « mémoire récapitulatif » en date du 4 février 2002 le requérant a déclaré renoncer à la demande de production des pièces énumérées par le mémoire contenant l’exposé de ses moyens ;

Sur la régularité de la décision déférée :

Considérant que selon le requérant, la saisine du Conseil est irrégulière ; qu’en effet celle-ci résulte d’une lettre émanant de Me Yves Mazé, avocat, datée du 4 juillet 2001, dans laquelle ce dernier se présente comme « mandaté par le groupe d’actionnaires majoritaires » de la société Tharreau Industries, « constitué par la famille X… Tharreau » ce qui inclut M. X… Tharreau, dont la participation de 12,90% est comprise dans les 83,17% du capital mentionné comme appartenant au « groupe familial », et qu’en indiquant agir en vertu d’un mandat que ce dernier ne lui avait pas donné, Me Mazé n’a pu valablement saisir le Conseil des Marchés Financiers d’une quelconque demande ;

Mais considérant que Me Mazé ayant par lettre du 17 septembre 2001,

demandé au Conseil des Marchés Financiers, au nom des seules parties aux opérations en cause, au nombre desquelles ne figure pas X… Tharreau, de confirmer « l’avis » exprimé par l’autorité de marché dans sa séance du 11 juillet 2001, avis selon lequel le projet de reclassement qui lui était soumis s’analysait comme un reclassement interne aux membres du groupe familial Tharreau, sans remise en cause du contrôle majoritaire de cette famille sur Tharreau Industries, c’est à cette date que le Conseil a été invité à prendre une décision destinée à publication en application des articles 5-5-7 et 5-5-8 de son règlement général, de sorte que le moyen manque par le fait qui lui sert de base ;

Considérant, au surplus, que même s’il devait être admis que les termes imprécis de la lettre de Me Mazé en date du 4 juillet 2001, énonçant que son cabinet est « mandaté par le groupe d’actionnaires majoritaires » de la société Tharreau Industries »constitué par la famille X… Tharreau » visent aussi M. X… Tharreau, toute ambigu’té sur ce point aurait été levée par les courriers ultérieurs de cet avocat, dont celui du 17 septembre 2001, de sorte que le Conseil ne pouvait se méprendre, lorsqu’il s’est prononcé le 19 septembre 2001, sur l’identité des auteurs de sa saisine ;

Considérant que le requérant fait aussi valoir que le CMF est un tribunal au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme (la CEDH), dès lors qu’en accordant une dérogation à l’obligation de dépôt d’un projet d’offre publique, le Conseil des Marchés Financiers a bien statué sur un droit à caractère civil reconnu par la Convention précitée, au terme d’une procédure organisée par le Code monétaire et financier, le décret 96-868 du 3 octobre 1996 et son propre règlement intérieur, mais qu’il n’offre pas les garanties d’un tribunal telles qu’elles résultent des principes définis par la Convention ; qu’en effet, d’abord, eu égard

à sa composition, uniquement professionnelle, et à son mode de financement, l’indépendance et l’impartialité du CMF ne sont pas assurées ; qu’ensuite la procédure suivie devant lui ne correspond en rien aux exigences de l’article 6 de la CEDH puisqu’un débat « à armes égales » supposerait que tous les actionnaires concernés par l’opération financière sur laquelle le Conseil doit statuer puissent être informés de sa saisine, avoir accès aux éléments transmis au Conseil par les initiateurs de l’opération et faire valoir leurs moyens auprès du Conseil par écrit et, le cas échéant, être entendus, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce, les actionnaires de la société Tharreau Industries n’ayant appris que le CMF avait été saisi d’une demande de dérogation à l’obligation d’offre publique que par la publication, le 28 septembre 2001, de la décision du Conseil du 19 septembre 2001 accordant la dérogation ; qu’en outre, les débats devant le Conseil ne sont pas publics et ses décisions ne sont pas prononcées publiquement « ni même publiées en tant que telles » ; que le requérant ajoute que l’existence d’un recours devant la cour d’appel de Paris n’est pas de nature à régulariser la procédure au regard des principes définis par la CEDH dès lors qu’en l’état actuel de sa jurisprudence la cour n’exerce pas sur les décisions du CMF le contrôle « d’un organe judiciaire de pleine juridiction » ;

Mais considérant, d’abord, que l’indépendance et l’impartialité du CMF sont suffisamment assurées par les dispositions régissant son fonctionnement, et en particulier par celles des articles L. 622-5 et L. 622-6 du Code monétaire et financier relatives aux obligations déontologiques et professionnelles pesant sur les membres du Conseil, et qu’il n’est justifié, en l’espèce, d’aucun manquement à ces obligations ;

Considérant, ensuite, que le CMF, autorité professionnelle habilitée à prendre des décisions individuelles ayant la nature d’actes

administratifs, n’est pas tenu d’appliquer la règle de la publicité des débats et du prononcé de la décision, ni de faire observer le principe de la contradiction, ni d’instruire sa décision autrement que par l’examen des demandes, pièces et mémoires qui lui sont transmis ou dont il peut demander la production et, le cas échéant, par l’usage de la faculté d’audition de personnalités qualifiées qu’il tient des dispositions de l’article L. 622-2, alinéa 4, du Code monétaire et financier, le respect des droits des actionnaires minoritaires étant garanti par l’ensemble des règles légales et réglementaires visant à assurer l’égalité des actionnaires et la transparence des marchés et par le recours ouvert devant la cour d’appel de Paris ;

Considérant, en outre, que la cour d’appel exerce, dans la limite des attributions conférées au Conseil des Marchés Financiers, un contrôle effectif, en fait et en droit, sur les décisions de cette autorité professionnelle qu’elle a le pouvoir d’annuler ou de réformer ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’aucun des griefs tirés de la prétendue méconnaissance des dispositions de la CEDH ne peut être accueilli ;

Considérant que M. X… Tharreau expose en outre que la décision CMF du 19 septembre 2001 se réfère à un « accord global signé le 6 septembre 2001 » alors qu’un tel accord ne figure pas au dossier intitulé « Dossier du Conseil des Marchés Financiers en vue de la séance du 19 septembre 2001 » déposé au greffe de la cour, ainsi qu’à une définition du terme « industriel »qui ne peut être issue que du « pacte d’actionnaires » et qui ne figure sur aucun des documents du dossier déposé, susvisé ; qu’il en déduit que soit le Conseil disposait bien, lors de sa séance du 19 septembre 2001, de « l’accord global signé le 6 septembre 2001 », comportant un projet de pacte d’actionnaires, et il lui appartient de le verser aux débats afin de

permettre à la cour de vérifier s’il les a convenablement interprétés, soit le Conseil ne disposait le 19 septembre 2001 que des documents figurant dans le dossier déposé au greffe et, se référant à des documents qu’il n’a pas examinés, il a statué sur la base d’un dossier manifestement incomplet et sa décision, en ce qu’elle mentionne des éléments absents du dossier dont elle est l’aboutissement, ne peut qu’être annulée ;

Mais considérant qu’aux termes de l’article 5-5-8, alinéa 2, de son règlement général, le Conseil des Marchés Financiers peut statuer préalablement à la réalisation d’une opération en fonction de la nature, des circonstances et du délai de mise en oeuvre du projet et au vu des éléments justificatifs apportés par la ou les personnes concernées ;

Et considérant, d’une part, que les éléments d’information qui ont été fournis par le conseil de M. Y… Tharreau et de la société Finta aux termes de ses courriers des 4 et 9 juillet 2001 et de celui du 17 septembre 2001, exposant « les modalités définitives arrêtées entre les parties » des opérations de regroupement au sein de Finta des participations de Jacques et Y… Tharreau et de cession aux Investisseurs des titres de celui-là et analysant les principales stipulations du pacte d’actionnaires devant lier Y… Tharreau et les Investisseurs, et qui figuraient au dossier remis aux membres du Conseil en vue de la séance du 19 septembre 2001, étaient suffisants pour permettre au Conseil de faire une application pertinente des dispositions des articles 5-1-1 et 5-5-1 et suivants de son règlement général ;

Considérant, d’autre part, que la mention dans la décision du Conseil, telle que publiée, des éléments invoqués par le requérant, qui ne figuraient pas dans le dossier précité, n’affecte pas la

validité de ladite décision étant ici observé qu’il appartient au Conseil de vérifier, conformément aux dispositions de l’article 5-5-8 alinéa 3 de son règlement général, que l’opération effectivement mise en oeuvre est conforme à celle initialement prévue et que la cour est elle-même en mesure de s’assurer, par le rapprochement des documents contractuels définitifs, à savoir l’accord du 6 septembre 2001 et le pacte d’actionnaires, que tel est bien le cas en l’espèce, peu important, à cet égard, que Jacques X… Tharreau ait cédé ses actions Finta à trois investisseurs plutôt qu’à deux ;

Considérant que le requérant soutient encore que la décision du 25 juillet 2001 ne peut qu’être annulée par la cour dès lors qu’aucune des pièces du dossier déposé le 24 octobre 2001 par le CMF ne lui permet de s’assurer de la régularité de la procédure suivie au regard des règles régissant le fonctionnement de cet organisme et spécialement des dispositions de l’article L. 622-5, alinéa 2, du Code monétaire et financier, 3, 4 et 5 du décret n° 96-868 du 3 octobre 1996 relatif à la formation et à l’organisation du CMF ;

Qu’il ajoute que la décision du CMF telle que publiée le 28 septembre 2001 encourt l’annulation faute de mentionner les noms des membres du Conseil ayant participé à son adoption et ce en violation des dispositions de l’article 4, alinéa 2, de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, selon lesquelles toute décision prise par l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er – lequel vise les organismes chargés de la gestion d’un service public administratif, partant le Conseil des Marchés Financiers – comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ;

Que le requérant fait enfin valoir, aux mêmes fins, que la décision déférée n’est pas suffisamment motivée et que l’insuffisance des

motifs équivaut à leur absence ;

Mais considérant, d’une part, que la production d’un extrait du procès-verbal de la séance du CMF du 19 septembre 2001, paraphé par le président, comportant l’indication du nom des quinze membres présents et de celui de ces membres qui, en application des dispositions de l’article L. 622-5 du Code monétaire et financier, n’a pas pris part à la délibération relative à l’examen de l’opération litigieuse, ainsi que d’une lettre du secrétaire-général du Conseil attestant qu’aucun des membres présents ne pouvait être réputé démissionnaire au sens de l’article 3 du décret précité du 3 octobre 1996, permet à la cour de vérifier que les règles prescrites pour les délibérations du Conseil ont bien été observées ;

Considérant, d’autre part, que contrairement à ce que soutient M. Tharreau, les dispositions de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, et spécialement celles de son article 4, ne s’appliquent pas aux décisions du CMF, lesquelles sont prises à la majorité dans les conditions prévues par les articles L. 622-2 et suivants du Code monétaire et financier et le décret n° 96-868 du 3 octobre 1996, et que l’absence d’indication dans le texte de la décision, telle que publiée, des noms des membres du Conseil ayant délibéré ne constitue pas une irrégularité ;

Considérant, enfin, que la décision du 19 septembre 2001 contient l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et qui permettent d’en contrôler la légalité et que, sous couvert d’un grief non fondé de défaut de motifs, les requérantes discutent la pertinence du raisonnement suivi par le Conseil pour décider que les opérations soumises à son examen entraient dans les prévisions de l’alinéa g) de l’article 5-5-7 et de l’article 5-5-8 de son règlement général ;

Sur le bien-fondé de la décision déférée :

Considérant que selon les articles 5-5-6 et 5-5-7 g) de son règlement général, le Conseil des Marchés Financiers peut accorder une dérogation à l’obligation de déposer un projet d’offre publique s’il est justifié qu’il s’agit d’une opération de reclassement, ou s’analysant comme un reclassement, entre sociétés ou personnes appartenant à un même groupe ;

Considérant que selon le requérant, les conditions d’application de ces textes ne sont pas réunies en l’espèce ; que s’il admet que l’opération litigieuse est bien une opération de reclassement, ou s’analysant comme un reclassement, il soutient que ce reclassement ne s’effectue pas « entre des sociétés ou personnes appartenant à un même groupe » parce que, contrairement à ce qu’affirme le CMF, il n’existe pas de « groupe familial » Tharreau et parce que le reclassement est extérieur au prétendu groupe familial dès lors qu’à l’issue des opérations soumises au Conseil, le contrôle de la société Tharreau Industries sera exercé conjointement par M. Y… Tharreau et les fonds d’investissement du groupe BNP-Paribas qui, à travers la société Finta, détiendront 67,97% du capital et 66,64% des droits de vote ; qu’il s’ensuit que le reclassement de la participation de Jacques Tharreau aboutit à la fin du contrôle de Tharreau Industries exercé par Jacques Tharreau seul et à la mise en place d’un nouveau contrôle dans le cadre d’un pacte d’actionnaires clairement constitutif d’une action de concert et que ce constat d’une modification radicale du contrôle devait conduire le Conseil, auquel l’article L. 433-1 du Code monétaire et financier impose de veiller au respect des principes d’égalité des actionnaires et de transparence des marchés, à refuser la dérogation demandée ;

Mais considérant, en premier lieu, que la société Tharreau Industries, créée en 1930 par la famille Tharreau sous forme de SARL,

ultérieurement transformée en société anonyme, a constamment été dirigée et contrôlée par des membres de cette famille ; que Jacques et Y… Tharreau ont, ainsi que le rappelle le requérant, renforcé progressivement leur participation au capital social préalablement à l’introduction de la société, en 1998, au second marché de la bourse de Paris, et ce par l’acquisition coordonnée de titres appartenant à leur soeur, Marie-France Tharreau, ainsi que d’ actions détenues par des sociétés de développement régional ayant accompagné, un temps, la croissance de la société ; qu’ils ont, à cette même fin, rassemblé une partie de leurs participations au sein de la société Finta Technologies, titulaire de 20,61% du capital et de 23,04% des droits de vote, cette société étant, ainsi que le précise la note d’information établie en mars 1998 pour les besoins de l’introduction en bourse de Tharreau Industries, une « holding familiale détenue à 100% par Jacques et Y… Tharreau » ; que Jacques Tharreau a organisé son retrait à partir de 1998 ; que sa participation directe au capital de Tharreau a, lors de l’introduction en bourse, été ramenée de 32,91% à 24,54%, qu’il a démissionné de ses fonctions de président du directoire, désormais exercées par Y… Tharreau, précédemment directeur général, et a été nommé président du conseil de surveillance ; que la répartition du capital de Tharreau Industries à la date du 15 juin 2001 est indiquée ci-dessus ;

Considérant qu’il ressort de ces éléments qu’antérieurement aux opérations en cause, le contrôle de la société Tharreau Industries était exercé conjointement par Jacques et Y… Tharreau, agissant ensemble pour la mise en oeuvre d’une même politique, et qui appartenaient à un « même groupe » ;

Considérant, en second lieu, qu’à la suite du reclassement des titres Tharreau Industries et Finta détenus par Jacques Tharreau, Y… Tharreau est titulaire de 58,06% du capital de la société Finta ,

laquelle détient 67,97% du capital et de 66,64% des droits de vote de Tharreau Industries ;

Et considérant que le requérant fait vainement valoir, en tirant argument des stipulations du pacte d’actionnaires conclu le 27 septembre 2001, selon lui constitutif d’une action de concert, que le reclassement destirant argument des stipulations du pacte d’actionnaires conclu le 27 septembre 2001, selon lui constitutif d’une action de concert, que le reclassement des titres de Jacques Tharreau a abouti à la mise en place d’un contrôle exercé conjointement par M. Y… Tharreau et les fonds d’investissement du groupe BNP-Paribas ;

Considérant, en effet, que les différentes stipulations de cette convention visent non à la mise en oeuvre par les cocontractants d’une politique commune vis-à-vis de la société Finta et de sa filiale, mais à la préservation des intérêts financiers d’investisseurs détenteurs d’une participation minoritaire dans une société non cotée, et qui veulent se donner les moyens de veiller à la rentabilité et la liquidité de leur investissement, sans que la nature de celui-ci ne soit modifiée ;

Que participent de cette unique préoccupation, la clause prévoyant qu’un membre du conseil d’administration de la société Finta et du conseil de surveillance de Tharreau Industries sera désigné parmi les candidats proposés par les Investisseurs, celles conférant à ces derniers un droit d’information renforcé et un droit de consultation sur les « décisions importantes » énumérées en annexe, celle subordonnant à un vote favorable de l’administrateur désigné par les investisseurs l’engagement d’opérations sur le capital de la société ou des filiales, la modification des statuts de celles-ci et toute décision de la société susceptible d’entraîner une obligation de déposer une offre publique de retrait en application de l’article

5-6-6 du règlement général du CMF ; qu’il en va de même de la clause aménageant un droit de préemption réciproque, de celles organisant au profit des Investisseurs un droit de sortie conjointe – dans le cas, notamment, de transfert de titres Finta par Y… Tharreau ayant pour effet de « conférer au cessionnaire (…) le contrôle de la société » – et un droit de retrait en cas de survenance de certains événements, de celle prévoyant que les parties « s’engagent à se rapprocher et à faire leurs meilleurs efforts pour trouver une solution permettant la liquidité des titres des Investisseurs » à compter du 31 décembre 2006 ou encore de celle stipulant que Y… Tharreau s’engage à consacrer l’exclusivité de ses activités professionnelles à ses fonctions au sein de la société et des filiales ;

Considérant, dès lors, que la société Tharreau Industries demeure contrôlée par M. Y… Tharreau ;

Considérant qu’il résulte des constatations qui précèdent que le Conseil des Marchés Financiers a pu, sans porter atteinte au principe de l’égalité des actionnaires, non plus qu’à celui de la transparence des marchés, décider qu’il convenait d’accorder à Y… Tharreau et à la société Finta, en application de l’alinéa g) de l’article 5-5-7 de son règlement général, une dérogation à l’obligation de déposer un projet d’offre publique visant les actions de la société Tharreau Industries ;

Que le recours formé par M. X… Tharreau n’est donc pas fondé ;

Considérant que la demande présentée par ce dernier en application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile est rejetée ;

PAR CES MOTIFS,

Rejette le recours ;

Dit que chaque partie conservera la charge des frais par elle exposés au titre de la présente instance. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


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