Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 1er février 2001), que M. X…, président du conseil d’administration de la société Scamas Suisse, a créé en 1971 la société Scamas France, dont la société Scamas Suisse était l’actionnaire majoritaire ; qu’outre M. X…, la société Scamas France comptait deux autres associés minoritaires, M. Y…, président de son conseil d’administration, et Mlle Z… ; qu’à la suite de la déclaration de cessation des paiements faite par M. Y…, la société Scamas France a été mise en règlement judiciaire, M. A… étant désigné en qualité de syndic ; que la conversion du règlement judiciaire en liquidation des biens a été prononcée après quelques mois ; qu’après avoir déposé plainte avec constitution de partie civile contre M. Y…, pour détournement d’actif, abus de confiance, faux et escroquerie, laquelle a abouti à une ordonnance de non-lieu, devenue définitive à la suite du rejet du recours, puis du pourvoi formés par M. X…, celui-ci a assigné M. Y…, Mlle Z… et M. A… en dommages-intérêts invoquant diverses fautes commises par eux à son encontre ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de l’avoir débouté de son action en responsabilité dirigée contre M. Y…, Mlle Z… et M. A…, alors, selon le moyen :
1 / qu’ayant constaté que M. Y… qui avait en mains toutes les autres souscriptions, avait commis une faute en ne libérant pas sa quote-part de 80 000 francs dans l’augmentation du capital, la cour d’appel devait rechercher, comme elle y était invitée par M. X…, que la faute ainsi commise avait eu pour effet de faire échouer les promesses de financement à la société par la BNP et divers organismes publics, financements qui auraient précisément évité la cessation des paiements de la société ; qu’en omettant de se livrer à cette recherche, la cour d’appel a privé sa décision de base légale soit au regard de l’article 1382 du Code civil, soit au regard de l’article 1147 de ce même Code ;
2 / qu’en statuant comme elle a fait, la cour d’appel a estimé que M. X… soutenait dans ses conclusions que le non-paiement par M. Y… de sa quote-part dans l’augmentation du capital aurait permis de faire face au passif de la société ; mais que tel n’était pas le sens des conclusions récapitulatives, par lesquelles il soutenait que la non libération de cette quote-part avait fait échouer l’augmentation de capital qui était indispensable à l’obtention de certains financements qui étaient décisifs ;
qu’en modifiant le sens de ces écritures, la cour d’appel a dénaturé lesdites conclusions et a violé les articles 4 et 954 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l’arrêt, par motifs propres et adoptés, relève, tout d’abord, que M. X… fait état d’une carence de M. Y… lors d’une augmentation de capital convenue par les actionnaires, ce qui aurait entraîné un refus de « prêts bancaires ou gouvernementaux », qu’il retient, ensuite qu’il n’est établi par aucun document un quelconque comportement fautif de M. Y… qui serait à l’origine de refus de ces prêts, lesdites demandes de prêts étant gérées par M. X… et qu’il relève encore que l’on voit mal comment la somme qu’il est reproché à M. Y… de ne pas avoir apportée au capital pouvait permettre de redresser la société qui connaissait des difficultés bien plus considérables, ce dont il se déduit que l’abstention de M. Y… à participer à l’augmentation de capital n’est ni la cause des difficultés financières ayant conduit à l’ouverture de la procédure de règlement judiciaire de la société, ni celle des refus de financements qu’elle aurait pu rencontrer ; que la cour d’appel, qui n’a pas dénaturé les conclusions de M. X… et qui n’avait pas à le suivre dans le détail de son argumentation, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Attendu que M. X… fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen, que pour retenir la qualification du dirigeant de fait les juges du fond doivent faire ressortir les éléments qui caractérisent une direction sans partage de l’entreprise, tels la gestion du personnel, l’organisation administrative et financière de l’entreprise , le pouvoir de signature bancaire de même que l’établissement des déclarations fiscales et sociales de la société concernée ; qu’en se limitant à relever simplement que certaines personnes avaient qualifié M. X… de « patron » de la société parce qu’il conseillait M. Y… en exécution d’un contrat d’ingénieur-conseil signé par M. Y…, sans nullement rechercher l’éventuelle présence des éléments précités, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard soit de l’article 1382 du Code civil ou de l’article 1147 dudit Code ;
Mais attendu que le moyen, qui critique un motif surabondant, ne peut être accueillie ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que M. X… fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que la cour d’appel n’a pas répondu aux conclusions d’appel de M. X… reprochant à ses associés de ne pas avoir fait droit à sa demande de convocation d’une assemblée générale, violant ainsi l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que s’agissant de la qualité d’actionnaire de M. X…, pour déterminer la part que ce dernier détenait dans le capital de société Scamas France, la cour d’appel devait consulter le registre des actionnaires, examiner les lettres émanant du commissaire aux comptes produites par M. X… attestant qu’il avait reçu les actions de la société Scamas Suisse après radiation de cette dernière et en outre tenir compte du fait que M. X… avait lui même détenu des actions de la société Scamas Suisse, jusqu’à la date de sa radiation, de sorte que la participation de cette société dans le capital de la société française lui revenait nécessairement ; que faute d’avoir effectué de telles recherches, l’arrêt est privé de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil et de l’article 1147 dudit Code ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l’arrêt relève que M. X… n’a jamais été en mesure d’établir qu’à la suite de la dissolution de la société Scamas Suisse, titulaire de 8 000 des 10 000 actions de la société Scamas France et qui a fait l’objet d’une radiation en 1980, il était devenu attributaire des actions propriété de la société Scamas Suisse ; que l’arrêt précise encore que M. X… n’a produit aucun document prouvant la cession des 8 000 actions à son profit et qu’il n’a jamais engagé d’action aux fins de voir reconnaître sa qualité d’actionnaire qui était contestée ; que la cour d’appel, à laquelle il n’avait pas été demandé de consulter le registre des actionnaires de la société Scamas France et devant laquelle il n’était pas prétendu que la détention par M. X… des actions, antérieurement à la radiation de la société Scamas Suisse, impliquait qu’il en soit devenu le propriétaire, a souverainement apprécié comme étant insuffisants les éléments de preuve qui lui étaient soumis et, sans avoir à répondre au moyen inopérant invoqué par la première branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches :
Attendu que M. X… fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que la cour d’appel ne pouvait affirmer que la liquidation des biens de la société était inévitable, sans s’expliquer sur le moyen de M. X… soutenant d’une part que ses propres efforts de redressement de l’entreprise étaient systématiquement contrecarrés par M. Y… et, d’autre part, que ce dernier avait affirmé, dans son rapport préalable à l’assemblée générale du 21 décembre 1984, que l’année 1985 serait une année prospère, tout en sollicitant immédiatement après la conversion de la procédure en liquidation des biens, prononcée dès le 16 janvier 1985 ;
que faute d’avoir effectué de telles recherches, l’arrêt est privé de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ou de l’article 1147 dudit Code ;
2 / que la cour d’appel ne pouvait considérer que M. X… avait refusé de participer aux délibérations de l’assemblée générale et du conseil d’administration qui devaient statuer sur les comptes, sans répondre au moyen selon lequel les actionnaires et administrateurs de la société s’étaient radicalement opposés à sa présence lors de ces réunions, sans répondre non plus au moyen selon lequel à diverses reprises, par des lettres pourtant versées aux débats, M. X… avait demandé que des rectifications diverses soient portées sur les comptes de la société et sans rechercher si M. X… avait demandé par lettre la nomination d’un commissaire aux comptes ; qu’à ce titre, encore, faute d’avoir effectué de telles recherches, l’arrêt est privé de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil et de l’article 1147 dudit Code ;
3 / que si la cour d’appel entendait s’abriter derrière la décision du juge d’instruction, encore fallait-il s’assurer de la régularité de la procédure pénale ; que faute d’avoir relevé que le juge d’instruction s’était abstenu de procéder à certaines investigations, avait écarté l’expertise comptable lancée par son prédécesseur et avait refusé une confrontation demandée par M. X…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale et au regard de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d’une part, que l’arrêt après avoir précisé qu’en ce qui concerne la conversion du règlement judiciaire en liquidation de biens, M. X… faisait à nouveau état du fait que ses avis n’ont pas été suivis et du défaut de mesures immédiates pour redresser la société, retient qu’il n’a pas précisé quelles mesures auraient, selon lui, permis de redresser la société et auraient été contrecarrées ; que l’arrêt retient encore que les pièces produites démontrent que la période d’observation a permis de revenir à un exercice tout juste équilibré avec un passif déclaré supérieur à 3 000 000 francs et qu’en l’absence de repreneur, que pourtant M. X… s’était fait fort de trouver, la liquidation des biens était inévitable ; que la cour d’appel qui a répondu au moyen en le rejetant et n’était, pour le surplus, pas tenue de suivre M. X… dans le détail de son argumentation, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d’autre part, que le moyen se référant à un motif surabondant ne saurait être accueilli ;
Attendu, enfin, que l’arrêt précise que la plainte déposée par M. X…, à l’encontre de M. Y…, pour détournement d’actif, abus de confiance, faux et escroquerie a fait l’objet d’une ordonnance de non-lieu, confirmée par la chambre d’accusation et que le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté ; qu’il retient ensuite que les critiques portant sur l’établissement des comptes sociaux et formulées par M. X… ont déjà été examinées dans le cadre de cette procédure, laquelle a abouti à une ordonnance de non-lieu et qu’ainsi que l’a relevé le juge d’instruction dans cette ordonnance, la méthode comptable utilisée a été mise en oeuvre sous le triple contrôle d’un expert sur le plan technique, du syndic dans le cadre de l’assistance du débiteur et du juge commissaire chargé de surveiller les opérations de règlement judiciaire ; que la cour d’appel, qui n’avait pas à répondre aux moyens critiquant la régularité de la procédure pénale qui n’était plus susceptible de voie de recours, a légalement justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa deuxième branche, n’est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de l’avoir condamné à payer à titre de dommages et intérêts à M. Y… la somme de 50 000 francs, à Mlle Z…, la somme de 25 000 francs et à M. A… la somme de 25 000 francs, alors, selon le moyen :
1 / qu’une procédure n’est abusive que lorsque sa mise en oeuvre résulte d’une faute caractérisée du demandeur ; que la cour d’appel a condamné M. X… à payer diverses sommes à M. Y…, à Mlle Z…, à M. A…, à trois avoués et à un huissier pour abus de procédure ; que s’agissant des deux premiers, la cour d’appel s’est bornée à retenir que M. X… avait dans un premier temps agi à leur encontre devant la juridiction pénale et qu’en outre le jugement entrepris bénéficiait d’une « motivation appropriée », ce qui témoignerait de son acharnement contre des anciens associés ; que s’agissant de M. Y…, la cour d’appel a seulement observé que l’action dirigée à son encontre aurait remis en cause sa réputation et ses compétences professionnelles ; que ces motifs ne caractérisent pas l’existence d’une faute de M. X… dans l’expression du droit d’agir en justice, de sorte que l’arrêt attaqué manque de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;
2 / que l’exercice d’une voie de recours telle que celle de l’appel permettant qu’un litige soit soumis au double degré de juridiction ne saurait caractériser un abus de procédure, sauf à violer l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
Mais attendu que l’arrêt, par motifs propres et adoptés, après avoir relevé que l’action en cause avait été introduite à la suite de l’échec d’une procédure pénale poursuivie en vain par M. X… jusque devant la Cour de cassation, retient que cette action en ce qu’elle était diligentée contre Mlle Z… et M. A… n’avait pour objet que d’appuyer les griefs formulés à l’encontre de M. Y…, que, dans le cadre de cette procédure, M. Y… s’était vu abusivement reprocher d’avoir commis des faux et que la réputation ainsi que les compétences professionnelles de M. A… avaient été mises en cause ; qu’en l’état de ces constatations et énonciations la cour d’appel, qui n’a pas retenu au titre de l’abus, le seul recours introduit par M. X…, mais l’ensemble des actions menées vainement et successivement par celui-ci, a légalement justifié sa décision et pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X… aux dépens ;
Le condamne, envers le Trésor public, à payer une amende civile de 2 000 euros ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, le condamne à payer à M. Y…, Mlle Z… et M. A…, ensemble, la somme globale de 300 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille quatre.