Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix mars deux mille quatre, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle LESOURD, avocat en la Cour et les conclusions de M. l’avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– X… Serge, partie civile,
contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, en date du 27 novembre 2002, qui a confirmé l’ordonnance d’irrecevabilité de constitution de partie civile et de refus d’informer du juge d’instruction, sur sa plainte contre personne non dénommée, des chefs de faux et usage, obtention indue de document administratif, infraction aux dispositions de l’article L. 232-23 du Code de commerce ;
Vu l’article 575 alinéa 2, 1 et 2 du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-1, 441-6 du Code pénal, 79, 85, 575 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à articulation essentielle du mémoire de la partie civile ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré irrecevable, pour le non-dépôt de comptes et actes sociaux au greffe, la plainte avec constitution de partie civile déposée le 30 septembre 2001 par Serge X…, des chefs de faux, usage de faux, obtention indue de documents administratifs et défaut de dépôts légaux de comptes et actes sociaux au greffe ;
« aux motifs que les faits de non-dépôt de comptes et actes sociaux au greffe du tribunal de commerce par une société par actions constituaient une contravention de la cinquième classe prévue et réprimée par les articles L. 232-23 du Code de commerce et 293 du décret du 23 mars 1967 ; qu’en vertu des dispositions de l’article 85 du Code de procédure pénale, seule la victime d’un crime ou d’un délit pouvait se constituer partie civile initiale devant le juge de l’instruction ; que le fait qu’une contravention soit connexe à un délit par ailleurs dénoncé ne saurait autoriser la partie civile à mettre en mouvement l’action publique du chef de cette contravention devant le juge d’instruction ;
« alors, d’une part que, la partie civile victime d’une infraction peut toujours, en application de l’article 85 du Code de procédure pénale, mettre l’action publique en mouvement par une plainte avec constitution de partie civile ; que, par ailleurs, les juridictions d’instruction ont le devoir d’instruire et que cette obligation ne cesse que si, pour de causes affectant l’action publique elle-même, les faits dénoncés ne peuvent recevoir aucune qualification pénale ; que, lorsque les faits constituent un cumul d’infractions sont susceptibles de plusieurs qualifications pénales et apparaissent, soit de nature contraventionnelle, soit de nature délictuelle selon l’angle sous lequel on les examine, seule doit être retenue la qualification la plus haute permettant à la victime d’exercer son droit de se défendre ; qu’en l’espèce où le non-dépôt de comptes et actes sociaux au greffe du tribunal de commerce avait pu permettre aux responsables sociaux de commettre d’autres infractions constitutives de faux et usage de faux, c’est à tort que la chambre de l’instruction a déclaré la plainte avec constitution de partie civile de Serge X… irrecevable ;
« alors, d’autre part que, dès lors que des faits de nature contraventionnelle sont connexes à des faits de nature délictuelle, la partie civile peut dénoncer l’ensemble de ces faits dans une plainte avec constitution de partie civile ; que, dans ce cas, si la plainte de la partie civile ne peut engager l’action publique que sur les faits de nature délictuelle, le lien de connexité existant avec les faits de nature contraventionnelle impose au procureur de la République de prendre des réquisitions d’informer sur l’ensemble des faits dénoncés ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la chambre de l’instruction a violé par fausse interprétation les textes susvisés » ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-1 et 441-6 al. 1er, 441-10 à 441-12 du Code pénal, 575 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale et défaut de réponse à articulation essentielle du mémoire ;
« en ce que l’arrêt attaqué a confirmé le refus d’informer rendu sur la plainte avec constitution de partie civile de Serge X… du 30 septembre 2001 des chefs de faux, usage de faux et obtention indue de documents administratifs ;
« aux motifs que les faits qualifiés par la plainte de faux, usage de faux et obtention indue de documents administratifs, relatifs au dépôt, le 30 septembre 1998, d’une déclaration au greffe du tribunal de commerce par le président-directeur général de la société SCOA visant une adresse qui serait inexacte, ne seraient pas, à les supposer établis, susceptibles de recevoir une qualification pénale ; qu’en effet, l’indication dans un acte déposé devant le tribunal de commerce du dernier siège social d’une société ayant depuis cessé ses activités n’était pas susceptible de constituer un faux ni toute autre infraction pénale dès lors qu’il résultait des termes mêmes de la plainte que ce siège social était bien le siège social de la société lorsqu’elle était en activité ; que les écritures de la partie civile n’avaient d’autre objet que de contester le déroulement d’une procédure commerciale à laquelle elle n’était pas partie ; qu’en toute hypothèse, toute personne qui se prétend lésée par une infraction doit justifier d’un préjudice personnel directement causé par l’infraction ; qu’en l’espèce, le plaignant n’avait aucun intérêt personnel ou direct s’agissant d’une procédure concernant une société dont il n’était ni actionnaire ni salarié, la circonstance qu’il soit actionnaire d’une autre société qui a été la société-mère de la société en question, étant, à cet égard, indifférente ;
« alors, d’une part que, les juridictions d’instruction ont le devoir d’instruire ; que cette obligation ne cesse que si, pour des causes affectant l’action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter aucune poursuite ou si, à les supposer démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ; qu’en l’espèce, les infractions dénoncées, qui relevaient d’un dessein unique, avaient eu pour objet de dissimuler la réelle existence de la société Omnilogic International derrière des actes fictifs l’ayant, en apparence, fait disparaître (liquidation tronquée), que la partie civile avait fait valoir qu’en réalité, cette société, fictivement cédée pour un franc le 12 octobre 1993 à une société de droit irlandais, valait, neuf mois et demi plus tard, le 26 juillet 1994, sept millions de dollars (soit 49 millions de francs) et, quatre ans plus tard, Ie 23 décembre 1998, 170 millions de francs ; qu’elle ajoutait que, grâce à ces manoeuvres, qui avaient visé à faire croire au marché boursier que la SCOA avait comptablement perdu 482,1 millions de francs, le cours des actions de ladite société dont Serge X… détenait un portefeuille important, s’était effondré, ce qui avait contribué à l’appauvrissement de ce dernier ; qu’en se bornant à énoncer quelques motifs généralement abstraits pour refuser d’informer, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés ;
« alors, d’autre part que, subit un préjudice certain et direct, dans un lien de cause à effet avec l’infraction dénoncée, l’actionnaire d’une société qui découvre que l’effondrement du cours des actions d’une société dont il est actionnaire a été la conséquence de manoeuvres frauduleuses destinées à faire apparaître ladite société comme ayant subi, du fait de sa filiale cédée fictivement pour un franc, des pertes colossales, et qu’en réalité, cette filiale n’a jamais cessé d’être prospère, sa cession fictive pour une somme symbolique n’ayant eu précisément pour but que l’effondrement du cours de l’action de la société-mère ; qu’en affirmant que la circonstance que Serge X… soit actionnaire de la société-mère (la SCOA) de la société Omnilogic International était indifférente, cependant que les pertes apparentes de la seconde avaient été absorbées par la première (la SCOA) pour provoquer un effondrement du cours de l’action SCOA, la chambre de l’instruction s’est déterminée par un motif inopérant qui prive sa décision de toute base légale » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour confirmer l’ordonnance du juge d’instruction déclarant irrecevable la plainte avec constitution de partie civile de Serge X… et portant refus d’informer, la chambre de l’instruction constate, d’une part, que les faits contraventionnels dénoncés sont insusceptibles de donner lieu à l’ouverture d’une information par application de l’article 85 du Code de procédure pénale et, d’autre part, que ceux relatifs à la déclaration faite au greffe du tribunal de commerce, par le président-directeur général d’une société, visant une adresse qui serait inexacte, ne seraient pas, à les supposer établis, susceptibles de recevoir une qualification pénale ; qu’en outre, le plaignant n’étant ni actionnaire, ni salarié de ladite société, ne justifiait pas d’un préjudice personnel et direct ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, sans avoir omis de répondre aux articulations essentielles du mémoire qui lui était soumis, la chambre de l’instruction a justifié sa décision ;
D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chanut conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;