Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 5 septembre 2007, 06-85.553, Inédit

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 5 septembre 2007, 06-85.553, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq septembre deux mille sept, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BAYET, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DAVENAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

– X… Cédrick,

– X… Maurice,

contre l’arrêt de la cour d’appel de SAINT-DENIS DE LA REUNION, chambre correctionnelle, en date du 1er juin 2006, qui les a condamnés, le premier, pour complicité de présentation de comptes annuels infidèles et d’abus de biens sociaux et recel, et le second, pour abus de bien sociaux et présentation de comptes annuels infidèles, chacun à un an d’emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d’amende, cinq ans d’interdiction professionnelle et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3, 3 , du code de commerce, 121-7 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, contradiction de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Maurice X… coupable du délit de présentation de comptes annuels inexacts et Cédrick X… coupable de complicité de ce même délit ;

« aux motifs que la chronologie des faits rappelés ci-dessus montre que la SARL Sogecat a été durant sa vie sociale constamment et gravement déficitaire, ne devant sa survie et la poursuite de son activité qu’aux flux financiers provenant de l’ASJD ; qu’ainsi, de 1996 à 1997, la comptabilité a enregistré des flux financiers de l’ASJD vers la Sogecat à hauteur de la somme de 2 235 000 francs ; qu’avant de démissionner le 25 juillet 1997 de la gérance salariée, Lucien Y… a régularisé l’existence de ce flux par la signature d’une convention d’assistance financière entre l’ASJD et Sogecat pour 2 millions de francs ; que depuis sa création en 1996 jusqu’à sa dissolution en septembre 2001, la Sogecat a été constamment déficitaire ; que dans ce contexte, le bilan de l’exercice 1999-2000 arrêté au 30 juin 2000 qui fait apparaître un excédent positif de 606 376 francs présenté lors de l’assemblée générale du 4 octobre 2000 constitue une exception obtenue artificiellement et grâce à un montage financier réalisé le 27 janvier 2000 ; qu’à cette date, l’ASJD rachetait les actifs de la Sogecat pour 1 020 000 francs ;

que la convention de cession portait sur un fonds de commerce pour 490 000 francs, des biens matériels pour 210 000 francs, et le droit au bail des locaux Sogecat pour 320 000 francs ; que le caractère artificiel et même fictif de cette opération apparaît à plusieurs niveaux ; qu’en premier lieu, l’ASJD rachetait des éléments d’actif qu’elle avait elle-même financés en grande partie, sinon exclusivement ; qu’en second lieu, il est précisé au paragraphe 3 du procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire de la Sogecat en date du 4 octobre 2000 que le droit au bail renouvelé au nom de la Sogecat ne pouvait être cédé à l’ASJD ; qu’en troisième lieu, s’agissant du matériel, le manque d’inventaire précis lors du transfert ne permet pas de justifier si le montant de la transaction correspondait à une valeur réelle ; qu’enfin, la présentation du faux bilan faisant apparaître un exercice excédentaire au 30 juin 2000 n’a pu qu’induire en erreur les actionnaires et administrateurs de l’ASJD sur la valeur du fonds de commerce lorsqu’ils ont décidé de cette acquisition ; qu’en conséquence, le rachat des actifs de la Sogecat apparaît bien comme un artifice comptable ayant permis de présenter un exercice excédentaire de cette société au 30 juin 2000 avec en corollaire une tromperie sur la valeur réelle des actifs Sogecat, ainsi que sur la valeur réelle des parts rachetées aux actionnaires personnes physiques à leur valeur nominale de 500 francs l’unité ; que le rapport de M. Z… fait d’ailleurs ressortir le bénéfice enregistré notamment par Lucien Y… (208 410 francs), Cédrick X… (137 650 francs) et Maurice X… (208 410 francs) du fait de la différence entre la valeur réelle des actions Sogecat cédées à l’ASJD et leur valeur nominale ; que Maurice X… a été nommé gérant salarié de la SARL Sogecat le 24 octobre 1997 et l’est resté jusqu’en janvier 2001 ; que de par sa qualité de vice-président de l’ASJD, et actionnaire

de la Sogecat, Maurice X… était également au fait de la situation gravement déficitaire de cette dernière société, et a participé également à toutes les décisions et assemblées générales ayant permis le montage financier dénoncé et la présentation du faux bilan à l’assemblée générale du 4 octobre 2000 ; qu’il a également bénéficié, en tant qu’actionnaire de la Sogecat, de la plus-value des titres revendus à l’ASJD à leur valeur nominale du fait du bilan falsifié ; qu’il y a lieu de le retenir dans les liens de la prévention ; que d’abord embauché à Sogecat par Lucien Y… en 1997 comme commercial, Cédrick X… est devenu cogérant salarié de cette société à partir du 18 décembre 1999 et jusqu’à sa démission le 19 août 2000 ; qu’il a précisé par procès-verbal du 23 juillet 2003 avoir conservé la gérance de fait de cette société après sa démission et avoir continué à être employé par l’ASJD comme adjoint de direction ; qu’il était lui aussi parfaitement informé de la situation gravement déficitaire de la Sogecat, en particulier à la fin de l’année 1999 où la société se trouvait de facto en cessation de paiement ; que sa cogérance avec son père, Maurice X… rend peu crédible un défaut d’information sur la situation catastrophique de la Sogecat, ainsi que sur le montage financier opéré le 27 janvier 2000 (c’est-à-dire pendant la période de cogérance salariée) et entériné

par l’assemblée générale du 4 octobre 2000 à laquelle a participé en qualité de cogérant de fait et d’actionnaire de la Sogecat, aussi bien que d’adjoint de direction à l’ASJD ; qu’il a lui aussi bénéficié de la plus-value sur le rachat des actions Sogecat par l’ASJD ; qu’il y a lieu de le retenir également dans les liens de la prévention, mais en qualité de complice puisqu’il n’apparaissait plus comme gérant de la Sogecat le 4 octobre 2000 lors de la présentation des comptes inexacts ;

« 1) alors que le délit de présentation de comptes annuels inexacts suppose que les gérants aient présenté aux associés des comptes annuels ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice, de la situation financière et du patrimoine à l’expiration de cette période en vue de dissimuler la véritable situation de la société ;

qu’après avoir constaté que l’ASJD a racheté les actifs de la Sogecat pour 1 020 000 francs le 27 janvier 2000, la cour d’appel ne pouvait, sans se contredire, affirmer que la présentation du faux bilan lors de l’assemblée générale du 4 octobre 2000 faisant apparaître un exercice excédentaire au 30 juin 2000 n’a pu qu’induire en erreur les actionnaires et administrateurs de l’ASJD sur la valeur réelle du fonds de commerce lorsqu’ils ont décidé de cette acquisition ; que dès lors que la présentation des comptes était postérieure de près de 9 mois à l’acquisition des actifs, la cour d’appel ne pouvait valablement affirmer que ce sont ces comptes qui ont induit en erreur les actionnaires lors de la décision de rachat des actifs ;

qu’en statuant par ces motifs contradictoires, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

« 2) alors qu’il résulte de l’article 121-7 du code pénal que la complicité suppose un acte positif par fourniture de moyens, aide ou assistance, antérieur ou concomitant au délit principal ; qu’en se bornant à constater que Cédrick X… était  » parfaitement informé de la situation gravement déficitaire de la Sogecat et que sa cogérance avec son père rend peu crédible un défaut d’information sur la situation catastrophique de la Sogecat ainsi que sur le montage financier opéré le 27 janvier 2000 « , la cour d’appel n’a en rien caractérisé un acte positif de participation au délit de présentation de comptes annuels inexacts ; qu’en se bornant à induire la complicité de Cédrick X… des informations qu’il détenait sur la situation financière de la société, la cour d’appel n’a pas légalement justifié l’existence d’un acte de complicité » ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3, 4 , du code de commerce, 121-7 du code pénal, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Maurice X… coupable du délit d’abus de biens sociaux par introduction de la société LF Bagages dans les structures de la Sogecat et Cédrick X… coupable de complicité d’abus de biens sociaux ;

« aux motifs que le 01/07/1999, une convention de location de moyens était signée entre la société LF Bagages ayant pour gérant Cédrick X… et la société Sogecat dont Maurice X… était le gérant en exercice ; que cette convention portait la signature de Mme A…, associée de LF Bagages pour le compte de cette société, et celle de Maurice X… pour le compte de la Sogecat ; qu’en application de la convention, la société LF Bagages pouvait être installée en janvier 2000 dans les locaux aéroportuaires de la Sogecat, bénéficiant ainsi des moyens logistiques, humains, et des locaux de cette dernière sans contrepartie réelle comme le démontre notamment un procès-verbal d’huissier du 31/10/2001 relevant que LF Bagages occupait 150 m2 dans les locaux de la Sogecat au lieu des 60 m2 prévus dans la convention ; qu’or, à l’instar de la Sogecat, la société LF Bagage est une société de services qui n’a pu fonctionner que grâce aux moyens de la Sogecat, et sans que son utilité propre apparaisse par rapport à cette dernière ; que dans son audition du 23/07/2003, Cédrick X… indiquait qu’il avait effectivement assimilé LF Bagages à Sogecat et  » qu ‘il voulait mettre en place dans Sogecat la société LF Bagages dans laquelle il avait ses intérêts  » ; que lors de cette même audition, il se dit gérant de la Sogecat alors qu’il ne l’a été qu’à partir du 18/12/1999 ;que cette confusion est compréhensible puisqu’il était effectivement devenu cogérant de la Sogecat lors de l’installation de LF Bagages à l’aéroport en janvier 2000 ; que l’auteur principal de cette infraction d’abus de biens sociaux au préjudice de la Sogecat et au profit de LF Bagages se trouve donc être Maurice X…, à l’époque gérant en exercice de la Sogecat et signataire de la convention du 1 juillet 1999 ;

« alors, d’une part, que le délit d’abus de biens sociaux suppose que l’auteur des actes incriminés ait agi à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement ; qu’en se bornant, pour retenir la culpabilité de Maurice X… à relever l’existence d’une convention de moyens, signée par ce dernier pour le compte de la Sogecat, en vertu de laquelle la société LF Bagages pouvait être installée en janvier 2000 dans les locaux aéroportuaires de la Sogecat, bénéficiant ainsi des moyens logistiques, humains, et des locaux de cette dernière sans contrepartie réelle, sans établir ni même affirmer que Maurice X… avait, par cette convention, agi dans un quelconque intérêt personnel et sans répondre au chef péremptoire des conclusions invoquant que Maurice X… n’avait, à aucun moment, été associé de la SARL LF Bagages, la cour d’appel s’est prononcée par des motifs hypothétiques et insuffisants, impropres à caractériser l’infraction qu’elle a déclarée constituée ;

« alors, d’autre part, que la complicité ne peut être retenue qu’autant qu’il y a un fait principal dont l’existence est établie en tous ses éléments constitutifs ; qu’en l’espèce, la cour d’appel qui se borne à relever l’existence d’une convention de location de moyens entre la Sogecat et la SARL LF Bagages sans contrepartie réelle ne démontre en rien que cette convention a non seulement servi l’intérêt personnel de Maurice X…, mais encore causé un préjudice à la Sogecat, contraire à son intérêt social ; que dès lors que le délit d’abus de biens sociaux n’était pas caractérisé en tous ses éléments constitutifs, la cour d’appel ne pouvait condamner Cédrick X… du chef de complicité d’abus de biens sociaux sans violer les textes susvisés » ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 321-1 du code pénal, L. 241-3, 4 , du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Cédrick X… coupable du délit de recel d’abus de biens sociaux ;

« aux motifs qu’alors que Lucien Y… était redevenu gérant de droit de la société Sogecat à partir de janvier 2001, il octroyait par convention du 2 février 2001 à Cédrick X… un salaire brut mensuel d’un montant de 31 250 francs pour la période de janvier à octobre 2001 ; que par ce contrat à durée indéterminée, la société Sogecat embauchait Cédrick X…  » aux fins de lui confier l’exploitation et le développement de la société nouvellement créée en qualité d’agent technico-commercial, de responsable export, puis de chef d’exploitation export  » ; qu’il était précisé au contrat que ce salaire était forfaitaire et exclusif de toute rémunération supplémentaire ; qu’en exécution de ce contrat, Cédrick X… a perçu 10 mois de salaire, soit jusqu’à la dissolution de la Sogecat ; qu’or, au jour de la signature du contrat, et après dissipation des effets du faux bilan arrêté au 30 juin 2000, la situation de la société Sogecat apparaissait nettement dégradée, en état de quasi cessation des paiements comme le démontrera son sort quelques mois plus tard ; que cette situation ne pouvait échapper ni à Lucien Y… redevenu gérant de droit de la Sogecat, ni à Cédrick X… qui en avait été cogérant officiellement jusqu’en août 2000, les deux ayant participé activement sa vie durant au fonctionnement de cette société ; que Lucien Y… doit donc être retenu dans les liens de cette prévention en qualité de gérant de la Sogecat, et Cédrick X…, bénéficiaire du salaire en qualité de receleur ;

« alors que le délit de recel suppose que soit avérée l’existence de l’infraction principale caractérisée en tous ses éléments constitutifs ; qu’en l’espèce, la cour d’appel qui se borne à relever que la situation financière dégradée de la Sogecat ne pouvait échapper à son gérant, n’a pas caractérisé l’élément intentionnel du délit d’abus de biens sociaux qui suppose que son auteur ait agi à des fins personnelles ; qu’en s’abstenant de constater de manière précise l’existence du délit d’abus de biens sociaux, infraction principale, la cour d’appel ne pouvait déclarer Cédrick X… coupable du délit de recel d’abus de biens sociaux sans violer les textes susvisés » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l’allocation, au profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Bayet conseiller rapporteur, Mme Thin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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