Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 18 novembre 2010), que le 23 septembre 2005, la société Thomson, dénommée ultérieurement Technicolor, (la société émettrice) a émis des titres super-subordonnés pour un montant global de 500 000 000 euros ; que les sociétés Unicredit bank (la société Unicredit), Eton park international (la société Eton), Carlson capital (la société Carlson), Numen capital (la société Numen) et Delta alternative management (la société Delta) sont porteurs, pour un montant nominal global de 160 000 000 euros, d’une partie de ces titres ; que le 30 novembre 2009, la société Technicolor a été mise sous sauvegarde, la selarl FHB étant désignée administrateur judiciaire et les sociétés Ouizille de Keating et MJA mandataires judiciaires ; que le 21 décembre 2009, le comité des établissements de crédit et assimilés ainsi que celui des principaux fournisseurs ont approuvé à l’unanimité le projet de plan de sauvegarde de la société émettrice ; que le 22 décembre 2009 l’assemblée unique des obligataires (l’AUO) à laquelle participaient les porteurs des titres super-subordonnés, a approuvé à la majorité qualifiée le projet de plan, dix des porteurs de titres super-subordonnés, dont les sociétés Unicrédit, Eton, Carlson, Numen et Delta, ne l’ayant pas approuvé ; que le 31 décembre 2009, ces dernières ont contesté la régularité de l’AUO ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les sociétés Unicredit, Eton et Carlson font grief à l’arrêt d’avoir rejeté leur demande en annulation de la délibération de l’AUO du 22 décembre 2009 et celle en réouverture de la procédure de sauvegarde et d’avoir confirmé les dispositions du jugement arrêtant le plan de sauvegarde, alors, selon le moyen, que lorsqu’une assemblée unique des obligataires, appelée à statuer sur le projet du plan de sauvegarde, méconnaît les droits de vote d’une catégorie particulière d’obligataires, le juge doit annuler la décision adoptée, indépendamment de l’incidence d’une telle irrégularité sur le sens du vote ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a admis que la limitation du droit de vote des porteurs de TSS à 6 % du nominal avait entaché d’irrégularité les modalités de vote de l’assemblée unique des obligataires du 22 décembre 2009, leurs droits de vote devant être proportionnels au montant du nominal ; qu’en retenant que la nullité de la décision entachée d’une irrégularité flagrante ne pouvait être prononcée en raison de » l’absence d’influence de l’irrégularité du vote sur les résultats « , la cour d’appel a violé l’article L. 626-32 du code de commerce, ensemble l’article L. 235-1 du même code ;
Mais attendu qu’après avoir rappelé la teneur de l’article L. 626-32, alinéa 3, du code de commerce dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 décembre 2008, selon laquelle, nonobstant toute clause contraire et indépendamment de la loi applicable au contrat d’émission, les porteurs de titres expriment leur vote selon le montant des créances obligataires qu’ils détiennent, l’arrêt retient que l’administrateur judiciaire n’a pas le pouvoir de priver certains des obligataires de leurs droits de vote en décidant que seule une partie du nominal de leurs titres leur confère un droit de vote et que les modalités de vote de l’assemblée générale des obligataires du 22 décembre 2009 sont irrégulières ; que l’arrêt retient encore que dix des porteurs de titres super-subordonnés auxquels il a été accordé un droit de vote de 6 % du nominal de leurs titres, et représentant en conséquence 11 450 000 euros, ont voté contre le projet de plan, que les résultats des votes ont été ainsi de 98, 77 % pour, et 1, 23 % contre et que si les dix porteurs de ces titres avaient pu voter en proportion du nominal de leurs titres, ils auraient représenté environ 191 000 000 euros ; que l’arrêt en déduit que les résultats favorables au plan auraient alors été de 82, 80 % et défavorables de 17, 20 %, que les votes favorables auraient donc dépassé largement 66, 67 %, et qu’en conséquence l’AUO aurait approuvé le projet de plan ; qu’ayant ainsi considéré, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, que l’irrégularité ayant affecté les modalités du vote des porteurs des titres super-subordonnés lors de l’AUO n’avait eu aucune influence sur le résultat du vote, la cour d’appel en a exactement déduit que la nullité de la délibération n’était pas encourue ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que les sociétés Unicredit, Eton et Carlson font grief à l’arrêt d’avoir rejeté leur demande tendant à faire juger que les porteurs de titres super-subordonnés émis le 23 septembre 2005 seraient exclus du plan de sauvegarde et d’avoir en conséquence confirmé les dispositions du jugement arrêtant le plan de sauvegarde, alors, selon le moyen :
1°/ que la composition des comités de créanciers et de l’assemblée unique des obligataires est déterminée au vu des créances nées antérieurement au jugement d’ouverture ; que les titres super subordonnés qui n’obligent l’émetteur au remboursement du nominal qu’en cas de dissolution, et après désintéressement de tous les autres créanciers à la seule exception des actionnaires, ou à une date que celle-ci choisit ne génèrent aucune créance de remboursement du nominal antérieure au jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, de telles modalités de remboursement privant l’engagement de remboursement de toute consistance ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que le remboursement du nominal était fixé à la date de dissolution de la société ou, au plus tôt, en 2015 si la société Thomson décidait de rembourser ; qu’en retenant que les créances de remboursement étaient déjà nées à la date de conclusion du contrat d’émission, la cour d’appel a violé l’article L. 626-30 du code de commerce ;
2°/ que les titres super subordonnés qui n’obligent l’émetteur à verser des intérêts au porteur qu’au cas où il déciderait de verser des dividendes à ses actionnaires ne génèrent aucune créance d’intérêts antérieure au jugement d’ouverture, le droit aux intérêts étant affecté d’une condition potestative du débiteur qui le prive de toute consistance ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que la société Thomson pouvait se dispenser du paiement des intérêts » notamment si, pendant l’exercice aucun dividende n’est versé » ; qu’en affirmant que les créances d’intérêts étaient déjà nées à la date de conclusion du contrat d’émission, lorsqu’il résultait de ses propres constatations qu’elles étaient affectées d’une condition purement potestative et comme telles dépourvues de toute consistance juridique, la cour d’appel a violé l’article L. 626-30 du code de commerce ;
3°/ que la procédure de sauvegarde et le projet de plan ne peuvent concerner que les seules créances nées antérieurement à l’ouverture de cette procédure et dont le remboursement pourrait compromettre le redressement de l’activité du débiteur ; que doivent donc être exclus du champ du plan les titres super subordonnés dès lors que le report du remboursement du nominal à la dissolution de la société et l’attribution d’un rang ultime, ou à une date que choisit la société émettrice à partir de 2015, d’une part, et la possibilité pour la société de se dispenser de tout versement des intérêts, d’autre part, exclut qu’ils puissent constituer une entrave à la poursuite de l’activité de l’entreprise ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a admis que les titres super subordonnés étaient traités, en raison de telles modalités de paiement des créances de nominal et d’intérêts, comme des » fonds propres » ; qu’en retenant néanmoins qu’ils devaient faire partie de la procédure de sauvegarde, la cour d’appel a violé l’article L. 626-30 du code de commerce ;
4°/ que la cour d’appel a expressément admis que les créances ne devaient être incluses dans le plan de sauvegarde que » pour le montant impayé au jour du jugement d’ouverture, et seulement pour ce montant » ; qu’elle a ensuite admis qu’ » au 30 novembre 2009, la société Thomson SA ne devait pas d’intérêts aux porteurs de TSS » pour en déduire » qu’il n’existe aucune créance au titre des intérêts qui pourraient faire partie du plan d’apurement du passif » ; qu’en retenant néanmoins que les créances d’intérêts avaient pu être soumises aux dispositions du plan de sauvegarde, la cour d’appel a violé l’article L. 626-30 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, qu’ayant énoncé que la date de naissance d’une créance contractuelle n’est pas la date de son exigibilité et ayant retenu à bon droit que la créance de remboursement du nominal des titres super-subordonnés émis le 23 septembre 2005 ainsi que la créance d’intérêts étaient nées à la date du contrat d’émission de ces titres, la cour d’appel en a exactement déduit que ces créances étaient antérieures au jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde ;
Attendu, en second lieu, que l’arrêt retient que comme tous les autres créanciers obligataires, les porteurs des titres super-subordonnés pouvaient se voir imposer un abandon partiel ou total de leurs créances et une conversion de leurs créances en titres donnant ou pouvant donner accès au capital ; que l’arrêt retient encore que ces mesures ne pouvaient être imposées que par la majorité qualifiée des membres de l’assemblée générale des obligataires, ce qui impliquait, en l’état du droit actuel, que les porteurs de titres super-subordonnés fussent membres de cette assemblée et que les modifications à leurs droits fissent partie du projet de plan soumis à l’approbation de cette assemblée ; que de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a exactement déduit que les porteurs de titres super-subordonnés ne pouvaient pas être exclus de l’assemblée générale des obligataires ;
Et attendu, en dernier lieu, que la cour d’appel a constaté qu’il n’existait aucune créance au titre des intérêts non payés pouvant être soumise au plan d’apurement du passif ;
D’où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa quatrième branche, n’est pas fondé pour le surplus ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu que les sociétés Unicrédit, Eton et Carlson font grief à l’arrêt d’avoir déclaré irrecevable leur demande tendant à l’annulation de la disposition du plan de sauvegarde qui prive les porteurs de titres super-subordonnés émis le 23 septembre 2005 de leur droit aux intérêts futurs et d’avoir en conséquence confirmé les dispositions du jugement arrêtant le plan de sauvegarde, alors, selon le moyen :
1°/ qu’avant d’arrêter le plan adopté par les comités de créanciers et l’assemblée unique des obligataires, le tribunal doit s’assurer que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés ; qu’il a donc pouvoir pour rejeter un plan qui n’est pas conforme à cette exigence ou, à tout le moins, d’annuler les dispositions du plan qui auraient pour effet de méconnaître les intérêts d’une catégorie de créanciers ; qu’en affirmant que » le tribunal arrête le plan conformément au projet adopté » sans disposer du » pouvoir de modifier les propositions acceptées par l’AUO « , pour déclarer en conséquence » irrecevable » la demande des porteurs de TSS d’annuler la disposition du plan qui les prive de leur droit aux intérêts futurs, la cour d’appel a violé l’article L. 626-31 du code de commerce ;
2°/ que pour s’assurer que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés, le tribunal doit vérifier que les droits d’une catégorie particulière de créanciers ne sont pas sacrifiés au profit d’autres créanciers ; qu’en l’espèce, les porteurs de TSS faisaient valoir non seulement que leurs droits de vote avaient été bafoués, circonstance expressément admise par la cour d’appel, mais encore que les dispositions du plan avaient pour objet et pour effet de les priver de leurs droits à intérêts futurs, ceci à seule fin de permettre aux créanciers seniors, dont les titres devaient ultérieurement être transformés en actions, de bénéficier de dividendes sans que la société n’ait pour autant à verser d’intérêts aux porteurs de TSS ; qu’à l’appui de cette affirmation, les exposantes produisaient aux débats un communiqué de presse du 27 juillet 2009 dans lequel la société Thomson affirmait clairement l’objectif des dispositions litigieuses du plan : » enfin, le plan de restructuration prévoit que les détenteurs de TSS recevront 25 millions d’euros en numéraire en contrepartie de la suppression de leurs droits à tous paiements éventuels (autres que le principal) attachés aux TSS. A la suite de la mise en oeuvre du plan de restructuration, les seuls droits relatifs aux TSS qui subsisteraient concerneraient le remboursement du principal dans le cas d’une dissolution ou d’une liquidation de la société. A l’avenir, la société serait en mesure de payer des dividendes ou d’effectuer des distributions à ses actionnaires sans payer de coupon aux porteurs des TSS ( ) » ; qu’en se bornant à relever, par motifs éventuellement adoptés, que ces éléments ne permettaient pas d’affirmer que ces créanciers étaient insuffisamment protégés, que la décision avait été adoptée à une large majorité, que les mesures prises étaient nécessaires à la poursuite de l’activité, que » bien que la dette de la société diminue substantiellement au terme de la restructuration financière, aucun abandon de créance n’a été consenti par eux « , que les efforts demandés aux créanciers sont équilibrés » en fonction de la nature de la créance » et que le comité d’entreprise avait émis un avis favorable, sans à aucun moment s’assurer précisément que les dispositions litigieuses du plan n’avaient pas créé un traitement inéquitable au détriment des seuls porteurs de TSS qui étaient privés de leurs droits futurs aux intérêts, ce qui avait ruiné la valeur boursière des titres, au profit des créanciers seniors, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 626-31 du code de commerce ;
3°/ que le tribunal ne saurait en aucun cas adopter un plan adopté dans des conditions méconnaissant le droit de vote des créanciers membres de l’assemblée unique des obligataires ; qu’en adoptant le plan litigieux, lorsqu’elle avait elle-même expressément constaté que la limitation du droit de vote des porteurs de TSS à 6 % du nominal avait entaché d’irrégularité les modalités de vote de l’assemblée unique des obligataires du 22 décembre 2009, ce qui suffisait à établir que les intérêts de cette catégorie d’obligataires n’avaient pas été respectés, la cour d’appel a violé l’article L. 626-31 du code de commerce ;
Mais attendu qu’ayant relevé par motifs adoptés que les propositions formulées dans le projet de plan de sauvegarde étaient cohérentes avec les intérêts des créanciers en présence, leur caractère ou non subordonné, et stratégique ou non pour l’entreprise et qu’elles correspondaient à des efforts équilibrés des créanciers en fonction de la nature de leurs créances, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a souverainement retenu que les intérêts des porteurs des titres super-subordonnés étaient suffisamment protégés ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu que les premier et deuxième moyens ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Unicredit bank, Eton park international, Carlson capital, Numen capital et Delta alternative management aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande, les condamne à payer, d’une part, à la société Technicolor la somme globale de 2 500 euros, et, d’autre part, aux sociétés FHB, MJA et Ouizille de Keating, agissant toutes trois ès qualités, la même somme globale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour les sociétés Unicredit bank Ag, Carlson capital LP, Delta alternative management, Eton park international LLP et Numen capital LLP.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR déclaré irrecevable l’appel interjeté par la société DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT
AUX MOTIFS QU’il résulte des dispositions de l’article R. 626-63 que le délai pour former les contestations relatives à l’application de l’article L. 626-32 est de dix jours à compter du vote de l’assemblée générale des obligataires ; que la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT a contesté le 19 janvier 2010 l’AUO du 22 décembre 2009 ; que cette contestation est irrecevable comme tardive ; que la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT est intervenue volontairement devant le Tribunal de commerce de Nanterre le 19 janvier 2010 ; qu’il résulte des dispositions de l’article 329 du Code de procédure civile que l’intervention principale n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir ; que le droit d’agir de la société SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT étant prescrit, l’intervention volontaire de cette dernière n’aurait pu être qu’accessoire ; que l’intervention volontaire n’est ouverte qu’aux personnes étrangères à l’instance que tel n’est pas le cas de la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT qui avait qualité pour intenter l’instance, à condition d’agir dans le délai de dix jours à compter de son vote lors de l’AUO ; que l’intervention volontaire est irrecevable lorsqu’elle a pour effet de régulariser une procédure ; que tel est le cas de l’intervention volontaire de la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT qui a pour objet de lui permettre d’être partie à l’instance, malgré l’obstacle qui résulte de la tardiveté de sa contestation ; qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que l’intervention volontaire de la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT était irrecevable ; Sur la recevabilité de l’appel de la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT, la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT soutient que son intervention volontaire en première instance lui a donné la qualité de partie au jugement et qu’en conséquence elle peut en interjeter appel dans les mêmes conditions que les autres parties ; sur ce : que l’irrecevabilité de l’intervention volontaire étant confirmée en appel, la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT n’a pas été partie en première instance ; que pour cette première raison l’appel de cette dernière est irrecevable ; qu’en outre, l’article L. 661 § I, 6° réserve le droit d’appel au créancier ayant formé une contestation en application de l’article L. 626-34-1 ; que la contestation de la SAS DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT étant irrecevable comme tardive, cette dernière est privée du droit de faire appel ; que pour cette seconde raison, son appel est irrecevable ;
1°) ALORS QUE l’intervention principale est ouverte à toute personne qui a le droit d’agir relativement à cette prétention et qui a donc qualité pour diligenter une nouvelle instance ; qu’en retenant néanmoins que l’intervention principale n’est ouverte qu’aux personnes « étrangères à l’instance », pour déclarer irrecevable l’intervention formée par la société DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT « qui avait qualité pour intenter l’instance », et en jugeant en conséquence irrecevable l’appel de celle-ci (arrêt attaqué p. 14), la cour d’appel a violé l’article 329 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l’intervention volontaire principale est recevable dès lors qu’elle peut se greffer sur une instance principale préexistante, quand bien même son auteur aurait été forclos pour diligenter une instance ; que l’article R. 626-63 du code de commerce qui impartit aux membres des comités un délai de dix jours pour contester le vote, ne concerne que les demandes formées à titre principal, sans prévoir de dispositions particulières pour le délai d’exercice d’une contestation formée par voie d’intervention principale ; qu’en affirmant que la société DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT n’était pas recevable à former une intervention à titre principal faute d’avoir agi dans le délai imparti par l’article R. 626-63 du code de commerce, et en déclarant en conséquence irrecevable l’appel formé par celle-ci (arrêt attaqué p. 14), la cour d’appel a violé l’article 329 du code de procédure civile, ensemble l’article R. 626-63 du code de commerce ;
3°) ALORS QUE sauf dispositions spéciales contraires, l’intervenant principal acquiert la qualité de partie à l’instance et peut donc exercer les voies de recours dans les mêmes conditions que ceux qui ont introduit l’instance ; que l’article L. 661 § I, 6° du code de commerce réserve le droit d’appel au créancier ayant formé une contestation en application de l’article L. 626-34-1, sans refuser ce droit au créancier qui aurait formé une telle contestation au moyen d’une intervention principale ; qu’en affirmant que l’appel formé par la société DELTA ALTERNATIVE MANAGEMENT était irrecevable, faute pour elle d’avoir formé une contestation dans le délai imparti, lorsque celle-ci avait acquis la qualité de partie en première instance du fait de son intervention principale et était donc recevable à former appel au même titre que les autres créanciers, la cour d’appel a violé l’article L. 661 § I, 6° du code de commerce, ensemble l’article 329 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR infirmé le jugement en ce qu’il avait rejeté la demande en annulation des actes de procédure que la société NUMEN CAPITAL LLP avait fait pratiquer, D’AVOIR annulé ces actes de procédure dont la déclaration d’appel et D’AVOIR déclaré irrecevable l’appel de la société NUMEN CAPITAL LLP,
AUX MOTIFS QUE les intimées contestent la qualité à agir de la société et son pouvoir d’agir pour le compte d’investissement ; que la société NUMEN CAPITAL LLP prétend qu’elle est dûment représentée par Monsieur Jonathan X…, habilité en vertu de l’« Offering Memorandum » en date du 29 octobre 2008, que son pouvoir d’agir en justice pour le comptes du fonds Numen Credit Opportunities Fund Inc, ressort du « Discretionary Investment Managment and Marketing Agreement » en date du 29 octobre 2008 ; sur ce : que la société NUMEN CAPITAL LLP ne produit pas les documents qu’elle invoque ; que le moyen de nullité des actes de procédure soulevé par les intimées ne peut en conséquence être rejeté ; qu’il convient d’annuler ces actes, et de constater qu’en conséquence de l’annulation de la déclaration d’appel, la cour n’est pas saisie du recours de la société NUMEN CAPITAL LLP ;
ALORS QU’une partie qui a déjà produit des pièces en première instance n’est pas tenue de les communiquer en cause d’appel, à moins que son adversaire ait demandé une telle communication ; qu’en l’espèce, la société NUMEN CAPITAL LLP, agissant en qualité de société de gestion du fonds d’investissement NUMEN CREDIT OPPORTUNITIES FUND INC., avait produit, en première instance (cf. récapitulatif des pièces produites joint aux conclusions d’appel), des pièces justifiant du pouvoir de Monsieur Jonathan X… : un « Offering Memorandum », en date du 29 octobre 2008, donnant pouvoir à Monsieur Jonathan X… de représenter la société NUMEN CAPITAL LLP, un « Discretionary Investment Management and marketing agreement, en date du 29 octobre 2008, consenti par le fonds NUMEN CREDIT OPPORTUNITIES FUND INC, à la société NUMEN CAPITAL LLP (productions n° 13 et 14 et également les statuts, production n° 15), donnant spécifiquement mandat à Monsieur Jonathan X… d’agir en justice dans le cadre du litige opposant les deux sociétés à la société TECHNICOLOR (cf. pages 1 et 6 de « l’offering memorandum », production n° 14) ; qu’en retenant que « la société NUMEN CAPITAL LLP ne produit pas les documents qu’elle invoque », pour annuler la déclaration d’appel formée au nom de cette société, lorsque les sociétés intimées n’avaient pas demandé la communication de ces pièces déjà produites en première instance (cf. conclusions des sociétés intimées, productions n° 18 à 21) et que la cour d’appel n’avait adressé à la société NUMEN CAPITAL LLP aucune sommation de les communiquer, la cour d’appel a violé l’article 132, alinéa 3, du code de procédure civile, ensemble l’article 117 du même code.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait débouté les sociétés UNICREDIT BANK AG, ETON PARK INTERNATIONAL LLP, CARLSON CAPITAL LP de leurs demandes en annulation de la délibération de l’AUO et DE LES AVOIR en conséquence déboutées de leur demande en réouverture de la procédure de sauvegarde et D’AVOIR confirmé les dispositions du jugement arrêtant le plan de sauvegarde
AUX MOTIFS QUE Avant de répondre aux moyens soulevés, par les sociétés appelantes au soutien de leurs demandes, et par les sociétés intimées pour s’opposer à ces demandes, il convient d’examiner les caractéristiques des TSS et les conséquences juridiques découlant de ces caractéristiques ; sur les caractéristiques des titres super subordonnés TSS ; que les titres super subordonnés TSS présentent les caractéristiques essentielles suivantes :- le droit au remboursement du nominal est repoussé à la dissolution de la société émettrice, cette dernière ayant toutefois la possibilité d’imposer un remboursement anticipé à partir du 25 septembre 2015,- les porteurs de TSS passent après tous les créanciers de la société, juste avant les actionnaires,- le versement des intérêts est soumis à la condition que des dividendes soient versés, et à défaut, sont définitivement perdus pour l’exercice correspondant. Sur les conséquences juridiques que la cour déduit de ces caractéristiques : 1/ Les TSS sont des obligations ; que les titres super subordonnés TSS comportent les caractéristiques essentielles des obligations :- ces titres font l’objet d’un contrat d’émission d’obligations, en l’espèce le contrat en date du 23 septembre 2005,- le montant de l’émission de 500 M est divisé en titres,- chaque titre comporte un nominal dont le montant doit être remboursé par la société à la date d’échéance du titre,- le titre est négociable,- le titre est nominatif ou au porteur, en l’espèce il est au porteur,- le titre donne droit à des intérêts dont la périodicité, le taux, et la durée des paiements sont déterminés par le contrat d’émission, en l’espèce le nominal de chaque titre doit contractuellement produire des intérêts aussi longtemps que le nominal n’aura pas été remboursé ; 2/ Les TSS sont des obligations dont les particularités en font une catégorie à part ; que les titres super subordonnés comportent des caractéristiques qui en font une catégorie spéciale, parmi les titres obligataires ; que ces particularités concernent le droit au remboursement du nominal, et le droit à la perception des intérêts ; Sur le remboursement du nominal : que le nominal est remboursable au plus tôt le 25 septembre 2015, et au plus tard à la dissolution de la société Thomson SA ; qu’entre ces deux dates, la société Thomson SA peut décider de rembourser le nominal, sans que les porteurs de TSS puissent l’y obliger ; qu’ainsi, les TSS ont un terme certain ; que le fait que ce terme puisse survenir entre le 25 septembre 2015, et le jour de la dissolution de la société Thomson SA ne rend pas le terme incertain, mais le rend déterminable entre une date fixe, et un événement certain ; que le TSS n’est pas perpétuel ; qu’il ne peut durer que ce que durera la société émettrice ; que la créance de remboursement du nominal n’est pas conditionnelle ; que la société Thomson SA doit rembourser le nominal aux porteurs de TSS ; que ce droit au remboursement du nominal n’est soumis à aucune condition ; que le fait que, compte tenu de son rang, cette créance risque de ne pas être remboursée, ne la rend pas conditionnelle ; que la qualification comptable des TSS en » autres fonds propres « , conformément aux dispositions de l’article R. 123-190, n’est d’aucune conséquence sur la nature juridique de la créance de remboursement du nominal ; que cette qualification s’explique par le fait que cette créance sur la société ne peut être exigée qu’en cas de dissolution de la société et lorsque tous les autres créanciers, sauf les actionnaires, ont été payés ; que les TSS se distinguent des actions par le fait que ces titres ne donnent droit qu’au remboursement du nominal, alors que les actions donnent droit au remboursement de leur nominal, augmenté du boni de liquidation ; que les actions représentent une partie de la valeur de la société, alors que la valeur des TSS est sans lien direct avec cette valeur, mais seulement avec la solvabilité de la société et la variation des taux d’intérêts sur le marché ; qu’en définitive, la créance des porteurs de TSS en remboursement du nominal est une créance certaine, inconditionnelle, d’un montant déterminé, dont la seule particularité réside dans le fait que son paiement ne peut être exigé que lors de la dissolution de la société Thomson SA ; Sur le droit aux intérêts : que dans le contrat d’émission des obligations sous forme de titres super subordonnés, la société Thomson SA s’est engagée à verser un intérêt calculé sur le nominal des titres, aussi longtemps que ce nominal ne serait pas remboursé ; que le taux d’intérêt est fixé à 5, 75 % jusqu’au 25 septembre 2015, puis varie annuellement selon le taux Euribor + 3, 625 points ; que toutefois la société Thomson SA est dispensée de verser les intérêts qui sont alors définitivement perdus, dans certaines circonstances, et notamment si pendant l’exercice aucun dividende n’est versé ; qu’en d’autres termes, la créance d’intérêts est conditionnée au paiement des dividendes ; qu’en conséquence les actionnaires ne peuvent percevoir des dividendes qu’après que les intérêts ont été payés aux porteurs de TSS ; que le paiement des dividendes est subordonné au paiement des intérêts obligataires ; que malgré ce lien entre dividendes et intérêts, les deux créances sur la société conservent leur régime juridique propre ; qu’en effet : comme tous les intérêts dus aux obligataires, les intérêts dus aux porteurs de TSS sont d’un montant déterminé par le contrat d’émission, à partir de la valeur nominale du titre et du taux d’intérêt,- les dividendes dus aux actionnaires sont d’un montant déterminé à chaque exercice, dans la limite des bénéfices distribuables ; qu’en définitive la créance d’intérêts des porteurs de TSS ne présente de différence avec la créance d’intérêts des autres obligataires que de s’effacer lorsque des dividendes ne sont pas versés pendant un ou plusieurs exercices, et de devoir être payée avant toute distribution de dividendes ; que comme toutes les créances d’intérêts des obligataires, elle ne prend fin que par le paiement du nominal du titre ; 3/ Sur la date de naissance, identique, de la créance de remboursement du nominal et de la créance d’intérêts : que la date de naissance d’une créance n’est pas la date de son exigibilité ; que la créance de remboursement du nominal est exigible à la date de dissolution de la société Thomson SA, mais peut faire l’objet d’un remboursement anticipé que cette dernière peut imposer aux porteurs du titre, après le 25 septembre 2015 ; que la créance d’intérêts est exigible, dès lors que la condition de paiement des dividendes est remplie, à chaque exercice ; que ces modalités de l’exigibilité de ces deux créances sont sans lien avec la date de leur naissance ; que c’est le contrat d’émission des TSS en date du 23 septembre 2005 qui fixe la date de naissance de la créance de remboursement du nominal des titres, ainsi que de la créance en paiement des intérêts produits par ces titres ; que ces créances sont donc antérieures au jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, le 30 novembre 2009 ; qu’il s’en déduit que ces créances doivent être incluses dans le plan de sauvegarde pour le montant impayé au jour du jugement d’ouverture, et seulement pour ce montant ; 4/ Sur l’absence d’intérêts non payés au 30 novembre 2009, et donc l’impossibilité d’inclure une créance au titre des intérêts dans le plan d’apurement du passif ; que dès lors qu’aucun dividende n’est versé, la créance au titre des intérêts produits par les TSS est définitivement éteinte ; que pour les exercices 2007 et 2008 les intérêts ont été payés ; que pour l’exercice 2009, aucun dividende n’a été versé et qu’en conséquence les intérêts exigibles pour cet exercice ne sont plus dus par la société Thomson SA ; qu’il s’en déduit qu’au 30 n