Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 octobre 2011, 10-19.093, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 octobre 2011, 10-19.093, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :

Vu les articles L. 1233-2 et L. 1233-4 du code du travail ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X… a été engagée le 1er septembre 1993, à Alès, en qualité d’assistante commerciale par la société Pleyel et Co, aux droits de laquelle se trouve la société Manufacture française de pianos, et a été licenciée le 4 mai 2007 pour motif économique, dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi ;

Attendu que pour dire que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouter la salariée de ses demandes en paiement de dommages-intérêts, l’arrêt retient que les possibilités de reclassement en interne ne devaient s’apprécier qu’au sein même de la société Manufacture française de pianos en l’absence d’existence d’un groupe et qu’un poste de reclassement externe lui a été proposé pour lequel sa candidature n’a pas été retenue ;

Qu’en statuant ainsi, après avoir constaté d’une part, qu’une proposition de reclassement avait été faite à la salariée auprès de la société Pleyel international, ce dont il résultait que la permutation de tout ou partie du personnel était possible entre les différentes sociétés du même groupe dont l’actionnaire majoritaire était le dirigeant de la société Manufacture française de piano, et d’autre part, que le poste offert à la salariée avait été pourvu par un recrutement extérieur, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a condamné la société Manufacture française de pianos à assurer une formation à Mme X…, l’arrêt rendu le 13 avril 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

Condamne la société Manufacture française de pianos aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Manufacture française de pianos à payer à Mme X… la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour Mme X…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif D’AVOIR dit que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation de reclassement et que le licenciement reposait sur une cause économique réelle et sérieuse et D’AVOIR, en conséquence, débouté la salariée de l’intégralité de ses demandes d’indemnités au titre de la rupture de son contrat de travail,

AUX MOTIFS QUE, sur la recherche de reclassement au niveau du groupe Aux termes de l’article L. 321-1 ancien du code du Travail, alors applicable, en son alinéa 3, : « le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l’entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent êtres écrites et précises « . Ainsi, le reclassement en externe doit être recherché à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur concerné parmi les entreprises dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation autorisent la permutation de tout ou partie du personnel. Madame X… soutient que la SAS Manufacture Française de Piano appartient à un groupe  » PLEYEL  » constitué de la société Pleyel International, de la Salle Pleyel dont les intérêts se confondent avec ceux de l’appelante compte tenu de l’identité de stratégie, de dirigeants et du lieu d’exploitation. La seule notion de groupe ne saurait résulter des indications portées sur un site internet consacré à la publicité de la marque Pleyel dont la licence est exploitée concurremment par plusieurs entités autonomes. En effet la présentation de ce site tend à exploiter l’image d’une marque de pianos particulièrement prestigieuse en procédant par extrapolation entre toutes les entités concourant à cette même fin sans pour autant qu’il soit possible d’en conclure à la définition ci-dessus rappelée de la notion de groupe. La seule référence commune et sans distinction à l’appellation  » PLEYEL  » ne révèle pas l’existence d’un groupe. Il ressort de l’attestation établie par l’expert-comptable de. la SAS Manufacture Française de Piano que cette dernière n’est la filiale d’aucun groupe et qu’elle ne détient aucune participation par ailleurs de même qu’elle ne fait l’objet d’aucune intégration fiscale. La SAS Manufacture Française de Piano a pour actionnaire principal Monsieur Hubert Y… lequel est également représentant de la société E. G. P. propriétaire des marques Gaveau, Pleyel et Erard. Cette dernière société n’a d’autre activité que de concéder des licences d’exploitation. Monsieur Y… était également actionnaire principal de la société IDSH propriétaire d’un ensemble immobilier abritant la Salle Pleyel. L’activité de cette dernière était assurée par la société Salle Pleyel, dissoute le 16 octobre 2006. La salle Pleyel a été fermée en 2002 pour d’importants travaux, l’ensemble du personnel de ce deux sociétés ayant alors été licencié. La société Salle Pleyel est en liquidation amiable. En 2003, aux termes d’un protocole, la société IDSH a loué la salle Pleyel à l’EPIC de la Cité de la Musique à effet du 1er septembre 2006, bail qui s’est poursuivi au profit de l’Etat en 2009. La société IDSH dont l’activité se limitait à encaisser les loyers ne présentait aucun effectif salarial de sorte qu’aucune permutation de personnel n’était envisageable. En mars 2006, Monsieur Y… a créé la société Pleyel International dans le but de promouvoir la marque Pleyel. Cette société n’avait aucun salarié jusqu’en septembre 2007. Aussi, lors du licenciement de Madame X…, il n’existait pas davantage de possibilité de permutation de personnel. Cette société a créé un  » show room  » destiné à présenter les produits de marque Pleyel, ce local étant situé dans le même immeuble que la salle Pleyel appartenant à la société IDSH. L’activité de ce show-room a débuté le 11 octobre 2007 soit bien après le licenciement de l’intimée. Le seul point commun entre ces différentes entités réside dans l’usage commun d’une marque française illustre, toutefois la seule société qui avait une activité de production était la SAS Manufacture Française de Piano qui ne fabrique depuis lors que des pianos de concert ou de prestige et dont l’activité a été concentrée à Saint Denis. Madame X… évoque par ailleurs la simultanéité de cadres dirigeants au sein de ces sociétés. Ainsi, Monsieur Anaud Z…, était président du conseil de directoire de la SAS Manufacture Française de Piano de janvier à juin 2002 puis président du directoire jusqu’en janvier 2005. Il sera à nouveau président du directoire pour une courte période en septembre 2007. L’activité de ce dernier consistant essentiellement dans la direction d’une société Trans Consult International spécialisée dans la gestion de crises, la restructuration d’entreprise et le conseil en stratégie, explique sa présence lors des négociations concernant l’établissement du PSE. Celui ci intervenait de la même manière pour de nombreuses autres sociétés en difficulté. Madame Anne-Emmanuelle B…n’était pas salariée de la société Pleyel International mais de la société Trans Consult Internantional. Les seules possibilités de reclassement en interne de la salariée devaient donc s’apprécier qu’au sein même de la SAS Manufacture Française de Piano en l’absence d’existence d’un groupe répondant aux critères ci-dessus rappelés

ALORS D’UNE PART QUE les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l’intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que l’absence de participations financières directes des sociétés du groupe entre elles n’est pas un critère permettant de disqualifier l’existence d’un groupe ; qu’en se fondant sur l’absence de participation financières croisées entre différentes sociétés dont la SAS Manufacture Française de Piano, la société EGP et la société IDSH, pour exclure l’existence d’un groupe, la cour d’appel a violé les articles L. 122-14-3 et L. 321-1, codifiés sous L. 1233-2 et L 1233-4 du code du travail ;

ALORS D’AUTRE PART QU’à supposer que l’existence d’un groupe soit subordonnée à la caractérisation de participations financières croisées au sein des sociétés qui le constituent, dans ce cas, l’existence du groupe ne dépend pas de l’existence d’une société mère et il suffit qu’un actionnaire détienne la majorité du capital social des différentes sociétés du groupe pour que l’existence de celui-ci soit établie ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que Monsieur Y… détenait la majorité du capital social de plusieurs sociétés dont, notamment, la SAS Manufacture Française de Piano, la société EGP et la société IDSH ; qu’en écartant l’existence du groupe au motif inopérant que Monsieur Y… est une personne physique et au motif erroné que ne serait pas caractérisée l’existence d’une société mère, la cour d’appel a violé les articles L. 122-14-3 et L. 321-1, codifiés sous L. 1233-2 et L 1233-4 du code du travail ;

ALORS ENFIN QUE l’employeur doit assumer l’apparence qu’il créé auprès des tiers, et parmi eux, les salariés ; que cette apparence peut résulter de l’exploitation commune d’un sigle ou d’une marque, ainsi que cela est clairement exposé dans la documentation que l’employeur met à la disposition des tiers ; qu’en retenant que « la seule notion de groupe ne saurait résulter des indications portées sur un site internet consacré à la publicité de la marque Pleyel dont la licence est exploitée concurremment par plusieurs entités autonomes », la cour d’appel a violé les articles L. 122-14-3 et L. 321-1, codifiés sous L. 1233-2 et L 1233-4 du code du travail ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif D’AVOIR dit que l’employeur avait loyalement exécuté son obligation de reclassement et que le licenciement reposait sur une cause économique réelle et sérieuse et D’AVOIR, en conséquence, débouté la salariée de l’intégralité de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail,

AUX MOTIFS QUE Sur le caractère loyal des recherches de reclassement.

Tout d’abord il convient d’observer que le procès-verbal de réunion extraordinaire du comité d’entreprise tenue le 3 avril 2007 expose que  » 100 % des salariés de MFP ont reçu une proposition de reclassement à Saint Denis « . Était également exposé le cas de Madame X… qui  » veut venir sur Pleyel International « . Ensuite, et bien que la notion de groupe ne pouvant être retenue, la SAS Manufacture Française de Piano a adressé des courriers aux fins de reclassements des salariés aux sociétés partenaires qu’étaient I. D. S. H., H. M. P, H. M ; MUSIQUE et E. G. P. Le Poste d’assistante commerciale qu’occupait Madame X… ayant été supprimé, l’employeur lui proposait par courrier du 28 mars 2007 un poste d’assistante administrative situé à Saint Denis. Contrairement à ce que soutient Madame X…, cette proposition était personnalisée, précise accompagnée d’une fiche technique exhaustive. Compte tenu du peu de postes que la SAS Manufacture Française de Piano était susceptible de proposer en interne, cette même proposition avait également présentée à d’autres salariés se trouvant dans la même situation que l’intimée. La salariée n’accordait aucune suite à cette proposition. Par courrier du 27 février 2007, l’employeur avait informé Madame X… qu’elle pouvait lui proposer, dans le cadre d’un reclassement externe, un poste d’attaché commercial au sein de la société Pleyel International, poste de cadre pour le show-room qui devait être créé, avec laquelle elle était spécialement entrée en contact pour faciliter cette éventuelle embauche. Par courrier du 17 avril 2007, Madame X… exposait à la société Pleyel International ses problèmes de santé et concluait ainsi  » je vous adresse mon curriculum vitae comme demandé et vous invite à prendre, sans d’autres faux semblants, vos responsabilités ; cette situation aggravant mon affection « . Les termes de ce courrier compromettaient bien évidemment les chances d’intégration de la salariée au sein de cette structure et sa candidature n’était finalement pas retenue, ce qui lui était notifié par courrier du 30 juin 2007. C’est dans ces conditions qu’une offre d’emploi sur un poste de commercial était publiée par la société Pleyel International durant l’été 2007, cet emploi n’étant pourvu qu’en octobre 2007. Il ne peut être reproché à la SAS Manufacture Française de Piano qui avait mentionné dans le plan de sauvegarde de l’emploi qu’un poste d’assistante commerciale serait proposé dans le cadre d’un reclassement externe au sein de la société Pleyel International le fait que cette dernière société n’ait en définitive proposé qu’un poste d’attachée commerciale. Outre les nombreuses dispositions contenues dans le plan de sauvegarde de l’emploi, qui rappelle les substantiels apports de fonds propres de la part de l’actionnaire principal, qui énumère toutes les solutions alternatives aux suppressions d’emploi (transferts, temps partiels, aides à la mobilité, C. R. P., cellule de reclassement effective…), on ne saurait reprocher à l’employeur de ne pas s’être livré à des recherches sérieuses de reclassement.

ALORS D’UNE PART QU’en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera par voie de conséquence nécessaire la cassation du dispositif et des motifs qui le sous-tendent par lesquels la cour d’appel a ensuite considéré que l’employeur avait loyalement exécuter son obligation de reclassement ; qu’en effet, dès lors qu’elle a exclu l’existence d’un groupe de sociétés, la cour d’appel n’a donc pas déterminé l’étendue de ce groupe, si bien que, nonobstant les efforts constatés de l’employeur dans le reclassement de la salariée auprès de certaines sociétés de ce groupe, la cour d’appel n’a pu rechercher si l’employeur avait exploré les possibilités de reclassement de la salariée auprès de toutes les sociétés de ce groupe, dont l’étendue demeure indéterminée ;

ALORS D’AUTRE PART QUE l’employeur est tenu d’exécuter loyalement son obligation de reclassement ; que manque à cette obligation la société, faisant partie d’un groupe, qui engage un processus de licenciement pour motif économique contre l’une de ses salariées alors qu’à la même époque un poste, refusé à la salariée, est pourvu par un recrutement extérieur dans une autre société du groupe ; qu’en se bornant à relever que la candidature de Madame X… au poste d’attaché commercial au sein de la société Pleyel International n’avait pas été retenue et que ce poste avait été immédiatement pourvu par un recrutement externe, la cour d’appel qui a ainsi caractérisé le manquement de l’employeur dans l’exécution loyale de son obligation de reclassement, n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient pourtant de ses propres constatations, violant ainsi les articles L. 122-14-3 et L. 321-1, codifiés sous L. 1233-2 et L 1233-4 du code du travail ;

ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QU’en s’abstenant de rechercher et de préciser pour quel motif, juste après lui avoir proposé un poste d’attaché commercial au sein de la société Pleyel International – dont les premiers juges avaient relevé qu’il était pourtant inférieur aux qualifications de la salariée – l’employeur avait pourtant rejeté la candidature de cette dernière, la cour d’appel ne met pas la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle quant à l’exécution loyale par l’employeur de son obligation de reclassement, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 122-14-3 et L. 321-1, codifiés sous L. 1233-2 et L 1233-4 du code du travail ;

Les critiques se suffisent pratiquement à elles-mêmes.


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