Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société à responsabilité limitée (SARL) Promialp a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction d’un montant de 121 147 euros des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2013.
Par un jugement n° 1504042 du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé la SARL Promialp des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d’un montant de 85 777 euros qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012 et des intérêts de retard y afférents, a condamné l’Etat à lui verser une somme de 1 200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2017, la SARL Promialp, représentée par Me C…, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du 29 juin 2017 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu’il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions laissées à sa charge et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL Promialp soutient que :
– une mention erronée de la taxe sur la valeur ajoutée ne justifie pas un rappel de taxe lorsque celle-ci a été régulièrement déclarée ;
– un acte authentique n’est pas assimilable à une facture dès lors qu’il ne comporte pas toutes les mentions obligatoires ;
– la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne autorise la régularisation dans les diverses hypothèses de taxe facturée à tort et, en particulier, en cas d’erreur d’assiette ; en vertu de l’arrêt du 19 septembre 2000, Schmeink et Cofreth AG et Co. KG et Manfred Strobel, lorsque l’émetteur d’une facture a, en temps utile, éliminé le risque de perte de recettes fiscales, le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée exige que la taxe indûment facturée puisse faire l’objet d’une régularisation ;
– s’agissant des ventes de terrains à bâtir situés à Claix, la taxe sur la valeur ajoutée a été régulièrement déclarée pour le montant légalement dû, et les clients n’étant pas assujettis et ne bénéficiant d’aucun droit à déduction, il n’existait aucun risque de perte fiscale ; les actes rectificatifs ont été passés avant le jugement attaqué, en sorte que l’anomalie formelle relevée par le service a été régularisée ;
– s’agissant de la vente d’une maison à Saint-Ismier, la taxe sur la valeur ajoutée déduite irrégulièrement en 2010 et antérieurement, était prescrite à la date de la proposition de rectification ; elle est fondée à demander la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée due à cet égard et mise à sa charge au titre de l’année 2012 ; la taxe portée en déduction en 2011 ne pouvait être reprise au titre de l’année 2012, cette taxe étant, du fait de sa déduction irrégulière, exigible en 2011.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2018, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête et, par appel incident, demande à la cour d’annuler les articles 1er et 3 du jugement du 29 juin 2017 du tribunal administratif de Grenoble et de remettre à la charge de la SARL Promialp la somme de 85 777 euros correspondant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012 ainsi que des intérêts de retard y afférents.
Le ministre de l’action et des comptes publics soutient que :
– aucun des moyens soulevés en appel à l’encontre des impositions maintenues en première instance par la SARL Promialp n’est fondé ;
– s’agissant de son appel incident tendant à la remise à la charge de la SARL des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d’un montant de 85 777 euros correspondant à la différence entre la taxe sur la valeur ajoutée due sur le prix de vente total et la taxe sur la valeur ajoutée due sur la marge, le jugement du tribunal administratif de Grenoble est entaché d’erreur de droit, dès lors qu’en limitant l’application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au seul fait que l’acquisition du bien n’a pas ouvert droit à déduction au vendeur, les premiers juges ont omis de tenir compte de la condition prévue par le texte de l’article 268 du code général des impôts tenant à l’identité du bien acheté-revendu ; en l’espèce, le cédant au sens de cet article n’a pas acquis un terrain à bâtir en tant que tel mais un terrain construit qu’il a revendu par lots de terrains à bâtir après avoir procédé à la démolition de l’immeuble et à la division parcellaire du terrain d’assiette, ce qui entraîne une modification du statut juridique du bien immobilier entre l’achat et la revente ; le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ne peut s’appliquer dès lors que le bien acquis diffère des biens vendus dont le prix d’acquisition ne peut être déterminé même en cas d’absence de travaux d’aménagement et de viabilisation par le lotisseur ; les impositions litigieuses dégrevées en première instance sont fondées.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 17 septembre 2018, la SARL Promialp conclut aux mêmes fins que sa requête initiale par les mêmes moyens et demande, le cas échéant, au vu de la demande de compensation formulée au visa de l’article L. 205 du livre des procédures fiscales de prononcer la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de l’année 2011 irrégulièrement mise à sa charge au titre de l’année 2012, dans la limite du quantum des impositions contestées dans la réclamation initiale et de rejeter le recours incident du ministre et toutes les moyens et conclusions présentés en défense.
La SARL Promialp soutient, en outre, que :
– elle est fondée à demander par voie de compensation, la décharge de la somme de 14 725 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée sur travaux déduite au cours des exercices clos en 2011 et 2012 au titre d’une vente exonérée à Saint-Ismier ;
– la taxe sur la valeur ajoutée sur les travaux de rénovation de l’immeuble déduite irrégulièrement en 2010 et les années antérieures ne peut être régularisée en 2012 étant prescrite ;
– s’agissant de la taxe sur la valeur ajoutée portée en déduction en 2011, elle était exigible en 2011 et ne peut être régularisé en 2012 ;
– selon la doctrine administrative référencée BOI-TVA-IMM-10-30 n° 80 du 2 mars 2016, la taxe sur la valeur ajoutée grevant les frais directement attachés à la livraison d’un immeuble achevé depuis plus de cinq ans ne peut être déduite qu’une fois effectivement exercée l’option dans les conditions prévues à l’article 201 quater de l’annexe II au code général des impôts, soit au moment de la vente ;
– l’administration est revenue sur sa doctrine dans une réponse faite au sénateur Vogel publiée le 17 mai 2018 applicable aux instances en cours ; s’agissant des parcelles déjà en nature de terrain, le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge s’applique ;
– s’agissant de la vente en qualité de terrain à bâtir qui comprenait un immeuble bâti avant démolition il ne résulte ni des dispositions de l’article 268 du code général des impôts, ni de l’intention du législateur de subordonner le bénéfice du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge lors de sa livraison en terrain à bâtir à la condition que le bien ait été acquis comme terrain à bâtir.
Par un mémoire en défense, en registré le 17 octobre 2018, le ministre de l’action et des comptes publics persiste dans ses écritures.
Il expose, en outre, que :
– la taxe sur la valeur ajoutée grevant des coûts qui ne sont pas visés par l’article 268 du code général des impôts et ne concourent pas à la détermination de la marge prévue par cet article, qui concerne l’assiette de la taxe due à raison d’une opération de cession d’immeuble taxable sur la marge, doit être considérée comme déductible dans les conditions de droit commun prévues à l’article 271 du même code ;
– contrairement à ce que soutient la société appelante, c’est sous l’empire de l’ancienne législation et sur le terrain de la loi fiscale, celui de l’article 271 du code général des impôts, que les marchands de biens, qui ne pouvaient réaliser que des ventes imposables à la taxe sur la valeur ajoutée, soit sur le fondement du 7° de l’article 257 du code général des impôts en cas de vente d’immeubles neufs, soit le plus souvent, sur le fondement du 6° de ce même article, pouvaient, avant la réforme introduite par la loi du 9 mars 2010, sans déroger au droit commun, de par leur qualité même d’assujetti redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, déduire immédiatement, dès la date du paiement, la taxe ayant grevé les travaux de réfection ou d’aménagement des biens réalisés avant la revente, dès lors que de tels travaux n’étaient pas retenus dans le second terme de la différence visée à l’article 268 du code général des impôts ;
– l’administration était donc fondée à procéder, sur le fondement du 2° du VI de l’article 207 de l’annexe II au code général des impôts, à la reprise de la taxe sur la valeur ajoutée déduite en amont, le fait générateur de la régularisation étant constitué par la cession exonérée de taxe sur la valeur ajoutée intervenue en 2012 ;
– la doctrine invoquée par l’appelante a été publiée après le fait générateur de l’imposition et n’est donc pas invocable ;
– quand bien même le service n’aurait pu procéder à une telle régularisation, au titre de l’année 2012, et aurait dû reprendre la taxe sur la valeur ajoutée déduite au titre de chacune des années 2009, 2010 et 2011, comme le soutient la requérante, la taxe portée en déduction en 2011, n’était pas atteinte par la prescription à la date à laquelle la proposition de rectification lui a été adressée ;
– l’administration est en droit d’opposer au contribuable le principe de la compensation prévue à l’article L. 203 du livre des procédures fiscales, l’avis de mise en recouvrement couvre la période du 1er octobre 2010 au 31 décembre 2013, entre la taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort au cours de l’année 2011 et celle rappelée au titre de l’année 2012, en sorte que la taxe sur la valeur ajoutée déduite au titre des années 2011 et 2012 ne pourrait être déchargée ;
– pour bénéficier de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge lors de la revente d’un bien acquis répondant aux conditions de l’article 268 du code général des impôts qui n’a pas ouvert droit à déduction par un lotisseur ou un aménageur, la condition de l’identité de qualification juridique entre les biens acquis et revendus est toujours exigée ; l’article 268 du code général des impôts distingue les livraisons de bâtiments et les terrains à bâtir, les deux notions étant exclusives l’une de l’autre ; l’achat d’un immeuble achevé depuis plus de cinq ans puis la revente en lots du terrain d’assiette après destruction de l’immeuble ne peuvent bénéficier du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.
Par un mémoire enregistré le 25 octobre 2018, la SARL Promialp persiste dans ses écritures.
La SARL Promialp soutient, en outre, que :
– les parcelles revendues sauf celle qui supportait le bâtiment démoli n’ont pas changé de nature ni de qualification juridique ; les conditions posées par l’article 268 du code général des impôts sont remplies s’agissant des terrains revendus en l’état de terrains à bâtir pour lesquelles aucun changement de qualification juridique n’est intervenue ;
– l’absence de ventilation des prix dans l’acte d’achat pour déterminer la taxe sur la vente de la parcelle qui constituait le terrain d’assiette du bâtiment démoli ne fait pas obstacle à la taxation, et fait seulement obstacle au droit à déduction du vendeur ;
– seule la taxation sur le prix total de la vente de la parcelle qui supportait le bâtiment devrait rester en débat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2018, le ministre l’action et des comptes publics persiste dans ses écritures.
Le ministre expose, en outre, qu’en l’absence de toute pièce justificative nouvelle, les conclusions relatives à son recours incident s’agissant de l’opération de l’allée des jonquilles à Gières sont maintenues.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;
– la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme B…, première conseillère,
– les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
– et les observations de Me A…, représentant la SARL Promialp ;
Une note en délibéré ayant été produite par la SARL Promialp le 29 novembre 2018 ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Promialp, qui exerce une activité de marchand de biens et de lotisseur, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité sur la période du 1er octobre 2010 au 31 décembre 2013, à l’issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés selon la procédure contradictoire par proposition de rectification du 16 avril 2014, et mis en recouvrement le 14 novembre 2014, pour un montant de 129 526 euros, concernant la taxe sur la valeur ajoutée exigible au titre des années 2011, 2012 et 2013. Elle a contesté une partie de ces rappels. Après le rejet de sa réclamation, elle a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la réduction de ces rappels pour un montant de 121 147 euros. Par jugement du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge partielle pour un montant de 85 777 euros des rappels de taxe mis en recouvrement au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012 et des intérêts de retard correspondants, a mis à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande. La SARL Promialp relève appel de ce jugement dont elle demande la réformation en tant qu’il a rejeté le surplus de sa demande. En défense, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de cette requête et, par un appel incident, demande l’annulation des articles 1er et 3 du jugement accordant à la SARL Promialp la décharge partielle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et mettant à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions à fin de décharge de la requête :
En ce qui concerne la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée déduite en amont sur travaux à l’occasion de la vente d’une maison à Saint-Ismier :
Sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée en défense ;
S’agissant de l’application de la loi fiscale :
2. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 176 du livre des procédures fiscales : » Pour les taxes sur le chiffre d’affaires, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l’article 269 du code général des impôts. « .
3. Aux termes de l’article 271 du code général des impôts : » I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (…) « . Aux termes de l’article 261 du même code : » Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (…) 5. (…) / 2° Les livraisons d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans. (…) « . Aux termes de l’article 207 de l’annexe II au code général des impôts : » (…) VI. – Le montant de la taxe dont la déduction a déjà été opérée doit être reversé dans les cas suivants : (…) 2° Lorsque les biens ou services ayant fait l’objet d’une déduction de la taxe qui les avait grevés ont été utilisés pour une opération qui n’est pas effectivement soumise à l’impôt. / Ce reversement doit être opéré avant le 25 du mois qui suit celui au cours duquel l’événement qui motive le reversement est intervenu. (…) « .
4. En application du 5°bis de l’article 260 du même code, le vendeur a la possibilité d’opter pour soumettre l’opération à la taxe sur la valeur ajoutée, cette option devant être exprimée, selon les dispositions de l’article 201 quater de l’annexe II au code général des impôts, dans l’acte qui constate la mutation, distinctement par immeuble, fraction d’immeuble ou droit immobilier relevant d’un même régime au regard des articles 266 et 268 du code général des impôts. Aux termes de cet article 201 quater : » L’option prévue au 5° bis de l’article 260 du code général des impôts s’exerce distinctement par immeuble, fraction d’immeuble ou droit immobilier mentionné au 1 du I de l’article 257 de ce code, relevant d’un même régime au regard des articles 266 et 268 du même code. Il doit être fait mention de cette option dans l’acte constatant la mutation. « .
5. Aux termes de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales : » Lorsqu’un contribuable demande la décharge ou la réduction d’une imposition quelconque, l’administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l’expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l’imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l’assiette ou le calcul de l’imposition au cours de l’instruction de la demande. « . Aux termes de l’article L. 205 du même livre : » Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l’encontre duquel l’administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition. « .
6. Pour contester les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux dépenses de travaux effectuées en 2009, 2010 et 2011 sur une maison d’habitation située à Saint-Ismier, cette taxe ayant été irrégulièrement déduite selon elle à la date des travaux alors que ceux-ci ne concouraient alors pas à la réalisation d’une opération imposable, la SARL Promialp oppose la prescription prévue à l’article L. 176 du livre des procédures fiscales. Elle soutient que la taxe sur la valeur ajoutée déduite lors des travaux ne pouvait l’être immédiatement eu égard au régime d’imposition des marchands de biens en vigueur avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ayant réformé le régime de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière, qui n’autorisait la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux travaux de réfection d’un immeuble qu’au moment de la cession du bien. Elle soutient qu’en l’imposant au titre de l’année 2012 en vue de régulariser cette taxe sur le fondement du 2° du VI de l’article 207 de l’annexe II au code général des impôts, l’administration fiscale a méconnu les règles légales de prescription.
7. Il résulte de l’instruction que, lors de la mutation par acte du 27 janvier 2012, d’une maison d’habitation située 399, chemin de Chartreuse à Saint-Ismier (Isère), la SARL Promialp, vendeur, s’est déclarée assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée dans le cadre de son activité économique tout en précisant que l’immeuble étant achevé depuis plus de cinq ans, la vente était exonérée de taxe sur la valeur ajoutée en application du 2° du 5. de l’article 261 du code général des impôts mais était soumise à la taxe de publicité foncière au taux de droit commun. La revente de cette maison est intervenue postérieurement au 10 mars 2010, date d’entrée en vigueur du nouveau régime de taxe sur la valeur ajoutée immobilière supprimant le régime de taxation spécifique applicable aux marchands de biens. La société appelante soutient qu’elle n’était pas en droit de déduire immédiatement la taxe sur la valeur ajoutée grevant les frais afférents et les dépenses de travaux engagés sur l’immeuble de Saint-Ismier au cours de la période de 2009 à 2012, dans la mesure où ces travaux ne concouraient pas à cette date à la réalisation d’une opération imposable. Elle soutient également qu’en l’imposant au titre de l’année 2012 en vue de régulariser cette taxe sur le fondement du 2° du VI de l’article 207 de l’annexe II au code général des impôts, l’administration fiscale a méconnu les règles légales de prescription.
8. Avant l’entrée en vigueur de la réforme de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière opérée par l’adoption de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, les opérations d’achat-revente d’immeubles bâtis achevés depuis plus de cinq ans, effectuées par les marchands de biens, étaient obligatoirement soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur le profit brut, c’est-à-dire sur la marge, en application du 6° de l’article 257 du code général des impôts, et de l’article 268 du même code dans leur rédaction alors applicable. Conformément aux dispositions du 9° du 2. du IV de l’article 206 de l’annexe II au code général des impôts, dans leur rédaction alors en vigueur, les marchands de biens ne pouvaient déduire la taxe sur la valeur ajoutée grevant les sommes qu’ils avaient versées pour l’acquisition d’immeubles en vue de leur revente lorsque la cession de ces biens était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. En revanche, ils pouvaient, de par leur qualité d’assujetti redevable, déduire immédiatement, dès la date du paiement, la taxe ayant grevé les travaux de réfection ou d’aménagement des biens réalisés avant la revente. Dès lors, et contrairement à ce qu’elle soutient, sous l’empire de la législation antérieure à la loi du 9 mars 2010, la SARL Promialp, en sa qualité d’assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée était en droit de déduire la taxe ayant grevé les frais et les dépenses de travaux de réfection de la maison de Saint-Ismier dès leur paiement, l’immeuble étant destiné à être revendu sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.
9. Toutefois, lors de la cession de l’immeuble, la SARL Promialp n’a pas, dans l’acte constatant la mutation, formulé, en application des dispositions de l’article 201 quater de l’annexe II au code général des impôts, d’option pour soumettre la mutation à la taxe sur la valeur ajoutée en application du 5° bis de l’article 260 du code général des impôts. A défaut d’option, cette mutation n’a pas conduit à la réalisation d’une opération imposable et la cession de la maison de Saint-Ismier a été exonérée de taxe sur la valeur ajoutée s’agissant d’un immeuble bâti achevé depuis plus de cinq ans, en application des dispositions du 2° du 5. de l’article 261 du code général des impôts. Une telle exonération impliquait nécessairement, lors de la vente de l’immeuble, une régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée déduite en amont prévue au 2° du VI de l’article 207 de l’annexe II au code général des impôts, lorsque les biens ou services ayant fait l’objet d’une déduction de la taxe qui les a grevés ont été utilisés pour une opération qui n’est pas effectivement soumise à l’impôt. Le fait générateur de la régularisation de la taxe étant constitué par la cession exonérée de taxe sur la valeur ajoutée intervenue en janvier 2012, c’est à bon droit que l’administration fiscale a procédé en février 2012, sur le fondement du 2° du VI de l’article 207 de l’annexe II au code général des impôts, au rappel de la taxe sur la valeur ajoutée déduite en amont sur les frais engagés et les travaux réalisés sur la période de 2009 à 2012.
10. Au titre de la régularisation, la taxe déduite en amont au titre des frais et dépenses de travaux réalisés sur l’immeuble revendu le 27 janvier 2012 devait être reversée avant le 25 février 2012. L’action du service n’était, par suite, pas atteinte par la prescription prévue par l’article L. 176 du livre des procédures fiscales, lors de l’envoi de la proposition de rectification le 16 avril 2014 notifiant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux à la SARL Promialp.
11. Il résulte de ce qui précède que l’administration fiscale était fondée à rappeler l’ensemble de la taxe sur la valeur ajoutée déduite sur travaux en amont, due au titre de la régularisation à la date de la revente du bien exonéré de taxe sur la valeur ajoutée en 2012 et qui n’était pas prescrite. Par suite, la demande de compensation de la SARL Promialp d’une somme de 14 725 euros, correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée déduite au cours des exercices clos en 2011 et 2012 et rappelée en 2012, doit être rejetée.
S’agissant de l’interprétation de la loi fiscale :
12. Au soutien de ses prétentions, la SARL Promialp se prévaut, sur le fondement de la garantie prévue à l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales de la réponse ministérielle Dreyfus Schmidt devant les sénateurs le 2 avril 1981 (Sénat, p.467 n° 2019) qui indique que » le vendeur peut déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable celle qui a grevé les travaux de réfection « . Toutefois, cette réponse qui se borne à rappeler le principe du droit à déduction d’un assujetti agissant en tant que tel, ne comporte aucune interprétation différente de la loi fiscale dont il a été fait application ci-dessus dans la mesure où, si elle rappelle que les dépenses engagées par un marchand de biens sont des dépenses qui concourent à la réalisation d’opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée lui ouvrant un droit à déduire cette taxe, elle ne se prononce nullement sur la date à laquelle ce droit est ouvert.
13. Elle se prévaut également sur ce même fondement de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-IMM-10-30 n° 80 du 2 mars 2016. Toutefois, cette doctrine ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui en est faite par le présent arrêt.
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la vente de deux terrains à bâtir sur la commune de Claix mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée :
14. Sous l’empire de la législation applicable avant le 11 mars 2010, la vente d’un terrain à bâtir par un particulier, dans le cadre de la gestion de son patrimoine, était placée hors du champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée. En cas d’acquisition par un professionnel de l’immobilier, marchand de biens ou par un assujetti agissant en tant que tel, ce dernier pouvait se placer dans le champ d’application de la taxe s’il prenait l’engagement de construire. L’acquéreur était alors redevable de la taxe sur la valeur ajoutée.
15. Aux termes de l’article 257 du même code, dans sa rédaction issue de l’article 16 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 applicable à l’espèce : » I. – Les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent. (…) 2. Sont considérés : 1° Comme terrains à bâtir, les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d’un plan local d’urbanisme, d’un autre document d’urbanisme en tenant lieu, d’une carte communale ou de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme (…) « . En vertu de ces dispositions, les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir sont imposables de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée.
16. Selon les dispositions du b du 2. de l’article 266 du code général des impôts, pour les opérations de livraison de biens immeubles mentionnées au I de l’article 257 du même code, la taxe sur la valeur ajoutée est assise, pour les mutations à titre onéreux, sur le prix de cession augmenté des charges qui s’y ajoutent. Toutefois, les dispositions de l’article 268 du code général des impôts, dans leur version applicable à l’espèce, prévoient un régime dérogatoire de taxation sur la marge, qui s’applique lorsque l’acquisition par le cédant d’un terrain revendu comme terrain à bâtir n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. La base d’imposition est alors constituée par la différence entre, d’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent et, d’autre part, les sommes versées par le cédant, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain.
17. Aux termes du 3 de l’article 283 du code général des impôts : » Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture ou tout autre document en tenant lieu est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation « . Ainsi que l’a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts C-342/87 du 13 décembre 1989, C-454/98 du 19 septembre 2000 et C-566/07 du 18 juin 2009, le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique qu’une taxe indûment facturée puisse être régularisée, dès lors que l’émetteur de la facture démontre sa bonne foi ou qu’il a, en temps utile, éliminé complètement le risque de perte de recettes fiscales. Dans un tel cas, la régularisation ne doit pas dépendre du pouvoir d’appréciation discrétionnaire de l’administration fiscale. Les Etats membres ont toutefois la faculté d’adopter des mesures afin d’assurer l’exacte perception de la taxe et d’éviter la fraude sans que ces mesures ne puissent aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs. Les dispositions de l’article 283 du code général des impôts ne sont pas incompatibles avec ces exigences, dès lors qu’elles n’excluent pas la possibilité de régulariser une facture mentionnant une taxe y figurant à tort. Si la Cour de justice de l’Union européenne a jugé, dans son arrêt C-138/12 du 11 avril 2013, que le fournisseur d’une prestation exonérée doit pouvoir régulariser la taxe sur la valeur ajoutée sans condition de délai lorsque l’administration a définitivement refusé le droit de déduction au client, il n’en résulte pas que l’émetteur d’une facture fictive doit pouvoir obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur cette facture au seul motif que l’administration fiscale a remis en cause la déduction par le destinataire de cette dernière de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture. Il lui appartient en effet, conformément à ce qu’a jugé la Cour dans son arrêt C-459/98, de régulariser la facture litigieuse en temps utile pour éliminer tout risque de perte de recettes fiscales.
18. Il résulte de l’instruction que, par acte du 19 mars 2009, la SARL Promialp a acquis, en qualité de marchand de biens, en prenant l’engagement de revendre le bien acheté dans les quatre ans, une parcelle en état de terrain à bâtir auprès d’un particulier usufruitier et d’une SCI nue-propriétaire, tous deux agissant dans le cadre de la gestion de leur patrimoine. Cette mutation a été placée hors du champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée mais a été soumise aux droits de mutation au taux réduit tels que prévus à l’article 1115 du code général des impôts. La SARL Promialp, qui n’avait pas, lors de son acquisition, pris l’engagement de construire sur ce terrain, n’a bénéficié d’aucun droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. S’agissant d’un terrain acquis pour être revendu en terrain à bâtir, le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévue à l’article 268 du code général des impôts était applicable à ces cessions réalisées postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 9 mars 2010 réformant la taxe sur la valeur ajoutée immobilière.
19. Toutefois, lors de la cession des terrains à bâtir à des particuliers, en deux lots d’une superficie respective de 250 m2 et 224 m2 après division parcellaire du terrain initialement acquis, pour un prix TTC respectivement de 125 000 et 110 000 euros, les actes de cession