Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE NOUMÉA 83
Arrêt du 15 mai 2014
Chambre Civile
Numéro R. G. : 13/ 11
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2012 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG no : 10/ 2020)
Saisine de la cour : 14 Janvier 2013
APPELANTS
M. Eduardo X… né le 14 Septembre 1957 à TORRELAMEGA (ESPAGNE)
demeurant …-98809 MONT-DORE
Représenté par Me Fabien MARIE de la SELARL CALEXIS, avocat au barreau de NOUMEA
LA SELARL Mary-Laure GASTAUD, en sa qualité de mandataire-liquidateur de la SARL ATCAREC (dont le siège social est sis 4 rue Fulton-Ducos-NOUMEA)
1 bis, Boulevard Extérieur-Auguste Mercier-Quartier Latin-BP. 3420-98846 NOUMEA CEDEX Représentée par Me Fabien MARIE de la SELARL CALEXIS, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
M. Sylvain Z…né le 18 Avril 1970 à PALAISEAU (91120)
demeurant …-37260 MONTS
Représenté par Me Yann BIGNON de la SELARL JURISCAL, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 27 Mars 2014, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Yves ROLLAND, Président de Chambre, président, M. Jean-Michel STOLTZ, Conseiller,
M. Christian MESIERE, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Yves ROLLAND.
Greffier lors des débats : Mme Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :- contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
– signé par M. Yves ROLLAND, président, et par M. Stephan GENTILLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
M. Eduardo X…, à l’origine ouvrier tourneur fraiseur, créait le 11/ 01/ 1996 la SARL Atcarec, entreprise spécialisée dans la rectification et le reconditionnement de pièces essentiellement d’engins lourds, à l’enseigne » Atmorec/ Coi « .
Rencontrant des problèmes de santé, M. X… décidait de vendre la SARL et s’adressait pour cela au » cabinet Action entreprise » qui trouvait un repreneur en la personne de M. Z…, lequel proposait de reprendre la société en s’adjoignant la personne de M. A…qui exploitait une entreprise exerçant une activité concurrente.
Les acquéreurs n’ayant pas obtenu les financements souhaités faute de garanties suffisantes, M. X… acceptait aux termes d’un protocole d’accord signé le 30 septembre 2005 que la cession intervienne de façon progressive à raison d’une première cession de 40 % du capital social (20 % à chacun des acquéreurs) dans l’immédiat puis la cession du solde » jusqu’à arriver à la configuration de 33 % des parts pour chacun des trois associés dès que la société se sera acquittée du compte courant du vendeur dans la société et que les acquéreurs pourront se porter caution bancaire dans les mêmes proportions que le vendeur (….) Dès la situation des 33 % de parts, pour chacun des associés, atteinte, les acquéreurs s’engagent à acheter au vendeur les 33 % restant de ses parts s’il en exprime le désir « .
L’accord prévoyait en outre que « Dès la finalisation de la (première) cession des parts, les acquéreurs deviendront cogérants de la société Atcarec avec le vendeur ».
Dans cette perspective M. X…, en sa qualité de gérant en exercice de la SARL Atcarec, avait établi le 1er août 2005 un « règlement intérieur-répartition des tâches entre associés » stipulant que :
au cours de la « période transitoire avant cession de parts », la SARL Atcarec » donne en sous-traitance » pour une période de un mois renouvelable par tacite reconduction pour une période de trois mois, avec possibilité laissée aux parties de mettre fin à ce contrat à tout moment :
à M. Z…la commercialisation de la prestation de services et des produits proposés » pour la somme forfaitaire mensuelle de 400. 000 FCFP « , à M. A…l’organisation et la direction de l’atelier de production » pour la somme forfaitaire de 400 000 Fr Cfp « ,
après examen des comptes d’exploitation prévisionnels, il est convenu que le chiffre d’affaires de la société ne pourra être inférieur à la somme mensuelle de 6. 500. 000 FCFP. Si ce chiffre d’affaires tombe en-dessous de la somme mensuelle de 5. 600. 000 FCFP le contrat de sous-traitance et le projet de cession des parts seront immédiatement remis en cause ;
« à partir de la cession des parts », M. A…aura en charge la direction de l’atelier de production, M. Z…la direction administrative et commerciale de la société et M. X… la promotion, les commandes de la vente des pièces du magasin en cours de construction (pièces détachées). Mme X… aura la charge de la comptabilité de la société et des relations avec les banques tant que M. X… sera caution de la société.
» Aucun engagement ne pourra être pris par l’un des gérants sans consultation auprès des autres gérants « .
Dans le cadre de l’exécution du protocole d’accord, M. Z…procédait à deux virements les 5 juillet 2006 et 16 février 2007 de respectivement 4. 500. 000 FCFP et 1. 000. 000 FCFP sur le compte de la SARL Atcarec.
En août 2006 M. A…, ne supportant plus l’attitude de M. Z…, quittait l’entreprise en reprenant avec lui les machines constituant son apport.
M. Z…réaffirmait néanmoins son intention de trouver un nouvel associé et d’acquérir la société avant d’abandonner le 30 mai 2007, sans autre explication, le projet d’acquisition.
Il saisissait le 11 décembre 2008 le président du tribunal du travail de Nouméa statuant en référé à l’effet d’obtenir la condamnation de la SARL Atcarec à lui payer des salaires impayés, prétention rejetée par ordonnance du 13 février 2009.
Par acte du 30 septembre 2010 M. Z…faisait alors citer M. Eduardo X… et la SARL Atcarec devant le tribunal de première instance de NOUMÉA, afin de voir
» constater » que le protocole d’accord du 30 septembre 2005 est nul et non avenu en raison des manoeuvres et mensonges dont M. X… s’est rendu coupable dans le cadre du protocole d’accord conclu puis lors de son exécution, celui-ci lui ayant vendu ses parts à un moment où la trésorerie de la SARL Atcarec se trouvait dans un état lamentable, de sorte que ni lui ni la société ne peuvent sérieusement soutenir avoir pour leur part subi le moindre préjudice ;
condamner solidairement les défendeurs à lui payer la somme de 5. 500. 000 FCFP indûment perçue au titre de l’exécution partielle du protocole outre 200. 000 FCFP au titre de l’article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.
En réponse la SARL Atcarec et M. X… invoquaient les articles 1134, 1235 et 1183 du code civil et concluaient au débouté des demandes de M. Z…aux motifs que les sommes avaient été versées à la SARL Atcarec, que le caractère indû de ce versement n’était pas établi, que M. X… n’en avait pas bénéficié personnellement et que les parties avaient convenu que les sommes versées en exécution partielle du contrat resteraient acquises à la SARL Atcarec.
A titre reconventionnel, ils demandaient au tribunal de constater la résolution du protocole d’accord du 30 septembre 2005 aux torts de M. Z…et de condamner ce dernier à payer à la SARL Atcarec 5. 000. 000 FCFP de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral et financier et à M. X… 1. 248. 000 FCFP de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier outre 5. 000. 000 FCFP de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et 200. 000 FCFP au titre de leurs frais irrépétibles.
C’est dans ces conditions que par jugement rendu le 14 mai 2012 le tribunal de première instance de Nouméa statuait de la façon suivante :
« VU les articles 1134 et 1184 du code civil ;
PRONONCE la résolution du protocole d’accord du 30 septembre 2005 aux torts exclusifs de M. X… ;
CONDAMNE M. Eduardo X… à payer à M. Z…une somme de 5. 500. 000 FCFP à titre de dommages et intérêts ;
DÉBOUTE M. Z…de sa demande de dommages et intérêts dirigée à l’encontre de la SARL Atcarec ;
DÉBOUTE la SARL Atcarec et M. Eduardo X… de leurs demandes de dommages et intérêts ;
CONDAMNE monsieur Eduardo X… à payer à M. Z…une somme de 150. 000 FRANCS CFP, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
CONDAMNE M. Eduardo X… aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ».
PROCÉDURE D’APPEL
Par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel le 5 juillet 2012, M. X… et la SARL Atcarec interjetaient appel de la décision signifiée par acte d’huissier du 11 juin 2012. Cette procédure faisait l’objet d’une radiation par ordonnance du 23 novembre 2012 en l’absence de dépôt du mémoire ampliatif dans les trois mois.
Par jugement rendu le 6 août 2012, le tribunal mixte de commerce de Nouméa prononçait la liquidation judiciaire de la SARL Atcarec et désignait la SELARL Mary-Laure GASTAUDcomme mandataire liquidateur.
Aux termes de « conclusions récapitulatives responsives » reçues au greffe le 8 novembre 2013, écritures à laquelle il y a lieu de se rapporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et des moyens présentés à leur appui, M. X… et la SELARL Mary-Laure GASTAUDen sa qualité de représentante légale de la SARL, concluent à l’infirmation du jugement déféré et demandent à la cour, statuant à nouveau, outre différents » constats « , de : débouter M. Z…de toutes ses demandes ; prononcer la résolution du protocole d’accord de cession des parts sociales signées le 30 septembre 2005 aux torts exclusifs de M. Z…; le condamner à payer :
à M. X… 1 248 000 Fr Cfp de dommages intérêts pour le préjudice financier et 5 000 000 Fr Cfp de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral ; à la SARL Atcarec 5 000 000 Fr Cfp de dommages intérêts au titre de son préjudice moral et financier ;
dire que ces sommes viendront en compensation de celles acquittées par M. Z…au titre de l’exécution partielle du protocole d’accord de cession des parts sociales signé le 30 septembre 2005 ; condamner M. Z…à payer à M. X… 300 000 Fr Cfp en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie outre les dépens.
Ils font valoir principalement à l’appui de leurs demandes que :
– Après l’ordonnance de référé du président du tribunal du travail, M. Z…a attendu près de trois ans avant de saisir cette juridiction au fond par requête du 9 décembre 2011, et a imaginé saisir le tribunal de première instance près de quatre ans après son départ précipité du territoire ;
– Arrêtée dans son principe depuis mai/ juin 2005, la cession de l’entreprise à MM A…et Z…a dû être retardée à plusieurs reprises pour permettre à ce dernier d’obtenir un financement (l’apport de M. A…étant constitué des machines) : c’est dans ces conditions que M. X… a été contraint d’accepter le compromis du 30 septembre 2005 et ce n’est que par conclusions déposées le 1er août 2011 que M. Z…a imaginé pour la première fois mettre en cause la loyauté de celui-ci dans la formation et l’exécution du protocole d’accord, alors qu’il n’avait jamais émis la moindre critique envers M. X… auparavant y compris dans sa requête introductive d’instance ;
– Alors qu’il tente de se présenter comme une victime de la soi-disant malhonnêteté de M. X…, M. Z…avait une parfaite connaissance de la situation de l’entreprise au moment de la signature du protocole d’accord litigieux, tout comme M. A…, était lui-même assisté à cette occasion par le cabinet-conseil de Mme B…, et qu’il a lui-même produit en première instance le bilan comptable au 31 décembre 2005, une situation au 30 juin 2006 avec un rapport du gérant ainsi qu’un brouillon d’un courrier de M. X… à la BCI (courrier qui n’a jamais été envoyé), ces documents prouvant qu’il avait pleinement accès à l’ensemble des informations comme en atteste M. A…;
– C’est donc en parfaite connaissance de sa situation financière que les intéressés ont décidée d’acquérir cette société par le biais d’une holding, le prix des parts sociales n’étant pas fixé par M. X… mais par un professionnel des opérations de cession de parts sociales en accord avec les cessionnaires et leur conseil ;
– Au demeurant la situation de l’entreprise était parfaitement saine à la date du protocole litigieux, M. X… ayant décidé de vendre sa maison personnelle située à Koutio pour couvrir les incidences d’un sinistre survenu en 2002 lors de la livraison de deux machines-outils depuis la métropole, endommagées pendant le transport, comme cela résulte du rapport de gérance établi le 30 juin 2006 ;
– Les bilans de la société en 2004, 2005 et 2006 et le tableau de comparaison du chiffre d’affaires de 1996 à 2006 démontrent que pendant cette période le chiffre d’affaires n’a cessé d’augmenter contrairement à ce que prétend l’intimé, que la société était loin d’être dans un état » lamentable « , était parfaitement viable et présentait un résultat d’exploitation en augmentation constante, la liquidation judiciaire ayant pour seule origine un retard de déclaration fiscale ayant entraîné un redressement en 2010, l’état des créances établies par le liquidateur mentionnant en tout et pour tout une créance du fisc à hauteur de 1 074 199 Fr Cfp ;
– M. Z…a brutalement quitté le territoire sans régler intégralement le prix d’acquisition des parts sociales, après avoir cessé d’exercer une activité effective dans l’entreprise comme en atteste M. A…et avoir informé M. X… le 30 mai au matin qu’il renonçait à son projet d’acquisition sans aucune explication ni grief ;
– Le premier juge a statué ultra petita en prononçant la résolution du contrat alors que M. Z…lui demandait de « constater sa nullité ».
Aux termes de « conclusions responsives et récapitulatives » déposées au greffe le 4 octobre 2013, écritures à laquelle il y a lieu de se rapporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et des moyens présentés à leur appui, M. Z…conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, au débouté des demandes de M. X… et à sa condamnation à lui payer :
5 500 000 Fr Cfp, » le compromis signé le 30 septembre 2005 devant être résilié aux torts exclusifs de M. X… » ; 250 000 Fr Cfp en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie outre les dépens.
Il fait valoir pour l’essentiel à l’appui de ses demandes que :
– Pensant être conseillé par un professionnel sérieux (M. C…) et être en affaires avec un gérant sérieux (M. X…), il a accepté à compter du 1er août 2005 d’intervenir auprès de la SARL Atcarec d’abord en qualité de sous-traitant aux fins d’assurer la commercialisation des prestations de services et des produits proposés par la société, puis, à compter de la cession de parts, en qualité de directeur administratif et commercial de la société ;
– Tel qu’il était rédigé, le règlement intérieur interdisait tout contact des associés avec les banques, les privant ainsi de toute information sur la trésorerie de la société, toute distribution de dividendes étant prohibée avant le paiement du compte courant de M. X… ;
– Le protocole d’accord de cession de parts n’a jamais été enregistré ni déposé auprès du régistre du commerce et des sociétés, ni même signifié à la SARL Atcarec, » ce qui permet d’apprécier la portée qu’entendait lui donner M. X… » ;
– Il a procédé dans le cadre de cette cession à deux virements les 5 juillet 2006 et 16 février 2007 à hauteur de 4 500 000 Fr Cfp et 1 000 000 Fr Cfp, ce qui veut dire qu’il avait règlé 65 % du prix d’achat de 8 520 000 Fr Cfp à cette dernière date ;
– » A compter du 1er octobre 2005 M. Z…, qui n’avait nullement et n’a jamais eu la qualité de gérant de la société Atcarec, bénéficiait d’un contrat de travail à durée indéterminée, devant assurer la direction administrative et commerciale de la société, a été correctement et intégralement réglé jusqu’au mois de novembre 2006, date à laquelle il n’a plus perçu une quelconque rémunération, soit deux mois de salaire pour l’année 2006 » ;
– Il » avait toutefois réglé près de 65 % du prix de cession des parts sociales de M. X… et prenait acte, dès le mois de novembre 2006, que son salaire ne pouvait même plus être réglé » mais » espérant une issue heureuse à cette situation et du fait de l’investissement initial réalisé réglait tout de même une nouvelle quote-part du prix de cession pour un montant de 1 000 000 Fr Cfp le 16 février 2007 » ;
– M. A…pour sa part, qui avait procédé à un apport en nature, a rapidement décidé de se retirer des transactions en cours en reprenant son apport et a ainsi contribué à la déconfiture de l’entreprise en l’abandonnant alors qu’elle se trouvait au plus mal ;
– Il est tout de même resté au sein de la société jusqu’au 31 mai 2007, date à laquelle il a préféré démissionner n’ayant reçu qu’un seul mois de salaire pour l’année 2007 et se trouvant sans emploi après avoir perdu toutes ses économies ;
– Le cédant lui-même considérant qu’à défaut de paiement intégral du prix de cession des parts sociales le protocole était « nul et non avenu », il tentait de recouvrer a minima la somme de 5 500 000 Fr Cfp réglée à M. X…, lequel a préféré lui imputer le déclin et les pertes subies par la société ;
– Après avoir d’abord prétendu en première instance qu’il n’avait reçu aucun fond, M. X… continue de mentir en soutenant aujourd’hui qu’il avait une parfaite connaissance de la situation financière et comptable de la société à la date de la cession, ce qui est tout à fait inexact puisqu’il n’a pu disposer de certains éléments comptables, dont ceux versés aux débats, que fin 2006 voir début 2007 ; le tableau comparatif fourni par l’appelant n’est pas certifié par un comptable et laisse perplexe sur les circonstances de la mise en liquidation judiciaire de la société si ses résultats étaient si florissants ;
– Il est clair aujourd’hui que M. X… n’a jamais entendu céder quoi que ce soit et qu’il voulait juste récupérer une trésorerie facile tout en bénéficiant pendant deux ans de son travail et en toute hypothèse n’a subi aucun préjudice ;
– Le premier juge, à qui était soumise la question du remboursement des sommes versées et qui avait le pouvoir de requalifier les faits, n’a aucunement statué ultra petita.
Les ordonnances de clôture et de fixations sont intervenues le 15 novembre 2013.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la saisine du premier juge.
Saisi par M. Z…d’une demande visant à « constater que le protocole d’accord pour cession de parts… est nul et non avenu », le tribunal de première instance était saisi reconventionnellement par M. X… d’une demande en résolution de la convention litigieuse aux torts exclusifs de M. Z….
En prononçant, au visa des articles 1134 et 1184 du Code civil, la résolution du protocole d’accord du 30 septembre 2005 aux torts exclusifs de M. X…, ce que personne ne lui demandait, le premier juge a statué ultra petita, ce qui justifie l’infirmation de ce chef du jugement déféré.
Sur la nullité du protocole d’accord.
Encore que M. Z…ne précise à aucun moment le fondement juridique de sa demande devant la cour, il résulte de ses écritures qu’elle est fondée sur l’existence d’un vice du consentement au sens des dispositions des articles 1109 et 1116 du Code civil aux termes desquelles
» Il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol « .
» Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé « .
Il est constant pour résulter de l’examen des pièces communiquées en première instance comme en appel que, lors de la signature du protocole d’accord en septembre 2005, M. Z…connaissait exactement la situation de l’entreprise et avait en sa possession les documents comptables et financiers qui lui ont permis de négocier l’achat des parts sociales avec M. X… et M. C…, gérant du cabinet Action entreprise, d’une part, M. A…et son propre conseil M. B…d’autre part.
C’est ainsi notamment que M. A…atteste sans être contredit que : « Après étude du bilan de la société Atcarec, nous avons décidé de créer au préalable une société entre nous, avec 50 % des parts chacun. Moi j’apportais mon atelier et M. Z…l’équivalent en numéraire. Et c’est la société qui devait acheter Atcarec. Un expert est donc venu pour évaluer mon atelier. Un inventaire a été fait. Mais entre-temps nous n’avons pas pu obtenir le financement d’Atcarec, M. Z…ayant un appartement en métropole et non pas en Nouvelle-Calédonie et moi ayant une maison pas encore totalement financée. Voulant tout de même acquérir la société Atcarec, nous avons proposé à M. X… l’achat de 40 % des parts de suite, puis au bout de trois ans l’achat de la totalité. M. X… a accepté, précisant qu’il n’allait être qu’un accompagnateur durant ces années et qu’il nous laisserait l’entière responsabilité de la gestion de l’atelier dans la mesure où le chiffre d’affaires et la gestion prouvaient notre compétence ».
L’affirmation selon laquelle les comptes de l’entreprise étaient » verrouillés » par Mme X… qui assurait la comptabilité, les nouveaux associés n’ayant aucun accès aux documents comptables de la société, n’est étayé par aucun document ou témoignage probant.
Au demeurant les appelants relèvent à juste titre que le dol a été retenu par le premier juge alors qu’il avait été seulement suggéré en première instance, la prétendue « nullité » du protocole d’accord du 30 septembre 2005 s’induisant alors selon M. Z…de l’existence d’une « condition suspensive essentielle du règlement de l’intégralité du prix de cession par M. Z…avant le 30 juin 2007 » (cf. Courrier de Juriscal en date du 21/ 03/ 2011 en réponse à la demande du juge de la mise en état de « bien vouloir préciser le fondement juridique de l’action engagée par M. Z…à l’encontre de M. X… »), thèse abandonnée en appel.
M. Z…excipe d’un « rapport du gérant » établi le 30 juin 2006 par M. X… qui reprend l’historique des difficultés de l’entreprise à la suite d’un sinistre survenu en janvier 2002 lié à la commande de machines » arrivées complètement détériorée. Donc le crédit prévu et accepté n’a pas pu se mettre en place et le montant total de ces machines a été débité du jour au lendemain sur le compte bancaire de la société « .
Néanmoins ce rapport, conforme aux bilans 2004 et 2005, note que » M. X… a décidé de vendre sa maison familiale qu’il avait à Koutio pour se substituer financièrement au remboursement du préjudice « , que la restructuration de l’atelier a été effective en août 2005 et le stock en octobre 2005, que les retards Cafat et Sre ont été résorbés, de telle sorte qu’à cette date la situation est saine et que » les amortissements importants qui ont contribué pour une grande part aux bilans négatifs des années 2004/ 2005 touchent à leur fin « .
Quant à la liquidation judiciaire de la société prononcée le 06/ 08/ 2012, il résulte du jugement du tribunal de commerce que la société avait cessé toute activité depuis le 30 juin 2009 et du relevé de créances du mandataire liquidateur que les dettes étaient de nature fiscales et postérieures à 2008.
M. Z…est donc mal placé pour prétendre en tirer quelque conclusion que ce soit sur la « situation lamentable » de l’entreprise à la date de signature du protocole d’accord.
Faute de preuve du moindre dol ou autre vice du consentement, il y a lieu en conséquence de dire que la convention du 30 septembre 2005 est valable.
Sur la demande de résolution du contrat.
En application de l’article 1184 du Code civil « La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages-intérêts. »
Contrairement à ce qu’affirme aujourd’hui M. Z…, la convention litigieuse stipule expressément que les trois associés auront la qualité de cogérant dès la 1ère cession des parts sociales réalisées (40 %).
Or ce stade n’a jamais été atteint puisque M. Z…n’a jamais payé la totalité du prix convenu.
Il en résulte que les parties au contrat n’ont jamais dépassé le stade de la « période transitoire avant cession de parts » au cours de laquelle la SARL Atcarec donnait en sous-traitance pour une période de un mois renouvelable par tacite reconduction pour une période de trois mois, avec possibilité laissée aux parties de mettre fin à ce contrat à tout moment :
à M. Z…la commercialisation de la prestation de services et des produits proposés pour la somme forfaitaire mensuelle de 400. 000 FCFP à M. A…l’organisation et la direction de l’atelier de production pour la somme forfaitaire de 400 000 Fr Cfp.
Les conclusions des parties et des pièces communiquées démontrent que la non-exécution du contrat de cession des parts de la SARL Atcarec a pour origine le défaut de paiement de M. Z…et la persistance pour une durée indéterminée de la situation « provisoire » en résultant, notamment dans les rapports entre associés, d’une part, du brusque départ de M. Z…le 30 mai 2007 d’autre part.
À cet égard il résulte du témoignage de M. A…que
« …./… Mais très vite il est apparu des divergences profondes de points de vue entre M. Z…et moi. M. Z…intervenait dans l’atelier alors qu’il n’était pas du métier. Il me faisait sans arrêt des reproches alors que lui allait et venait sans que personne ne sache où il était. Il arrivait tard le matin etc… Et moi je ne disais rien. La situation s’est aggravée dès le début de l’année 2006. M. Z…n’avait toujours pas le financement pour l’achat de ses parts et M. X… a commencé à se sentir piégé. La situation devenait légalement critique et M. Z…trouvait qu’il était stupide de prendre une patente pour un temps si court. Un jour il nous a annoncé que n’ayant pas obtenu son prêt bancaire, il était en train de vendre son appartement en métropole. Il fallait attendre le temps de faire les papiers. Entre-temps nous nous sommes très fortement disputés et malgré les efforts de médiateur de M. X… pour nous réconcilier et trouver un arrangement, rien n’y a fait. Je ne pouvais imaginer travailler avec M. Z…et lui ne voulait pas de moi comme associé. J’ai décidé de partir et de reprendre les machines. Cette dispute a mis M. X… dans une situation désagréable dans laquelle il était pour rien. Lorsque j’ai décidé de partir en août 2006, M. Z…n’avait réglé que la moitié de ses parts. Il fallait encore attendre et il ne voulait toujours pas prendre de patente. Je certifie en tout cas que nous étions dans la société Atcarec en tant que patron et qu’il n’a jamais été question d’un statut d’employé ou quoi que ce soit d’assimilé. Mais il n’était pas possible de concrétiser les cessions de parts tant que M. Z…ne trouvait pas le financement de ses parts qu’il nous avait certifié avoir au départ « .
Il s’en déduit que la situation s’origine dans la défaillance réitérée et prolongée tant dans le paiement du prix convenu que dans l’exécution du contrat pendant la période « provisoire » précédant la réalisation de la vente.
Cette défaillance est exclusivement imputable à M. Z…qui faisait croire à ses cocontractants qu’il avait les moyens financiers de faire face à ses obligations mais, comme il le reconnaît lui-même, n’a réglé que 65 % du prix convenu lorsqu’il a décidé de tout abandonner brutalement.
Il s’ensuit que la résolution du contrat doit être prononcé aux torts exclusifs de M. Z…, lequel n’offre pas de rapporter la preuve d’une responsabilité partagée.
Il est constant que la défection de M. Z…a entraîné pour M. X…
un préjudice financier en ce que celui-ci a payé en vain la somme de 1 248 000 Fr Cfp d’honoraires au cabinet Action entreprise au titre de l’opération de cession de parts qui ne s’est pas réalisée par sa faute ;
un préjudice moral créé d’une part par une situation « provisoire » qu’il a subie pendant plus de deux ans dans l’attente d’un financement attendu mais toujours repoussé alors que, malade, il souhaitait cesser son activité, d’autre part par l’abandon brusque et le départ précipité de M. Z…pour la métropole, le laissant assumer seul les conséquences de la situation, qu’il y a lieu d’évaluer la somme de 4 000 000 Fr Cfp.
En revanche, le liquidateur n’explicite pas la nature et le montant du préjudice qui aurait été directement causé à la société du fait des diverses défaillances de M. Z….
Il y a lieu à compensation entre les sommes allouées et celles acquittées par l’intimé au titre de l’exécution partielle du protocole d’accord de cession des parts sociales du 30 septembre 2005.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de première instance de Nouméa le 14 mai 2012 ;
Et, statuant à nouveau sur le tout ;
Rejette la demande visant à constater la nullité du « protocole d’accord pour cession de parts » signé par les parties le 30 septembre 2005 ;
Prononce la résolution de cette convention aux torts exclusifs de M. Z…;
Condamne M. Z…à payer à M. X…, outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour :
¿ 1 248 000 Fr Cfp de dommages intérêts en réparation de son préjudice financier ;
¿ 4 000 000 Fr Cfp de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral ;
Rejette les demandes en dommages-intérêts présentées au nom de la SARL Atcarec en liquidation judiciaire ;
Dit que les sommes allouées se compenseront avec celle de 5 500 000 Fr Cfp au total réglée par M. Z…à titre d’exécution partielle de la convention résolue à ses torts exclusifs, outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
Condamne M. Z…à payer à M. X… 300 000 Fr Cfp en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;
Le condamne aux dépens de 1ère instance et d’appel, qui seront distraits au profit de la SELARL Calexis, société d’avocats, sur l’affirmation qu’elle en a fait l’avance sans avoir reçu provision.
Le greffier, Le président,