Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 4 mai 2017, 16-16.934, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 4 mai 2017, 16-16.934, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’Adrien X…et Marie-Georgette Y…, qui étaient mariés sans contrat préalable, sont décédés les 7 mars 2007 et 15 septembre 2010, laissant pour leur succéder leur cinq enfants, Alain, Didier, Bernadette, Daniel et Jean ; que M. Jean X… et Daniel X… ont assigné leurs frères et soeur en partage des successions de leurs parents ; que Daniel X… étant décédé en cours d’instance, ses héritiers, Mme Jacqueline Z…, MM. Fabrice et Nicolas X…, sont intervenus volontairement ;

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, le deuxième moyen, le troisième moyen, pris en sa seconde branche, le quatrième moyen, pris en sa première branche et le cinquième moyen, ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 843 du code civil, ensemble l’article 1253 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour condamner MM. X… à rapporter aux successions la somme de 249 330, 07 euros au titre du solde non remboursé d’un prêt de 277 457 euros consenti par leurs parents, majoré d’une pénalité de retard, l’arrêt, après avoir constaté que M. Alain X… avait versé en 2008 à sa mère la somme de 80 000 euros, retient que, s’agissant d’une créance de la succession des deux parents, le paiement n’est libératoire qu’à hauteur de 40 000 euros, Marie-Georgette Y… n’ayant le droit de percevoir que la moitié de cette somme ;

Qu’en statuant ainsi, alors que ce paiement était libératoire de la fraction de la créance revenant à Marie-Georgette Y… et s’élevant à plus de 80 000 euros, de sorte qu’il devait s’imputer en totalité sur cette part, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 1323 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles 287 et 288 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour condamner Mme Bernadette X… à rapporter aux successions une certaine somme au titre d’un don manuel reçu de ses parents, l’arrêt retient que MM. Jean, Fabrice, Nicolas X… et Mme Jacqueline Z… produisent une reconnaissance de don manuel signée selon eux de la main de Mme Bernadette X… et que, si celle-ci conteste être la signataire de ce document, elle ne demande qu’une vérification d’écriture sous la forme éventuelle ; qu’il ajoute qu’il est sans incidence que ce document soit signé Diop, qui était alors le nom d’épouse de la donataire ; qu’il énonce encore que la circonstance que MM. Jean, Fabrice, Nicolas X… et Mme Jacqueline Z… ne soient pas en mesure, cinquante ans après, de rapporter la preuve du mouvement de fonds correspondant, ne suffit pas à écarter ce don comme devant donner lieu à rapport ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait, en présence d’une contestation de la partie à laquelle était opposé l’acte, de le vérifier, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l’article 843 du code civil ;

Attendu que, pour condamner MM. X… à rapporter à la succession la somme de 14 994, 49 euros, l’arrêt retient que ces derniers ont constitué une société civile immobilière pour acquérir un terrain sur lequel ils ont édifié un immeuble et qu’Adrien X… et Marie-Georgette Y… ont réglé diverses dépenses relatives à cette acquisition et à cette construction ;

Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’intention libérale d’Adrien X… et de Marie-Georgette Y… et leur appauvrissement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne solidairement MM. Alain et Didier X… à rapporter aux successions les sommes de 207 329 et 14 994, 49 euros, et condamne Mme Bernadette X… à rapporter aux successions la somme de 19 818, 37 euros, l’arrêt rendu le 1er mars 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;

Condamne MM. Jean, Fabrice, Nicolas X… et Mme Z… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à MM. Didier et Alain X… et à Mme X… la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour MM. Didier et Alain X… et Mme X…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné in solidum MM. Alain et Didier X… à rapporter à la succession la somme de 249. 330, 07 euros au titre du solde non remboursé du prêt accordé par les de cujus par acte authentique des 19 avril et 20 mai 1996 et de la pénalité de non remboursement de 5 % ;

AUX MOTIFS QU’il n’est pas contesté que les parents Marie-Georgette Y… épouse X… ont prêté à MM Alain et Didier X… la somme de 1. 820. 000 francs, soit 277. 457, 21 €, par acte authentique des 19 avril et 20 mai 1996 de maître Markour, notaire à Cayenne, pour une durée de 15 ans courant jusqu’au 30 avril 2011 au plus tard ; que cet acte prévoyait que si le créancier devait recourir à une instance judiciaire, il aurait droit à une indemnité fixée en accord entre les parties à une somme égale à 5 % du solde du prêt restant dû ; que ce prêt consenti sans intérêts était garanti par une hypothèque sur un ensemble immobilier à usage commercial appartenant aux débiteurs ; qu’il est constant qu’une somme de 80. 000 € a été remboursée le 23 septembre 2008, après le décès de Adrien Clément X…, à Marie-Georgette Y… épouse X… ; que pour le surplus, MM. Alain et Didier X… soutiennent avoir remboursé antérieurement en partie par compensation avec une dette de leurs parents, ils se fondent sur leurs pièces 14 et 15 ; qu’il s’agit de copies d’une part d’un accusé de réception signé des deux parents selon lequel ils auraient perçu de leur fils Alain X… un bon anonyme de 340. 000 francs et d’autre part d’une reconnaissance de dette de leur part envers leur fils Alain X… pour 249. 000 francs ; que ces documents sont argués de faux par les consorts M. Jean X…, Mme Jacqueline Z… veuve Daniel X…, Fabrice X… et Nicolas X… et la cour a enjoint à MM. Alain et Didier X… de les produire en original pour permettre une comparaison d’écriture ; qu’il est constant que MM. Alain et Didier X… ne produisent pas ces pièces en original, et ne renoncent pas pour autant à en faire usage, sans expliquer comment ils seraient en possession de copies sans avoir les originaux ; qu’il s’ensuit que la cour n’est pas en mesure de procéder ou faire procéder par un expert à une vérification d’écriture efficace ; qu’or les intimés produisent en revanche une expertise graphologique (pièce 64 des intimés) réalisée sur les copies produites par les appelants, qui conclut de façon approfondie que les signatures présentes sur les documents n’émanent pas de la personne qui a signé les documents de comparaison Clément X… ; qu’il ne peut en conséquence ni être sérieusement procédé à une comparaison sur copie, ni être tenu compte de ces documents comme justifiant de la compensation par la créance des parents X…, dont l’une pour occupation d’un studio pendant sept ans pour 249. 000 francs, ce qui paraît peu vraisemblable ; qu’il est sans incidence que la signature de la mère qui figure sur ces deux documents ne soit pas quant à elle contestée par les intimés dès lors que les deux signatures devraient être valables ; qu’en conséquence il y a lieu comme le demandent les intimés de statuer sans tenir compte de ces pièces ; Dans ces conditions en l’absence de compensation, la cour constate que MM. Alain et Didier X… ne justifient pas avoir remboursé le surplus du prêt consenti par leurs parents ; qu’en effet, s’agissant des autres paiement par chèques allégués, il n’est pas justifié qu’ils correspondent au remboursement de ce prêt, étant précisé que d’autres prêts ont été consentis à MM. Alain et Didier X…, et que les intimés notent avec pertinence que certains des remboursements allégués étaient aussitôt suivis de débits des comptes des créanciers ou de virements aux débiteurs ; que de plus, ces remboursements n’ont pas été accompagnés de document probant ou de l’établissement concomitant d’un solde dû, émanant des créanciers ; qu’il est d’ailleurs notable qu’il n’ait jamais été donné mainlevée de l’hypothèque, ce qui montre que la créance n’a pas été intégralement réglée, quand bien même une demande a été formée en ce sens par Marie-Georgette Y… épouse X… seule en 2008 (pièce 18 des appelants), Adrien Clément X… étant à cette date décédé ; que par ailleurs s’agissant du remboursement de la somme de 80. 000 € en 2008, postérieurement au décès de Adrien Clément X…, cette somme a été versée par M. Alain X… à sa mère Marie-Georgette Y… épouse X…, alors qu’il s’agissait d’une créance de la succession des deux parents, de sorte qu’il y a lieu de réintégrer la somme de 40. 000 € perçue par Marie-Georgette Y… épouse X… correspondant à la part de Adrien Clément X…, Marie-Georgette Y… épouse X… n’ayant droit qu’à la moitié soit 40. 000 € ; que le jugement sera en conséquence confirmé en son principe en ce qu’il a condamné solidairement MM. Alain et Didier X… à procéder au rapport du solde du prêt, mais ce solde sera porté de 197. 457, 21 € à 237. 457, 21 € ; qu’il y a lieu d’ajouter à cette somme la pénalité de 5 % du solde soit 11. 872, 86 € telle que prévue au contrat, soit au total 249. 330, 07 € ; qu’en revanche, M. Jean X…, Mme Jacqueline Z… veuve Daniel X…, M. Fabrice X… et Nicolas X… seront déboutés de leur demande de dommages intérêts, faute d’apporter la preuve d’un préjudice moral tel qu’allégué ; qu’il sera ajouté de ce chef au jugement, s’agissant d’une demande nouvelle en appel ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE l’article 1315 alinéa 2 du Code civil énonce que  » celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation  » ; que les de cujus ont prêté la somme de 1. 820. 000 F, soit 277. 457, 21 € à MM. Didier et Alain X… par acte authentique reçu par Me Elie A…, notaire à Cayenne daté des 19 avril et 20 mai 1996, pour une durée de 15 ans, soit au plus tard avant le 30 avril 2011, sans intérêt ; que l’acte prévoit que  » si le créancier devait recourir à une instance judiciaire, il aurait droit à litre d’indemnité fixée en accord entre les parties d’une somme égale à cinq pour cent (5 %) du solde en principal du Prêt restant dû  » ; qu’en vertu de l’acte reçu les 19 avril et 20 mai 1996, M. Adrien X… et son épouse ont reçu en garantie, par acte authentique reçu le 20 mai 1994 par Me A…, une hypothèque sur un ensemble immobilier appartenant aux débiteurs (terrain, 3 locaux à usage commercial, un hangar et un bureau) sis dans la banlieue de Cayenne ; que le prêt est échu, que MM. Didier et Alain X… ne produisent aucun justificatif du remboursement du solde de leur emprunt ; qu’il convient d’appliquer la clause prévoyant une pénalité de 5 % sur le solde en capital, soit 9. 872 € ;

1°) ALORS QU’en l’absence de mandataire connu de l’indivision, le paiement réalisé par le débiteur de celle-ci entre les mains d’un coïndivisaire est libératoire ; qu’en affirmant que le versement de la somme réalisé par M. Alain X… entre les mains de sa mère ne pouvait emporter paiement « d’une créance de la succession des deux parents », cette dernière n’ayant le droit de percevoir que la moitié de cette somme (arrêt, p. 9, al. 4), quand il résultait de ses propres motifs qu’au moment du paiement, la créance litigieuse était entrée dans l’indivision successorale constituée entre cette dernière et ses enfants à la suite du décès de son mari Adrien X…, de sorte que réalisé entre les mains d’un des coïndivisaires, ce paiement était libératoire, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation des articles 815-8, 815-9 et 843 du Code civil ;

2°) ALORS QU’en toute hypothèse, le débiteur de plusieurs dettes est libre d’imputer ses paiements sur les créances de son choix ; qu’en affirmant que le paiement de la somme de 80. 000 euros effectué par M. Alain X… entre les mains de Marie-Georgette X… n’était libératoire qu’à hauteur de 40. 000 euros dès lors que s’agissant « d’une créance de la succession des deux parents », cette dernière n’avait le droit de percevoir que la moitié de cette somme (arrêt, p. 9, al. 4), quand le paiement effectué entre les mains de Marie-Georgette X… était à tout le moins libératoire de la fraction de la créance lui revenant qui s’élevait à plus de 80. 000 euros, de sorte qu’il devait s’imputer en totalité sur cette part, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses constatations, violant l’article 843 du Code civil ;

3°) ALORS QUE chacun des époux a le pouvoir de disposer seul des biens communs et de recevoir paiement des créances de la communauté, sauf à répondre des fautes qu’il aurait commises dans sa gestion ; qu’en relevant, pour écarter les deux reconnaissances de dette invoquées par les consorts Alain X… en compensation de la créance de remboursement du prêt que leurs parents leur avait consenti, qu’il « est sans incidence que la signature de la mère qui figure sur ces deux documents ne soit pas quant à elle contestée par les intimés dès lors que les deux signatures devraient être valables » (arrêt, p. 8, dernier al.), quand la seule signature de la mère suffisait à engager la communauté, la Cour d’appel a violé les articles 843 et 1421 du Code civil.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement en ce qu’il avait condamné M. Didier X… à rapporter à la succession la somme de 11. 000 euros au titre de la donation du véhicule de marque Toyota ;

AUX MOTIFS QU’il n’est pas contesté que Marie-Georgette Y… épouse X… a acquis le 27 janvier 2009 un véhicule Toyota pour la somme de 11000 € qu’elle a donné à son fils M. Didier X… au nom duquel a été établi le certificat d’immatriculation ; que si ce véhicule a pu occasionnellement servir au transport de Marie-Georgette Y… épouse X… alors âgée de 89 ans, et souffrante, et qui n’avait pas de raison d’acquérir pour elle-même ce véhicule, il demeure qu’il s’agit d’une donation à son fils dont celui-ci doit rapport à la succession à hauteur de la valeur d’acquisition, dès lors qu’il a joui de ce véhicule ; que le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné M. Didier X… à rapporter cette somme ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU’en vertu du 1er alinéa de l’article 860 du Code civil :  » Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation  » ; que Madame X…, alors âgée de 89 ans, a acquis le 27 janvier 2009 un véhicule Toyota pour la somme de 11. 000 € qu’elle a donné à son fils Didier, qui le confirme, prétextant que l’automobile a servi au transport de Madame X… ; qu’il a joui du bien, que l’indivision ne saurait supporter la dépréciation de ce bien utilisé par lui privativement et qu’il convient de le condamner à rapporter la somme de 11. 000 € à l’indivision ;

1°) ALORS QUE seule une libéralité qui suppose un appauvrissement du disposant dans l’intention de gratifier son héritier est rapportable à la succession ; qu’en se bornant, pour condamner M. Didier X… à rapporter à la succession de ses parents la valeur d’acquisition du véhicule Toyota, à relever que « si ce véhicule a pu occasionnellement servir au transport de Marie-Georgette Y… épouse X… alors âgée de 89 ans, et souffrante, et qui n’avait pas de raison d’acquérir pour elle-même ce véhicule, il demeure qu’il s’agit d’une donation à son fils dont celui-ci doit rapport à la succession à hauteur de la valeur d’acquisition, dès lors qu’il a joui de ce véhicule » (arrêt, p. 10, al. 3), sans caractériser, ni l’intention libérale, ni l’appauvrissement de Marie-Georgette X…, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 843 et 893 du Code civil ;

2°) ALORS QU’en toute hypothèse, le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation ; qu’en condamnant M. Didier X… à rapporter à la succession la somme de 11. 000 euros correspondant à « la valeur d’acquisition » du véhicule Toyota (arrêt, p. 10, al. 3), quand il ne pouvait être tenu de rapporter que la valeur du véhicule, autrement dit, sa cote, à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation, la Cour d’appel a violé l’article 860 du Code civil.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement déféré en ce qu’il avait condamné Mme Bernadette X… à rapporter à la succession la somme de 19. 818, 37 euros au titre du don manuel qu’elle a reçu ;

AUX MOTIFS QUE le tribunal a condamné Mme Bernadette X… à rapporter la somme de 19. 818, 37 €, représentant un don de 130. 000 francs reçu de ses parents le septembre 1966, les intimés produisant à cet effet une reconnaissance de don manuel signée selon eux de la main de Mme Bernadette X… ; que celle-ci conteste être la signataire de ce document, dont l’original lui a été communiqué par acte d’huissier et a été laissé à sa disposition pendant deux mois ; qu’il est notable qu’elle ne demande pas de vérification d’écriture autrement que sous la forme  » éventuellement  » ; qu’il est sans incidence que ce document soit signé Diop, qui était alors le nom d’épouse de Mme Bernadette X…, et qu’existe une erreur sur une lettre d’un nom propre dans une adresse ; que de même, la circonstance que les intimés ne soient pas en mesure cinquante ans après de rapporter la preuve du mouvement de fonds correspondant ne suffit pas à écarter ce don comme devant donner lieu à rapport ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE MM. Daniel et Jean X… ont retrouvé une attestation signée par Mme Bernadette X… dans laquelle elle reconnaît avoir reçu au titre d’un don manuel des de cujus le 20. 09. 1966, la somme de 130. 000 F, soit 19. 818, 37 € ; que Mme Bernadette X… indique que cette reconnaissance de don manuel n’est pas écrite de sa main et qu’elle ne l’a jamais signée ; qu’elle prétend que, si elle ou ses parents avaient frappé ce document, jamais le mot Pindar n’aurait été orthographié fautivement à Rue Adjudant « Pindar », puisque Pindar s’écrit Pindard et non Pindar ; que les dons manuels échappent au formalisme imposé par l’article 931 du Code civil et se prouvent par tous moyens ; que l’erreur sur le mot « Pindar » n’a aucune incidence sur la validité de cette pièce, qui est signée Diop, qui était à cette époque son nom d’épouse par lequel elle signait ; qu’il échet de condamner Madame Bernadette X… à rapporter à la succession la somme de 19. 818, 37 € ;

1°) ALORS QUE lorsque l’écriture ou la signature d’un acte sous seing privé sont déniées ou méconnues, il appartient au juge de vérifier l’acte contesté à moins qu’il puisse statuer sans en tenir compte ; qu’en refusant de procéder à la vérification d’écriture de la seule pièce sur laquelle elle fondait la condamnation de Mme Bernadette X… à rapporter à la succession la somme de 19. 818, 37 euros, quand elle relevait elle-même que cette dernière contestait avoir écrit et signé ce document qu’on lui attribuait (arrêt, p. 10, al. 5 ; jugement, p. 5, pén. al.), la Cour d’appel a violé l’article 1323 du Code civil ;

2°) ALORS QU’en toute hypothèse, seule une libéralité qui suppose un appauvrissement du disposant dans l’intention de gratifier son héritier est rapportable à la succession ; qu’en condamnant Mme Bernadette X… à rapporter à la succession de ses parents une somme de 19. 818, 37 euros, sans établir qu’ils lui avaient versé cette somme en s’appauvrissant et dans une intention libérale, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 843 et 893 du Code civil.

QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné in solidum MM. Alain et Didier X… à rapporter à la succession la somme de 14. 994, 49 € au titre des sommes perçues par la SCI ADB dont ils sont propriétaires ;

AUX MOTIFS QUE le jugement a condamné MM. Alain et Didier X… à rapporter les sommes reçues au nom de la SCI ADB qu’ils ont constituée le 27 décembre 2001 pour l’acquisition d’un terrain à Sarlat sur lequel a été construite une maison individuelle ; que le tribunal a retenu la somme de 13. 470 € représentant les frais de notaire, la facture du bureau de BTP et une étude de sol, et un virement de 6. 000 € le 8 juillet 2003 ; qu’au regard des versements retenus, le jugement est entaché d’une erreur de calcul, le total s’établissant non à 13. 470 € mais à 14. 994, 49 € (1. 981, 84 + 5. 488, 16 + 6. 000 + 1. 524, 49), la mention des intimés à ce titre étant exacte ; que le jugement sera réformé du chef du quantum, mais confirmé en son principe, s’agissant de ces sommes ; qu’en effet, MM. Alain et Didier X… ne contestent pas ces virements ; que la circonstance qu’ils aient bénéficié à une personne morale, la SCI, est sans incidence, dès lors qu’ils en étaient les seuls associés, et ne prouvent pas y avoir apporté quelque somme que ce soit à titre personnel ; que le tribunal a écarté d’autres sommes retirées en espèces pour un montant total de 167. 535 € sur le compte des de cujus, correspondant selon les intimés au prix d’achat du terrain 27. 593, 27 € le 27 décembre 2001, et à des acomptes de 60. 979 €, 47. 400 €, 59. 456 €, et 34. 000 € les 16 octobre 2000, 5 mars 2002, 8 novembre 2002 et 1er avril 2003, au motif qu’il n’était pas établi, quoiqu’elles correspondissent au calendrier habituel des acomptes lors d’une construction, qu’elles aient été utilisées à cette fin ; que la mission confiée à l’expert inclut les comptes de la SCI ADB et il convient de préciser que la mission porte sur les sommes retirées par les parents X…sur leur compte tels que mentionnés ci-dessus et le financement des paiement effectués par la SCI ADB ; qu’il n’y a pas lieu à réformation de la mission de l’expert de ce chef, comme le demandent les appelants ; que l’intégration aux comptes de ces sommes sera examinée sur rapport d’expertise ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE MM. Didier et Alain X… ont constitué une SCI dénommée ADB le 27 décembre 2011 par acte reçu par Me B…, notaire associé à Terrasson la Villedieu (24) ; que selon l’article 37 de l’acte de constitution, la SCI avait pour projet l’acquisition d’un terrain sis à Sarlat d’une valeur de 22. 105, 11 € ; que les de cujus ont réglé par chèque la somme de 13. 000 F (1. 981, 84 €) pour les frais de notaire, puis le 19 novembre 2001 la somme de 36. 000 F (5. 488, 16 €) à la Socamip Copreco, constructeur de maison individuelle à Périgueux ; que les de cujus ont payé par chèque daté du 26 décembre 2001 la somme de 1. 524, 49 € à la société Ingesol Etude, bureau de BTP ; que l’acquisition du terrain a été réalisée par la SCI pour un montant de 26. 437, 71 € au comptant le 27 décembre 2001 ; que le même jour, il était retiré sur le compte des de cujus la somme de 27. 593. 27 € ; qu’ont été retirées également de leur compte des sommes importantes, ne correspondant pas à leurs charges courantes : 60. 679 € le 16 octobre 2000, 47. 400 € le 5 mars 2002, 59. 456 € le 8 novembre 2002 et 34. 000 € ; que toutefois il n’est pas établi que ces retraits aient bénéficié à MM. Didier et Alain X…, même si les dates des retraits correspondent au calendrier habituel des acomptes lors d’une construction ; que le 8 juillet 2003, la somme de 6. 000 € a été virée de leur compte à celui de la SCI détenue par MM. Didier et Alain X… ; que MM. Didier et Alain X… ne nient pas que leur SCI ait bénéficié des fonds des de cujus, mais arguent qu’elle constitue une personne morale n’ayant pas de compte à rendre pour la succession ; qu’il y a lieu de condamner MM. Didier et Alain X… de rapporter les sommes de 1. 981, 84 €, 5. 488, 16 € et 6. 000 €, soit 13. 470 € à la succession ;

1°) ALORS QUE seul est assujetti à l’obligation au rapport l’héritier ayant été personnellement bénéficiaire d’une libéralité ou d’un avantage indirect ; qu’en relevant, pour condamner MM. Alain et Didier X… à rapporter à la succession la somme de 14. 994, 49 euros au titre des sommes perçues par la SCI ADB dont ils sont propriétaires, que « la circonstance qu’ils aient bénéficié à une personne morale, la SCI, est sans incidence, dès lors qu’ils en étaient les seuls associés, et ne prouvent pas y avoir apporté quelque somme que ce soit à titre personnel » (arrêt, p. 11, al. 1er), quand ils ne pouvaient être condamnés à rapporter des sommes dont ils n’avaient pas été personnellement bénéficiaires, la Cour d’appel a violé l’article 843 du Code civil ;

2°) ALORS QU’en toute hypothèse, seule une libéralité qui suppose un appauvrissement du disposant dans l’intention de gratifier son héritier est rapportable à la succession ; qu’en condamnant MM. Alain et Didier X… à rapporter la somme de 14. 994, 49 euros au titre des sommes perçues par la SCI ADB, sans caractériser, ni l’intention libérale, ni l’appauvrissement des de cujus, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 843 et 893 du Code civil.

CINQUIÈME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait dit que MM. Didier et Alain X… étaient coupables de recel, et qu’à ce titre ils ne pourraient prétendre à aucun droit sur les sommes qu’ils seraient condamnés à rapporter ;

AUX MOTIFS QUE, sur la qualification de recel, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit, en application de l’article 843 du Code civil, que MM. Alain et Didier X… sont coupables de recel et qu’à ce titre ils ne pourront prétendre à aucun droit sur les sommes qu’ils seront condamnés à rapporter ; que sur la SCI Alain (pièces 21, 22 et 35 des intimés), cette SCI constituée le 24 février 1992 était propriétaire d’un appartement avec garage à Sète, et son capital a été fixé à 550. 000 francs dont 50. 000 d’apport en numéraire par M. Alain X… et 500. 000 d’apport en nature d’un bien immobilier par les parents X…; que la répartition des 555 parts était initialement la suivante : M. Alain X… 5 parts, Adrien Clément X… 275 parts, Marie-Georgette Y… épouse X… 275 parts ; que M. Alain X… a acquis partie des parts de ses parents mais a également bénéficié d’une donation de 100 parts le 24 février 1992, ainsi qu’il ressort de l’acte notarié du 24 juin 1993 portant cession de 100 parts au vu de la comptabilité du notaire ; qu’il n’est pas produit d’acte de donation dispensant de rapport à la succession ; qu’il convient en conséquence d’ordonner le rapport à la succession de la valeur de ces 100 parts ; que cette valeur sera évaluée par l’expert au jour de la dissolution de la SCI le 9 septembre 1999 ; qu’il sera ajouté de ce chef au jugement et à la mission de l’expert ; que M. Alain X… sera considéré comme coupable de recel et ne pourra prétendre à aucun droit sur les sommes qu’il devra rapporter à ce titre, étant observé qu’il n’a fourni aucune explication sur cette SCI ; que sur la SCI Didier (pièces 19, 20 et 37 des intimés), sur le même modèle, les parents X…ont constitué avec M. Didier X… une SCI les 4 et 17 janvier 1992, à laquelle ils ont apporté en nature une maison située à Terrasson (Dordogne) acquise pour 420 000 francs en 1989, SCI dont le capital était composé de 425 parts, M. Didier X… étant initialement détenteur de 5 parts, puis en ayant acquis 145 dont 95 le jour de la création de la SCI et 50 le 7 octobre 1992 ; que ce bien a été vendu pour 745 000 francs en septembre 2000 ; que les parents X…ont fait donation à leur fils M. Didier X… de 100 parts par acte du 28 janvier 1992, donation mentionnée dans l’acte notarié du 7 octobre 1992 ; qu’il n’est pas produit d’acte de donation dispensant de rapport à la succession ; qu’il convient en conséquence d’ordonner le rapport à la succession de la valeur de ces 100 parts ; qu’il n’apparaît pas que cette SCI ait été dissoute, contrairement à ce qui est allégué par M. Didier X…, la pièce 101 étant relative à la dissolution de la SCI Alain et non de la SCI Didier, et les intimés produisant un extrait du registre du commerce de Périgueux en date du 13 août 2013 ne faisant pas apparaître la dissolution de la SCI ; que les parts restantes au nom des de cujus s’il en subsiste n’appartenant pas à M. Didier X… seront réintégrés à l’actif de la succession ; que cette valeur sera évaluée par l’expert au jour de la vente du bien immobilier propriété de la SCI Didier en septembre 2000 ; qu’il sera ajouté de ces chefs au jugement et à la mission de l’expert ; que M. Didier X… sera considéré comme coupable de recel et ne pourra prétendre à aucun droit sur les sommes qu’il devra rapporter à ce titre, étant observé qu’il n’a fourni aucune explication sur cette SCI ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE selon des dispositions de l’article 778 du Code civil :  » sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession  » ; que MM. Didier et Alain X… n’ont jamais fait état du prêt personnel, ni des virements effectués à leur profit, directement ou via leur SCI ADB ; qu’il convient de dire que les défendeurs ne pourront revendiquer un quelconque droit sur les sommes rapportables ;

ALORS QUE la qualification de recel successoral suppose que soit caractérisée l’intention frauduleuse de son auteur ; qu’en jugeant « que MM. Alain et Didier X… sont coupables de recel et qu’à ce titre ils ne pourront prétendre à aucun droit sur les sommes qu’ils seront condamnés à rapporter » (arrêt, p. 11, al. 5 ; p. 12, al. 9 et p. 11, al. 3), sans caractériser leur intention frauduleuse, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 778 du Code civil.

ECLI:FR:CCASS:2017:C100544


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