Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 11 décembre 2000, présentée pour M. Louis X, demeurant …, par Me Pascal Gorrias, avocat associé du cabinet Decker et associés ;
M. X demande à la Cour :
– d’annuler le jugement en date du 25 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;
– de lui accorder la réduction des compléments d’impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquels il a été assujetti au titre des années 1990 et 1991 ainsi que des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquels il a été assujetti au titre de la période du 1er décembre 1990 au 31 décembre 1991 ;
..
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Classement CNIJ : 19-01-03-01-02-03 C+
19-01-03-01-02-04
19-01-04-03
19-04-02-01-01
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 avril 2004 :
– le rapport de Mme Texier, président-assesseur,
– les observations de Me Gorrias, avocat de M. X ;
– et les conclusions de Mme Boulard, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
Considérant, en premier lieu, que l’article L. 47 du livre des procédures fiscales dispose : « ( ) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l’envoi ou la remise d’un avis de vérification » ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que le service a adressé à M. X un avis de vérification de comptabilité en date du 4 février 1993, l’informant que les opérations se dérouleraient à partir du 25 février 1993 à 9h30 au siège de son activité de marchand de biens sis 25, rue Escoussières Montgaillard à Toulouse ; que ce pli, présenté le 5 février 1993, et qui a fait l’objet du dépôt d’un avis de passage, n’a pas été réclamé et a été retourné au service le 22 février 1993 avec la mention « non réclamé – retour à l’envoyeur » ; qu’il résulte de l’instruction que le siège de l’activité professionnelle de M. X se trouvait à Toulouse, 25 rue Escoussières Montgaillard et que s’il possédait deux établissements secondaires à Auch et Arcachon, l’adresse de Toulouse était celle qui figurait sur le registre du commerce du greffe du tribunal de commerce de Toulouse ainsi que sur les déclarations professionnelles de l’intéressé, dont celles relatives à la période vérifiée et remises au cours du contrôle, alors même que le requérant soutient que son adresse de Toulouse était « vidée de toute substance » ; que si, à l’occasion d’un litige en matière d’impôts locaux, M. X avait antérieurement, en juin 1992, demandé au Centre des impôts d’Arcachon ainsi qu’aux services du recouvrement de Toulouse de lui adresser toute correspondance 11, rue Guynemer à Auch, ces courriers, qui ne concernaient pas ses revenus catégoriels ni les taxes sur le chiffre d’affaires, ne pouvaient valoir indication d’une modification du lieu de ses activités professionnelles ; qu’aucune autre démarche n’avait été accomplie par l’intéressé ; que, dans ces conditions, et nonobstant la circonstance que le formulaire de déclaration du revenu global 1993 envoyé à M. X par le Centre des impôts de Toulouse comportait la mention de son adresse à Auch, et que les correspondances qui lui ont été adressées dans le cadre du contrôle diligenté à son encontre au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune aient également été envoyées à Auch, le service a pu à bon droit envoyer l’avis de vérification de comptabilité à l’adresse du siège de l’activité professionnelle du requérant ; que, par suite, M. X, qui a d’ailleurs été informé de cet envoi par un courrier simple qu’il a réceptionné à cette adresse, a, par lettre du 6 mars 1993, donné son accord pour que le début des opérations de vérification soit reporté du 25 février au 15 mars 1993, et a pu se faire assister de son comptable ; que, dès lors, il n’est pas fondé à soutenir qu’il n’a pu bénéficier des garanties prévues par les dispositions précitées de l’article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 10 du livre des procédures fiscales : « Avant l’engagement d’une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l’administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié » ; que si M. X fait valoir que l’administration n’apporte pas la preuve du contenu du pli qui lui a été adressé le 4 février 1993, il résulte de l’instruction que l’avis de vérification régulièrement adressé à M. X mentionnait expressément qu’y était joint un exemplaire de ladite charte ainsi qu’un additif à ce document et que, par ailleurs, l’accusé de réception produit par le service porte le nom du vérificateur assorti de la mention « (3 documents) » ; que, dans ces conditions, la preuve de l’envoi de ces documents doit être regardée comme apportée ;
Considérant, en troisième lieu, que si M. X fait valoir qu’il n’a pas eu connaissance des mises en demeures qui lui ont été adressées aux fins de production de ses déclarations de résultats, une telle circonstance est, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de la procédure d’imposition, dès lors qu’il résulte de l’instruction que le service a mis en oeuvre la procédure contradictoire ;
Considérant, en quatrième lieu, qu’il résulte de l’instruction que lors de l’entrevue fixée au siège de l’établissement principal de M. X, le 15 mars 1993, celui-ci a demandé que le contrôle de son activité de marchand de biens soit effectué dans les locaux de l’administration, au motif qu’il n’avait pas de locaux à mettre à la disposition du vérificateur ; que, dans ces conditions, il n’est pas fondé à se plaindre de ce que le vérificateur ne se serait rendu qu’une fois au siège de l’entreprise ; qu’il résulte également de l’instruction que des entretiens avec le vérificateur et le comptable de M. X ont eu lieu les 15 mars, 30 mars et 8 avril 1993 ; que si M. X fait valoir que les procès-verbaux des réunions des 15 mars et 30 mars 1993, qu’il a d’ailleurs signés, ont été préétablis, une telle circonstance ne peut permettre d’établir que le vérificateur se serait refusé à tout débat et que le caractère contradictoire de la procédure n’aurait pas été respecté ;
Considérant, en cinquième lieu, que la notification de redressements en date du 3 mai 1993, prévoyant l’application de sanctions exclusives de bonne foi, comportait le visa de l’inspecteur principal ; qu’il ne résulte d’aucune disposition législative ou réglementaire que celui-ci aurait également dû apposer son visa sur la réponse aux observations du contribuable en date du 4 août 1993 ;
Considérant, en sixième lieu, que si la méconnaissance de l’exigence d’une rencontre avec l’interlocuteur départemental, posée par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, a le caractère d’une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte au contribuable vérifié, celle-ci n’impose pas que l’interlocuteur départemental informe le contribuable des résultats de sa démarche ; que, par suite, M. X ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir du défaut de motivation de la réponse qui lui a été adressée par l’interlocuteur départemental ;
Considérant, en septième lieu, que le requérant ne peut utilement invoquer les dispositions de l’article L. 7 du livre des procédures fiscales, qui n’est pas applicable pour la détermination des bénéfices industriels et commerciaux ; que, par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales que les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires n’affectent pas la régularité de la procédure d’imposition et ne sont, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l’imposition établie à la suite des rectifications ou redressements soumis à l’avis de la commission ; qu’enfin, il résulte des dispositions de l’article L. 59 B du livre des procédures fiscales que la commission départementale de conciliation prévue par l’article 1653 A du code général des impôts intervient seulement « en cas d’insuffisance des prix ou évaluations ayant servi de base aux droits d’enregistrement ou à la taxe de publicité foncière ( ) ainsi qu’à l’impôt de solidarité sur la fortune » ; que, par suite, le moyen tiré de ce que lesdites commissions ne se sont pas prononcées sur la valeur vénale de l’immeuble, est, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de la procédure ;
Considérant, enfin, qu’il résulte de l’instruction que la procédure de vérification a été suivie à l’égard de M. X, qui déclarait exercer une activité de marchand de biens et qui était, à ce titre, titulaire des revenus provenant de cette activité au sens de l’article L.54 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, M. X n’est pas fondé à soutenir que la procédure aurait dû également être suivie à l’égard de son épouse, quand bien même un chef de redressement porte sur un immeuble qu’il soutient relever de l’indivision conjugale ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu’aux termes de l’article 35 du code général des impôts : « I – Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l’application de l’impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles (…) » ; qu’il résulte des dispositions de l’article 257-6° du même code que sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée « Les opérations qui portent sur des immeubles ( ) et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux » ; qu’il résulte de ces dispositions que les bénéfices réalisés à l’occasion de la cession d’un immeuble par un contribuable qui se livre habituellement à l’activité de marchand de biens sont imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et que ces opérations sont, par voie de conséquences soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; que s’il incombe à l’administration d’établir que l’acquisition et la revente d’un immeuble sont intervenues dans des conditions permettant de caractériser l’exercice d’une activité de marchand de biens, le contribuable a la charge de prouver que l’immeuble vendu avait été acquis non pour être revendu mais pour satisfaire à des besoins personnels ou familiaux et que, de ce fait, sa vente relève de la seule gestion de son patrimoine privé ;
Considérant que si l’immeuble sis 293, boulevard de la Plage à Arcachon a été acquis en 1968 par M. et Mme X, qui l’ont utilisé en qualité de résidence secondaire jusqu’en 1986, il résulte de l’instruction, et notamment des propres déclarations de M. X dans des courriers adressés à l’administration fiscale en date des 26 novembre 1992, 26 décembre 1992 et 21 janvier 1993, qu’à la suite d’un sinistre survenu dans le courant de l’année 1986, cet immeuble est devenu inhabitable, et qu’il a été transféré dans le patrimoine professionnel de M. X à compter du 1er janvier 1987 ; que ce dernier a, en sa qualité de marchand de biens, déposé une demande de permis de construire qu’il a obtenu le 9 octobre 1990 ; que, dans ces conditions, nonobstant la circonstance qu’il n’avait pas, lors de son acquisition, la qualité de marchand de biens et que l’immeuble n’ait pas, alors, été acquis pour être revendu, M. X n’établit pas que la vente réalisée le 28 décembre 1990 relèverait de la seule gestion de son patrimoine privé ; que le requérant ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l’article L. 80-B du livre des procédures fiscales, de la position exprimée par la direction des services fiscaux du Gers le 8 février 1985, soit antérieurement au transfert de l’immeuble en cause dans le patrimoine professionnel de M. X, ni de la position exprimée par le service le 15 décembre 1992, dans la réponse aux observations du contribuable à la suite du redressement qui lui a été notifié au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune, qu’il a expressément contestée en se prévalant précisément de l’affectation de cet immeuble à son activité professionnelle ; que, d’ailleurs, il résulte de l’instruction que le service de la fiscalité immobilière a finalement admis que le bien en cause dépendait du patrimoine professionnel de M. X et a renoncé à le prendre en compte pour l’établissement de l’impôt de solidarité sur la fortune ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les bénéfices réalisés à l’occasion de cette vente présentent le caractère de bénéfices industriels et commerciaux au sens du I de l’article 35 précité du code général des impôts ; que, par suite, l’opération réalisée doit également être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant que l’article 38-2 du code général des impôts dispose : « Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés » ; qu’aux termes de l’article 268 du même code : « En ce qui concerne les opérations visées au 6° de l’article 257, la base d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée, est constituée par la différence entre : a) D’une part, le prix exprimé et les charges qui viennent s’y ajouter, ou la valeur vénale du bien si elle est supérieure au prix majoré des charges ; b) D’autre part, selon le cas, – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du bien ; – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature effectués » ;
Considérant qu’il est constant que l’immeuble en litige ne figurait pas en comptabilité dans les stocks de l’entreprise au bilan d’ouverture de l’année 1990, première année vérifiée ; que, dans ces conditions, M. X n’est pas fondé à se plaindre de ce que, pour déterminer le bénéfice commercial dégagé par la cession de cet immeuble pour un prix TTC de 5 500 000 F, le service a retranché du prix de vente hors taxe de 4 725 888 F un prix de revient de 564 000 F, calculé à partir de la valeur déclarée par le contribuable pour l’assiette de l’impôt sur les grandes fortunes au titre de l’année 1986, soit 540 000 F, réévaluée au 1er janvier 1987 ; que s’agissant de la marge soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, il ne résulte pas de l’instruction qu’en retenant la somme de 564 000 F le service aurait fait une appréciation insuffisante du coût d’acquisition dudit bien au regard de l’article 268 précité du code général des impôts ; que si, à cet égard, le requérant fait valoir que le service de la fiscalité immobilière a évalué l’immeuble à 5 500 000 F au 1er janvier 1989 et au 1er janvier 1990, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, d’une telle prise de position, qui concerne les bases de l’impôt de solidarité sur la fortune, et qui est postérieure de plus de deux ans à la date de l’incorporation de l’immeuble dans l’actif professionnel du requérant, et que l’administration n’a d’ailleurs pas maintenue, ainsi qu’il a été dit ci-dessus ; qu’en tout état de cause, la doctrine relative aux conditions d’application de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales ne peut être utilement invoquée ni sur le fondement de cet article, ni sur le fondement de l’article L. 80 A du même livre ;
Considérant, enfin, que si M. X fait valoir qu’il serait séparé de fait de son épouse depuis 1982, il n’est pas établi, ni même d’ailleurs allégué, que les époux auraient fait l’objet d’impositions séparées ; qu’il est par ailleurs constant que si les époux X sont séparés de biens, cette séparation n’est intervenue qu’en 1992, soit postérieurement à l’année d’imposition en cause ; que, dans ces conditions, dès lors que l’immeuble sis à Arcachon devait, conformément à son affectation professionnelle, être inscrit à l’actif de l’entreprise de marchand de biens de M. X au 1er janvier 1987, la circonstance qu’il aurait été acquis conjointement par les époux X ne peut utilement être invoquée par M. X pour soutenir qu’il ne serait imposable que sur la moitié du profit réalisé ;
Sur les pénalités :
Considérant que, eu égard à la nature des activités professionnelles de M. X, celui-ci ne pouvait ignorer les conséquences fiscales de l’opération immobilière réalisée à l’occasion de la vente de l’immeuble sis à Arcachon, qui n’a donné lieu à aucune imposition ni déclaration ; que, dès lors, eu égard à la volonté du contribuable d’éluder l’impôt, l’administration a pu à bon droit faire application aux impositions contestées de la majoration de 40% prévue par les dispositions de l’article 1729 du code général des impôts en l’absence de bonne foi ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. X la somme qu’il réclame sur le fondement dudit article ;
D E C I D E
Article 1er : La requête présentée par M. X est rejetée.
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00BX02840