Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE LIMOGES
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N DU 3 MARS 2005 Arrêt qui confirme l’ordonnance de refus d’actes NOTIFIE LE
CHAMBRE DE L’INSTRUCTION A l’audience du TROIS MARS DEUX MILLE CINQ, l’arrêt suivant a été prononcé par LA CHAMBRE DE L’INSTRUCTION DE LA COUR D’APPEL de LIMOGES, EN CHAMBRE DU CONSEIL, dans l’affaire suivie au parquet de BRIVE ENTRE :
PARTIE CIVILE
David X…
…
Ayant Maitre PEYRONNIE Jean-Michel, du barreau de BRIVE, pour avocat, ET :
André Y…
…
…
MIS EN EXAMEN DU CHEF D’ABUS DE CONFIANCE
Ayant Maître Jérôme MURIAUX du barreau de PARIS, pour avocat, ET ENCORE : Monsieur le Procureur Général,
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Maître Jean-Michel PEYRONNIE, conseil de la partie civile ayant, le 23 décembre 2004, interjeté appel d’une ordonnance de rejet de demande d’actes rendue le 22 décembre 2004 par Madame LESUEUR, juge d’instruction au tribunal de grande instance de BRIVE-LA-GAILLARDE,
— oOo— COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU PRONONCE DE L’ARRET PRESIDENT : Monsieur Serge BAZOT, président de la chambre de l’instruction, CONSEILLERS ASSESSEURS TITULAIRES : Monsieur Philippe NERVE et Monsieur Pierre Louis PUGNET,
Tous trois désignés en application de l’article 191 du code de procédure pénale, MINISTERE PUBLIC : Monsieur Pierre FOUCART, GREFFIER : Madame Nathalie ROCHE,
Le Président et les Conseillers sus-désignés en ayant délibéré conformément à la loi hors la présence du ministère public et du greffier.
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A l’audience tenue en CHAMBRE DU CONSEIL le 3 février 2005 ont été entendus :
Monsieur le Conseiller Pierre-Louis PUGNET en son rapport oral,
Maître PEYRONNIE, avocat de David X… en ses explications orales, Monsieur l’Avocat Général en ses réquisitions orales pour Monsieur le Procureur Général,
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Les débats étant terminés, Monsieur le président a renvoyé le prononcé de l’arrêt pour plus ample délibéré à l’audience du vingt quatre février deux mille cinq, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 3 mars 2005,
LA COUR
Vu les pièces de la procédure,
Vu l’ordonnance de rejet de demande d’actes rendue le 22 décembre 2004 par Madame Brigitte LESUEUR, juge d’instruction au tribunal de grande instance de BRIVE-LA-GAILLARDE,
Vu l’appel interjeté le 23 décembre 2004 par Maître Jean-Michel PEYRONNIE, conseil de la partie civile à l’encontre de ladite ordonnance,
Vu l’ordonnance rendue le 4 janvier 2005 par le président de la
chambre de l’instruction ordonnant la transmission du dossier au parquet général et les notifications faites le 5 janvier 2005, par lettre recommandée aux parties et à leur avocat,
Vu les pièces de la procédure desquelles il résulte que Monsieur le Procureur général a donné avis, par lettres recommandées, le 31 janvier 2005 au mis en examen et à son avocat ainsi qu’à la partie-civile et à son avocat, de la date de l’audience, soit le 3 février 2005, à laquelle l’affaire serait appelée,
Vu les réquisitions écrites de Monsieur le Procureur Général en date du 1er février 2005,
Vu le mémoire adressé par Maître PEYRONNIE et reçu le 24 janvier 2005,
Vu le mémoires adressé par Maître MURIAUX et reçu le 2 février 2005, Attendu qu’il a été satisfait aux formes et délais prescrits par l’article 197 du code de procédure pénale,
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Attendu que de l’information résultent les faits suivants :
Gérant de la société de droit roumain CHALLENGER, sise à BUCAREST, et ayant pour autre associé, Jean-Michel Z…, architecte à BRIVE, André Y… proposait courant 1999 à David X…, une association commerciale, sous la forme de la constitution d’une société ayant pour objet la diffusion d’articles de verrerie et autres bibelots fabriqués en Roumanie.
Tous trois constituaient le 2 juin 1999 une SARL, dénommée » STYL’ART « , dont le capital social, au montant de 100. 000 francs, était réparti, entre eux trois, à hauteur de 40 % pour le premier, 25 % pour le second, et de 35 % pour David X…
Le siège social en était fixé à COSNAC au domicile d’André Y…, et la gérance de droit confiée à David X…, lequel
avait régulièrement libéré ses parts sociales (35. 000 francs)
Par la suite David X… était à nouveau sollicité par André Y…, pour entrer comme associé dans la société CHALLENGER ; il leur était demandé de verser un droit d’entrée de 150. 000 francs, correspondant à des prestations exécutées pendant l’année ayant précédé la constitution de la société d’une part, aux frais avancés à cet effet par André Y… et Jean-Michel Z… d’autre part. David X… n’y ayant donné suite, André Y… proposait, lors de l’assemblée générale des associés de la S. A. R. L. STYL’ART, tenue le 1er juillet 1999, une augmentation du capital social, pour le porter à 714 000 F, par incorporation des comptes courants d’associés, au prorata du nombre de parts sociales détenues.
David X… y souscrivait, en numéraire, déposé sur son compte courant, à hauteur de 250. 000 francs, tandis que ses deux associés le faisaient sous forme d’apports en industrie, sans qu’ait été pour autant diligentée la procédure légale de vérification de ces apports.
Se comportant en dirigeant de fait de la SARL STYL’ART, aux côtés de David X…, gérant de droit, André Y… se livrait à de multiples opérations en lien avec les sociétés, CHALLENGER, I. T. S et PRECITOL, dans lesquelles celui-ci était actionnaire ou dirigeant, ou encore à son propre profit.
Cette gestion de fait tendait à résulter des éléments suivants :
– deux factures du 8 Mai et 30 Juillet 1999 émanant de la société CHALLENGER et afférentes à des commandes de marchandises pour une somme totale de 708 743 francs.
– une facture émanant de la société I. T. S du 10 juillet 2000, pour un montant de 22. 729, 98 francs.
– une facture émanant du 14 juillet 2000, relative aux pénalités infligées par la société I. T. S pour des transactions inexistantes.
– l’augmentation de 2. 000 à 3. 000 francs du loyer mensuel des bureaux occupés par la S. A. R. L. STYL’ART dans l’habitation d’André Y…
– une facture émanant de la société CHALLENGER du 23 août 2000, pour 86. 198 francs (103. 092 francs TTC) correspondant à des dépenses de publicité et de locations d’appartement à BUCAREST bénéficiant principalement à André Y…
– le versement à une commission de 10 % pour » frais » sur toutes transactions au profit de la société CHALLENGER.
Ces diverses opérations n’avaient en tout cas pas fait l’objet d’aucune autorisations préalables, ni d’approbations a posteriori, par l’assemblée des associés de la S. A. R. L. STYL’ART, et avaient été exécutées sans égard à la situation financière de cette dernière.
Fin mars 2000, la situation de la S. A. R. L. STYL’ART s’avérait être déficitaire à hauteur de 331 055 francs et les pertes alors évaluées à 500 000 francs ; Critiqué pour sa gestion sociale, David X… démissionnait le 1er juillet 2000, de ses fonctions de gérant
Postérieurement à cette démission, André Y…, agissant au nom de la S. A. R. L. STYL’ART, notifiait à ce dernier, par lettre du 20 août 2000, son licenciement, lequel était contesté devant le Conseil des Prud’hommes de Brive ; par la suite, une cession de ses part sociales était régularisée le 24 octobre 2000 au profit de la société PRECITOL.
Concomitamment à la constitution de la S. A. R. L. STYL’ART, André
Y… avait aussi courant janvier 2000 suscité la création d’une société de droit roumain, dénommée Société FRANCE SEYNAC, dont la capital était réparti entre lui-même à hauteur de 50 %, Jean-Michel Z… à hauteur de 25 % et de David X… à hauteur de 25 %. Un acte constitutif de société était régularisé, le 30 mars 2000, par devant un notaire bulgare.
Pour libérer son apport (25 % de capital social), David X… remettait les 16, 17 et 19 mars 2000, 9 chèques ainsi que des espèces, pour un montant total de 150. 000 francs à André Y…, à charge pour ce dernier de les déposer sur le compte de la société FRANCE SEYNAC ouvert auprès de la BANCA DE CREDIT INDUSTRIAL SI COMMERCIAL, sise à BUCAREST.
Ces sommes, n’étaient toujours pas en juillet 2001 portées au crédit du compte de la société FRANCE SEYNAC, ni n’avaient donné lieu à une passation d’écriture en compte courant, ainsi qu’il avait pu le constater lors d’un déplacement en Roumanie, où il rencontrait le comptable de la société France Seynac, et obtenait de ce dernier la copie des relevés de comptes de la société.
Courant janvier 2001, André Y… convoquait une assemblée générale des actionnaires de la société FRANCE SEYNAC, devant se tenir à BUCAREST ; il y proposait la réalisation d’une augmentation de capital pour incorporation des comptes courants des associés. S’y faisant représenter par Jean Michel Z…, David X… s’opposait fermement à cette augmentation de capital et sollicitait le 25 janvier 2001 la restitution des fonds qu’il avait versés, ou à défaut le rachat de ses parts sociales. Aucune réponse n’était réservée à cette demande par les dirigeants de la société FRANCE SEYNAC.
C’est dans ce contexte que David X… déposait plainte avec constitution de partie civile, le 17 juillet 2001, devant le Doyen
des juges d’instruction de Brive contre X des chefs d’abus de biens sociaux et d’abus de confiance.
Après formalisation de cette plainte, par le versement d’une caution, le Procureur de la République de Brive requérait, le 22 août 2001 l’ouverture d’une information judiciaire contre X des chefs d’abus de confiance et abus de biens sociaux. (Information 1/ 01/ 37)
Entendu le 1er décembre 2003 par le juge d’instruction de BRIVE, André Y… n’était finalement pas mis en examen du chef d’abus de biens sociaux commis au préjudice de la société STYL’ART et bénéficiait le 5 janvier 2004 d’une ordonnance de non lieu, qui devait être infirmée par la Chambre de l’Instruction au terme de son arrêt du 1er avril 2004.
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Entre-temps, peu après le dépôt de la plainte de David X…, la société STYL’ART représentée par André Y…, avait elle aussi déposé plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction de BRIVE à l’encontre de David X… des chefs de faux et usage, escroquerie et abus de biens sociaux. (information 1/ 01/ 56)
La société plaignante faisait valoir, qu’après le départ de la société, le 1er juillet 2000, de David X… qui est était associé et gérant, de nombreuses anomalies de gestion étaient apparues, notamment l’encaissement de chèques de clients sur un compte bancaire de tiers, et la disparition du livre de caisse, où étaient répertoriés les encaissements au profit de l’entreprise.
Au delà de ces anomalies de gestion, transparaissait un important conflit entre David X… et André Y…, portant sur la médiocrité du chiffre d’affaires réalisé et sur les pertes, qui en étaient résultées. diocrité du chiffre d’affaires réalisé et sur les pertes, qui en étaient résultées.
Les investigations, diligentées sur commission rogatoire dans le cadre de cette seconde plainte avec constitution de partie-civile, devaient mettre en évidence divers faits tendant à caractériser des abus de biens sociaux, à propos desquels, le juge d’instruction de BRIVE rendait le 19 septembre 2003 une ordonnance de non lieu partiel et de renvoi devant le Tribunal Correctionnel de BRIVE de David X… pour ce qui concerne
d’une part des faux en écriture relatifs à la facturation de fournitures de bureau d’un montant de 5. 192, 68 F (791, 62 euros).
d’autre part un abus de biens sociaux consécutif à l’encaissement d’une somme de 5. 192, 68 F (791, 62 euros) sous couvert de ladite fausse facture de fournitures de bureau, et d’un chèque de 5. 184, 66 F (790, 40 euros) correspondant à une commande et porté au compte bancaire d’un tiers.
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S’agissant de la procédure d’information 1/ 01/ 37 suivie sur la plainte avec constitution de partie civile de David X…, les investigations réalisées sur commission rogatoire faisaient apparaître les éléments suivants :
* André Y… avait eu un rôle important dans la directions de la S. A. R. L. STYL’ART,
* Concernant la constitution de la société FRANCE SEYNAC, ayant pour gérant André Y…, il apparaissait que David X… y avait bien souscrit l’apport de 150. 000 F, dans le souci d’éviter le dépôt de bilan de la société STYL’ART, et permettre ainsi à la société FRANCE SEYNAC de prendre le relais de la première auprès des fabricants roumains de verre soufflé.
Si, dès le 5 avril 2000, la société FRANCE SEYNAC a bien bénéficié de l’ouverture d’un compte commercial, les remises de fonds opérées par
David X… entre les mains d’André Y… n’y apparaissent pas : seuls y figurent des apports en numéraire à hauteur de 75. 000 F ; par ailleurs, les apports en nature souscrits par André Y… n’avaient pas, quant à eux, été soumis à la procédure de vérification par le commissaire aux apports, mais seulement fait l’objet d’une approbation globale, (apports en numéraire et en nature) par l’assemblée générale des associés.
De même, lors de l’augmentation, décidée en juillet 2000, du capital social de la société STYL’ART, pour le porter à 714. 000 F, les apports en nature effectués par André Y… et Jean Marc Z… évalués chacun à 285. 500 et 178. 500 F, n’avaient pas été soumis à une vérification préalable par un commissaire aux apports, alors que la réalité des dits apports prêtait à interrogation, et que l’un des associés avait fait part de ses réserves.
David X… avait, quant à lui, souscrit, conformément à la délibération prise lors de l’assemblée générale du 1er juillet 2000, un apport en numéraire d’un montant de 250. 000 F, alors qu’il venait de démissionner de son poste de gérant, et qu’il lui était reproché des résultats déficitaires (perte de 660. 000 F), au vu desquels André Y… avait annoncé un dépôt de bilan imminent.
C’est dans ces conditions que le juge d’instruction de BRIVE après avoir préalablement recueilli ses explications, mettait le 25 novembre 2004 en examen André Y… du chef d’abus de confiance. Ce dernier confirmait que David X… lui avait remis en sus de la libération de sa quote-part de capital, une somme de 150. 000 francs (22. 000 euros) laquelle avait été bien portée au compte courant
d’associé, ainsi que l’attestait le comptable de la société FRANCE SEYNAC.
André Y… précisait que cette somme avait permis d’acquérir divers matériels ; toutefois, la société financière actuelle de la société FRANCE SEYNAC ne permettait plus de rembourser les fonds figurant sur les compte-courant d’associés.
Il ajoutait par ailleurs que David X… avait d’ores et déjà bénéficié d’un premier remboursement de 35. 000 francs, opéré à l’aide d’un chèque tiré le 26 avril 2000 sur son propre compte personnel ; faute d’en avoir été informé par ses soins, le comptable de la société FRANCE SEYNAC n’avait pu déduire cette somme, sur l’attestation établie le 15 septembre 2004.
Le juge d’instruction notifiait alors le 26 novembre 2004, aux parties l’avis de fin d’information.
Cette notification était suivie le 15 décembre d’une demande d’acte complémentaire d’instruction présentée par le conseil de David X…, aux fins que André Y… soit entendu sur la gestion de la société STYL’ART notamment en ce qui concerne :
la valorisation des catalogues ayant fait l’objet de l’apport en nature opéré par ce dernier,
l’absence de vérification des apports en nature, lors de l’augmentation de capital réalisée à l’issue de l’assemblée générale extraordinaire du 1 juillet 1999
l’affectation réelle de l’apport en compte courant de 250. 000 francs réalisé au même moment par David X…
Le conseil de la partie civile demandait aussi que puisse être vérifiée auprès de la banque du Crédit Industriel de Bucarest la remise par André Y… de la somme de 150. 000 francs.
In fine, il était conclu à ce que André Y… soit à nouveau réinterrogé sur ces divers points.
Par ordonnance du 22 décembre 2004, le juge d’instruction estimait que les actes sollicités n’étaient pas utiles à la vérité, au vu des éléments qu’il avait déjà réunis, et de ceux fournis par les parties. Le conseil de la partie civile a interjeté appel le 23 décembre 2004, à l’encontre de cette ordonnance.
SUR QUOI, LA COUR
Attendu, s’agissant des faits objet de l’instruction qui auraient été commis dans le cadre du fonctionnement de la société STYL’ART dont Monsieur X… était le gérant en droit, que les investigations comptables et relatives aux » catalogues » n’apparaissent pas utiles à la manifestation de la vérité ;
Attendu, pour ce qui concerne les investigations dont la réalisation est sollicitée auprès de la Banca de Crédit Industrial à BUCAREST, qui nécessiteraient la délivrance d’une commission rogatoire internationale, qu’elles n’apparaissent pas davantage utiles à la manifestation de la vérité compte tenu des pièces du dossier et de la déposition de Monsieur Y… recueillie par le juge d’instruction le 25 novembre 2004 (D 52).
PAR CES MOTIFS
LA COUR
CHAMBRE DE L’INSTRUCTION, EN CHAMBRE DU CONSEIL,
En la forme, déclare l’appel recevable,
Au fond, CONFIRME l’ordonnance de rejet de demande d’actes rendue le 22 décembre 2004 par le juge d’instruction de BRIVE-LA-GAILLARDE,
Ainsi fait et prononcé en audience de la CHAMBRE DE L’INSTRUCTION de la COUR D’APPEL de LIMOGES, EN CHAMBRE DU CONSEIL, le TROIS MARS DEUX MILLE CINQ, lecture faite par le Président, LE GREFFIER,
LE PRESIDENT, Nathalie ROCH
Serge BAZOT