Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 28 janvier 1992, 90-16.766, Publié au bulletin

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Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 28 janvier 1992, 90-16.766, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que, courant 1987, les stations Méditerranée et Rhône-Alpes de la société France Régions 3 (société FR3) ont entrepris une campagne de publicité en vue d’offrir leurs services pour la réalisation de documents audio-visuels destinés à des tiers ; que cette campagne a fait ressortir les moyens humains et techniques dont disposait la société et a été faite par diffusion auprès de la clientèle d’un document imprimé et d’un film réalisé sur cassette vidéo ; que les syndicats professionnels, représentant les producteurs de films vidéo ou de programmes audio-visuels, ont estimé que la société FR3 avait violé les dispositions des textes législatifs la réglementant et qu’elle s’était, en outre, rendu coupable d’abus de position dominante et de dénigrement à l’égard des professionnels intéressés ; que ces syndicats ont alors saisi le juge judiciaire pour que la société soit condamnée à leur verser des dommages-intérêts ;

Attendu que ces syndicats professionnels font grief à l’arrêt de les avoir déboutés alors, selon le pourvoi, d’une part, que FR3 dont l’Etat est l’unique actionnaire ayant, en vertu de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986, une mission de service public expressément définie comme une mission de conception et de programmation d’émissions de télévision, et étant essentiellement financée à cette fin par les redevances des téléspectateurs ne saurait être admise, au mépris des règles de spécialité du service public, à se substituer aux réalisateurs privés, à la SFP, produire à l’aide de moyens qui lui sont donnés, des documents audio-visuels au profit de tiers ; que l’article 44 alinéa 7 de la loi autorisant à FR3 des productions pour elle-même et à titre accessoire, et les articles 49 et suivants du cahier des charges ne l’autorisant pas à produire des documents pour le compte de tiers, il ne pouvait être admis à agir ainsi en raison de l’interdiction pesant sur Antenne 2 ; qu’il n’y a pas en effet d’autorisation  » a contrario  » en opposition avec les textes législatifs et réglementaires ; que pas davantage la modification des statuts, à supposer qu’elle l’autorise, ne saurait aller contre la loi, le cahier des charges et le principe de spécialité du service public (violation des articles 44 de la loi du 30 septembre 1986, 49 et suivants du cahier des charges de FR3 et de la règle de spécialité du service public) ; alors, d’autre part, que l’arrêt dénature la modification des statuts opérée par l’assemblée extraordinaire du 2 octobre 1987 et approuvée par décret du 11 avril 1988, le fait que, selon cette modification, FR3 puisse produire ou coproduire des oeuvres et documents audio-visuels n’impliquant nullement la faculté d’en produire pour le compte de tiers (dénaturation du PV du 2 octobre 1987, article 4 du nouveau Code de procédure civile, 1134 du Code civil) ; qu’enfin, dans la mesure où elle déniait sa compétence pour apprécier la légalité du décret du 11 avril 1988, il lui appartenait de surseoir à statuer jusqu’à appréciation de cette légalité (violation des articles 455 du nouveau Code de procédure civile, des articles 13 de la loi du 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor An III) ;

Mais attendu qu’en retenant que ces textes lui permettaient, abstraction faite des missions spécifiques qui lui sont imparties dans le secteur public de la communication de participer avec des tiers à des accords de productions audio-visuelles non diffusées par ses soins, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de renvoyer à l’examen de la juridiction administrative le contrôle de la légalité du décret du 11 avril 1988 approuvant le cahier des charges, et, hors toute dénaturation, n’a pas méconnu les dispositions des articles 44 et 48 de la loi du 30 septembre 1986 ; que le moyen pris en ses diverses branches n’est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Attendu que pour décider que la société FR3 n’exerçait pas une position dominante sur le marché dont elle aurait éventuellement abusé l’arrêt retient que les syndicats n’en apportaient pas la preuve au moyen d’indications chiffrées concernant le marché spécifique des productions audio-visuelles destinées  » à des usages non télévisuels  » ;

Attendu qu’en limitant son contrôle concernant l’existence d’une position dominante de la société FR3 à une comparaison du chiffre d’affaires de l’entreprise par rapport à celui de ses concurrents dans le domaine spécifique des productions audiovisuelles destinées à des usages non télévisuels sans prendre en considération les avantages financiers et matériels dont la société FR3 disposait pour promouvoir l’ensemble de ses activités reconnues par la loi, la cour d’appel a méconnu les dispositions du texte susvisé ;

Et sur la seconde branche du moyen :

Vu l’article 1382 du Code civil ;

Attendu que pour débouter les syndicats requérants l’arrêt retient aussi que si les prix proposés par la société FR3 étaient  » nettement cassés pour certains services de postproduction  » il fallait tenir compte de certaines sujétions imposées à cette entreprise en raison de la priorité réservée à ses propres travaux ;

Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors qu’elle n’avait pas à prendre en considération les sujétions imposées à la société FR3 par ses missions spécifiques pour justifier les prix anormalement bas qu’elle pratiquait dans le domaine de la production audiovisuelle au profit de tiers, sans rechercher si de tels agissements pouvaient constituer une faute à l’égard de ses concurrents, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 9 mai 1990, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles


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