Cour d’appel de Paris, CT0175, du 25 janvier 2005

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Cour d’appel de Paris, CT0175, du 25 janvier 2005

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

1ère Chambre – Section H

ARRET DU 25 JANVIER 2005

(no , 11 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 04/12111 Décision déférée à la Cour : Décision rendue le 25 Mai 2004 par la Commission de Régulation de l’Energie DEMANDERESSE AU RECOURS :

Société CERESTAR FRANCE 7, rue du Maréchal Joffre 59320 HAUBOURDIN Représentée par la SCP VARIN-PETIT, avoués associés Assistée par Me Jean-Paul TRAN THIET, avocat au barreau de Nanterre, (NAN701) plaidant pour la CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocats associés. DEFENDERESSE AU RECOURS : Société EDF en sa qualité de gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité (RTE) Immeuble Ampère 30/40 rue Henri Régneault 92400 COURBEVOIE Représentée par Maître MONIN, avoué, Assistée par Maître Joseph VOGEL, Avocat au Barreau de Paris, plaidant pour la SCP VOGEL ET VOGEL, avocats associés. EN PRESENCE DE : LA COMMISSION DE REGULATION DE L’ENERGIE ayant son siège : 2 rue du Quatre Septembre 75084 PARIS CEDEX 02 Représentée par Maître Hugues CALVET, Avocat au Barreau de Paris ( T 12) DEBATS à l’audience publique du 30 novembre 2004, ont été entendus les conseils des parties COMPOSITION DE LA COUR : Madame Jacqueline X…, Présidente Monsieur Xavier SAVATIER, Conseiller Madame Agnès Y…, Conseillère qui en ont délibéré GREFFIER, lors des débats : Monsieur Gilles Z… MINISTERE A… : représenté lors des débats par

Monsieur B…, Avocat Général, qui a fait connaître son avis par observations écrites. ARRET :

– Contradictoire

– prononcé publiquement par Madame Jacqueline X…, 4 octobre 2004 et 15 novembre 2004 par lesquels EDF-RTE demande à la cour de : – rejeter comme infondés les moyens de réformation et d’annulation présentés par la société Cerestar France, – débouter cette dernière de ses demandes et de confirmer la décision déférée, – confirmer qu’en cas de refus de la société Cerestar France de conclure le contrat CART qu’elle lui a proposé en novembre 2002, elle pourra en tirer les conséquences de droit et suspendre son accès au réseau,

Vu les observations déposées le 18 octobre 2004 par lesquelles la Commission conclut au rejet du recours,

Vu les observations déposées à l’audience par lesquelles le Ministère A… conclut au rejet du recours, du moins en ce qu’il tend à l’annulation de la décision,

Ou’ les conseils des parties et de la Commission en leurs observations orales à l’audience du 30 novembre 2004, chacun ayant été mis en mesure de répliquer ; SUR CE : Sur la demande de rejet des débats formée par EDF-RTE

Considérant que doit être écartée la pièce no 17, déposée le 25 novembre 2004 par la société Cerestar France, soit après la date limite de dépôt des mémoires fixée au 15 novembre 2004, sur laquelle les parties n’ont pas été mises en mesure de s’expliquer ; Sur les moyens d’annulation

Considérant qu’à cet égard, la société Cerestar France a formulé des moyens dans son mémoire valant « exposé complet des moyens » déposé le 6 août 2004, soit dans le délai d’un mois à compter de sa déclaration de recours du 9 juillet 2004, prévu par l’article 9 du décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 ; que sont irrecevables les griefs supplémentaires articulés au sein de son mémoire en réponse déposé le 8 novembre 2004, improprement qualifié de « mémoire-exposé complet des moyens », puisqu’à cette date, elle était irrecevable, en application

Présidente

– signé par Madame Jacqueline X…, Présidente et par Monsieur Gilles Z…, Greffier présent lors du prononcé. * * *

La société Cerestar France bénéficiait, pour l’alimentation en électricité de son usine de Haubourdin (Nord), d’une convention de raccordement au réseau d’alimentation générale (ci-après le RAG) conclue avec la société EDF (ci-après EDF) le 15 octobre 1986.

Ce raccordement avait donné lieu à la réalisation d’une liaison souterraine, d’un poste de livraison et de transformation (le poste ILOT) ainsi que d’un jeu de barres 90kV sur ses terrains.

Aux termes de l’article 3 de la convention précitée, la limite de propriété des ouvrages d’EDF était fixée dans le nouveau poste ILOT « sur les sorties des têtes de câbles 90kV à l’arrivée dans le poste de réception et de transformation, y compris les boîtes d’extrémité ». En 1999, la société Cerestar France a décidé d’implanter à côté de son usine une unité de cogénération exploitée par une société tierce, la société Flandres Energies, avec laquelle elle a conclu un contrat

d’achat de vapeur.

Afin que cette centrale puisse vendre à EDF le courant électrique qu’elle produisait, il était nécessaire de la raccorder au RAG. A cette fin, la société Flandres Energies a bénéficié d’une dérogation accordée par la DRIRE pour raccorder ses ouvrages au poste ILOT 90kV. C’est ainsi que sur ce poste, un jeu de barres de 90kV, financé par la société Flandres Energies, a été construit par EDF, en qualité de gestionnaire du réseau public de transport d’électricité-Réseau de Transport d’Electricité (ci-après EDF-RTE).

du texte précité, à faire valoir de nouveaux moyens, étant observé au demeurant qu’elle ne tire aucune conséquence juridique des éléments invoqués ;

Considérant que la société Cerestar France fait grief à la Commission d’avoir méconnu les compétences qu’elle tient de l’article 38 de la loi du 10 février 2000 en lui enjoignant de conclure un contrat, et ce, au surplus, au mépris du principe fondamental de la liberté contractuelle, et en lui enjoignant de payer les factures non entièrement acquittées ainsi que les pénalités de retard

contractuelles, qui ont un caractère indemnitaire ;

Considérant qu’il appartient à la Commission de trancher les différends qui lui sont soumis en application de l’article 38 de la loi du 10 février 2000, en précisant dans sa décision les conditions d’ordre technique et financier dans lesquelles l’accès aux réseaux, ouvrages et installations visés par ce texte, ou, le cas échéant, leur utilisation, sont assurés ; qu’il résulte des articles 40-2o et 40-7o de la même loi que les décisions prises par la Commission en application de son article 38 sont impératives, le refus de s’y conformer pouvant faire l’objet de sanctions pécuniaires prononcées par la Commission, elles-mêmes susceptibles d’un recours de pleine juridiction et d’une demande de sursis à exécution devant le Conseil d’Etat ;

Considérant qu’en l’espèce, la Commission était saisie, tout d’abord, d’un différend né du refus, par la société Cerestar France, de payer la totalité de ses factures, cette dernière contestant la limite de propriété d’EDF-RTE et, partant, son point de raccordement au réseau de transport ;

Que, pour préciser les conditions d’ordre technique et financier dans lesquelles l’accès au réseau de la société Cerestar France était Compte tenu de cette nouvelle configuration, EDF-RTE a adressé à la société Cerestar France un projet de convention de raccordement, en date du 2 octobre 2000, que cette dernière n’a pas signé. Cette proposition modifiait la limite de propriété, puisqu’il y était stipulé que « les ouvrages de raccordement (…) feront partie de la concession du RAG jusqu’à la limite de propriété. Celle-ci sera située : – en HTB : au poste d’ILOT sur les bornes de raccordement amont des sectionneurs de tête de ligne 90 kV de la cellule Cerestar, (les plages de raccordement de ces bornes étant la propriété de Cerestar, les cosses de raccordement vers le jeu de barres étant la propriété de RTE) ».

Bien qu’ayant accepté de signer, respectivement les 22 juin et 8 novembre 2000, une « consigne d’exploitation » et un contrat de mise à disposition de l’énergie électrique, dit contrat MADE, relatifs à l’installation en cause, la société Cerestar France a refusé, en novembre 2002, le contrat d’accès au réseau de transport, dit contrat

CART, qui lui était proposé par EDF-RTE.

A partir de novembre 2003, elle n’a plus réglé la totalité des factures d’accès au réseau -dont elle déduisait le montant représentant l’énergie injectée par l’usine de cogénération- et ne s’est pas acquittée du solde malgré deux mises en demeure adressées le 12 janvier et le 25 février 2004.

C’est dans ces conditions que, le 24 mars 2004, EDF-RTE a saisi la Commission de régulation de l’énergie (ci-après la Commission) d’une demande de règlement de différend en application de l’article 38 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000.

Par décision du 25 mai 2004, la Commission a adopté les dispositions suivantes : – article 1er : la société Cerestar France versera à Réseau de Transport d’Electricité le solde des factures afférentes à

assuré, la Commission devait fixer le point de raccordement et contrôler la légalité de la tarification pratiquée ainsi qu’elle l’a fait ;

Qu’elle pouvait constater qu’il en résultait que la société Cerestar France était redevable des sommes et pénalités réclamées par EDF-RTE, qui n’étaient pas autrement contestées ;

Que, toutefois, en enjoignant à la société Cerestar France de payer cette somme sous peine des sanctions précitées, alors qu’une telle décision, qui ressortit au juge du contrat, est étrangère à sa mission de régulation, la Commission a excédé ses pouvoirs ;

Que la décision doit donc être annulée en son article 1er ;

Considérant qu’ensuite, la Commission était saisie du refus, par la société Cerestar France, de conclure un contrat régissant ses conditions d’accès au réseau public de transport ; que, les modalités techniques et financières d’un tel accès étant nécessairement formalisées au sein d’un contrat, que l’article 23 de la loi du 10 février 2000 imposait à EDF-RTE de proposer pour garantir le droit de la société Cerestar France à cet accès, la Commission a statué à bon droit en précisant quel contrat répondait aux conditions techniques et financières qu’elle estimait pertinentes ;

Que toutefois, en enjoignant à la société CERESTAR FRANCE de signer le contrat dans un délai précis, sous peine de la sanction prévue par l’article 40, 2o précité, alors qu’elle reconnaissait elle-même que

cette société était en droit de ne pas conclure et qu’en ce cas, EDF-RTE serait fondée à suspendre son accès au réseau, la Commission s’est contredite et a excédé ses pouvoirs ;

Que la décision doit en conséquence être annulée en son article 2 ;

Considérant que, les annulations prononcées laissant subsister l’intégralité de la procédure suivie devant la Commission, la cour tient des articles 38 de la loi du 10 février 2000 et 561 du nouveau ses prestations d’octobre 2003 à mars 2004 inclus, soit la somme de 245.046,66 euros, assortie des pénalités contractuelles de retard. – article 2 : la société Cerestar France conclura avec Réseau de Transport d’Electricité, dans un délai de trente jours à compter de la signification de la présente décision, le contrat d’accès au réseau public de transport (CART) proposé le 22 novembre 2002, avec effet au 1er novembre 2002. – article 3 : il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de Réseau de Transport d’Electricité tendant à l’octroi de la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, – article 4 : le surplus des conclusions de Réseau de Transport d’Electricité et des conclusions de la société Cerestar France sont

rejetées. LA COUR :

Vu la déclaration de recours déposée le 9 juillet 2004 par la société Cerestar France,

Vu le mémoire contenant exposé complet de ses moyens déposé le 6 août 2004, soutenu par le mémoire en réplique du 8 novembre 2004, par lequel la société Cerestar France demande à la cour de :

. à titre préliminaire : – accéder à sa demande de désignation d’un expert aux fins d’apprécier si la situation résultant du raccordement de l’usine de cogénération a imposé une modification des conditions de raccordement de l’usine de Cerestar France ; – dire que cet expert aura pour mission :

. de dire que lorsque la turbine à gaz fonctionne et que l’usine de Cerestar France consomme de l’électricité, elle ne soutire pas cette électricité du réseau public,

. de préciser les changements qui ont été effectués sur les équipements concernés, le cas échéant de dire si le raccordement de l’usine au RAG dans le poste de La Pierrette a induit une modification substantielle des conditions techniques telles qu’elles

existaient depuis 1986,

Code de procédure civile, le pouvoir de statuer sur le différend dont s’agit ;

Que la décision étant annulée en ses articles critiqués, il n’y a pas lieu de statuer sur les autres moyens d’annulation, tirés de défauts de réponse à conclusions, ni sur les moyens de réformation, auxquels il sera répondu en même temps que sera examiné le fond ; Sur le fond Considérant qu’EDF-RTE a saisi la Commission du différend né du refus de la société Cerestar France de payer la totalité de ses factures d’accès au réseau public de transport et de signer le contrat CART qui règle les conditions techniques et financières de son accès au réseau ;

Qu’elle soutient qu’à l’occasion des travaux de raccordement de la centrale de cogénération, la société Cerestar France a accepté une modification de la limite de propriété qui figurait dans la convention de raccordement du 15 octobre 1986, consistant à intégrer le nouveau jeu de barres 90 kV au RAG, et prétend qu’en conséquence, toute l’énergie soutirée par la société Cerestar France doit donner

lieu à facturation, y compris lorsque la turbine à gaz de la société Flandres Energies fonctionne ;

Considérant que, s’estimant propriétaire du jeu de barres 90 kV qui la relie à la société Flandres Energies et au RAG, la société Cerestar France refuse de signer le contrat CART, qui contient une stipulation en sens contraire et conteste devoir régler le transport qui lui est facturé lorsque la turbine à gaz de la société Flandres Energies -qui produit plus qu’elle-même ne consomme- fonctionne, prétendant qu’EDF-RTE n’accomplit alors aucune prestation ;

Qu’au soutien de ses prétentions, elle affirme, tout d’abord, qu’aucune modification de son installation de raccordement n’a été effectuée à l’occasion du raccordement de l’unité de production de la

. d’étudier, à partir de données qui seront fournies par RTE, deux ou trois cas similaires à celui de Cerestar France mais pour lesquels RTE a accepté de maintenir le point de raccordement de l’usine consommatrice d’électricité en amont du point sur lequel l’usine de cogénération injecte l’électricité qu’elle produit ; – dire que la provision due à l’expert sera intégralement supportée par RTE, AU FOND

. à titre principal – annuler les articles 1, 2 et 4 de la décision de la CRE du 25 mai 2004 en ce qu’elle viole l’article 38 de la loi du 10 février 2000 modifiée ainsi que les articles 1101 et suivants du Code civil ;

– à titre subsidiaire – réformer les articles 1, 2 et 4 de la décision du 25 mai 2004 ; – en conséquence, dire et juger :

. que EDF-RTE ne pouvait valablement fixer unilatéralement le point de raccordement des équipements de Cerestar France à un endroit différent de celui défini conventionnellement entre les parties le 15 octobre 1986,

. en conséquence, que ce point demeure à l’endroit défini par la convention de raccordement du 15 octobre 1986 et que Cerestar France est propriétaire du jeu de barres raccordant l’installation de cogénération à ses propres installations de raccordement au réseau public de transport,

. en conséquence également, qu’en vertu du principe de la tarification aux flux physiques, Cerestar France n’est redevable

envers EDF-RTE que du paiement des prestations de transport de l’électricité qu’elle soutire lorsque l’installation de cogénération ne fonctionne pas ; – condamner EDF-RTE à lui verser la somme de 35 000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les mémoires en réponse et en duplique déposés respectivement les société Flandres Energies et qu’ainsi, il n’y a pas lieu de remettre en cause les stipulations de la convention de raccordement de 1986 qui doivent continuer à s’appliquer ; qu’elle demande une expertise pour s’en assurer ;

Qu’elle objecte, ensuite, qu’EDF-RTE n’est pas en mesure de lui opposer une convention expresse concernant le changement de limite de propriété invoqué ;

Qu’elle estime être victime d’une discrimination, en ce que l’attitude de EDF-RTE envers elle est contradictoire avec l’attitude qu’elle a adoptée avec d’autres opérateurs économiques pourtant dans la même situation, qu’elle la pénalise du seul fait qu’elle a confié à une entité juridique distincte la production de la vapeur dont elle

avait besoin, cette circonstance étant indifférente sur le plan économique dès lors qu’aux termes du contrat conclu avec la société Flandres Energies, c’est elle qui finance entièrement les investissements réalisés pour la construction de l’installation, à travers le prix de la fourniture de la vapeur, et qu’à l’expiration d’un délai de 12 ans, elle aura la faculté de devenir propriétaire des installations, ce qu’elle fera, selon toute vraisemblance ; qu’elle ajoute qu’en définitive, une telle discrimination est constitutive d’un abus de position dominante et d’un abus de dépendance économique ;

Qu’elle se prévaut aussi de l’absence de logique économique d’une telle pratique et soutient que, EDF-RTE n’assurant aucune prestation de transport, une telle rémunération constitue un enrichissement sans cause, violant au surplus les principes d’orientation des tarifs vers les coûts posés par la directive du 26 juin 2003 et la loi du 10 février 2000; qu’elle souligne qu’il serait légitime, dans ce cas, qu’elle n’acquitte aucune redevance, à titre dérogatoire, ainsi que l’avait suggéré le Conseil de la concurrence dans son avis 02-A-05 du

18 avril 2002 relatif aux tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité ; SUR CE

Considérant que l’article 8.4 du cahier des charges du RAG dispose que les ouvrages situés en amont de la limite de propriété définie dans le contrat de fourniture ou d’achat feront partie intégrante du réseau du concessionnaire ;

Qu’il résulte de ce texte que la limite de propriété peut être établie conventionnellement dans les contrats de fourniture ou d’achat ;

Que toutefois, cet article, issu du décret du 23 décembre 1994, doit désormais, compte tenu de l’entrée en vigueur de la loi du 10 février 2000, être interprété en ce sens que, les conventions de fourniture ou d’achat n’ayant plus lieu d’être, il leur est substitué, non les contrats de raccordement comme le soutient la société Cerestar France mais, pour rester fidèle à l’esprit de ce texte ainsi que le proposent EDF-RTE et la Commission, les contrats d’accès au réseaux publics de transport et de distribution signés entre le producteur ou le consommateur et EDF-RTE ;

Considérant que la convention de raccordement du 15 octobre 1986 attribuait à la société Cerestar France la propriété du premier jeu de barres 90 kV qui existait alors au poste ILOT ;

Que, contrairement à ce que soutient la société Cerestar France, ces installations ont été modifiées en 1999 afin de permettre le raccordement au réseau de la centrale de cogénération ;

Qu’en effet, les documents concernant les relations qui se sont nouées entre elle-même et EDF-RTE en vue de ce raccordement (courrier adressé par EDF-RTE le 13 février 1998, compte-rendus établis par elle les 16 février 1998 et 7 juillet 1999 à l’issue de réunions tenues avec les représentants d’EDF-RTE, schémas joints) démontrent au contraire qu’il était prévu, dès l’origine, de poser un jeu de

barres d’interliaison entre le jeu de barres existant et le jeu de barres prévu pour l’usine de cogénération, et de supprimer le sectionneur de mise à la terre de la société Cerestar France ;

Que ces pièces révèlent aussi que la société Cerestar France souscrivait sans réserve à ces travaux modificatifs, dont la réalisation n’est pas utilement mise en doute par la production de photographies, lesquelles révèlent un changement visible des installations avant et après les travaux, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’expertise sollicitée ;

Considérant que la configuration du raccordement de la société Cerestar France ayant été modifiée, en ce sens que la société Cerestar France et la société Flandres Energies se trouvaient désormais raccordées sur le même ouvrage, le nouveau jeu de barres 90 kV, et en des points différents, il en résultait qu’une nouvelle convention devait être signée ;

Qu’il était logique, la centrale de cogénération étant exploitée par une société tierce, que les points de raccordement de cette dernière et de la société Cerestar France soient fixés en aval du jeu de barres et que celui-ci soit intégré au RAG ;

Que c’est bien ainsi que les parties l’avaient entendu ;

Qu’en effet, s’il est constant que la société Cerestar France n’a pas signé la convention de raccordement qui lui était proposée le 6 décembre 2000 – et non le 6 décembre 2001 comme elle le prétend et sans justifier d’ailleurs que son abstention ait été motivée par la

contestation du changement de limite de propriété qu’elle contenait-, les documents versés aux débats établissent son accord, manifesté à plusieurs reprises, sur le principe de l’intégration au RAG du jeu de barres nouvellement implanté, qui assortissait, dès l’origine, les propositions de raccordement formulées à son intention par EDF-RTE et, partant, la modification de la limite de propriété qui en résultait ;

Qu’ainsi, le courrier et les compte-rendus de réunion sus-mentionnés rappellent tous le changement de limite de propriété auquel la société Cerestar France souscrivait, cependant que, forte de cet accord, EDF-RTE obtenait de la DRIRE la dérogation nécessaire, qui fait état de cette nouvelle limite de propriété ;

Que cette volonté commune des parties s’est également exprimée après l’accomplissement des travaux ; qu’ainsi, au moment où elle recevait le nouveau contrat de raccordement, la société Cerestar France a signé avec EDF différents documents contractuels en rapport avec les ouvrages en cause, soit une « consigne d’exploitation » le 22 juin 2000, qui précise, schéma à l’appui, que la limite de propriété se

trouve entre le sectionneur d’aiguillage de cette société et la barre point triple 90 kV, puis surtout, le 8 novembre 2000, un contrat de mise à disposition d’énergie électrique, dit contrat MADE, réglant ses conditions d’accès au réseau, qui stipule que « le point de livraison et la limite de propriété sont situés au poste d’ILOT, sur les bornes amont des sectionneurs de tête de ligne 90 kV de la cellule Cerestar (les plages de raccordement de ces bornes étant la propriété de Cerestar, les cosses de raccordement vers le jeu de barres étant la propriété de RTE  » ;

Que c’est à la suite de l’entrée en vigueur du décret no 2002-1014 du 19 juillet 2002, qui a modifié les tarifs d’utilisation du réseau public de transport d’électricité, désormais calculés, non plus selon les flux contractuels, mais en considération du « flux physique soutiré du réseau, mesuré par les appareils de comptage », moins avantageux pour elle, que la société Cerestar France a refusé de signer le nouveau contrat « CART » qui lui était proposé par EDF-RTE pour se conformer à ces nouvelles normes ;

Considérant que, dans ces conditions, c’est à bon droit que EDF-RTE,

qui se fonde, en conformité avec l’article 8,4, du cahier des charges du RAG tel qu’interprété ci-avant, sur le fait que la société Cerestar France a accepté, notamment dans un contrat de fourniture d’accès, le changement de limite de propriété avec EDF-RTE, revendique le paiement de prestations de transport, dont la Commission a contrôlé la légalité en énonçant à juste titre que, dès lors que le jeu de barres sur lequel l’installation de cogénération de la société Flandres Energies a été raccordée fait partie intégrante du domaine public de transport, il ne saurait être contesté que RTE assure l’acheminement de l’énergie électrique jusqu’au point de raccordement de la société Cerestar France, situé en aval du jeu de barres 90 kV, et qu’il suit de là que la facturation établie par RTE, qui prend en compte l’énergie correspondant au flux physique soutiré du point de raccordement de la société Cerestar France, mesuré par les dispositifs de comptage et qui demeure sans rapport avec la distance parcourue, est conforme au tarif d’utilisation du réseau public de transport issu des dispositions combinées des décrets no 2001-365 du 26 avril 2001 et no

2002-1014 du 19 juillet 2002 ;

Considérant qu’eu égard au consensualisme qui a présidé au changement de limite de propriété intervenu, la société Cerestar France est mal fondée à prétendre avoir été victime

Considérant qu’eu égard au consensualisme qui a présidé au changement de limite de propriété intervenu, la société Cerestar France est mal fondée à prétendre avoir été victime d’une discrimination, constitutive d’un abus de position dominante et d’un abus de dépendance économique de la part de EDF-RTE, étant du reste observé que, pas plus que devant la Commission, elle ne rapporte le moindre commencement de preuve de ses allégations en ce sens ;

Que sont sans incidence sur le présent litige ses relations

financières et juridiques avec la société Flandres Energies, présentes ou futures, ces dernières étant au surplus hypothétiques ; Qu’elle se contredit en prétendant ne pas contester la régularité de la facturation au « timbre-poste » qui lui est appliquée, tout en soutenant, à tort, qu’une telle facturation est illégale en ce qu’elle ne reflèterait pas le coût réel de la prestation qui lui est individuellement fournie ;

Qu’enfin, elle ne peut utilement revendiquer l’application d’une suggestion de mesure dérogatoire émise par le Conseil de la concurrence au sein d’un avis, qui n’a pas été reprise par les textes de loi subséquents ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que EDF-RTE réclame à la société Cerestar France les sommes que celle-ci ne conteste pas autrement ;

Considérant, sur le contrat CART, qu’il est constant qu’il avait pour objet de se substituer au contrat MADE précédemment signé, qui était venu à échéance le 1er novembre 2002, tout en tenant compte des nouvelles règles de tarification applicables ;

Que la société Cerestar France n’invoque aucun motif légitime justifiant son refus de signer ce contrat, nécessaire pourtant, ainsi qu’il a déjà été vu, si elle souhaite continuer à bénéficier de l’accès au réseau public de transport ; qu’il convient donc de lui laisser un délai pour ce faire et de prévoir qu’à défaut, EDF-RTE sera fondée à suspendre son accès au réseau public de transport ;

Et considérant qu’il n’y a pas lieu de faire application au profit de la société Cerestar France des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Ecarte des débats la pièce no 17 produite par la société Cerestar France,

Annule les articles 1er et 2 de la décision déférée,

Et statuant au fond, dit que : – article 1er : c’est à bon droit que EDF-RTE réclame à la société Cerestar France le solde des factures afférentes à ses prestations d’octobre 2003 à mars 2004 inclus. – article 2 : à défaut pour la société Cerestar France de conclure avec EDF-RTE, dans un délai de trente jours à compter de la signification du présent arrêt, le contrat d’accès au réseau public de transport (CART) proposé le 22 novembre 2002, avec effet au 1er novembre 2002, EDF-RTE sera fondée à suspendre l’accès au réseau de cette société,

Rejette la demande de la société Cerestar France fondée sur l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne la société Cerestar France aux dépens.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


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