Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Grosses délivrées
RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
1ère Chambre – Section H
ARRÊT DU 04 AVRIL 2006
(no 10, 19 pages) Numéro d’inscription au répertoire général :
2005/14057 Décision déférée à la Cour : Décision no 05-D-32 rendue le 22 Juin 2005 par le Conseil de la Concurrence DEMANDEUR AU RECOURS :
– La société les ETABLISSEMENT HORTICOLES GEORGES TRUFFAUT, SAS prise en la personne de son Président et Directeur Général M. Bruno X… dont le siège social est : 21, rue des Pépinières 41350 VINEUIL représentée par la SCP DUBOSCQ & PELLERIN, avoués associés près la Cour d’Appel de PARIS assistée de Maître Michel PONSARD, avocat au barreau de PARIS Toque P 261 SCP UETTWILLER GRELON GOUT CANAT & Associés 47, rue de Monceau 75008 PARIS – La société NORMANDIE LOIR DISTRIBUTION, SARL prise en la personne de son gérant dont le siège social est : Z.I. Alfred Zuckerman 14270 MEZIDON CANON représentée par SCP Catherine CALARN et Yves DELAUNAY avoués associés près la Cour d’Appel de PARIS assistée de Maître Olivier JOLLY, avocat au barreau de EVREUX Toque T 9 SCP BAILLE-BALI-GOSSELIN-JOLLY-PICARD 10, rue du 28ème Régiment d’Infanterie – BP 921 – 27009 EVREUX CEDEX – La société ALPADIS, S.A.S. Prise en la personne de son Président en exercice dont le siège social est : Route de la Rochelle – BP 54 – 05230 LA BATIE NEUVE – La société CANIDIS, S.A. Prise en la personne de son
l’exception de prescription ; – juger que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits compte tenu du délai écoulé entre la date de saisine du Conseil de la concurrence et la date de notification des griefs et la mettre hors de cause ; – annuler la décision pour violation des droits de la défense et des principes fondamentaux de la procédure, tels que prévus par l’article préliminaire du Code de procédure pénale, et applicables à la procédure devant le Conseil et la mettre hors de cause ; – réformer la décision en ce qu’elle a jugé qu’elle avait participé à une entente prohibée avec la société Royal Canin sur les prix- réformer la décision en ce qu’elle a jugé qu’elle avait participé à une entente prohibée avec la société Royal Canin sur les prix de vente aux détails des produits des gammes RCCI Size et Premium et la mettre hors de cause, – en toute hypothèse, réformer la décision au regard de la sanction pécuniaire ;
Vu le mémoire déposé le 17 août 2005 par la société Normandie Loir Distribution à l’appui de son recours, par lequel cette dernière demande à la cour de :
. sur la procédure – à titre principal, annuler la décision et juger que la prescription des griefs notifiés lui est acquise ; – à titre subsidiaire, juger que, compte tenu de la durée excessive de la procédure, le préjudice subi par elle sera justement réparé par l’annulation de la proclamation de sa participation à une entente prohibée et l’annulation de la sanction pécuniaire infligée ;
. sur le fond – à titre principal, annuler et réformer la décision ; – à titre subsidiaire, annuler la sanction pécuniaire prononcée contre elle, – à défaut, dire que la sanction pécuniaire qui lui est infligée ne saurait être supérieure à 30 000 euros ;
Vu les mémoires déposés le 26 août 2005 par les sociétés Alpadis, Canidis, Fapac Tivadis, et Rhonaldis à l’appui de leurs recours, soutenus par leur mémoire en réplique du 16 janvier 2006, par surfaces de bricolage, libres-services agricoles, que les produits économiques, moyens et haut de gamme sont commercialisés dans tous les réseaux, que le comportement d’achat du consommateur ne varie pas selon les circuits, que les modalités de distribution choisies par Royal Canin, à supposer qu’elles caractérisent une étanchéité entre les circuits de distribution, ne suffit pas à délimiter un marché, enfin que les modes d’approvisionnement des GSA sont proches de celles des autres commerces ;
Que, pour sa part, la société Royal Canin soutient que le marché pertinent est le marché des aliments secs pour chiens, en faisant valoir essentiellement que l’offre des produits, large et variée sans rupture de qualité et de prix autre que celles résultant de positionnement marketing, ne permet pas de retenir la qualité supposée des produits comme un critère pertinent, ainsialoir essentiellement que l’offre des produits, large et variée sans
rupture de qualité et de prix autre que celles résultant de positionnement marketing, ne permet pas de retenir la qualité supposée des produits comme un critère pertinent, ainsi que la commission européenne l’a décidé le 15 février 2002, à l’occasion de l’opération de concentration Masterfoods/Royal Canin, que les aliments secs pour chiens ne présentent pas de spécificités organiques, fonctionnelles ou juridiques, qui les rendraient non substituables entre eux aux yeux des consommateurs, que d’ailleurs les possesseurs de chiens changent régulièrement d’aliment pour leur animal, en particulier lors du passage à l’âge adulte, ce que confirme d’ailleurs l’évolution des parts de marché des aliments humides et secs, le lancement réussi de nouveaux produits et l’augmentation rapide des parts de marché de certains opérateurs, qu’enfin l’appareil de production est très flexible, pouvant produire sans coûts supplémentaires des produits ayant des positionnements
Président du Conseil d’Administration et Directeur Général dont le siège social est : 207, route de Fabas – BP 2 – 82170 CANALS – La société les ETS J. & B. CAZENAVE S.A.R.L. Prise en la personne de son Gérant en exercice dont le siège social est : 242, avenue Jean Mermoz 64000 PAU – La société FAPAC TIVADIS, S.A.S. Prise en la personne de son Président en exercice dont le siège social est :
Route de Montmarault 03210 SOUVIGNY – La société FERRAT DISTRIBUTION, S.A. Prise en la personne de son Président du Conseil d’Administration dont le siège social est : Z.A. LA PILE RN 7 – 612, avenue de l’Europe 13760 SAINT CANNAT – La société GALETOU-SODEGAL, S.A.R.L. Prise en la personne de son Gérant en exercice dont le siège social est : Moulin de salon – BP 1- 19510 SALON LA TOUR – La société GARIBALDI, SAS Prise en la personne de son Président en exercice dont le siège social est : Z. A. du Chemin d’Aix – RN 7 – 83470 ST MAXIMIN LA STE BAUME – La société RHONALDIS, S.A.R.L. Prise en la personne de son Gérant dont le siège social est : Z.A.C. du Centre de Saint Bonnet 38090 VILLEFONTAINE représentées par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués associés près la Cour d’Appel de PARIS assistées de Maître Christian BOURGEON, avocat au barreau de PARIS Toque P 166 SCP THREARD LEGER BOURGEON MERESSE & ASSOCIES 181, rue de la Pompe 75116 PARIS – la société ROYAL CANIN, SA prise en la personne de M.
Alain GUILLEMIN, Président Directeur Général dont le siège social est : RN 213 – 30470 AIMARGUES représentée par la SCP MONIN-AURIAC DE BRONS, avoués associés près la Cour d’Appel de PARIS assistée de Maître Joseph VOGEL, avocat au barreau de PARIS Toque P 151 SCP Louis et Joseph VOGEL 30 avenue d’Inéa 75116 PARIS – La société GEORGES DELBARD, SA prise en la personne de son Président M. Philippe Y… dont le siège social est : 16, Quai de la Mégisserie 75001 PARIS représentée par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués associés près la Cour d’Appel de PARIS assistée de Maître Bruno
lesquels ces dernières demandent à la cour de : – à titre principal, annuler la décision pour violation de l’article 6 de la CEDH et de l’article L 463-1 du Code de commerce ; – à titre subsidiaire, la réformer et constater que leur implication dans une entente anticoncurrentielle n’est pas établie ni au stade de la vente en gros, ni au stade de la vente au détail ; – très subsidiairement, réformer la sanction pécuniaire qui leur a été infligée ;
Vu les mémoires déposés le 26 août 2005 par les sociétés J&B Cazenave, Ferrat Distribution, Galetou-Sodegal, et Garibaldi à l’appui de leurs recours, soutenus par leur mémoire en réplique du 16 janvier 2006, par lesquels ces dernières demandent à la cour de : – à titre principal, annuler la décision pour violation de l’article 6 de la CEDH et de l’article L 463-1 du Code de commerce ; – à titre subsidiaire, la réformer et constater que leur implication dans une entente anticoncurrentielle n’est pas établie au stade de la vente en gros, – très subsidiairement, réformer la sanction pécuniaire qui leur a été infligée ;
Vu le mémoire déposé le16 août 2005 par la société Truffaut à l’appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 16 janvier 2006, par lequel cette dernière demande à la cour de : -à titre principal, juger que le Conseil a violé l’article L 420-1 du Code de commerce en déclarant que les pratiques d’ententes étaient établies à son encontre et annuler la décision frappée d’appel ; – à titre subsidiaire, annuler ou à titre plus subsidiaire réformer la décision pour ce qui concerne la sanction pécuniaire qui lui est infligée ; – en conséquence, ordonner la restitution des sommes payées par elle à
ce titre, – condamner le ministre de l’économie à lui payer une somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
variés ; qu’elle objecte enfin que le Conseil n’était pas autorisé ni même fondé à s’écarter de la définition du marché retenue par la Commission Européenne dans la décision précitée ;
Considérant, tout d’abord, qu’il ne saurait être reproché au Conseil, statuant sur des pratiques anticoncurrentielles relevées entre 1998 et 2000, de ne pas avoir repris l’analyse de la Commission Européenne à l’occasion de l’opération de concentration Masterfoods/Royal Canin, cette analyse ne s’imposant pas à lui dès lors que, ainsi qu’il l’a relevé avec pertinence (points 161 à 163), elle a été rendue dans le cadre du contrôle d’une concentration internationale et qu’elle prend en compte, non seulement la situation constatée en 2001 et 2002 mais également les effets de la concentration ainsi qu’éventuellement les facteurs d’évolution ultérieurs ;
Considérant, ensuite que les aliments secs pour animaux se distinguent substantiellement des aliments humides, en raison tant de
leur mode de production (extrudation ou conserve) et de leur composition (80% d’eau pour les aliments humides) que de leur prix (le prix de revient par repas est deux à trois fois supérieur pour les produits humides) ; que le fait qu’ils soient parfois commercialisés côte à côte et que la part des produits secs soit en augmentation démontre seulement, ainsi que la société Truffaut elle-même le souligne, qu’ils répondent à un même usage et témoigne aussi de l’accroissement global des parts des aliments secs pour animaux familiers, réalisé principalement aux dépens de l’alimentation humide, sans qu’il puisse en être déduit que ces produits sont substituables dans l’esprit des consommateurs ; qu’enfin, la pratique décisionnelle de la Commission Européenne, citée par le Conseil de la concurrence dans ses observations devant la cour, distingue les deux marchés, ce dont témoigne encore la décision Masterfoods/Royal Canin (points 11), invoquée par ailleurs
MARTIN, avocat au barreau de PARIS Toque R 51 Casanova & Associés 250 bis, boulevard Saint Germain 75006 PARIS EN PRÉSENCE DE : – M. LE MINISTRE DE Z…, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE 59 boulevard Vincent Auriol 75703 PARIS représenté par M. Michel A…, muni d’un pouvoir COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 31 Janvier 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
– M. Alain CARRE-PIERRAT, Président
– M. Henri LE DAUPHIN, Conseiller
– Mme Agnès B…, Conseillère
qui en ont délibéré Greffier, lors des débats : M. Gilles DUPONT MINISTÈRE C… : représenté lors des débats par M. Hugues D…, Avocat Général, qui a fait connaître son avis. ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, Président
– signé par M. Alain CARRE-PIERRAT, président et par M. Benoit TRUET-CALLU, greffier présent lors du prononcé.
Le 29 décembre 2000, le Ministre de l’économie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en oeuvre par la société Royal
Canin et son réseau de distribution.
Le 1er avril 2004, les griefs suivants ont été notifiés : 1 – aux sociétés Royal Canin, Fapac-Tivadis, Normandie Loir Distribution, Sodiamal, Sodegal, Cazenave, Rhonaldis, Alpadis, Canidis, Cocipa, Ferrat, Garibaldi, d’avoir, de manière concertée, fixé des prix de vente imposés aux grossistes-distributeurs, restreint la clientèle à laquelle les grossistes-distributeurs peuvent vendre en la limitant aux réseaux spécialisés et aux réseaux de prescripteurs, mis en place un système de remontée d’informations permettant à Royal Canin de connaître et contrôler le détail de l’activité commerciale des grossistes-distributeurs ; 2 – aux sociétés Royal Canin,
Vu le mémoire déposé le 26 août 2005 par la société Royal Canin à l’appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 16 janvier 2006, par lequel cette dernière demande à la cour de :
. sur la légalité externe de la décision – juger que la décision du Conseil vient en violation des règles de procédure en vigueur devant lui et porte atteinte au principe du contradictoire ; – juger que la décision du Conseil porte atteinte au principe du contradictoire et aux droits de la défense ; – juger que la décision du Conseil porte atteinte à la présomption d’innocence et au principe de proportionnalité de la sanction ; – annuler en conséquence la décision du Conseil de la concurrence ;
. sur la légalité interne de la décision – juger que le grief de remises fidélisantes est infondé ; – juger que le grief de restriction de clientèle est infondé ; – juger que le grief d’entente sur les prix au stade du commerce de gros est infondé ; – juger que, au regard des précisions apportées par la jurisprudence communautaire et nationale sur la notion d’accord de volonté dans le cadre d’une entente verticale, le grief d’entente sur les prix au stade du commerce de détail est infondé ; – en conséquence, annuler, et subsidiairement, réformer la décision du Conseil de la concurrence ; – la mettre hors de cause au titre de l’ensemble des griefs qui lui ont été notifiés ; – ordonner la restitution de toutes les sommes versées qu’elle aurait eu à verser au titre de la décision notifiée avec intérêt au taux légal à compter de leur versement ;
Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence en date du
10 novembre 2006 ;
Vu les observations écrites du Ministre chargé de l’Economie, déposées le 17 novembre 2006 ;
Vu les observations écrites du Ministère C…, mises à la disposition des parties à l’audience ;
par les parties ;
Considérant, encore que, s’il n’existe pas de classification des aliments pour chiens ni de normes de qualité pré-définies, il est constant néanmoins que le choix des matières premières utilisées (viandes fraîches), leur digestibilité et leur appétence constituent autant de critères de qualité reconnus et que les aliments dits « nutritionnels » sont réputés être de meilleure qualité que les aliments standard et produits bas de gamme, tant dans la présentation qu’en font les fabricants, sauf à considérer qu’il y ait tromperie, que dans l’esprit des consommateurs qui, à défaut de pouvoir juger par eux-mêmes des qualités du produit -le degré de satisfaction de leur chien est difficilement appréciable- doivent s’en remettre à son
positionnement sur le segment haut de gamme ; qu’une qualité nutritionnelle supérieure justifie une tarification plus élevée et que les objections de la société Royal Canin quant au continuum de prix et de qualité ne sont pas pertinentes dès lors que les tableaux produits au soutien de son argumentation (pages 33 et 34 de son mémoire) ne concernent que le circuit des distributeurs spécialisés, voire les libres-services agricoles, qui commercialisent essentiellement des produits nutritionnels ; qu’au surplus, son propre directeur général, décrivant la stratégie de l’entreprise au moment des faits, a expressément souligné qu’elle produisait, à l’intention des GSA , « des produits spécifiques différents des autres gammes tant au niveau de la composition (…) que du conditionnement, (…) produits de formulation plus simple, généralistes, utilisables par tous types de chiens » ajoutant que « les gammes doivent être simples et vendues sans conseil au consommateur » ; que le Conseil n’a d’ailleurs pas considéré que les catégories étaient totalement étanches, relevant seulement que les produits humides et les produits secs « premier prix » sont essentiellement distribués en GSA tandis que
Fapac-Tivadis, Normandie Loir Distribution, Sodiamal, Sodegal, Cazenave, Rhonaldis, Alpadis, Canidis, Cocipa, Ferrat, Garibaldi, Gamm Vert, Truffaut, Apex, Tripode, Delbard, Mille Amis, Univert Bourges, Jardin de Pacy, Ideal Canin Valdoie, Loisirs et Jardin, d’avoir mis en oeuvre de façon concertée des actions ayant pour objet la fixation, l’application, la surveillance et le respect de prix imposés de vente aux consommateurs. 3 – à la société Royal Canin, d’avoir exploité abusivement sa position dominante en instaurant une politique de remise fidélisante à l’égard des grossistes-distributeurs, des centrales d’achat et des revendeurs détaillants et en mettant en oeuvre les pratiques décrites dans les griefs 1 et 2.
Par décision no05-D-32 du 22 juin 2005, le Conseil de la concurrence a décidé : « Article 1er : Il n’est pas établi que les sociétés Gamm Vert, Apex, Mille Amis, Univert Bourges, Sodiamal, Cocipa, Garibaldi, J&B Cazenave et Ferrat aient participé à l’entente sur les prix de détail, et aient enfreint de ce chef les dispositions de l’article L 420-1 du Code de commerce. Article 2 : Il n’est pas établi que la
société Royal Canin ait commis une pratique de remises abusive à l’égard de ses grossistes-distributeurs et ait enfreint de ce chef l’article L 420-2 du Code de commerce. Article 3 : Il est établi que les sociétés Royal Canin, Fapac-Tivadis, Normandie Loir Distribution, Sodiamal, Sodegal, Cazenave, Rhonaldis, Alpadis, Canidis, Cocipa, Ferrat, Garibaldi, Truffaut, Tripode, Delbard, Jardin de Pacy, Ideal Canin Valdoie et Loisirs et Jardin ont, en participant à une entente concernant soit les offres de gros, soit les offres de détails, enfreint les dispositions de l’article L 420-1 du Code de commerce. Article 4 : Il est établi que la société Royal Canin, du fait d’une part de pratiques de prix imposés et de restriction de clientèle, d’autre part de pratiques de remises de fidélité à l’égard des
Ou’ à l’audience publique du 31 janvier 2006, en leurs observations orales, les parties ou leurs conseils, ainsi que le représentant du Ministre chargé de l’économie et le Ministère C…, chaque partie ayant été mise en mesure de répliquer et la société requérante ayant eu la parole en dernier ;
SUR CE :
Considérant que la société Royal Canin ayant épuisé, par l’exercice qu’elle a en avait fait le 26 juillet 2005, le droit de recours dont elle disposait contre la décision no 05-D-32 du 22 juin 2005, le recours incident formé par elle le 4 août 2005 contre cette même décision est irrecevable ;
I Sur les moyens de procédure et de forme A – sur la prescription
Considérant qu’aux termes de l’articles L 462-7 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence ne peut connaître des faits remontant à plus de trois ans s’il n’a été fait aucun acte tendant à leur constatation, à leur recherche ou à leur sanction ; qu’un acte tendant à la recherche, la constatation ou la sanction de pratiques anticoncurrentielles, même s’il ne concerne que certaines des entreprises incriminées ou une partie seulement des faits commis, interrompant la prescription à l’égard de toutes les entreprises concernées et pour l’ensemble des faits dénoncés dès lors que ceux-ci présentent entre eux un lien de connexité ;
Considérant que, reprenant leur argumentation développée devant le
Conseil de la concurrence au regard du principe susvisé, les sociétés Normandie Loir Distribution et Georges Delbard font valoir qu’aucun acte interruptif de prescription, accompli entre la saisine du Conseil de la concurrence du 29 décembre 2000 et la notification de griefs du 1er avril 2004, ne leur est opposable, la demande de renseignements adressée à la société Royal Canin le 14 novembre 2003 les produits nutritionnels le sont principalement dans les circuits spécialisés (points 13 et 14), de sorte que les contestations des parties requérantes, en ce qu’elles se fondent sur l’existence de cas contraires, peu significatifs, ne contredisent pas utilement ses appréciations ;
Que si, en l’espèce, les circuits spécialisés sont opposés aux GSA, c’est en ce qu’ils se situent en dehors du circuit de la grande distribution alimentaire, sur un créneau non généraliste, peu important que la spécialité qu’ils exercent à titre principal ne soit pas l’animalerie, les observations du Conseil quant au comportement et aux attentes du consommateur à leur égard demeurant tout aussi pertinentes dans le cas de spécialités autre que l’animalerie ;
Qu’il a été constaté au moment des faits que les offres de produits haut de gamme n’étaient pas disponibles en GSA, ce dont ont témoigné deux négociateurs chez Carrefour (point 153) : « A l’heure actuelle, nous ne disposons pas dans nos magasins d’offre équivalente à celle proposée par les circuits spécialisés. Ces derniers proposent majoritairement des produits secs haut de gamme » ;
Qu’au demeurant, la Commission européenne elle-même, dans sa décision M 2544 Masterfoods/Royal Canin du 15 février 2002, relève que les produits bon marché de type économique sont vendus dans les commerces d’alimentation générale cependant que les produits de qualité supérieure sont vendus exclusivement sur des points de vente autres (OE13 de la traduction produite par la société Royal Canin) et souligne (OE 53) la fidélité aux marques, importante, de la part des propriétaires de chiens et le caractère incontournable de ces dernières pour les détaillants ;
Considérant qu’il suit de là que les moyens des sociétés Truffaut et Royal Canin ne sont pas fondés ;
Considérant en revanche que c’est à juste que la société Normandie
centrales d’achat, a enfreint les dispositions de l’article L 420-2 du Code de commerce. Article 5 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes : – à la société Royal Canin une sanction de 2 500 000 ç ; – à la société Normandie Loir Distribution une sanction de 89 000 ç ; – à la société Sodiamal une sanction de 1 000 ç ; – à la société Sodegal une sanction de 24 000 ç ; – à la société J&B Cazenave une sanction de 37 000 ç ; – à la société Ferrat une sanction de 71 000 ç ; – à la société Garibaldi une sanction de 29 000 ç ; – à la société Fapac-Tivadis une sanction de 34 000 ç ; – à la société Rhonaldis une sanction de 98 000 ç ; – à la société Alpadis une sanction de 60 000 ç ; – à la société Canidis une sanction de 65 000 ç ; – à la société Tripode une sanction de 210 000 ç ; – à la société Truffaut une sanction de 1 500 000 ç ; – à la société Delbard une sanction de 279 000 ç ; – à la société Les Jardins de Pacy une sanction de 4 000 ç ; – à la société Ideal Canin Valdoie une sanction de 1 000 ç . »
LA COUR :
Vu les recours formés : – le 6 juillet 2005 par la SA Georges
Delbard, – le 20 juillet 2005 par la société Normandie Loir Distribution SARL, – le 22 juillet 2005, par les sociétés Alpadis SAS, Canidis SA, Etablissements J&B Cazenave SARL, Fapac Tivadis SAS, Ferrat Distribution SA, Galetou-Sodegal SARL, Garibaldi SAS et Rhonaldis SARL, – le 26 juillet 2005 par la société Etablissements Horticoles Georges Truffaut SAS (ci-après la société Truffaut) ; – le 26 juillet 2005 à titre principal, le 4 août 2005 à titre incident, par la société Royal Canin ;
Vu le mémoire déposé le 24 août 2005 par la société Georges Delbard à l’appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 16 janvier 2006, par lequel cette dernière demande à la cour de : – annuler la décision pour défaut de motifs en ce qui concerne
ne visant qu’un abus de position dominante, dépourvu de lien de connexité avec les pratiques qui lui sont reprochées ; que la société Georges Delbard ajoute que la décision du Conseil de la concurrence doit être annulée pour défaut de motivation à cet égard ;
Mais considérant que c’est à juste titre que, pour écarter l’exception de prescription invoquée, le Conseil, motivant par là-même sa décision, s’est fondé sur la demande de renseignements adressée à la société Royal Canin le 14 novembre 2003 ; qu’il résulte en effet de la lettre du 29 décembre 2000 que le Conseil était saisi d’un ensemble de faits, présentés a priori comme un abus de position dominante, affectant les modalités de détermination des prix de revente des produits de la société Royal Canin, tant au niveau des grossistes qu’à celui des consommateurs finals, le ministre soulignant qu’en définitive, les distributeurs respectaient les prix de vente fixés par société Royal Canin ; qu’il suit de là, le Conseil de la concurrence étant saisi in rem, que la prescription a été interrompue, pour l’ensemble de ces faits et à l’égard de toutes les entreprises sanctionnées, par la demande adressée à la société Royal Canin en vue de recueillir divers renseignements sur sa situation personnelle, sur ses relations avec ses distributeurs, et sur le marché français des aliments pour chiens et chats, avant même que ne soient qualifiées les pratiques en cause au regard tant de l’article L 420-1 que de l’article L 420-2 du Code de commerce dans le cadre de la notification des griefs ; B – sur la durée de la procédure
Considérant qu’eu égard à la difficulté du dossier dont le Conseil était saisi, s’agissant de pratiques anticoncurrentielles affectant le secteur de la distribution, au plan national, des aliments pour chiens, au nombre des entreprises concernées et à la complexité des pratiques en cause, commises de 1998 à 2000, c’est à juste titre que la décision retient que la durée globale de la procédure n’apparaît Loir Distribution reproche au Conseil d’avoir écarté du marché pertinent les prescripteurs, qui avaient été retenus par la notification de griefs, laquelle visait le marché des aliments secs pour chien haut de gamme, dès lors que les vétérinaires comme les éleveurs répondent aux critères énoncés ci-dessus, en ce qu’ils offrent également des produits haut de gamme aux consommateurs à forte sensibilité nutritionnelle et peuvent, le cas échéant, jouer le rôle de conseil, peu important à cet égard qu’ils jouissent d’un réseau d’approvisionnement quelque peu différent (centrales d’achat régionales) et qu’ils ne soient pas concernés par les dispositifs de présentation à la clientèle propres aux magasins spécialisés, ces caractéristiques apparaissant secondaires au regard des critères
retenus au titre de l’analyse de substituabilité ;
Qu’il résulte de ce qui précède que le marché pertinent est celui de la vente de croquettes sèches pour chiens dans la distribution spécialisée, soit en magasins spécialisés et chez les éleveurs et vétérinaires, sur le territoire national ; B – sur la position de Royal Canin sur ce marché
Considérant qu’il résulte des informations communiquées à l’occasion de l’opération Masterfoods/Royal Canin que la part de marché de Royal Canin dans la distribution spécialisée (magasins spécialisés et prescripteurs) était, en valeur, de 39% en 1998, 41% en 1999 et 42% en 2000, cependant que le deuxième fabricant sur le réseau, Ralston Purina, pesait moins du tiers de Royal Canin (respectivement 10%, 12% et 14%) et que le troisième, Mars, en représentait moins du quart (8%, 7% et 6%) ;
Que le caractère incontournable de la marque pour les détaillants sur le marché français, déjà signalé ci-avant en termes généraux à propos de la fidélité des consommateurs constatée par la Commission Européenne dans sa décision du 15 février 2002, résulte encore, en ce
pas excessive ;
Qu’au demeurant, la société Normandie Loir Distribution, les sociétés Alpadis, Canidis, Etablissements J&B Cazenave, Fapac Tivadis, Ferrat Distribution, Galetou-Sodegal, Garibaldi et Rhonaldis, ainsi que la société Georges Delbard n’ont pas souffert d’une atteinte irrémédiable aux droits de la défense par suite de l’impossibilité où elles prétendent s’être trouvées de produire la totalité de leurs prospectus publicitaires, contemporains des pratiques en cause, de tels documents, contrairement à ce qu’elles soutiennent, n’étant pas nécessaires à la démonstration de leur politique tarifaire, objet des griefs essentiels, dont elle sont plus à même de justifier par la production des factures et de tous documents comptables que l’article L123-22 du Code de commerce leur impose de conserver pendant dix ans ; que cette obligation rend inopérant le moyen de la société société Truffaut tiré de son changement de système informatique en 2001, non justifié au demeurant ; qu’enfin, l’invocation, sans précision concrète et circonstanciée, de l’impossibilité de recourir à des témoignages de tiers, collaborateurs ou interlocuteurs, ne suffit pas
à caractériser l’atteinte alléguée ; C – sur le principe de la contradiction
Considérant que, tenu de statuer en droit et en fait sur les griefs notifiés, le Conseil de la concurrence n’a pas méconnu le principe susvisé pour avoir retenu, quant au marché pertinent dont la définition était contestée devant lui, une analyse différente de celle proposée par le rapporteur, dès lors qu’il ne s’est fondé pour ce faire sur aucun élément qui n’eût été soumis au débat contradictoire ; qu’en l’espèce, le comportement à l’achat du consommateur, les comportements de vente, structures commerciales et logistiques séparées consistant à proposer des gammes et des marques à de prix différents, retenus par la décision, étaient visés dès la
qui concerne Royal Canin, des déclarations concordantes des responsables du magasin Vilmorin à Fain et de celui des Jardins de Lucie, relatées au point171 de la décision, selon lesquelles ils ne pouvait se passer des produits phares, notamment de « RCCI Size » ;
Que cette caractéristique, qui implique pour tout entrant sur le marché des investissements élevés, constitue une barrière à l’entrée ;
Que la société Royal Canin dispose de toute façon d’une forte notoriété, en tant qu’opérateur historique, notamment sur le créneau des aliments nutritionnels dont elle a été le précurseur en France, ainsi que la Commission Européenne l’a également relevé en 2002 (point 50 de la décision Masterfoods/Royal Canin) ;
Que son réseau de 19 distributeurs couvrant le territoire et sa présence dans près de 13 000 lieux de vente lui assure, à l’époque considérée, une présence incomparable sur le marché, alors qu’elle bénéficie d’une présentation privilégiée auprès des grands magasin spécialisés, comme Gamm Vert par exemple ;
Qu’enfin, et même si elle ne détient que 3,6% des parts de marché dans le circuit des vétérinaires, (contre 48% pour Hill’s), elle est fortement présente auprès des prescripteurs, entretenant un contact permanent avec 50% d’entre eux, puisqu’elle démarche régulièrement les vétérinaires par l’intermédiaire de « délégués vétérinaires Royal Canin » (une vingtaine pour la France) et conclut des conventions de partenariat avec les éleveurs, ces derniers s’engageant à conseiller
la marque et à lui communiquer des informations sur les acheteurs de chiots, situation aussi décrite par la Commission Européenne dans sa décision Masterfoods/Royal Canin (OE 50 et 51) ;
Considérant que ces éléments, contrairement à ce que soutient vainement la société Royal Canin, caractérisent sa position dominante sur le marché pertinent ; C – sur les griefs
notification de griefs et figuraient au dossier ;
Que, de même, aucune violation du principe de la contradiction ne résulte de ce que le Conseil de la concurrence a précisé, à propos du grief dit de « restriction de clientèle », que les clauses des contrats conclus avec les grossistes-distributeurs limitant la clientèle servie à la distribution spécialisée, aux éleveurs professionnels et aux vétérinaires, s’inscrivaient dans des accords plus larges d’exclusivité réciproque, de territoire et d’approvisionnement, dès lors que l’aspect particulier de cette pratique était dénoncé dans la notification de griefs, en page 14, au point 1.1 décrivant les pratiques à qualifier au chapitre des relations de Royal Canin avec les grossistes-distributeurs et en page 34, au point 2.2.2 consacré
au caractère