Conseil d’État, 5ème sous-section jugeant seule, 01/10/2012, 340842, Inédit au recueil Lebon

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Conseil d’État, 5ème sous-section jugeant seule, 01/10/2012, 340842, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la SOCIETE QUINTO AVENIO, dont le siège est 37 bis rue Greneta à Paris (75002) ; la SARL Quinto Avenio demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 octobre 2008 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a rejeté sa candidature en vue de l’exploitation du service de radio par voie hertzienne terrestre Skyrock Nord en catégorie C dans la zone d’Arras, relevant du comité technique radiophonique de Lille ;

2°) d’enjoindre au Conseil supérieur de l’audiovisuel de lui délivrer l’autorisation en litige sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Leïla Derouich, Auditeur,

– les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

Sur les moyens relatifs aux conditions d’examen des candidatures :

1. Considérant qu’afin d’être en mesure d’apprécier l’intérêt respectif des différents projets de service de radio par voie hertzienne terrestre qui lui sont présentés dans une zone, le Conseil supérieur de l’audiovisuel est tenu de statuer sur l’ensemble des candidatures dont il est saisi pour cette zone et de décider de leur acceptation ou de leur rejet au cours d’une même séance ; que la circonstance qu’une décision de refus soit notifiée au-delà du délai d’un mois après la publication au Journal officiel des autorisations accordées pour cette zone, prévu à l’article 32 de la loi du 30 septembre 1986, est sans incidence sur la légalité de cette décision ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision de rejet de la candidature de la SARL Quinto Avenio à l’exploitation d’un service de radio par voie hertzienne terrestre dénommé Skyrock Nord et relevant de la catégorie C dans la zone d’Arras, prise par le Conseil supérieur de l’audiovisuel lors de sa séance du 21 octobre 2008, lui a été notifiée par une lettre du 22 avril 2010, alors que les décisions d’autorisation prises lors de la même séance, et que cette société n’a pas contestées, avaient été publiées au Journal officiel du 18 décembre 2008, ne saurait être accueilli ;

2. Considérant par ailleurs qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui a statué, comme il y était tenu, sur l’ensemble des candidatures au cours d’une même séance, ait omis d’examiner l’intérêt particulier de chaque projet ;

Sur le moyen tiré d’une violation des dispositions de l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986 :

3. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées :  » Une même personne physique ou morale ne peut, sur le fondement d’autorisations relatives à l’usage de fréquences dont elle est titulaire pour la diffusion d’un ou de plusieurs services de radio par voie hertzienne terrestre en mode analogique, ou par le moyen d’un programme qu’elle fournit à d’autres titulaires d’autorisation par voie hertzienne terrestre en mode analogique, disposer en droit ou en fait de plusieurs réseaux que dans la mesure où la somme des populations recensées dans les zones desservies par ces différents réseaux n’excède pas 150 millions d’habitants  » ; qu’aux termes de l’article 41-3 du même texte :  » Pour l’application des articles (…) 41 (…) : (…) 2° Toute personne physique ou morale qui contrôle, au regard des critères figurant à l’article L. 233-3 du code de commerce, une société titulaire d’autorisation ou a placé celle-ci sous son autorité ou sa dépendance est regardée comme titulaire d’une autorisation (…)  » ;

4. Considérant que la SARL Quinto Avenio soutient que le seuil de 150 millions d’habitants prévu par ces dispositions législatives étant dépassé tant pour le groupe NRJ que pour le groupe Lagardère Active Broadcast, le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne pouvait légalement, dans le cadre de l’appel aux candidatures litigieux, délivrer des autorisations en vue de l’exploitation de services contrôlés par ces groupes ; qu’elle excipe ainsi de l’illégalité de ces autorisations à l’appui de son recours contre le refus qui lui a été opposé ;

5. Considérant, toutefois, que l’exception, invoquée à l’appui d’un recours contre un refus d’autorisation d’exploiter un service radiophonique, tirée de l’illégalité d’une autorisation délivrée dans la même zone, n’est recevable que si, à la date à laquelle elle est soulevée, l’autorisation concernée n’est pas devenue définitive ; que les autorisations délivrées dans la zone d’Arras, publiées au Journal officiel du 18 décembre 2008, étaient déjà devenues définitives à la date du 21 février 2011 à laquelle la société requérante a soutenu que certaines d’entre elles auraient été délivrées en méconnaissance des dispositions de l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986 ; qu’il suit de là que cette exception d’illégalité est tardive et, par suite, irrecevable ;

Sur le moyen tiré d’une violation des dispositions de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 :

6. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, le Conseil supérieur de l’audiovisuel  » accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte : (…) 5° de la contribution à la production de programmes réalisés localement. / (…) Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille, sur l’ensemble du territoire, à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission sociale de proximité (…) / Le Conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part. Il s’assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l’information politique et générale  » ;

7. Considérant, d’autre part, que, par ses communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, faisant usage de la compétence qui lui a été conférée par l’article 29 précité de la loi du 30 septembre 1986, a déterminé cinq catégories de services en vue de l’appel à candidatures pour l’exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre ; que ces cinq catégories sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l’article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d’un réseau thématique à vocation nationale (C), services thématiques à vocation nationale (D), et services généralistes à vocation nationale (E) ;

8. Considérant que, dans la zone d’Arras, où émettaient un service de catégorie A, un service de catégorie D et un service de catégorie E, et où treize fréquences étaient disponibles, le conseil a retenu un service de catégorie A, quatre services de catégorie B, trois services de catégorie C, quatre services de catégorie D et un service de catégorie E ; qu’en catégorie C, il a retenu les services Nostalgie Arras, RTL 2 et Chérie FM  » Hauts de France « , en raison de l’intérêt de leurs programmes musicaux respectifs ; qu’il a rejeté la candidature de Skyrock,  » radio musicale à destination des jeunes et des jeunes adultes à laquelle a été préférée pour ce public et ce format la candidature de Fun radio qui couvre à l’issue de l’appel à candidatures, dans le ressort du comité technique radiophonique, une population inférieure à celle couverte par Skyrock  » ; que cette appréciation n’est entachée ni d’erreur de fait, ni d’erreur de droit ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la répartition des fréquences disponibles faite par le Conseil supérieur de l’audiovisuel entre les différentes catégories de services révèle, dans la zone, une méconnaissance du principe de juste équilibre entre réseaux nationaux et locaux, ni que les choix opérés, alors notamment que la loi prescrit à l’autorité de régulation de s’assurer que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l’information politique et générale, traduisent une méconnaissance de l’impératif de sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels ; que la circonstance que d’autres groupes de communication opérateurs de services aient obtenu davantage de fréquences dans la zone que le groupe Orbus n’est pas, par elle-même, de nature à entacher la décision attaquée d’illégalité au regard du principe de diversification des opérateurs, dès lors notamment que ce groupe, attributaire de douze fréquences dans le ressort du comité technique radiophonique de Lille, touche aux termes de l’appel à candidatures plus de 87% de la population de ce ressort ; qu’il résulte de l’ensemble de ces circonstances que le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas fait une inexacte application des critères prévus à l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 ;

Sur le moyen tiré d’une méconnaissance des stipulations de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

9. Considérant que la décision attaquée, qui résulte d’une exacte application des critères posés par la loi du 30 septembre 1986, ne méconnaît pas les stipulations de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissant la liberté d’expression ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SARL Quinto Avenio n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision qu’elle attaque ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat le versement à la SARL Quinto Avenio de la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

————–

Article 1er : La requête de la SARL Quinto Avenio est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL Quinto Avenio et au Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Copie en sera adressée pour information au ministre de la culture et de la communication.

ECLI:FR:CESJS:2012:340842.20121001


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