Conseil d’État, 5ème SSJS, 20/11/2015, 372452, Inédit au recueil Lebon

·

·

Conseil d’État, 5ème SSJS, 20/11/2015, 372452, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 septembre 2013 et 17 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Vortex demande au Conseil d’Etat :

1°) d’enjoindre, par une décision avant dire droit, au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) d’indiquer la population couverte, d’une part, par chacun des réseaux nationaux de radio et, d’autre part, par les groupes qui les contrôlent ainsi que la méthodologie retenue par le CSA pour s’assurer du respect du seuil fixé à l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986 ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 juin 2013 par laquelle le CSA a refusé de faire droit à sa demande d’exploiter un service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne dans les zones de la Brigue et de Calvi dans le ressort du comité territorial de l’audiovisuel de Marseille ;

3°) d’enjoindre au CSA de lui délivrer les autorisations d’exploiter sollicitées, sous astreinte de 1 000 euros par jour ;

4°) de mettre à la charge du CSA la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Manon Perrière, auditeur,

– les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;

1. Considérant que, dans le cadre de l’appel à candidatures lancé le 3 juillet 2012 par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour l’exploitation d’un service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne en modulation de fréquences dans le ressort du comité territorial de l’audiovisuel de Marseille, la société Vortex a fait acte de candidature pour la diffusion dans plusieurs zones du service Skyrock, relevant de la catégorie D ; qu’elle demande l’annulation pour excès de pouvoir des décisions du 26 juin 2013 par lesquelles le CSA a rejeté sa candidature dans les zones de la Brigue et Calvi ;

Sur le moyen tiré de ce que les autorisations délivrées à certains candidats l’auraient été en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986 :

2. Considérant qu’aux termes du 1er alinéa de l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986 :  » Une même personne physique ou morale ne peut, sur le fondement d’autorisations relatives à l’usage de fréquences dont elle est titulaire pour la diffusion d’un ou de plusieurs services de radio par voie hertzienne terrestre en mode analogique, ou par le moyen d’un programme qu’elle fournit à d’autres titulaires d’autorisation par voie hertzienne terrestre en mode analogique, disposer en droit ou en fait de plusieurs réseaux que dans la mesure où la somme des populations recensées dans les zones desservies par ces différents réseaux n’excède pas 150 millions d’habitants  » ; que la société Vortex soutient que le seuil de 150 millions d’habitants prévu par ces dispositions législatives étant dépassé pour les groupes NRJ et Lagardère Active Broadcast, le CSA ne pouvait légalement, dans le cadre de l’appel aux candidatures litigieux, délivrer des autorisations en vue de l’exploitation de services contrôlés par ces groupes ; qu’elle excipe ainsi de l’illégalité de ces autorisations à l’appui de son recours contre les refus qui lui ont été opposés ;

3. Considérant que, lorsqu’un refus d’autorisation d’exploiter un service audiovisuel est fondé sur une comparaison entre l’intérêt du projet écarté et celui des projets retenus, le candidat concerné peut, à l’appui de son recours contre ce refus, invoquer utilement l’illégalité d’une autorisation délivrée dans la même zone dans le cadre du même appel aux candidatures ; qu’une telle exception d’illégalité n’est toutefois recevable que si, à la date à laquelle elle est invoquée, l’autorisation concernée n’est pas devenue définitive ; que les autorisations accordées aux groupes NRJ et Lagardère Active Broadcast ont été publiées au Journal officiel du 17 juillet 2013 ; que, ces décisions étant déjà devenues définitives à la date du 27 septembre 2013 à laquelle la société requérante a invoqué le moyen tiré de ce que ces autorisations auraient été délivrées en méconnaissance des dispositions de l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986, cette exception d’illégalité est tardive et, par suite, irrecevable ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’ordonner la mesure d’instruction sollicitée, ce moyen doit être écarté ;

Sur les moyens tirés de ce que les décisions attaquées seraient entachées d’erreur de droit et d’insuffisance de motivation :

4. Considérant qu’afin d’être en mesure d’apprécier l’intérêt respectif des différents projets qui lui sont soumis dans une zone, le CSA est tenu, ainsi qu’il l’a fait en l’espèce, de statuer sur l’ensemble des candidatures dont il est saisi pour cette zone et de décider de leur acceptation ou de leur rejet au cours d’une même séance ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il n’aurait pas procédé à un examen réel et complet des mérites de chaque projet ; que les décisions attaquées énoncent sous une forme suffisante les considérations de droit et de fait sur lesquelles il s’est fondé pour rejeter les demandes de la société Vortex ; que les moyens tirés de ce que ces décisions seraient entachées d’erreur de droit et d’insuffisance de motivation doivent, par suite, être écartés ;

Sur les appréciations portées dans chaque zone :

5. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication :  » Pour la zone géographique et les catégories de services qu’il a préalablement déterminées, le conseil publie un appel aux candidatures  » ; que par deux communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le CSA, faisant usage de la compétence qui lui a été ainsi conférée, a déterminé cinq catégories de services en vue de l’appel à candidature pour l’exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre ; que ces cinq catégories sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l’article 80 (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (catégorie B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d’un réseau thématique à vocation nationale (catégorie C), services thématiques à vocation nationale (catégorie D), et services généralistes à vocation nationale (catégorie E) ;

6. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 29 de la même loi, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées, le CSA  » accorde les autorisations en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte : (…) 5° de la contribution à la production de programmes réalisés localement. / (…) Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille, sur l’ensemble du territoire, à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission sociale de proximité (…) / Le Conseil veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d’une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d’autre part (…)  » ;

En ce qui concerne la zone de la Brigue :

7. Considérant que, dans la zone de la Brigue où trois services étaient autorisés en catégories C, D et E et où trois fréquences étaient disponibles, le CSA a retenu un service en catégorie A, un service en catégorie B et un service en catégorie D ; qu’il a écarté la candidature de la société requérante aux motifs que le service Skyrock proposait une programmation musicale visant un public jeune auquel s’adressait également le service NRJ Alpazur déjà autorisé dans la zone et qu’il répondait moins bien aux attentes du public de la zone que les services retenus en catégorie A et B, qui proposaient des programmes d’intérêt local, et que le service Chérie FM retenu dans la catégorie D, qui s’adressait au public jeune adulte et adulte, fortement représenté dans cette zone et auquel peu de services autorisés s’adressaient ; que ces motifs ne sont pas entachés d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation ; que si la société requérante soutient que son projet répondait mieux que celui de la société Chérie FM à l’impératif prioritaire de diversification des opérateurs, dès lors que Chérie FM appartient au groupe NRJ qui disposait déjà de deux autorisations dans la zone et de 105 autorisations dans le ressort du comité territorial de l’audiovisuel de Marseille, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu du plus grand intérêt que le projet retenu présentait pour le public, que le CSA ait fait une inexacte application des critères d’octroi des autorisations prévus à l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 ;

En ce qui concerne la zone de Calvi :

8. Considérant que dans la zone de Calvi où deux services étaient autorisés en catégorie A, quatre services en catégorie B, trois services en catégorie C, deux services en catégorie D et trois services en catégorie E et où deux fréquences étaient disponibles, le Conseil a retenu deux services en catégorie C ; que, pour écarter dans cette zone la candidature de la société Vortex, il a estimé que la programmation musicale nationale du service Skyrock répondait moins bien à l’intérêt du public de la zone que les programmes comportant des décrochages locaux proposés par les candidats retenus en catégorie C ; que ces motifs ne sont pas entachés d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation ; que si la société requérante soutient que son projet répondait mieux que celui des candidats retenus à l’impératif prioritaire de diversification des opérateurs, eu égard au fait que ces candidats appartenaient à des groupes disposant déjà d’autorisations dans la zone, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu du plus grand intérêt que leurs projets présentaient pour le public, que le CSA ait fait une inexacte application des critères d’octroi des autorisations prévus à l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 ;

9. Considérant, enfin, que les décisions attaquées, qui résultent d’une exacte application des critères posés par la loi du 30 septembre 1986, ne méconnaissent pas les stipulations de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Vortex n’est pas fondée à demander l’annulation pour excès de pouvoir des décisions qu’elle attaque ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CSA, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société demande sur leur fondement ;

D E C I D E :

————–

Article 1er : La requête de la société Vortex est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Vortex et au Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Copie en sera adressée à la ministre de la culture et de la communication.

ECLI:FR:CESJS:2015:372452.20151120


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x