Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Corsica Ferries a demandé au tribunal administratif de Bastia d’annuler la délibération n° 2000/108 en date du 7 juin 2007 par laquelle l’Assemblée de Corse a attribué au groupement constitué entre la Société Nationale Corse Méditerranée et la Compagnie Méditerranéenne de Navigation la délégation de service public de la desserte maritime entre le port de Marseille et plusieurs ports de Corse et la décision en date du 7 juin 2007 par laquelle le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse a signé la convention de délégation dudit service, ainsi que d’enjoindre à la collectivité territoriale de Corse, à titre principal, de résilier la convention et, à titre subsidiaire, de saisir le juge du contrat pour qu’il prononce la nullité de ladite convention, dans un délai de neuf mois, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 0700904 en date du 24 janvier 2008, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 08MA01604 du 7 novembre 2011, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé le jugement en date du 24 janvier 2008 du tribunal administratif de Bastia, la délibération n° 2007/108 en date du 7 juin 2007 et la décision en date du 7 juin 2007 précitées et enjoint à la collectivité territoriale de Corse de procéder à la résiliation amiable du contrat à compter du 1er septembre 2012, ou de saisir le juge du contrat dans un délai de six mois à compter de la notification de l’arrêt afin qu’il prenne les mesures appropriées.
Par une décision n° 355616 du 13 juillet 2012, le Conseil d’Etat a, sur pourvoi de la Compagnie Méridionale de Navigation et de la Société Nationale Corse Méditerranée, annulé l’arrêt susmentionné et renvoyé l’affaire devant la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, initialement enregistrée au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille le 21 mars 2008, sous le n° 08MA01604 et, après renvoi par le Conseil d’Etat, sous le n° 12MA02987, la société Corsica Ferries, représentée par MeB…, demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement du 24 janvier 2008 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) d’annuler la délibération et la décision susmentionnées ;
3°) d’enjoindre, dans un délai de neuf mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, à la collectivité territoriale de Corse, à titre principal, de résilier la convention et, à titre subsidiaire, de saisir le juge du contrat pour qu’il prononce la nullité de ladite convention, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Corse et de l’office des transports de la Corse (OTC) la somme de 6 000 euros chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– le jugement a été rendu en violation du principe d’impartialité consacré par l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du fait de la présence dans la formation qui a rendu le jugement attaqué, du magistrat qui a été juge du référé précontractuel à deux reprises dans la même affaire ;
– le jugement attaqué a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance du règlement du Conseil en date du 7 décembre 1992 sur le cabotage maritime ; en tout état de cause, en ne précisant pas en quoi le service complémentaire était conforme à l’article 4 de ce règlement, le jugement querellé est insuffisamment motivé ;
– les déclarations et initiatives de la collectivité territoriale de Corse entachent la procédure d’appel d’offre de partialité ; l’obligation d’impartialité s’impose également en application de l’article 432-14 du code pénal ; l’OTC a également eu une attitude partiale ;
– les dispositions du cahier des charges ne sont pas conformes à l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales car elles ne stipulent pas le montant des tarifs et il en résulte, en faveur du délégataire, un pouvoir unilatéral de fixer les tarifs du service public, contraire aux principes généraux du droit ; l’absence de fixation des tarifs du service public ne permet ni de garantir l’effectivité des » lois du service public « , en particulier le principe d’égalité, ni de connaître le montant de la subvention d’exploitation versée au délégataire ;
– les dispositions du cahier des charges de la délégation relatives au service complémentaire, en ce qui concerne les périodes d’été et de printemps-automne, sont contraires au règlement n° 3577/92 du Conseil du 7 décembre 1992 sur le cabotage maritime qui impose de vérifier si l’initiative privée peut répondre à des augmentations de trafic ; le service complémentaire instauré par le cahier des charges ne répond pas à un besoin réel de service public ; l’absence de carence de l’initiative privée se présume de la seule évolution de la desserte maritime ; à titre subsidiaire, la Cour pourrait demander au délégataire de produire le taux de remplissage de ses navires afin de démontrer l’inutilité du service complémentaire ;
– en retenant l’offre du groupement SNCM/CMN, alors qu’il ressort des pièces du dossier que cette offre était constitutive d’un abus de position dominante, l’assemblée de Corse a entaché d’illégalité la délibération contestée ; ladite offre a été regardée par le conseil de la concurrence comme étant susceptible de constituer un abus de position dominante en méconnaissance des dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce ;
– la subvention publique versée au groupement SNCM/CMN au titre de l’exécution de la délégation de service public excède les coûts de ce service, de sorte que cette subvention est constitutive d’une aide d’Etat au sens de l’article 87§1 du traité instituant la communauté européenne ; n’ayant pas été notifiée à la Commission européenne en application de l’article 88 de ce même traité, elle est illégale ; le Conseil de la concurrence a estimé que la demande de subvention de la SNCM était manifestement excessive, de sorte qu’elle ne peut être regardée comme une juste compensation des coûts du service public ;
– la délibération de l’assemblée de Corse du 7 juin 2007 est entachée d’illégalité en tant qu’elle approuve le rapport du conseil exécutif, désigne comme délégataire du service public le groupement constitué de la SNCM et la CMN et autorise le président du conseil exécutif à signer la convention de délégation de service public de la desserte maritime de la Corse qui y est annexée alors que cette convention a été conclue à la suite d’une procédure irrégulière et que plusieurs stipulations de cette convention sont illégales ; pour les mêmes raisons, la décision du même jour du président du conseil exécutif de signer ladite convention avec le groupement constitué de la SNCM et la CMN est entachée d’illégalité ; l’annulation ou la réformation du jugement attaqué impliquera la nullité de cette convention ;
– l’injonction pourra être assortie d’un délai raisonnable pour l’exécuter afin d’assurer la continuité du service public de la desserte maritime de la Corse.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2009, la collectivité territoriale de Corse et l’office des transports de la Corse, représentés par la SCPF…, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Corsica Ferries France la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
– le référé précontractuel qui a pour objet de faire respecter, à titre préventif, les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence en matière de passation de contrats et marchés est distinct du recours pour excès de pouvoir qui a pour objet l’annulation d’une délibération d’une collectivité territoriale ;
– le jugement a bien indiqué dans ses visas que la requérante avait soutenu que le service de pointe institué par la convention ne répond pas à un besoin de service public et a répondu au moyen tiré de la méconnaissance du règlement européen du 7 décembre 1992 sur le cabotage maritime ;
– dans sa décision du 6 avril 2007, le Conseil de la concurrence ne les a pas mis en cause et a considéré que le groupement SNCM-CMN n’avait pas de caractère anticoncurrentiel ;
– le service de pointe de trafic a été créé par la délibération de l’assemblée de Corse en date du 24 mars 2006 ; le juge administratif n’a pas censuré ce service ; l’article 4 du règlement du 7 décembre 1992 autorise la conclusion de contrats de service public avec les compagnies de navigation s’il existe un besoin réel de service public, en raison de l’insuffisance des services réguliers de transport dans une situation de libre concurrence ; la Commission européenne n’a jamais imposé de distinction à l’intérieur d’une même ligne ; les besoins du service public sur l’ensemble de l’année sont incontestables ; il est impossible de dissocier ce service de pointe du reste du service et la jurisprudence permet d’insérer ce service de pointe dans l’ensemble des services assurés par le délégataire ; en outre, la concurrence n’est pas écartée puisque l’attribution de la desserte par délégation de service public ne donne pas lieu à l’exclusivité sur les lignes considérées ;
– les déclarations invoquées par la requérante n’ont pas eu d’incidence sur la régularité de la procédure ;
– conformément aux dispositions de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, la convention stipule les tarifs à la charge des usagers et précise l’incidence sur ces tarifs des paramètres ou indices qui déterminent leur évolution ; la convention avait déterminé, dans le cahier des charges figurant à l’annexe I, le montant des tarifs réclamés aux usagers et correspondant aux obligations de délégation du service, ainsi que l’ensemble des variations applicables en fonction des catégories de passagers et de marchandises et des circonstances de l’évolution de ces tarifs ; le cahier des charges prévoit une évolution des tarifs en fonction de l’évolution soit de la hausse prévisionnelle des prix du PIB prévue par la loi de finances, soit des éléments des coûts affectant l’exploitation ; de plus, les modifications de tarifs devront être décidées en accord avec l’autorité délégante ;
– les recettes sont liées en l’espèce aux résultats de l’exploitation ; le moyen tiré de la violation de l’article 88 § 3 du Traité instituant la Communauté européenne doit être écarté.
Par un mémoire, enregistré le 29 mai 2009, la Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM), représentée par MeE…, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Corsica Ferries France la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
– lorsque le juge du référé précontractuel n’a pas préjugé l’issue du litige, son impartialité ne peut être mise en cause ; le principe d’impartialité n’a pas vocation à s’appliquer en l’espèce dès lors que le tribunal administratif de Bastia, juge du fond, et le juge du référé du même tribunal n’ont pas eu à connaître d’un même litige ;
– dans la mesure où le tribunal n’a pas fait application des dispositions de l’article 4 du règlement n° 3577/92 du Conseil du 7 décembre 1992 sur le cabotage maritime, le moyen tiré du défaut de mention de ce texte dans les visas du jugement ou dans ses motifs doit être rejeté ; le tribunal n’a pas omis de répondre à ce moyen et n’a pas entaché d’insuffisance de motivation son jugement ;
– les déclarations en cause des représentants de la collectivité territoriale de Corse ou de l’OTC sont pour la plupart antérieures à la procédure critiquée ; elles n’émanent pas de l’organe délibérant ; le principe d’impartialité évoqué par la requérante n’est pas consacré ; il ne ressort pas du dossier et notamment du rapport de la commission ainsi que du rapport du conseil exécutif que les mérites respectifs des offres de la société Corsica Ferries France comme ceux de la SNCM aient été appréciés autrement qu’au regard du cahier des charges et des critères d’attribution ;
– le délégataire ne fixe pas les tarifs du service public dès lors que ceux-ci ont été approuvés par la collectivité qui les a fait siens ; il ne s’agit pas de plafonds mais bien de tarifs de base du service public ; des tarifs spéciaux, dont les bénéficiaires sont identifiés, sont prévus et calculés par rapport aux tarifs de base précités et ont été approuvés dans leur nature et leurs conditions de fixation ; l’autorité délégante n’a perdu aucune de ses prérogatives en la matière ; le principe d’égalité des usagers n’a pas été méconnu ; la liberté tarifaire invoquée n’existant pas, la collectivité n’a pas à supporter la politique tarifaire de la SNCM ;
– une collectivité est fondée à recourir au contrat de service public lorsqu’elle fait le constat que les services de transport maritime sont rendus, avant son intervention, dans des conditions insuffisantes en termes de continuité, de régularité, de capacité et de qualité ; le service de pointe n’est nullement surdimensionné et il existe bien un besoin réel de service public non assuré par les forces du marché ; sur la base des besoins structurels ressortant des années antérieures à 2004 et dont la tendance est confirmée par les résultats de 2006, les capacités offertes par la délégation au titre du service de pointe satisfont tout juste aux besoins constatés ; la thèse selon laquelle il n’y aurait pas insuffisance des services de transport maritime en période d’affluence justifiant l’organisation d’un service de pointe est vouée au rejet, sans qu’il soit besoin pour le délégataire de produire le taux de remplissage de ses navires qui n’est pas un indice pertinent ; il ne peut être sérieusement contesté que le service de pointe est fondamental à la bonne exécution du service de transport entre la Corse et le continent, d’un point de vue technique et économique ; le service de pointe contribue de façon fondamentale à travers les revenus qu’il génère du fait de l’exploitation de la desserte maritime de la Corse aux périodes les plus rémunératrices, à l’équilibre global de la délégation de service public et au financement de la continuité territoriale ;
– le Conseil de la concurrence a rejeté l’intégralité des demandes de la société Corsica Ferries France et n’a nullement conclu en ce qui concerne l’offre présentée en 2007, à l’existence d’un abus de position dominante ;
– les deuxième et troisième critères de la jurisprudence » Altmark » sont satisfaits.
Par un mémoire, enregistré le 2 juin 2009, la Compagnie Méridionale de Navigation (CMN), représentée par MeH…, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Corsica Ferries France la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
– le jugement est conforme au principe d’impartialité du tribunal ; la condition de l’identité de litige n’est pas remplie ; en l’espèce, le juge du référé précontractuel n’a pas préjugé de l’issue du litige ;
– le jugement est suffisamment motivé au regard du moyen tiré de la méconnaissance du règlement du Conseil du 7 décembre 1992 sur le cabotage maritime ; les visas du jugement attaqué sont réguliers ; le moyen tiré de l’illégalité d’un service de pointe au regard du règlement en date du 7 décembre 1992 a été effectivement examiné par le tribunal ;
– le moyen tiré d’une éventuelle partialité de la collectivité délégante dans la procédure d’attribution est inopérant ; aucune obligation générale d’impartialité ne pèse sur une collectivité délégante ; à titre subsidiaire, il n’est pas établi que la collectivité territoriale de Corse aurait fait preuve de partialité et l’irrégularité dont se prévaut la société appelante n’est pas susceptible d’entraîner la nullité de la procédure ;
– les clauses relatives à la charge des usagers, figurant au II du cahier des charges pour le service public maritime entre le port de Marseille et les ports de Corse sont manifestement conformes aux dispositions du 5ème alinéa de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ; des tarifs y sont mentionnés et précisément chiffrés, et des modulations sont précisées ; enfin, le cahier des charges prévoit les paramètres qui déterminent l’évolution de ces tarifs et précise leur incidence ; ce moyen est irrecevable car il est relatif à l’illégalité d’une clause réglementaire pour laquelle existe un recours parallèle ;
– à titre subsidiaire, les délibérations contestées n’encourraient qu’une annulation partielle relativement aux clauses tarifaires, divisibles du contrat, et uniquement en tant qu’elles ont approuvé la clause incriminée et autorisé la signature de la convention de délégation, en tant que celle-ci comporte la clause contestée ;
– la clause de sauvegarde des recettes ne bouleverse pas l’économie du contrat et ne revient pas à faire supporter à la collectivité une politique tarifaire agressive que le délégataire aurait décidé de mettre en oeuvre face à la concurrence de la société Corsica Ferries France puisqu’elle avait elle-même dans la première réponse à l’appel d’offres, proposé une clause identique ; en tout état de cause, une clause de sauvegarde figure déjà dans le règlement public d’appel d’offres et n’a pas été, en tant que telle, créée et ajoutée durant la phase de négociation, de sorte à bouleverser les conditions initiales de la mise en concurrence ; ses modalités ont simplement été précisées pour permettre une interprétation claire de sa mise en oeuvre en cas d’évènements entraînant une modification importante et non prévisible des conditions d’exploitation du réseau délégué ; la délégation ne dessert en métropole que le port de Marseille et les marchés de la desserte de la Corse depuis les ports de Toulon, Nice et Marseille, qui ne sont pas substituables contrairement à ce que prétend la requérante ;
– le moyen tiré de la méconnaissance du règlement n° 3577/92 du Conseil du 7décembre 1992 sur le cabotage maritime est inopérant dans la mesure où seules sont remises en cause les obligations de service de pointe, et non le principe du recours au procédé de la délégation de service public ; à titre subsidiaire, ce moyen ne relève pas d’obligations de service public restreignant la concurrence, mais de l’augmentation de l’offre capacitaire du délégataire ; en tout état de cause, le service de pointe tel que défini dans le cahier des charges répond réellement à un besoin de service public et c’est à bon droit que le tribunal a considéré que les dispositions du code général des collectivités territoriales autorisaient la collectivité territoriale de Corse à convenir avec le délégataire du service public de la desserte maritime entre le port de Marseille et les ports de Corse d’un service répondant à l’augmentation des besoins de desserte pendant certaines périodes de l’année, et ce, indépendamment des autres liaisons existantes distinctes du périmètre de la délégation ; la société Corsica Ferries France ne démontre pas qu’elle pourrait à elle seule répondre aux services réguliers de transport ;
– le Conseil de la concurrence n’a en aucun cas condamné la SNCM pour abus de position dominante, ni pour aucune autre violation du droit de la concurrence dans sa décision du 6 avril 2007 ; le juge apprécie les effets anticoncurrentiels d’un acte administratif de sorte qu’il ne peut apprécier si l’offre proposée est constitutive d’un abus de position dominante ;
– les paramètres sur la base desquels la compensation est calculée ont été préalablement définis de manière objective et transparente, dès lors que ladite compensation s’inscrivait dans le cadre d’une procédure de délégation de service public, que la clause de sauvegarde pouvait légalement être ajustée pendant la phase de négociation, que les conditions dans lesquelles la SNCM a établi ses recettes d’exploitation ainsi que la valeur de ses navires sont sans incidence sur la qualification de compensation d’obligations de service public de la compensation financière ;
– cette dernière ne constitue pas une aide d’Etat réglementée par les dispositions des articles 87 et suivants du Traité CE, et pour laquelle une notification préalable à la Commission aurait été nécessaire ; la compensation n’est pas excessive ; à supposer qu’elle reçoive la qualification d’aide d’Etat, elle n’est en aucun cas soumise à une obligation de notification préalable ;
– les demandes d’injonction devront, par suite, être rejetées.
Par deux mémoires, enregistrés les 2 décembre 2009 et 26 mai 2010, la société Corsica Ferries France conclut aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens et demande, en outre, à la Cour de mettre à la charge de la SNCM et de la CMN, la somme de 5 000 euros chacune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, en outre, que :
– le tribunal n’a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance du règlement du 7 décembre 1992 mais au moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 4424-18 du code général des collectivités territoriales, qui n’était pas soulevé ;
– les éléments produits révèlent la volonté très clairement exprimée par différents organes de la collectivité d’attribuer, avant même le début de la procédure d’appel d’offres, l’ensemble de la délégation de service public à la SNCM ; le Conseil de la concurrence, dans une décision en date du 27 février 2009, a relevé le comportement douteux de la collectivité lors de l’élaboration du cahier des charges ; le président de l’assemblée de Corse joue un rôle de premier ordre au sein de l’assemblée de Corse ;
– l’exception de recours parallèle invoquée par la CMN ne peut lui être opposée dès lors que ce recours parallèle dirigé contre une clause réglementaire de la convention du 7 juin 2007 et le recours pour excès de pouvoir introduit contre la délibération de l’assemblée de Corse du même jour ne concerne pas les mêmes décisions ; le recours parallèle invoqué n’est pas d’une nature différente de celui qu’elle a introduit car il s’agit dans les deux cas d’un recours pour excès de pouvoir ; en tout état de cause, le recours parallèle invoqué par la CMN n’aboutirait pas aux mêmes résultats ;
– ni la convention du 7 juin 2007 ni ses annexes ne stipulent « les tarifs du service public »; en pratique, les tarifs sont fixés unilatéralement par le délégataire dans le cadre d’une politique commerciale étrangère à toute idée de service public ; la marge de liberté relative à la fixation des tarifs du service public a un impact sur le montant de la subvention versée au délégataire ; le risque résultant de la liberté tarifaire laissée au délégataire combinée à une clause de sauvegarde illimitée des recettes s’est confirmé au cours des deux premières années d’exécution de la délégation de service public ; le délégataire a pratiqué une politique tarifaire très agressive, ce qui a entraîné la mise en oeuvre de ladite clause et engendré un surplus de subvention publique ;
– c’est à la collectivité de justifier que le maintien du service complémentaire répond à une insuffisance des services de transports passagers, et ce de manière proportionnée ; le service complémentaire est d’une nature purement commerciale, étrangère à toute idée de service public et ne répond pas à un besoin de marché non satisfait par l’initiative privée ; le service complémentaire n’est pas indispensable au service de base ;
– la décision du Conseil de la concurrence du 6 avril 2007 permet de se convaincre de la réalité des agissements anti-concurrentiels de la SNCM ; dans sa décision du 27 février 2009, ce Conseil a estimé que l’abus de position dominante était caractérisé dans le cadre du premier appel d’offres ; le comportement de la collectivité laisse perplexe sur sa volonté de retenir l’offre économiquement la plus avantageuse ;
– dans le cadre d’une délégation de service public, les quatre critères de la jurisprudence » Altmark » doivent être réunis pour conclure à l’absence d’aide d’Etat ; au cas présent, trois de ces critères ne sont pas respectés ; la CMN prétend à tort que la décision de la Commission européenne du 28 novembre 2005 concernant l’application de l’article 86§2 aux aides d’Etat sous forme de compensations de service public exonérait les autorités françaises de leur obligation de notification prévue à l’article 88§3 du Traité CE ;
– l’assemblée de Corse a adopté la délibération n° 09/246 du 26 novembre 2009 relatif à l’aménagement de la convention de délégation de service public attribuée au groupement SNCM-CNM, qui a modifié les dispositions du cahier des charges de la desserte maritime de la Corse relatives au service complémentaire et a plafonné la clause de sauvegarde illimitée des recettes prévue à l’article 7.2 de la convention ; les débats qui ont précédé cette délibération ainsi que les conclusions du rapport de la Commission Revet confirment les arguments précédemment développés.
Par un mémoire, enregistré le 28 mai 2010, la Compagnie Méridionale de Navigation conclut aux mêmes fins que son mémoire susvisé et par les mêmes motifs.
Elle fait valoir, en outre, que :
– la carence de l’initiative privée n’est plus un critère de légalité d’un service public mais devient un simple indice de l’existence d’un intérêt public à la mise en place d’un tel service ;
– les plafonds tarifaires ne sont pas les seules stipulations du contrat, lequel fait en son article 2, expressément référence à l’offre présentée par le groupement, qui doit être considérée comme partie intégrante du contrat, et qui a été soumise au contrôle de la collectivité ; dans cette offre, le délégataire précise les tarifs qu’il se propose d’appliquer aux usagers du service ;
– si par extraordinaire, la Cour en venait à considérer que la convention du 7 juin 2007 stipulant les tarifs du service public méconnaît le dernier alinéa de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, elle ne saurait en déduire l’annulation de la convention de délégation de service public ; en effet, les clauses tarifaires sont des clauses réglementaires et donc divisibles du contrat.
Par un mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 28 mai 2010, la Société Nationale Corse Méditerranée conclut aux mêmes fins que son mémoire susvisé et par les mêmes motifs.
Elle fait valoir, en outre, que :
– les nouveaux éléments invoqués par la société Corsica Ferries France ne révèlent aucun comportement effectivement inéquitable ; la société requérante n’établit pas l’existence d’un principe général d’impartialité dans le droit applicable aux procédures d’attribution des délégations de service public ;
– le code général des collectivités territoriales ne doit pas être lu comme imposant la fixation de prix qui, en fonction de l’objet de la convention, peuvent avoir vocation à évoluer rapidement en fonction du marché, de la nature des prestations ou des besoins des clients, comme c’est le cas en l’espèce ; le cahier des charges et le contenu de l’offre du délégataire, et notamment les dispositions tarifaires présentées, sont intégrés à la convention de délégation de service public ; la société requérante n’établit pas que l’assemblée de Corse ne se serait jamais prononcée sur ces tarifs en adoptant la délibération du 7 juin 2007 ; la convention a bien été transmise aux services préfectoraux ; l’argument selon lequel les tarifs du service public seraient fixés unilatéralement par les délégataires sera écarté ; en outre, les tiers au contrat ne sont pas recevables à se prévaloir d’une mauvaise exécution de celui-ci ; la société requérante n’est dès lors pas recevable à se prévaloir du prétendu non respect par le groupement du cahier des charges annexé au contrat ; elle a tenté de se préserver de la politique commerciale de la société Corsica Ferries ; sa propre politique tarifaire vise à maintenir le niveau de recettes et l’équilibre économique de la délégation de service public ;
– les missions de base et complémentaire répondent aux prescriptions posées par le règlement communautaire du 7 décembre 1992 ; il est juridiquement inutile, matériellement impossible et économiquement inenvisageable de considérer ces deux services de façon distincte ; pris isolement, le service complémentaire est en tout état de cause compatible avec ce règlement ;
– sur le respect des critères posés par la jurisprudence Altmark, les paramètres de calcul de la compensation ont été établis objectivement et de façon transparente ; aucun monopole n’est attribué au délégataire de service public ; aucune marge de manoeuvre discrétionnaire n’est octroyé au délégataire dans la fixation du prix ; les prescriptions posées par le deuxième critère de l’arrêt Altmark sont remplies ; la clause de sauvegarde qui ne joue qu’au-delà d’une variation de plus de 2 % entre les prévisions financières et les résultats constatés, ne compense les pertes du délégataire qu’à hauteur de 40 à 65 % des recettes provenant respectivement du fret et des passagers ; le délégataire assume à ses risques et périls les montants prévisionnels finalement retenus ; la troisième condition posée par la jurisprudence Altmark est incontestablement remplie ; la valeur vénale des navires a été déterminée par un expert ; en l’espèce, les négociations ont été menées à partir d’un cahier des charges particulièrement précis, rendu préalablement public et qu’il était prévu de discuter dans les mêmes conditions avec tous les candidats ; dans ces conditions, le quatrième critère posé par la jurisprudence Altmark doit être considéré comme rempli ; l’offre de la société requérante n’étant pas conforme aux prescriptions du cahier des charges et aucun autre candidat capable de fournir les services ne s’étant fait connaître, la collectivité a bien retenu le candidat présentant des prestations au moindre coût ; dès lors que la troisième condition posée par la jurisprudence » Altmark » est remplie et que les coûts occasionnés par la gestion du service public sont donc identifiés, aucune obligation de notification n’est imposée à peine d’illégalité.
Par un mémoire, enregistré le 30 juillet 2010, la collectivité territoriale de Corse et l’office des transports de la Corse concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures et par les mêmes motifs.
Ils font valoir, en outre, que :
– la pratique du tarif maximum n’est pas illégale ;
– le projet de révision du service complémentaire est postérieur à la décision attaquée et sans incidence sur cette dernière ; il en est de même du rapport Revet ;
– des déclarations postérieures ne peuvent suffire à démontrer que les conditions posées par la jurisprudence ne seraient pas remplies, ni que la délibération serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 30 juillet 2010, la société Corsica Ferries France conclut, par les mêmes moyens, aux mêmes fins que la requête et ses mémoires susvisés.
Elle soutient, en outre, que :
– la fixation de simples plafonds ne saurait être regardée comme respectant les dispositions de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ;
– le service complémentaire est incompatible avec le règlement communautaire du 7 décembre 1992 ; la collectivité a commis une erreur manifeste d’appréciation en maintenant un service complémentaire ne répondant pas à un besoin réel et actuel de desserte maritime et en maintenant un service complémentaire censé absorber un pic de trafic, tout en allouant à ce titre une subvention publique de 35 millions d’euros ; il est tout à fait possible d’opérer une distinction entre le service de base et le service complémentaire ; la SNCM reconnaît que les offres de transport aux départs de Marseille et de Toulon sont en concurrence, que le délégataire de service public doit prendre en comp