Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 16 avril 2013, 10-14.881, Publié au bulletin

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 16 avril 2013, 10-14.881, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 23 février 2010), que la société VFE-commerce est une filiale de la Société nationale des chemins de fer français (la SNCF) qui détient la société Voyages-sncf.com (la société VSC), laquelle exploite le site internet « voyages-sncf.com », initialement dédié à l’information, la réservation et la vente en ligne de prestations ferroviaires de la SNCF ; qu’en septembre 2001, la société VFE-commerce a conclu plusieurs accords avec la société de droit américain Expedia Inc. (la société Expedia), spécialisée dans la vente de voyages en ligne, en vue de développer une activité d’agence de voyages sur internet ; que les deux sociétés ont créé une filiale commune, la société GL Expedia, dont les offres de produits de voyages, autres que ferroviaires, ont été proposées sur le site « voyages-sncf.com », transformé à cet effet ; qu’en 2004, la société GL Expedia a changé de dénomination, devenant l’Agence Voyages-sncf.com (l’Agence VSC) ; qu’à la suite de plaintes d’entreprises concurrentes, le Conseil de la concurrence, devenu l’Autorité de la concurrence, a, par décision n° 09-D-06 du 5 février 2009, dit notamment que la SNCF et la société Expedia avaient mis en oeuvre une entente anticoncurrentielle, prohibée par les articles L. 420-1 du code de commerce et 81 CE, devenu 101 du TFUE, et leur a infligé des sanctions pécuniaires ; que la cour d’appel a rejeté le recours formé par la société Expedia ; que, par arrêt du 10 mai 2011, la Cour de cassation a sursis à statuer sur le pourvoi de cette société et a interrogé à titre préjudiciel la Cour de justice de l’Union européenne (la CJUE) ;

Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa première branche, réunis :

Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Expedia fait grief à l’arrêt du rejet de son recours, alors, selon le moyen :

1°/ que si la création par des entreprises mêmes en position dominante d’une filiale commune peut avoir des effets restrictifs sur le marché, l’existence de cette filiale commune ne saurait, à elle seule, conférer à l’entente son caractère illicite ; que les accords d’exclusivité conclus entre deux entreprises mêmes en position dominante ne sont pas nécessairement anticoncurrentiels ; qu’en se bornant à retenir que les accords d’exclusivité régularisés entre la SNCF et la société Expedia contrevenaient aux articles L. 420-1 du code de commerce et 81 du traité CE, dans la mesure où ils avaient été conclus entre deux opérateurs puissants et que la filiale commune a eu des avantages liées au monopole de la SNCF dont ses concurrentes étaient exclues, la cour d’appel qui a statué par des motifs impropres à établir le caractère anticoncurrentiel des conventions en cause, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

2°/ qu’un engagement d’exclusivité ne constitue pas une barrière à l’entrée et n’est donc pas anticoncurrentiel lorsque les opérateurs concurrents disposent de solutions alternatives pour se développer ; qu’en décidant que le caractère anticoncurrentiel des conventions en cause était établi tout en constatant que l’accès au site Voyages-sncf.com n’était pas incontournable pour accéder aux clients de la SNCF et que plusieurs concurrents de l’Agence VSC avait pu se développer pendant la même période, ce dont il résultait qu’il existait en l’espèce des solutions alternatives pour accéder au marché des voyages en ligne, la la cour d’appel a violé les articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

3°/ que la création d’une filiale commune n’est pas en elle-même anticoncurrentielle ; qu’en affirmant qu’il suffit que la filiale commune créée entre la SNCF et Expédia « ait bénéficié de revenus publicitaires qui étaient générés par la clientèle de l’activité de monopole (de la SNCF) et non par la sienne propre pour caractériser le caractère anticoncurrentiel de l’entente », la cour d’appel a violé de plus fort les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

4°/ qu’en reprochant à la société Expédia d’avoir sciemment profité par le biais du partenariat conclu avec la SNCF des avantages liés au monopole de la SNCF en bénéficiant de le clientèle générée par la distribution de billets par internet, tout en constatant que si la SNCF dispose d’un monopole légal sur le marché connexe transport ferroviaire de voyageurs, elle ne bénéficie que d’une position dominante dont elle a abusé sur celui de la distribution des billets de trains, ce dont il résulte que l’afflux de clientèle sur le site sncf.com pour acquérir des billets de trains n’est pas lié au monopole légal de la SNCF dont la société Expédia aurait profité, mais à des abus de position dominante de la SNCF auxquels ses partenaires étaient étrangers, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé par fausse application les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, et par refus d’application les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ;

5°/ qu’en considérant que le Conseil de la concurrence avait exactement retenu, pour caractériser l’entente, que la mise à disposition même non gratuite de la marque Voyages-sncf.com constituait un avantage anticoncurrentiel dans la mesure où la filiale commune avait pu profiter de l’image de marque positive de la SNCF, tout en refusant expressément de vérifier si la mise à disposition des signes distinctifs « Voyages-sncf.com » au profit de l’agence VSC était également de nature à fausser la concurrence sur le marché des services d’agence de voyages de loisir, la cour d’appel a violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

6°/ qu’en affirmant, pour dire que les accords de partenariat conclus par le groupe Expédia avec la SNCF étaient anticoncurrentiels, que l’activité d’agence de voyage en ligne était une activité émergente après avoir constaté que la société Expédia était déjà leader mondial de la vente de voyages par internet et que ce partenariat n’avait pas empêché plusieurs concurrents bénéficiant d’une antériorité sur ce marché de se développer, ce qui suffit à démontrer que l’activité de la filiale commune ne pouvait pas être regardée comme émergente, la cour d’appel a violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

7°/ que la charge de la preuve des effets d’une entente incombe à la partie poursuivante ou à l’autorité qui l’allègue ; qu’en affirmant que la société Expédia est mal fondée à prétendre que les avantages que l’agence VSC a tirées de la situation de monopole de la SNCF n’ont pas pu perturber le marché sur lequel la filiale commune est active compte tenu de la progression sur le marché de ses concurrents enregistrée sur la même période, dans la mesure où rien ne permet de dire que la croissance du nouvel entrant aurait été aussi forte au détriment de ses concurrents s’il n’y avait pas eu l’appui de la SNCF, quand il appartenait au juge de vérifier que les accords en cause avaient fait obstacles à l’entrée de nouveaux opérateurs ou au développement des acteurs existants, la cour d’appel qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

8°/ qu’en affirmant que les accords de partenariat conclus entre la SNCF et la société Expedia avaient eu pour objet de fausser la concurrence par les mérites sur le marché des services d’agence de voyages de loisirs, sans démontrer que l’accord avait été conclu à des fins anticoncurrentielles ni préciser en quoi les modalités du partenariat seraient en elles mêmes anticoncurrentielles, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

Mais attendu que l’arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que le partenariat mis en place consistait à réunir au sein du même site Web, d’un côté le canal de distribution de billets de train sur internet géré par la société VSC, et de l’autre, une agence de voyages exploitée par la filiale commune, l’Agence VSC ; qu’il relève que la SNCF, opérateur historique bénéficiant d’un monopole légal sur le transport ferroviaire de voyageurs, s’était engagée à effectuer la commercialisation en ligne de ses billets exclusivement sur le site « voyages-sncf.com », de sorte que ce site accueillait, en mai 2006, 9,3 millions de visiteurs, soit un quart des internautes français, ce qu’aucun autre site en France ne permettait ; qu’il observe qu’ainsi les accords étaient destinés à faire profiter la filiale commune, outre de la publicité, de l’efficacité commerciale et de la réputation de qualité de la SNCF, du passage de la clientèle en ligne de cette dernière, ce qui lui conférait un avantage déterminant sur le marché émergent des agences de voyages en ligne ; qu’il en déduit qu’un tel accord, consistant à prendre appui sur un monopole légal pour développer une activité sur un marché concurrentiel connexe, a un objet anticoncurrentiel ; qu’en l’état de ces motifs, d’où il ressort que, par leur nature même, ces accords étaient nuisibles au jeu normal de la concurrence sur le marché émergent des agences de voyages en ligne, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les troisième et cinquième branches, la cour d’appel, qui n’avait pas à tenir compte des abus de position dominante également reprochés à la SNCF, étrangers à la restriction par objet qu’elle constatait, ni du fait que d’autres opérateurs étaient également présents sur ce marché, ce qui n’ôte pas à ce dernier la caractéristique de marché émergent et n’affecte que l’appréciation des effets de l’entente et du dommage à l’économie, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en ses troisième et cinquième branches, n’est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses cinq dernières branches :

Attendu que la société Expedia fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que même en l’absence de disposition imposant formellement un seuil de sensibilité pour l’application de l’article L. 420-1 du code de commerce, il appartient aux juridictions saisies de vérifier, dans chaque cas d’espèce, si l’effet potentiel ou avéré des pratiques incriminées est de nature à restreindre de manière sensible le jeu de la concurrence sur le marché concerné ; qu’en décidant au contraire que l’Autorité de la concurrence peut poursuivre toute entente sans avoir à tenir compte d’un seuil de sensibilité en dessous duquel la pratique anticoncurrentielle n’est pourtant jamais établie, la cour d’appel a violé les articles L. 420-1 et L. 464-6-1 du code de commerce ;

2°/ que les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce doivent être interprétées en se référant à l’interprétation donnée en droit communautaire à l’article 101 du traité ce qui exclut toute interdiction d’un accord n’ayant qu’une portée limitée dans le marché pertinent considéré et ne pouvant porter atteinte de façon sensible au jeu de la concurrence ; qu’en considérant au contraire que l’Autorité française de la concurrence n’était pas liée par la définition communautaire du seuil de sensibilité, reprise en droit français à l’article L. 464-6-1 du code de commerce, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

3°/ que l’application du droit national de la concurrence ne peut pas entraîner l’interdiction d’ententes susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres mais qui n’ont pas pour effet de restreindre la concurrence au sens de l’article 101 § 1 du traité ou qui satisfont aux conditions d’une exemption ; qu’en décidant que l’Autorité française de la concurrence pouvait librement décider de sanctionner une entente sur le double fondement du droit français et du droit communautaire, sans tenir compte des seuils de sensibilité existants en droit communautaire ou encore lorsque les conditions d’une exemption sont réunies, la cour d’appel a violé les articles 101 du TFUE, 3 § 2 du règlement communautaire n° 1/2003, L. 420-1 et L. 464-6-1 du code de commerce ;

4°/ que les accords d’importance mineure échappent, par principe, à l’interdiction des ententes de l’article L. 420-1 du code de commerce ; qu’en affirmant que l’Autorité de la concurrence pouvait toujours poursuivre une entente d’importance mineure même si les critères permettant une exemption son réunies, la cour d’appel a violé de plus fort les articles L. 420-1, L. 420-4 et L. 464-6-1 du code de commerce ;

5°/ que la constatation d’un effet sensible des accords prohibés sur le commerce entre Etats membres est une condition d’application nécessaire de l’article 101 § 1 du TFUE ; qu’une juridiction nationale ne peut jamais appliquer la disposition susvisée sans établir au préalable qu’un dépassement du seuil de sensibilité, au-delà duquel l’article 101 § 1 du TFUE est applicable, est démontré ; qu’en affirmant au contraire que les autorités françaises de concurrence pouvaient librement décider de poursuivre sur le fondement de l’article 81 § 1 du traité, devenu 101 du TFUE toute entente, y compris celle ne restreignant pas sensiblement le commerce entre Etats membres au sens du traité, sans avoir à se justifier par rapport aux parts de marchés détenues par les entreprises parties à l’accord, la cour d’appel a violé l’article 101 du TFUE, ensemble les articles 3 § 2 et 6 du règlement n° 1/2003 ;

Mais attendu que, par arrêt du 13 décembre 2012 (affaire C-226/11), la CJUE a dit pour droit que les articles 101, paragraphe 1, du TFUE et 3, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 CE et 82 CE , doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’une autorité nationale de concurrence applique l’article 101, paragraphe 1, du TFUE à un accord entre entreprises qui est susceptible d’affecter le commerce entre États membres, mais qui n’atteint pas les seuils fixés par la Commission européenne dans sa communication concernant les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe , CE (de minimis), pourvu que cet accord constitue une restriction sensible de la concurrence au sens de cette disposition ; que la CJUE a rappelé qu’au sens de l’article 101, paragraphe 1, du TFUE, un accord susceptible d’affecter le commerce entre Etats membres et ayant un objet anticoncurrentiel constitue, par sa nature et indépendamment de tout effet concret de celui-ci, une restriction sensible du jeu de la concurrence ; que l’arrêt, après avoir exactement énoncé que l’article L. 464-6-1 du code de commerce confère à l’Autorité de la concurrence une simple faculté dont elle est libre de ne pas user, retient que les accords en cause sont susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres et qu’ils ont un objet anticoncurrentiel ; qu’ayant ainsi fait ressortir que le partenariat mis en place par la SNCF et la société Expedia constituait une restriction sensible de la concurrence au sens des articles 101 paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, la cour d’appel a statué à bon droit ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que la société Expedia fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que le dommage à l’économie ne peut pas être présumé ; qu’en affirmant pour caractériser ce dommage qu’il est indéniable que les avantages concurrentiels caractérisés plus haut ont fait bénéficier l’ensemble de l’activité de l’agence VSC et à travers elle la société Expédia du surplus de revenus au détriment de leurs concurrents exclus des mêmes avantages, entraînant par là même une perturbation du marché des agences de voyages de loisir et un dommage à l’économie que le Conseil de la concurrence n’était pas tenu de chiffrer précisément, la cour d’appel qui a présumé de l’existence du dommage à partir de la seule constatation des éléments constitutifs de l’infraction, a violé l’article L. 464-2 du code de commerce ;

2°/ que l’appréciation de la gravité d’une entente suppose de procéder à une analyse concrète tenant compte notamment non seulement des facteurs d’aggravation, mais aussi d’atténuation de la pratique incriminée ; qu’ainsi la gravité d’une entente ne saurait se déduire de la seule position occupée par les entreprises intéressées sur le marché en cause ; qu’en se bornant à affirmer que la SNCF bénéficiait d’un monopole légal tandis que la société Expédia occupe une position de leader mondial de la vente des voyages en ligne, la cour d’appel qui a statué par des motifs impropres à établir la gravité certaine de l’entente, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 464-2 du code de commerce ;

3°/ qu’en affirmant, pour dire que l’entente était d’une gravité certaine, que l’entente avait « affecté le segment de marché émergent de la vente de voyages en ligne » tout en constatant que les concurrents avaient néanmoins connu une croissance soutenue pendant la période considérée, ce dont il résultait que l’entente n’avait pas eu pour effet d’empêcher les entreprises concurrentes de se développer sur ce marché prétendument émergent, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l’article L. 464- 2 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’en ce qui concerne le dommage à l’économie, l’arrêt, par motifs propres et adoptés, retient que l’entente a duré plus de six ans et qu’elle a affecté un marché dont le chiffre d’affaires, constitué de commissions, a évolué de 278 millions d’euros en 2002 à 341,8 millions d’euros en 2007 et sur lequel le site « voyages-sncf.com » est passé d’une part de marché d’environ 5 % en 2002 à plus de 20 % en 2007 ; qu’il ajoute que c’est toute l’activité du site de l’Agence VSC qui a bénéficié du surplus de revenus liés à l’entente anticoncurrentielle, au détriment de ses concurrents, et que la perturbation du marché qui en est résultée suffit à caractériser un dommage à l’économie que le Conseil de la concurrence n’était pas tenu de chiffrer précisément ; qu’en l’état de ces motifs, d’où il ressort que la cour d’appel a apprécié le dommage à l’économie en se fondant sur la durée de la pratique et la part du marché pertinent qui avait été affectée par celle-ci, l’arrêt n’encourt pas le grief de la première branche ;

Et attendu, en second lieu, que pour apprécier la gravité de la pratique, l’arrêt retient que l’entente a été mise en oeuvre par une entreprise disposant d’un monopole légal, qu’elle a utilisé pour fausser la concurrence par les mérites, et par un groupe américain occupant une position de leader mondial de la vente de voyages en ligne, qu’elle a affecté le marché émergent de la vente de voyages en ligne et qu’elle a duré plus de six années mais qu’il existe toutefois un facteur d’atténuation résultant du fait que les concurrents ont quand même connu une croissance soutenue au cours des années considérées ; qu’en l’état de ces motifs, et dès lors que le fait que les concurrents connaissent une croissance soutenue ne permet pas de conclure à l’absence d’effet de la pratique, la cour d’appel, qui a procédé à une appréciation prenant en compte les circonstances aggravantes et atténuantes du dossier, a légalement justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Expedia Inc. aux dépens, à l’exception de ceux exposés devant la Cour de justice de l’Union européenne qui resteront à la charge du Trésor public ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 2 500 euros à l’Autorité de la concurrence et rejette sa demande ;

Vu l’article R. 470-2 du code de commerce, dit que sur les diligences du directeur de greffe de la Cour de cassation, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec avis de réception, à la Commission européenne, à l’Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l’économie et des finances ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize avril deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Expedia Inc.

PREMIER MOYEN DE CASSATION (notification des griefs)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté le recours de la société Expédia contre la décision n° 09-D-06 rendu e le 5 février 2009 par le Conseil de la concurrence et d’avoir, en conséquence, rejeté toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE sur la régularité de la décision au regard de la notification de griefs, la société Expedia, sanctionnée uniquement au titre d’une entente anticoncurrentielle avec la S.NC.F « reproche au Conseil de s’être fondé sur des griefs non contenus dans la notification de griefs, et de ce fait d’avoir méconnu les garanties fondamentales de la procédure et en particulier le principe de la contradiction; qu’elle estime que cela doit conduire la cour à annuler les articles 2 et 5 de la décision peu important que les pratiques retenues aient été dénoncées au stade du rapport et que les parties s’en soient expliquées à ce stade tardif ; que le respect des principes fondamentaux de la procédure, inscrits dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et rappelés à l’article L 463-1 du Code de commerce, impose que la notification des griefs visée par l’article L.463-2 du même code informe précisément les entreprises poursuivies des pratiques reprochées; qu’ainsi elle doit contenir un exposé des griefs libellé dans des termes suffisamment clairs, fussent-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par l’Autorité de concurrence et de se défendre; que le Conseil ne saurait, en l’absence d’une notification de griefs complémentaire, sanctionner une pratique qui n’a pas été visée dans la notification des griefs, même si elle a été dénoncée ensuite dans le rapport et que les parties s’en sont expliquées devant lui; qu’à l’inverse le principe de la contradiction et les droits de la défense sont respectés lorsque la décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans les notifications de griefs et ne retient que des faits sur lesquels ils ont eu l’occasion de s’expliquer ; qu’en l’espèce, la société Expedia soutient qu’ont été retenues contre elle deux pratiques non contenues dans la notification de griefs, à savoir: 1° l’utilisation du site voyages-sncf.com pour faire profiter L’Agence VSC du passage de la clientèle de la S.N.C.F., 2° le fait même de la mise à disposition de la mar que voyages-sncf.corn et de l’image de marque de la S.N.C.F. y associée; que le grief unique notifié à la société Expedia est résumé au terme d’un document de 75 pages, comme constitutif d’une « entente verticale consistant en un accord de distribution exclusive accordant des avantages au groupe Expedia au détriment de ses concurrents depuis 2001 ; que le corps de la notification de griefs (spécialement pages 54 à 59) apporte des précisions sur la matérialité de l’entente reprochée, d’abord en rappelant les différents accords de partenariat conclus entre les deux entreprises, puis en énumérant certains avantages spécifiques qui en découlent pour la filiale commune au détriment de la concurrence; que ce document évoque ensuite la modification des accords en 2004 pour permettre à la société Expedia de créer un autre site d’agence de voyages en ligne, mais laissant néanmoins subsister les avantages consentis par la S.N.C.F. comme ceux résultant de ce que la filiale de la SNCF, la société GL Ecommerce, a conservé la distribution exclusive des billets de train en ligne pour le compte de la S.N.C.F. et s’est engagée «à réaliser la distribution en ligne au détail des billets de train ( ) pour son compte pour le marché français exclusivement via voyages-sncf.com ( ) tant que les parties demeureront associées »; qu’enfin en page 74 de la notification de griefs il est reproché aux accords conclus entre la S.N.C.F. et la société Expedia de constituer une pratique prohibée par l’article L 420-1 du Code de commerce comme ayant un objet ou un effet anticoncurrentiel ; qu’il ressort clairement de la lecture de la notification de griefs que le grief d’entente repose sur les contrats conclus entre les sociétés du groupe S.N.C.F. et la société Expedia et que les pratiques spécialement dénoncées font partie de ce cadre contractuel ; qu’il ne peut pas en être fait abstraction pour apprécier si le Conseil s’est fondé sur des éléments non contenus dans la notification de griefs, comme tente de le faire la société Expedia en analysant isolément les uns des autres les avantages critiqués par la notification de griefs ; qu’ainsi sur le premier point, et contrairement à ce qu’affirme la société Expedia, dès la notification de griefs il était bien fait le reproche aux sociétés S.N.C.F. et Expedia de s’être entendues, au travers de leurs accords et des comportements dénoncés, pour faire profiter la société GL Expedia, ensuite dénommée L’Agence VSC, du passage de la clientèle de la SNCF sur le site Internet commun ; qu’en effet, sont bien rappelées les clauses des contrats prévoyant la mise en commun de la base de clientèle de la société VSC au profit des sociétés du groupe Expedia ; que de plus par exemple en page 58 de la notification de griefs il est soutenu qu’ il y a bien eu une politique commune d’envoi d’une newsletter sans distinction des produits ferroviaires ou non, et utilisation par la société GL Expedia du fichier clients de la SNCF ce qui a conféré au groupe Expedia un avantage par rapport à ses concurrents »; que les news Ietters communes, la mise à disposition de la société GL Expedia de la base de clientèle de la société VSC, l’engagement maintenu de la société GL E-COMMERCE de passer exclusivement par le site « voyages-sncf. com » pour ses ventes directes au détail des billets de trains, ne sont que différentes composantes du même avantage découlant de la réunion sur le même site des activités de la société VSC et de la filiale commune ; que s’agissant du second point relatif à la mise à disposition de la marque voyages-sncf.com et de l’image de marque de la S.N.C.F. y associée, peu importe que le Conseil de la concurrence, à la suite du rapporteur, ait retenu au titre des pratiques reprochées la mise à disposition et non plus sa gratuité, puisque ce faisant le Conseil n’ a pas reproché aux deux sociétés en cause des infractions nouvelles, et n’a pas retenu des faits autres que ceux sur lesquels elles se sont expliquées ; que la formulation des pratiques considérées comme anticoncurrentielles figurant dans la décision du Conseil de la concurrence d’une façon légèrement différente de celle de la notification de griefs est le résultat du débat contradictoire ouvert par celle-ci ; que cette formulation n’a pas modifié le champ des pratiques dénoncées par la notification de griefs et ne constitue pas une nouvelle accusation dans la mesure où elle s’appuie sur des stipulations contractuelles et des comportements déjà visés ; que par conséquent l’atteinte aux droits de la défense alléguée n’est pas établie ; que la demande d’annulation de la décision du Conseil de ce chef est mal fondée ;

1°) ALORS QUE toute entreprise mise en cause devant le Conseil de la concurrence doit être informée, dans le plus court délai et d’une manière détaillée de la nature et de la cause de l’accusation portée contre elle afin qu’elle puisse se défendre utilement ; qu’une notification des griefs constitue un acte juridique d’une telle importance qu’elle doit répondre à des conditions de forme et de fond propres à garantir l’exercice effectif des droits de l’accusée ; que l’Autorité de la concurrence ne peut donc se fonder que sur les faits et les qualifications précisément analysés par une notification des griefs initiale ou complémentaire : qu’en refusant d’annuler la décision déférée après avoir admis que contrairement à la notification des griefs, le Conseil de la concurrence n’avait pas reproché à la société Expédia la gratuité de la mise à disposition de la marque voyage-sncf.com et de l’image de marque de la SNCF puisqu’il a reconnu au contraire que cette mise à disposition n’avait pas été gratuite, mais la mise à disposition elle-même de cette marque ou encore que la formulation des pratiques considérées comme anticoncurrentielles par le Conseil de la concurrence et reprochées à la société Expédia, était effectivement « légèrement différente » de celle de la notification des griefs, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 6 §3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article L 463-2 du Code de commerce ;

2°) ALORS QUE toute personne mise en cause devant le Conseil de la concurrence doit être informée d’une manière détaillée de la nature et de la cause de l’accusation portée contre elle afin qu’elle puisse se défendre utilement ; qu’ainsi une autorité de concurrence ne respecte pas les droits de la défense d’une entreprise lorsqu’elle retient, à son encontre un grief fondé sur des éléments de fait, qui même s’ils étaient mentionnés à divers points de sa communication des griefs, étaient, pris dans leur ensemble, insuffisamment précis quant à leur portée et leur qualification, pour permettre à l’intéressée d’apprécier par avance la teneur exacte du grief retenu ; qu’en considérant que les droits de la défense avaient été respectés dans la mesure où le reproche fait par le Conseil de la concurrence à la société Expédia de s’être entendue avec la SNCF aux travers de leurs accords et des comportements dénoncés pour faire profiter l’agence VSC du passage de la clientèle de la SNCF sur le site internet commun était inclus dans le grief unique d’entente verticale résumé en 75 pages et reposait sur les contrats et des éléments de fait épars contenus dans la notification des griefs, la cour d’appel a violé l’article 6 §3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article L 463-2 du Code de commerce ;

3°) ALORS QUE l’Autorité de la concurrence ne peut pas retenir des qualifications juridiques différentes de celles visées par une notification des griefs initiale ou complémentaire ; qu’en considérant que le Conseil de la concurrence avait pu valablement décider qu’il est établi que la SNCF et la société Expédia Inc ont enfreint les dispositions de l’article L 420-1 du Code de commerce et de l’article 81 du traité CE, après avoir constaté que la notification des griefs reprochait « aux accords conclus entre le SNCF et la société Expédia de constituer une pratique prohibée par l’article L 420-1 du Code de commerce comme ayant un objet ou un effet anticoncurrentiel », ce dont il résultait que l’article 81 du traité CE qui n’avait pas été visé par la notification des griefs ne pouvait pas justifier la condamnation prononcée, la cour d’appel a violé de plus fort l’article 6 §3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article L 463-2 du Code de commerce.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (seuil de sensibilité en droit français et en droit communautaire)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté le recours de la société Expédia contre la décision n° 09-D-06 rendu e le 5 février 2009 par le Conseil de la concurrence et d’avoir, en conséquence rejeté toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE sur la demande d’annulation fondée sur le caractère minime des conséquences des pratiques reprochées, la société Expedia reproche ensuite au Conseil de la concurrence d’avoir écarté le caractère minime de la pratique d’entente alléguée, et cela au prix d’une surestimation des parts de marché de L’Agence VSC sur le marché des services d’agences de voyages de loisirs; que selon elle le Conseil n’aurait pas dû retenir la part de marché réalisée au moyen de l’ensemble du site « voyages-sncf.com », mais distinguer la part de chacun des deux opérateurs y intervenant d’une part la société VSC avec la vente de billets S.N.CF, (80% du volume d’affaires réalisé par le biais du site) et d’autre part L’Agence VSC qui seule offre des prestations d’agence de voyages; qu’elle demande à la Cour de consta


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