Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mai et 1er août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association Radio Enghien IDFM demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 janvier 2013 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a rejeté sa candidature en vue de l’exploitation, sous la dénomination IDFM, d’un service de radio multiplexe diffusé par voie hertzienne terrestre numérique à temps complet sur la zone de Paris ;
2°) qu’il soit enjoint au CSA de se prononcer à nouveau sur sa candidature dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge du CSA le versement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens, notamment la contribution pour l’aide juridique, au titre de l’article R. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d’Etat,
– les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 février 2015, présentée pour l’Association Radio Enghien IDFM ;
1. Considérant que l’Association Radio Enghien IDFM demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 15 janvier 2013 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a rejeté sa candidature en vue de l’exploitation, sous la dénomination » IDFM « , d’un service de radio multiplexe diffusé par voie hertzienne terrestre numérique à temps complet sur la zone de Paris ainsi que le réexamen par le CSA de sa candidature ;
Sur la légalité externe :
2. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des termes mêmes de la lettre du 7 mars 2013 du directeur général du CSA adressée à l’association Radio Enghien IDFM, que la décision de rejet de la candidature de cette dernière a été prise par l’assemblée plénière du CSA le 15 janvier 2013 ; que, par cette lettre du 7 mars 2013, le directeur général du CSA s’est ainsi borné à notifier à l’association requérante une décision dont il n’était pas l’auteur ; que le moyen tiré de ce que la décision de rejet de la candidature de l’association requérante serait entachée d’incompétence au motif qu’elle aurait été prise par le directeur général du CSA ne peut, par suite, qu’être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que si, dans le cadre d’une contestation de la décision du CSA d’interrompre provisoirement l’appel à candidature initial pour tenir compte de nouvelles circonstances de fait intervenues entretemps, le juge des référés du Conseil d’Etat a relevé, dans une ordonnance du 29 mars 2012, que le CSA s’engageait à procéder sans tarder à un nouvel appel à candidatures devant permettre de délivrer des autorisations d’émettre avant la fin de l’année 2012, la circonstance que les décisions du CSA sur ces candidatures ne sont intervenues qu’au mois de janvier 2013 n’est pas de nature à en affecter la légalité ;
4. Considérant, en troisième lieu, que la décision attaquée rappelle les termes de l’article 29-1 de la loi du 30 septembre 1986 et précise les éléments de fait au vu desquels le programme proposé par l’association requérante a été regardé comme répondant dans une moindre mesure aux attentes du public de la zone que celui du service Evasion auquel il a été délivré une autorisation ; que le moyen tiré de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée, en méconnaissance de l’article 32 de la loi du 30 septembre 1986, n’est, dès lors, pas fondé ;
5. Considérant, enfin, que la circonstance qu’une décision de refus soit notifiée au-delà du délai d’un mois après la publication au Journal officiel des autorisations délivrées, prévu à l’article 32 de la loi du 30 octobre 1986, est sans incidence sur la légalité de cette décision ; que, par suite, l’association requérante ne peut utilement invoquer la circonstance que la décision du CSA du 15 janvier 2013 rejetant sa candidature pour l’attribution d’une autorisation dans la zone de Paris lui a été notifiée le 7 mars suivant alors que les autorisations délivrées pour la même zone ont été publiées le 5 février 2013 ;
Sur la légalité interne :
6. Considérant que, pour accorder à des éditeurs de services des autorisations d’usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre en mode numérique sur le fondement du II de l’article 29-1 de la loi du 30 septembre 1986, le CSA doit apprécier l’intérêt de chaque projet au regard des impératifs prioritaires mentionnés à l’article 29, c’est-à-dire la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversification des opérateurs et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence, et au regard des critères mentionnés aux 1° à 5° du même article ;
7. Considérant, en premier lieu, que si la requérante invoque à l’appui de ses conclusions d’annulation les dispositions de l’article 29 de la loi du 30 septembre 1986 aux termes desquelles : » Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille, sur l’ensemble du territoire, à ce qu’une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité … », ces dispositions ne sont pas au nombre de celles que le II de l’article 29-1, mentionné au point 6 ci-dessus, rend applicables à la procédure de délivrance des autorisations de diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre en mode numérique (RNT) aux éditeurs de services de radio ; que les moyens de la requête tirés de la méconnaissance de ces dispositions doivent, par suite, être écartés ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que pour rejeter la candidature de l’association Radio Enghien IDFM, le CSA s’est fondé sur ce que la programmation généraliste de cette dernière, orientée vers une partie de la zone, le Val d’Oise, était déjà partiellement représentée notamment par le service Evasion autorisé, radio régionale dont la programmation est orientée vers la grande couronne francilienne et qui s’adresse à un public familial et propose un programme musical généraliste composé de musique et de chroniques, dont deux chroniques quotidiennes concernant l’emploi et la formation ; qu’alors même que, comme le soutient l’association requérante, ces deux programmes ne sont pas identiques et que celui qu’elle proposait, historiquement lié au Val d’Oise, avait vocation à dépasser le cadre de ce seul département, le CSA n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que ces programmes visaient des publics pour partie similaires et que le programme proposé par Evasion, conçu pour s’adresser à l’ensemble du territoire de la région Ile de France, était susceptible de mieux répondre aux attentes du public à l’échelle de celle-ci ;
9. Considérant, enfin, qu’il appartient au CSA, lorsqu’il statue sur l’attribution des autorisations d’exploiter des services radiophoniques, d’apprécier l’intérêt de chaque projet pour le public au regard de l’impératif de la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels ; que lorsque ces projets présentent un intérêt équivalent pour le public, il peut se déterminer en prenant en compte la nécessité d’assurer la diversification des opérateurs ; qu’ainsi qu’il vient d’être dit, le CSA a pu, sans erreur d’appréciation, retenir que le programme Evasion présentait un intérêt supérieur à celui d’IDFM pour le public de la zone ; que, dans ces conditions, la circonstance que l’éditeur du service de radio » Evasion » édite un autre service de radio n’est pas, à elle seule, de nature à établir que le CSA aurait méconnu l’impératif de diversification des opérateurs ;
10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le CSA, que la requête de l’association Radio Enghien IDFM doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d’injonction et ses conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
————–
Article 1er : La requête de l’association Radio Enghien IDFM est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’association Radio Enghien IDFM et au Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Copie en sera adressée, pour information, à la ministre de la culture et de la communication.
ECLI:FR:CESJS:2015:368383.20150316