Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 27 janvier 2021, 18-21.290, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 27 janvier 2021, 18-21.290, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 27 janvier 2021

Rejet

Mme DARBOIS, conseiller le plus

ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 73 F-D

Pourvoi n° P 18-21.290

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 JANVIER 2021

1°/ M. E… P…, domicilié […] ,

2°/ Mme I… V…, domiciliée […] ,

ont formé le pourvoi n° P 18-21.290 contre l’arrêt rendu le 20 septembre 2017 par la cour d’appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Caveau de Castelnau, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

2°/ à la société Global expo France, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme V…, de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de la société Caveau de Castelnau, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Global expo France, après débats en l’audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. P… du désistement de son pourvoi.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 20 septembre 2017), la société Anim’mode production, dirigée par Mme V…, exploitait, comme la société Global expo France (la société Global), une activité d’organisation de salons, foires et manifestations événementielles dans la région Grand Est.

3. À la suite de la mise en liquidation judiciaire de la société Anim’mode production le 31 mai 2011, M. P… a, à partir du 6 juin 2011, commencé à exploiter, sous l’enseigne AM production, une activité identique à celle de cette société et a, dix jours plus tard, embauché Mme V… en qualité d’animatrice.

4. Soutenant que celui-ci exploitait en réalité l’activité de la société liquidée et se livrait à des actes de concurrence déloyale à son encontre, la société Global l’a assigné en paiement de dommages-intérêts, ainsi que Mme V… et la société Caveau de Castelnau, cette dernière pour après avoir donné en location à la société Anim’mode production un local en vue de l’organisation d’un salon du mariage les 5 et 6 novembre 2011 et l’avoir mis aux mêmes dates à la disposition de M. P….

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Mme V… fait grief à l’arrêt de la condamner solidairement avec M. P… à payer à la société Global une certaine somme au titre de son préjudice moral, alors :

« 1°/ que la concurrence déloyale est caractérisée par l’existence de manoeuvres déloyales et par la constatation que ces manoeuvres ont créé un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle entre l’auteur des manoeuvres et l’entreprise concurrente victime de la confusion ; qu’en se bornant à relever, pour retenir l’existence d’actes de concurrence déloyale de la part de Mme V… à l’égard de la société Global expo France, la similitude patente des noms entre l’entreprise AM production et la société Anim mode production, quelques jours après la liquidation de cette dernière société, l’envoi d’un courrier aux commerçants champenois le 23 juin 2011 entretenant l’idée d’une continuité directe entre la société liquidée et l’entreprise AM production, le fait que l’entreprise AM production se présentait sur la page Internet de la société Anim mode production comme étant créée en 1989 et utilisait la même adresse IP, et le constat que les informations transmises par l’entreprise AM production généraient une confusion destinée à accréditer l’idée d’une reprise de l’activité de la société Anim mode production, sans expliquer en quoi cette confusion entre l’entreprise AM production, créée en juin 2011 et ayant cessé son activité en octobre 2011, et la société Anim mode production, société liquidée, constituait un comportement déloyal à l’égard de la société Global expo France, société créée en 2007 et réalisant en 2010 un chiffre d’affaires de 377 831 euros, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, devenu l’article 1240 du code civil ;

2°/ que le parasitisme consiste, pour un acteur économique, à se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements indépendamment de tout risque de confusion ; qu’en relevant, que Mme V…, ancienne gérante de la société liquidée Anim mode production, avait transmis à l’entreprise AM production, avant son embauche dans cette dernière entreprise, des informations qu’elle seule pouvait connaître, sans expliquer en quoi la transmission d’informations à une entreprise créée en juin 2011 et ayant cessé son activité en octobre 2011, constituait un comportement déloyal à l’égard de la société Global expo France, société créée en 2007 et réalisant en 2010 un chiffre d’affaires de 377 831 euros, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, devenu l’article 1240 du code civil ;

3°/ que l’action en concurrence déloyale est une action en responsabilité pour faute prouvée ; qu’en relevant, que M. S… V… avait adressé aux commerçants champenois un courrier jetant le discrédit sur la société Global expo France, la cour d’appel qui n’a constaté aucun fait imputable à Mme V… a violé le principe de la personnalité de la responsabilité civile et les dispositions de l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, devenu l’article 1240 du code civil ;

4°/ qu’en vertu du principe de la réparation intégrale, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit; qu’en se bornant à énoncer, pour allouer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts à la société Global expo France au titre du préjudice moral, que le contexte de la concurrence et ses méthodes ont incontestablement eu des répercussions sur la notoriété et la rentabilité de la société Global expo France qui a dû mener de nombreuses démarches, la cour d’appel qui n’a pas caractérisé l’atteinte concrète à la notoriété et la rentabilité de la société Global expo France et, par conséquent, l’étendue de son préjudice, a violé l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, devenu l’article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, l’arrêt, par motifs propres et adoptés, relève que l’enseigne sous laquelle M. P… a choisi d’exploiter son activité quelques jours après la liquidation de la société Anim’mode production est similaire à la dénomination de cette société, que les constats d’huissier de justice dressés les 4 juillet, 30 septembre et 13 octobre 2011 établissent que l’entreprise AM production se présente sur la page Internet de la société Anim’mode production comme ayant été créée en 1989, qu’elle utilise la même adresse IP que celle de la société Anim’mode production et que les informations qu’elle communique sur ce site créent une confusion destinée à accréditer l’idée d’une reprise d’activité de la société liquidée. Il retient que l’entreprise AM production a bénéficié d’informations que seule Mme V… était en mesure de connaître, et ce, à une date à laquelle elle n’avait pas encore rejoint ses effectifs, M. P… ayant ainsi obtenu le transfert, à son profit, des contrats de location antérieurement conclus avec la société liquidée.

7. En l’état des agissements pris d’une habile exploitation d’informations connues de Mme V…, d’une confusion organisée à dessein entre la société liquidée et la nouvelle entreprise créée par M. P… et animée par Mme V… ainsi que d’une rétention d’informations par cette dernière ayant empêché le rachat des actifs de la société liquidée par la société Global, qu’elle a relevés, dont elle a déduit qu’il leur avait permis de développer le réseau de clientèle de l’entreprise AM production, faisant ressortir que ce développement ne serait pas intervenu sans l’utilisation des manoeuvres constatées, la cour d’appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, a caractérisé le comportement déloyal de M. P… et de Mme V…, générateur d’une distorsion de concurrence au détriment de la société Global, et a légalement justifié sa décision.

8. En second lieu, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que, dans le contexte de la concurrence sur le marché en cause et de ses méthodes, les fautes décrites ont incontestablement eu des répercussions sur la notoriété et la rentabilité de la société Global, qui a dû mener de nombreuses démarches pour mettre fin à la confusion créée par M. P… et Mme V…, et lui ont nécessairement causé un préjudice moral dont la cour d’appel a apprécié souverainement le montant et justifié l’existence par l’évaluation qu’elle en a fait.

9. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. Mme V… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts, alors « que la cassation s’étend à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire; que pour rejeter sa demande de dommages-intérêts pour abus de position dominante, la cour d’appel s’est fondée essentiellement sur le fait que l’action en concurrence déloyale à son encontre avait été accueillie ; que, dès lors, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation relatif à la concurrence déloyale emportera, par voie de conséquence, cassation de l’arrêt en ses dispositions relatives à la demande de dommages-intérêts pour abus de position dominante et ce, en application de l’article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. Le premier moyen étant rejeté, le second moyen, qui invoque la cassation par voie de conséquence, est sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DONNE acte à M. P… du désistement de son pourvoi ;

REJETTE le pourvoi ;

DIT la demande de mise hors de cause de la société Caveau de Castelnau sans objet ;

Condamne Mme V… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme V… et la condamne à payer à la société Global expo France et à la société Caveau de Castelnau la somme de 3 000 euros chacune ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour Mme V….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt partiellement confirmatif attaqué d’avoir condamné Mme I… V… solidairement avec M. E… P… à verser à la société Global Expo France la somme de 5.000 euros au titre du préjudice moral,

AUX MOTIFS PROPRES QUE

l’action en concurrence déloyale menée par la Sarl Global Expo France suit le régime de la responsabilité civile dont la mise en oeuvre, en application de l’article 1382 du Code civil, suppose établi une faute, un préjudice, et un lien de causalité entre les deux ;

Sur la faute :

C’est par erreur que le premier juge qualifie AM Production de société alors qu’il s’agit d’une enseigne;

Mais pour le surplus c’est par des motifs pertinents qu’il caractérise la faute imputable à M. P… et Mme V… en ce que c’est dans des conditions discutables qu’a été développé le réseau de clientèle de la nouvelle entreprise eu égard :

– à une similitude patente des noms, quelques jours après la liquidation de la première société,

– à l’envoi d’un courrier aux commerçants champenois le 23 juin 2011 qui jette le discrédit sur la société concurrente, et entretient l’idée d’une continuité directe entre la société liquidée et AM PRODUCTION,

– aux 2 constats d’huissier des 4 juillet et 13 octobre 2011 établissant que AM PRODUCTION se présente sur la page Internet de la société ANIM’ MODE PRODUCTION comme étant créée en 1989 et qu’elle utilise la même adresse IP,

– au procès-verbal de constat du 30 septembre 2011 établissant que les informations transmises par AM PRODUCTION génèrent une confusion destinée à accréditer l’idée d’une reprise de l’activité de la société liquidée,

– à la transmission par Mme V… à AM PRODUCTION avant son embauche dans la nouvelle entreprise, d’informations qu’elle seule pouvait connaître,

– au courrier du mandataire judiciaire du 24 août 2001 rendant compte au juge commissaire de l’absence de coopération de Mme V… alors qu’il est saisi d’une demande de rachat d’actifs à laquelle il n’a pu donner suite faute d’informations fournies par l’ancienne gérante;

Contrairement aux affirmations des intimées le premier juge a parfaitement caractérisé des agissements constitutifs d’un comportement déloyal ayant généré une distorsion de la concurrence par une habile exploitation d’informations connues de Mme V…, des actifs appartenant à la société liquidée, et d’une confusion organisée à dessein entre les 2 entreprises ;

Par conséquent les fautes commises par M. P… qui exploitait à titre personnel l’enseigne AM Production, et celle de Mme V… sont établies ;

Sur le préjudice et le lien de causalité :

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a conclu que la Sarl Global Export France ne démontre pas l’existence d’un préjudice s’agissant du salon de Reims ;

Le jugement est sur ce point confirmé et l’appel incident rejeté ;

S’agissant du salon du mariage à Mulhouse que le premier juge tout en retenant une responsabilité propre de la Sarl Global Export France, indemnise un préjudice entretenant, à hauteur de 25 % le chiffre d’affaires 2010 au titre de la perte d’une chance d’organiser le salon du mariage 2011 au parc exposition de Mulhouse ;

Cependant l’impossibilité pour la Sarl Global Export France d’organiser le salon du mariage de l’automne 2011 au parc exposition de Mulhouse ne résulte pas d’un comportement fautif de AM PRODUCTION ;

En effet il résulte de la procédure que la Sarl Global Export France avait pour le salon 2011 sollicité la réservation d’un espace à la cité du train, et que celle-ci par un courrier (dont la date curieusement n’apparaît pas), indique que l’organisation du salon du mariage ne pourra pas être reconduite dans les locaux, compte tenu des 40 ans du musée, et de l’inauguration du nouvel espace ;

Par conséquent il apparaît que pour le moins en 2010 la Sarl Global Export France avait déjà loué pour le salon du mariage un espace à la cité du train, et qu’elle s’est adressée au même organisme pour la saison 2011 ;

Il apparaît également que AM PRODUCTION est tout à fait étrangère à l’indisponibilité de ces locaux qu’elle n’a nullement disputé à la Sarl Global Export France, et qu’il ne peut en aucun cas lui être reproché d’avoir loué un autre espace, soit l’espace foire exposition de Mulhouse ;

En aucun cas AM PRODUCTION ne peut être condamnée à payer tout ou partie du chiffre d’affaires (exposants et visiteurs) dont la Sarl Global Export France a été privée du fait de l’annulation de son salon du mariage 2011 à Mulhouse, qu’il lui appartenait d’être plus réactive s’agissant d’un élément aussi déterminant que la location d’un espace destiné à l’organisation d’un salon, de tels locaux étant par ailleurs très peu nombreux dans l’agglomération mulhousienne ;

Le jugement est infirmé en ce qu’il alloue une somme de 17.001 à titre de dommages et intérêts de ce chef, et l’appel incident rejeté ;

En revanche que l’ensemble des fautes décrites précédemment ont néanmoins nécessairement causé un préjudice moral à la Sarl Global Export France que le premier juge a justement évalué à la somme de 5.000, de sorte que le jugement est sur ce point confirmé,

ET AUX MOTIFS EXPRESSEMENT ADOPTES QUE

La société Global Expo soutient que la société Am Production a créé une confusion afin de bénéficier des actifs de la société Anim Mode Production.

Il convient de souligner à titre liminaire qu’il ne peut être reproché à la société Am Production d’avoir engagé Mme V…. EN effet, libre de tout engagement, celle-ci était en droit de rejoindre la nouvelle société et de faire profiter son employeur de son expérience.

il apparaît toutefois que les conditions dans lesquelles la société nouvellement créée a développé son réseau de clientèle sont discutables :

– la similitude des noms entre la nouvelle société créée quelques jours après la liquidation de la société Anim Mode Production, relevée par le tribunal de grande instance de Reims statuant en référé le 5 octobre 2011, est patente.

Le 23 juin 2011, M. S… V… écrivait aux commerçants au sujet du Salon Champenois du Mariage:

« l’an dernier, nous avions déjà un aperçu des pratiques déloyales de notre concurrent mais nous pensions maintenant que nous ne sommes pas encore au bout de sa possibilité».

Nous demandons à ceux qui ont été contactés de bien vouloir témoigner des propos avancés par les concurrents

Le courrier circulaire ajoutait également:

La structure A’M Production a subi quelques changements car nous avons décidé de prendre l’activité en famille depuis peu.

Ce message adressé aux commerçants jette non seulement le discrédit sur la société concurrente (Global Expo) mais entretient l’idée d’une continuité directe entre la société Anim’Mode Production et la nouvelle société AM Production. En effet, la société AM Production ne peut se targuer d’avoir été présente « l’an dernier» n’ayant commencé son activité que le 6 juin 2011.

– Le 4 juillet 2011, Maître C…, huissier de justice, constatait que la société AM Production se présente sur la page internet de la société Anim’Mode Production ainsi:

AM Production créée en 1989 sous le vocable Anim Mode par une équipe passionnée

Utilise les éléments de reconnaissance de la société Anim’Mode liquidée depuis le 31 mai 2011, et que les deux sociétés (la société liquidée et la nouvelle société) ont une adresse IP identique.

Un second constat établi le 13 octobre 2011 devait confirmer les premières constatations.

Les informations transmises par la société AM Production génèrent effectivement une confusion destinée à accréditer l’idée d’une reprise par la société AM Production de l’activité de la société liquidée. Ceci ressort encore du procès-verbal de constat de Maître O… du 30 septembre 2011.

– La société Global Expo France reproche encore à M. P… et Mme V… d’avoir repris le fichier client de la société Anim Mode Production et les contrats et ce, notamment pour le salon rémois du mariage et le salon du mariage de Mulhouse.

S’agissant du premier, la société Anim Mode Production avait résilié son contrat de réservation avec le Caveau de Castelneau le 20 mai 2011. Or, le 4 juillet 2011, la société AM Production concluait avec la Caveau de Castelneau une convention de mise à disposition de salles de réception pour la tenue d’un salon du mariage les 5 et 6 novembre 2011.

S’agissant du second salon, le 6 juin 2011, la société AM Production signait avec la SAEML Mulhouse Expo un contrat de location d’espaces pour le Salon du Mariage de Mulhouse devant se tenir du 1er au 2 octobre 2011.

La réactivité de la nouvelle société pour régulariser ces nouveaux contrats met en lumière que la société AM Production a bénéficié d’informations que seule Mme V… connaissait parfaitement et ce, à une date où elle n’avait pas encore rejoint les effectifs de la société AM Production (pour le contrat du 6 juin 2011).

M. P… a ainsi obtenu le glissement opportun au profit de sa société des contrats de location antérieurement conclu par la société AM Production.

Or, dans le même temps, la société Global Expo France avait transmis sa demande de rachat d’actifs le 23 juin 2011 et avait manifesté son intérêt pour tous les contrats dont bénéficiait la société Anim’Mode Production. Cette offre était connue de Mme V…; le courrier de Maître M… du 26 juin 2011 devait le rappeler.

Le courrier du 24 août 2011 de Maître M… au juge commissaire rendait également compte de l’absence de coopération de Mme V… qui, mise en corrélation avec l’activité de la nouvelle société à peine naissante, donne un éclairage tout à fait significatif à son mutisme.

L’ensemble des éléments ci avant exposés mettent en lumière une habile exploitation des informations connues de Mme V… et des actifs appartenant à la société liquidée, une confusion organisée à dessein entre les deux sociétés AM Production et Anim’Mode Production. Ces agissements sont constitutifs d’un comportement déloyal qui a généré une distorsion de la concurrence, (jugt., pp. 6-7).

1° ALORS QUE la concurrence déloyale est caractérisée par l’existence de manoeuvres déloyales et par la constatation que ces manoeuvres ont créé un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle entre l’auteur des manoeuvres et l’entreprise concurrente victime de la confusion ; qu’en se bornant à relever, pour retenir l’existence d’actes de concurrence déloyale de la part de Mme V… à l’égard de la société Global Export France, la similitude patente des noms entre l’entreprise Am Production et la société Anim’Mode Production, quelques jours après la liquidation de cette dernière société, l’envoi d’un courrier aux commerçants champenois le 23 juin 2011 entretenant l’idée d’une continuité directe entre la société liquidée et l’entreprise Am Production, le fait que l’entreprise Am Production se présentait sur la page internet de la société Anim’Mode Production comme étant créée en 1989 et utilisait la même adresse IP, et le constat que les informations transmises par l’entreprise Am Production généraient une confusion destinée à accréditer l’idée d’une reprise de l’activité de la société Anim’Mode Production, sans expliquer en quoi cette confusion entre l’entreprise Am Production, créée en juin 2011 et ayant cessé son activité en octobre 2011, et la société Anim’Mode, société liquidée, constituait un comportement déloyal à l’égard de la société Global Export France, société créée en 2007 et réalisant en 2010 un chiffre d’affaires de 377.831 euros, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, devenu l’article 1240 du code civil,

2° ALORS QUE le parasitisme consiste, pour un acteur économique, à se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion ; qu’en relevant, que Mme V…, ancienne gérante de la société liquidée Anim’Mode Production, avait transmis à l’entreprise AM Production, avant son embauche dans cette dernière entreprise, des informations qu’elle seule pouvait connaître, sans expliquer en quoi la transmission d’informations à une entreprise créée en juin 2011 et ayant cessé son activité en octobre 2011, constituait un comportement déloyal à l’égard de la société Global Export France, société créée en 2007 et réalisant en 2010 un chiffre d’affaires de 377.831 euros, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 devenu l’article 1240 du code civil,

3° ALORS QUE l’action en concurrence déloyale est une action en responsabilité pour faute prouvée ; qu’en relevant, que M. S… V… avait adressé aux commerçants champenois un courrier jetant le discrédit sur la société Global Export France, la cour d’appel qui n’a constaté aucun fait imputable à Mme V… a violé le principe de personnalité de la responsabilité civile et les dispositions de l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 devenu l’article 1240 du code civil, 4° ALORS QU’en vertu du principe de la réparation intégrale, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu’en se bornant à énoncer, pour allouer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts à la société Global Expo France au titre du préjudice moral, que le contexte de la concurrence et ses méthodes ont incontestablement eu des répercussions sur la notoriété et la rentabilité de la société Global Expo France qui a dû mener de nombreuses démarches, la cour d’appel qui n’a pas caractérisé l’atteinte concrète à la notoriété et à la rentabilité de la société Global Expo France et, par conséquent, l’étendue de son préjudice, a violé l’article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 devenu l’article 1240 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt partiellement confirmatif attaqué d’avoir débouté Mme V… de sa demande de dommages et intérêts,

AUX MOTIFS QUE les appelants réclament chacun 50.000 € de dommages et intérêts à la SARL GLOBAL EXPO FRANCE qui, grâce à sa position dominante sur le marché, s’est ingéniée à empêcher l’accès au dit marché à une entreprise concurrente nouvellement créée, et qui n’a pu exister que durant 5 mois ;

Les conclusions d’appel sont cependant essentiellement consacrées à l’irrecevabilité de la demande, et aux contestations sur le fond des actes de concurrence déloyale imputés aux consorts P… ;

En revanche si les appelants exposent que la SARL GLOBAL EXPO FRANCE se trouvait en position dominante, ils ne démontrent pas qu’elle aurait abusé de cette position pour empêcher un concurrent d’accéder au marché ;

Il est constant que la SARL ANIM MODE PRODUCTION a fait l’objet d’une liquidation judiciaire, et qu’il ne peut être reproché à l’intimée, qui oeuvre dans le même domaine d’activité, d’avoir dans ce cadre formulé une demande de rachat des actifs ;

Il ne peut davantage lui être reproché d’introduire des actions tendant à interdire des actes de concurrence déloyale, et qu’il est à cet égard rappelé que l’ordonnance de référé du 5 octobre 2011 signifiant des interdictions à M. P… a été confirmée par arrêt de la cour d’appel, et qu’il résulte ci-après du présent arrêt que les consorts P… ont effectivement dans l’exploitation de la nouvelle entreprise eut un comportement fautif à l’égard de leur principal concurrent ;

Le tribunal a certes dans le dispositif du jugement déféré, rejeté pour le surplus, mais qu’en revanche aucun des motifs ne vise ces demandes qui avaient déjà été formées en première instance ;

Il convient par conséquent de compléter le jugement et de rejeter la demande de dommages et intérêts de 50.000 € formée par chacun des appelants,

ALORS QUE la cassation s’étend à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que pour rejeter la demande de dommages et intérêts de Mme V… pour abus de position dominante la cour d’appel s’est fondée essentiellement sur le fait que l’action en concurrence déloyale à son encontre avait été accueillie ; que dès lors, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation relatif à la concurrence déloyale emportera, par voie de conséquence, cassation de l’arrêt en ses dispositions relatives à la demande de dommages et intérêts pour abus de position dominante et ce, en application de l’article 624 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2021:CO00073


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