Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le ONZE JUIN DEUX MILLE DEUX LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D’APPEL DE CHAMBERY a rendu l’arrêt dont le teneur suit : dans la cause 00/01145 – Chambre commerciale
(F.C/E.M.) opposant :
APPELANTES L’ASSOCIATION DES AGENTS IMMOBILIERS DE TIGNES dont le siège social est OFFICE DU TOURISME – 73320 Y… poursuites et diligences de son Président en exercice demeurant audit siège représentée par la SCP BUTTIN-RICHARD/FILLARD, avoués à la Cour et ayant pour avocat Me Jacques X…, du barreau de PARIS LA SA AGENCE IMMOTIGNES dont le siège social est SEFCOTEL VAL CLARET – BP : 44 – 73322 TIGNES CEDEX poursuites et diligences de son Président Directeur Général en exercice demeurant audit siège représentée par la SCP BUTTIN-RICHARD/FILLARD, avoués à la Cour et ayant pour avocat Me Jacques X…, avocat au barreau de PARIS LA SA AGENCE DU ROC BLANC dont le siège social est … LE LAC poursuites et diligences de son Président Directeur Général en exercice demeurant audit siège représentée par la SCP BUTTIN-RICHARD/FILLARD, avoués à la Cour et ayant pour avocat Me Jacques X…, avocat au barreau de PARIS LA SARL AGENCE GESTIGNES dont le siège social est 73320 Y… représentée par son gérant en exercice demeurant audit siège représentée par la SCP BUTTIN-RICHARD/FILLARD, avoués à la Cour et ayant pour avocat Me X…, avocat au barreau de PARIS LA SA AGENCE DESCAMPS dont le siège social est … poursuites et diligences de son Président Directeur Général représentée par la SCP BUTTIN-RICHARD/FILLARD, avoués à la Cour assistée de Me X…, avocat au barreau de PARIS LA SARL AGENCE EURO-IMMOBILIER dont le siège
social est 73320 Y… représentée par son gérant en exercice demeurant audit siège représentée par la SCP BUTTIN-RICHARD/FILLARD, avoués à la Cour ayant pour avocat Me X…, avocat au barreau de PARIS LA SARL AGENCE DU GLACIER dont le siège social 73320 Y… représentée par son gérant en exercice demeurant audit siège représentée par la SCP BUTTIN-RICHARD/FILLARD, avoués à la Cour ayant pour avoat Me X…, avocat au barreau de PARIS LA SARL SOGIT dont le siège social est … SAINT MAURICE représentée par la SCP BUTTIN-RICHARD/FILLARD, avoués à la Cour et ayant pour avocat Me X…, avocat au barreau de PARIS à : INTIMEE LA SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE LA GRANDE MOTTE dont le siège social est 73320 Y… représentée par Me Pierre DANTAGNAN, avoué à la Cour et ayant pour avocat Me Z…, avocat au barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l’audience publique des débats, tenue le 23 avril 2002 avec l’assistance de Madame XXX, Greffier Et lors du délibéré, par : – Madame XXX, Président – Madame XXX, Conseiller – Monsieur XXX, Conseiller -=-=-=-=-=-=-=-=-
EXPOSE DU LITIGE
La Société des Téléphériques de la Grande Motte (STGM) est concessionnaire de l’exploitation des remontées mécaniques de la station de Y….
Elle vend des forfaits permettant d’utiliser lesdites remontées mécaniques directement au public ainsi qu’à divers opérateurs économiques (agences de voyages, tours opérateurs, agences immobilières, hôtels….).
Par acte du 18 septembre 1998, l’association des Agents Immobiliers
de Y…, l’agence IMMOTIGNES, l’agence du ROC BLANC, l’agence GESTIGNES, l’agence EURO-IMMOBILIER, l’agence du Glacier, l’agence DESCAMPS, la société LES CAMPANULES, la société TARANTINI LA VANOISE, la société LE PAQUIS, la société LE GENTIANA, la société L’AIGUILLE PERCEE, la société LE REFUGE, la société VITA Y… ont fait assigner la STGM devant le Tribunal de Grande Instance d’Albertville statuant en matière commerciale :
Par jugement en date du 29 février 2000 auquel le présent arrêt se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, le Tribunal de Grande Instance d’Albertville statuant en matière commerciale a :
– constaté le désistement d’instance des sociétés LES CAMPANULES, TARANTINI LA VANOISE, LE PAQUIS, LE GENTIANA, L’AIGUILLE PERCEE, LE REFUGE et VITA Y…, désistement accepté par la défenderesse et l’intervention volontaire de la société SOGIT,
– déclaré l’agence GESTIGNES et la société SOGIT irrecevables en leurs actions,
– déclaré l’Association des Agents Immobiliers de Y…, l’agence IMMOTIGNES, l’agence du ROC BLANC, l’agence EURO-IMMOBILIER, l’agence du GLACIER et l’agence DESCAMPS recevables en leurs actions,
– dit ces actions mal fondées,
– les a déboutées de leurs demandes,
– a condamné l’Association des Agents Immobiliers de Y…, l’agence IMMOTIGNES, l’agence du ROC BLANC, l’agence GESTIGNES, l’agence EURO-IMMOBILIER, l’agence du GLACIER, l’agence DESCAMPS et la société SOGIT à payer chacune à la STGM la somme de 1.500,00 francs en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
– les a condamnées solidairement aux dépens.
L’association des Agents Immobiliers de Y…, la SA agence IMMOTIGNES, la SA agence du ROC BLANC, la SARL agence GESTIGNES, la SA agence DESCAMPS, la SARL agence EURO-IMMOBILIER, la SARL agence du glacier et la SARL SOGIT ont relevé appel de ce jugement.
Elles font valoir dans leurs dernières écritures signifiées le 25 février 2002 :
– qu’elles justifient être titulaires de l’habilitation préfectorale leur permettant d’exercer l’activité d’agent de voyages et donc de commercialiser des produits touristiques et qu’elles justifient également que les opérations réalisées au titre de l’habilitation ne revêtent pas un caractère prépondérant mais complémentaire, que leur action est dès lors recevable,
– que le législateur a consacré le rapprochement des activités d’agence de voyage et d’agence immobilière par une loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 permettant aux agents immobiliers, habilités à cet effet, d’exercer l’activité d’agent de voyage dans les mêmes conditions que ces derniers, une réciprocité étant d’ailleurs également accordée aux agents de voyage qui peuvent exercer l’activité d’agent immobilier, que les agents immobiliers titulaires de l’habilitation préfectorale réalisent des opérations de vente de séjours à forfait au même titre que les agences de voyages et qu’ils ne sont pas placés dans une situation différente de celle où se trouvent les agences de voyages proprement dites,
– que dans son rapport de 1997, le Conseil de la Concurrence a précisé que se situent dans un même marché « les produits et les services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les regardent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer, pour satisfaire à une même demande »,
– que les conventions de commercialisation des produits « packages »
régularisées par la STGM avec les tours opérateurs et les agences de voyages, ainsi que celles régularisées avec les agences immobilières ou qui leur ont été à tout le moins proposées, prévoient d’ailleurs toutes deux dans leur article 1er que le but de la convention est la commercialisation de séjours comprenant une prestation de transports par remontées mécaniques et une prestation d’hébergement,
– qu’il ressort par ailleurs du catalogue de l’Office de Tourisme de TIGNES que parmi les hébergements de la station, figurent les agences immobilières comme les agences de voyages, notamment les deux agences de voyages locales : SNOW Y… TRAVEL et TIGNES ORGANISATION, lesquelles vont bien s’adresser à une clientèle similaire,
– que de même, le site INTERNET de la station accessible au monde entier répertorie, s’agissant de l’hébergement, les agences immobilières au même titre que les agences de voyages,
– que tant la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, que le Conseil de la Concurrence considèrent que l’exploitant de remontées mécaniques ne peut légitimement opérer une distinction entre les agences de voyages, tours opérateurs, hôteliers et agents immobiliers, dès lors que ces derniers sont soumis aux dispositions de la loi du 13 juillet 1992, lesquels sont tous des professionnels du tourisme, se retrouvant dans une même situation concurrentielle dans la station de ski considérée,
– que la Cour réformera le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que les agences immobilières titulaires de l’habilitation préfectorale leur permettant de commercialiser des produits touristiques ne pouvaient être classées dans la même catégorie d’opérateurs économiques que les tours opérateurs et agents de voyages,
– que l’obligation légale qui pèse sur le producteur et le
prestataire de services de communiquer à tout acheteur de produits ou demandeur de prestations de services pour une activité professionnelle qui en fait la demande son barème de prix et ses conditions de vente, prévue à l’article 33 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 et destinée à améliorer la transparence tarifaire, est de nature à permettre aux professionnels susceptibles d’être victimes de pratiques commerciales discriminatoires de s’assurer qu’ils ne sont pas l’objet d’un traitement différent de celui réservé à leurs concurrents, que si l’administration admet qu’il est possible de faire un traitement différencié des opérateurs économiques lorsque la diversité des conditions de vente est justifiée par la différence des situations, encore faut-il établir et justifier la situation différente invoquée,
– qu’elles sont légitimement fondées à solliciter de la STGM la communication de ses tarifs, conditions générales et particulières de vente et de mise à disposition des forfaits applicables chaque saison tels qu’ils sont proposés à l’ensemble des professionnels du tourisme intervenant sur la station de Y…, que c’est d’ailleurs ce qui a été jugé par le Conseil de la Concurrence lors de sa décision n°99-MC-10 du 16 décembre 1999 et lors de sa décision n° 2000-D-87 du 13 février 2001,
– que l’effort publicitaire consenti par le tour opérateur ou agent de voyages est au moins si ce n’est mieux réalisé par les hébergeurs et notamment les agents immobiliers de la station de Y…, que les agents immobiliers réalisent et diffusent leurs propres catalogues dans le monde entier, et que ces catalogues vantent exclusivement les mérites de la station de Y… à l’inverse des catalogues des tours opérateurs qui vantent les mérites de différentes stations concurrentes, que les agents immobiliers ont en outre créé leur propre site INTERNET, qu’en tout état de cause, s’agissant des
agences de voyage implantées à Y…, on voit mal quels services supplémentaires elles apporteraient à la STGM par rapport à ceux rendus par les agences immobilières de Y…,
que si la possibilité offerte aux agents immobiliers de joindre les forfaits de remontées mécaniques à leur activité principale est profitable à ceux-ci, elle l’est tout autant pour les agences de voyages, que l’importance du chiffre d’affaires réalisé avec les tours opérateurs par rapport à celui réalisé avec les agents immobiliers est inopérant dans la mesure où la loi de 1992 ne distingue absolument pas entre les investissements financiers de chacun des intervenants, où le nombre des tours opérateurs est bien plus important que celui des agents immobiliers et où chaque agent pris isolément réalise un chiffre d’affaires correspondant aux forfaits de remontées mécaniques bien supérieur à celui réalisé par la moyenne des tours opérateurs, que la prévente des forfaits est sans incidence dès lors que c’est l’intermédiaire qui en conserve le prix et que les agents immobiliers assurent la même prévente,
– que le fait pour la STGM d’accorder une remise à une seule catégorie de distributeurs dont sont en particulier exclus les agents immobiliers constitue une pratique discriminatoire, répréhensible et de nature à engager la responsabilité de celle-ci sur le fondement de l’article 36-1 de l’ordonnance du 1er décembre 1986,
– que la STGM est le concessionnaire unique pour l’exploitation des remontées mécaniques donnant accès au domaine skiable de Y… ou de l’espace Killy lorsque l’hébergement est situé à Y…, qu’elle est en situation de monopole, qu’elle constitue un partenaire obligé, que de par sa situation de monopole, elle impose aux agents immobiliers des conditions défavorables et contraignantes sachant que ceux-ci ne peuvent les refuser s’ils entendent approvisionner en forfaits de ski
leurs clients communs, qu’ainsi l’hébergeur doit s’engager à commercialiser systématiquement des séjours comprenant de façon indissociable l’hébergement et les remontées mécaniques, la vente des forfaits par l’hébergeur ne peut être réalisée que jusqu’au vendredi soir, l’hébergeur doit communiquer les tarifs qu’il applique et les copies des vouchers des tours opérateurs sur lesquels apparaissent les conditions générales de vente de l’hébergeur, que l’acceptation par la STGM de prendre en charge le risque financier d’impayés est subordonnée à l’accomplissement par l’hébergeur de nombreuses démarches longues et coûteuses,
que ce comportement et notamment l’obligation de « packager » la vente des forfaits de remontées mécaniques et une prestation d’hébergement sans que soit précisé le coût de chaque prestation rend impossible la concurrence entre les différents distributeurs de forfaits de remontées mécaniques.
Elles demandent à la Cour de :
« Recevoir l’Association des Agents Immobiliers de Y…, les agences immobilières du ROC BLANC, IMMOTIGES, DESCAMPS, EURO IMMOBILIER du GLACIER en leur appel, les déclarant bien fondées et y faisant droit, – Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré recevable l’action formée à l’encontre de la STGM,
– Le réformer pour le surplus,
– Ordonner la communication par la SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE LA GRANDE MOTTE de ses conditions générales de vente et barèmes de prix applicables à l’ensemble des professionnels dûment certifiés comme exhausifs par le Commissaire aux Comptes, au profit de chacun des appelants,
– Dire et juger que la SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE LA GRANDE MOTTE a
commis des pratiques discriminatoires à l’encontre de chacun des appelants et abuse de l’état de dépendance économique dans lequel chacun d’eux se trouve à son égard,
– Lui faire injonction de cesser ces pratiques discriminatoires et cet abus d’état de dépendance économique et ce, sous astreinte de 76 euros par forfait acheté sans qu’une remise ne soit accordée, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
– Ordonner à la SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE LA GRANDE MOTTE d’appliquer les mêmes conditions tarifaires aux agents immobiliers que celles consenties aux tours opérateurs et agences de voyages,
– Condamner la SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE LA GRANDE MOTTE à verser les sommes suivantes, sauf à parfaire :
Au titre de la saison 1996/1997
Agence DU GLACIER : 10 928, 76 ä TTC
Agence EURO IMMOBILIER 21 587, 85 ä TTC
Agence IMMO TIGNES : 13 199, 49 ä TTC
Au titre de la saison 1997/1998 :
Agence EURO IMMOBILIER 24 771, 90 ä TTC
Agence IMMO TIGNES 6 198, 62 ä TTC
Agence DU GLACIER 12 277, 25 ä TTC
Au titre de la saison 1998/1999 :
Agence du ROC BLANC 9 259, 63 ä TTC
Agence IMMO TIGNES 20 886, 21 ä TTC
Agence du GLACIER : 11 486, 06 ä TTC
Agence DESCAMPS : 6 886, 11 ä TTC
Agence EURO IMMOBILIER 28 726, 56 ä TTC
Au titre de la saison 1999/2000
Agence du ROC BLANC : 11 616, 28 ä TTC
Agence IMMO TIGNES 15 604, 79 ä TTC
Agence EURO IMMOBILIER 27 217, 43 ä TTC
Agence DESCAMPS
7 248, 52 ä TTC
– Donner injonction à la SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE LA GRANDE MOTTE de procéder au calcul des sommes dues à chaque appelant en fonction des barêmes applicables au titre des saisons 2000/2001 et 2001/2002
– Subsdiairement, désigner tel expert qu’il plaira à la Cour pour les déterminer,
– Condamner la SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE LA GRANDE MOTTE à verser à chacun des appelants la somme de 2 287 ä au titre des dispositions de l’article 700 du NCPC.
– La condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel avec application au profit de la SCP BUTTIN RICHARD FILLARD, des dispositions de l’article 699 du NCPC ».
Dans des conclusions signifiées le 10 avril 2002, la STGM expose :
– que la SARL SOGIT ne justifie pas d’une habilitation,
– que la quasi-totalité des habilitations sont proches de la date de l’assignation ou postérieures à celle-ci de sorte qu’elles ne peuvent valider des prétentions correspondant à une période antérieure à leur délivrance,
– que les appelants ne démontrent pas que les prestations qu’ils fournissent dans le cadre de leur activité principale, à savoir les locations et ventes d’appartements, gardent un caractère prépondérant par rapport aux prestations relatives à la délivrance de titres de
transports,
– qu’il existe une différence de situations entre les tours opérateurs et agents de voyages et les agents immobiliers, qu’ils appartiennent à des catégories professionnelles différentes, régies chacune par des catégories réglementaires particulières, qui se positionnent sur le marché de la vente de forfaits de remontées mécaniques à des stades tout à fait différents justifiant un traitement différencié,
– que l’activité du tour opérateur ou de l’agent de voyage correspond à l’assemblage de diverses prestations permettant la préfabrication d’un produit complet tout en prenant directement un risque économique, ce qui n’est pas le cas des agents immobiliers pour lesquels la STGM accepte de prendre à sa charge le risque d’impayés sur la vente des forfaits de remontées mécaniques vendus par les circuits de distribution, qu’ainsi si la faculté de vendre des remontées mécaniques apparaît tout-à-fait accessoire pour l’agent immobilier et complémentaire à son activité naturelle, elle apparaît en revanche tout-à-fait primordiale pour le tour opérateur, que les agents immobiliers réservent du reste souvent une partie de leur parc locatif aux tours opérateurs,
qu’agents immobiliers et agents de voyages et tours opérateurs apparaissent donc bien comme des catégories différentes d’opérateurs économiques, catégories qui peuvent bénéficier de traitements différenciés au regard de leurs situations différentes, que le fait allégué que le catalogue de l’Office du Tourisme de Tignes mentionne parmi les hébergeurs de la station les agences immobilières comme les agences de voyages locales possédant une licence spécifique est sans influence sur le fait qu’il s’agit d’opérateurs économiques totalement différents comme peuvent l’être par ailleurs les hôteliers,
– que rien ne s’oppose à ce que soient élaborées des conditions contractuelles pour chaque catégorie de clients et de n’en réserver la communication qu’à leurs destinataires naturels, qu’elle a toujours communiqué aux demandeurs ses barèmes de prix et de conditions générales de vente qui sont applicables à cette catégorie socio-professionnelle, conformément aux dispositions de l’article 33 de l’ordonnance de 1986 ainsi qu’à la doctrine et à la jurisprudence, qu’elle est même allée plus loin que sa stricte obligation réglementaire en communiquant aux appelants, en ce qui concerne la saison 1996/1997, les conditions tarifaires consenties aux autres catégories d’opérateurs,
– que le fait pour elle d’accorder une remise ou tout autre avantage à une seule catégorie de distributeurs, dans la mesure où, comme en l’espèce, des contreparties sérieuses lui sont apportées, ne constitue en aucun cas une pratique discriminatoire, que les agents immobiliers ne peuvent solliciter les mêmes conditions et avantages que ceux accordés aux tours opérateurs dans la mesure où ils ne sont pas à même de fournir les mêmes prestations, d’apporter les mêmes contreparties et où ils interviennent à des stades totalement différents quant à la distribution des forfaits des remontées mécaniques, que s’ils ont créé un site internet, cette création est récente, qu’ils n’ont rien investi, l’ensemble du financement étant issu de la collectivité locale, que les tours opérateurs doivent quant à eux assurer seuls les charges des opérations de communication,
– que le chiffre d’affaires réalisé avec les tours opérateurs est trois fois supérieur à celui réalisé avec les agents immobiliers,
– que le quantum des réclamations n’est pas justifié, que ce n’est pas à elle de le déterminer et qu’une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de pallier la carence d’une partie dans la
charge de la preuve qui lui incombe,
– que les conditions de l’article 8 $ 2 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 modifiée ne sont pas réunies, qu’il n’y a ni abus de dépendance économique, ni entrave à la concurrence, que si elle a imposé des obligations aux agents immobiliers, d’une part, elles ont une contrepartie et d’autre part elles sont également imposées aux autres opérateurs, qu’il est justifié que l’hébergeur s’engage à commercialiser systématiquement des séjours comprenant de façon indissociable l’hébergement et les remontées mécaniques, que tandis que les locations débutent le samedi, il est logique que les « packages » soient vendus préalablement au début du séjour, que la prévente est une prise de risque par le client puisqu’il ne peut connaître à l’avance les conditions météorologiques, que cette prise de risque justifie l’octroi d’un tarif privilégié, que la nécessité pour les agents immobiliers de communiquer les différents tarifs appliqués est destinée à lui permettre de vérifier que les prix ne sont pas artificiellement gonflés, ce qui affecterait l’image de la station et la rentabilité de l’exploitation des remontées mécaniques, qu’il n’y a pas de démarches longues et coûteuses pour la prise en charge par elle d’impayés.
Elle demande à la Cour de :
Vu l’appel interjeté du 29 février 2000 rendu par le tribunal de grande instance D’ALBERTVILLE.
* Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré les demandeurs redevables en leurs prétentions,
* Constater qu’aucune demande n’est formée en cause d’appel par les Agences GESTIGNES et la SARL SOGIT.
* En tout état de cause, les déclarer irrecevables car nouvelles en cause d’appel,
Subsidiairement;
* Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Ce faisant,
* Dire et juger que les agences immobilières et les agences de voyage n’appartiennent pas à la même catégorie d’opérateurs économiques et n’interviennent pas sur le même marché,
* Constater que la STGM a régulièrement communiqué aux appelants les barèmes de prix et les conditions générales de vente applicables à cette catégorie socio professionnelle.
* Constater que la STGM a même communiqué les conditions tarifaires consenties aux autres catégories d’opérateurs,
En conséquence,
* Débouter purement et simplement les appelants de leurs demandes,
* Dire et juger que les agents immobiliers ne sauraient en aucun cas bénéficier des conditions et avantages consentis aux agences de voyages et tours opérateurs,
* Dire et juger que la STGM n’a commis aucune pratique discriminatoire à l’encontre des appelants,
En conséquence,
* Débouter purement et simplement les appelants de leurs demandes,
* Constater que la STGM n’a commis aucun abus d’un quelconque état de dépendance économique et que le jeu de la concurrence n’a en aucun cas été perturbé
En conséquence,
* Débouter purement et simplement les appelants de leurs demandes,
* Les débouter de l’ensemble de leurs demandes de condamnation pécuniaires et d’injonction de la STGM de procéder à des calculs de sommes dues pour les saisons 2000/2001 et 2001/2002
* Rejeter purement et simplement la demande d’expertise formée par les appelants,
* Condamner chaque appelant au paiement d’une somme de 2 000 euros au profit de la STGM par application de l’article 700 du NCPC.
* Les condamner aux entiers dépens, avec pour ceux d’appel application au profit de Maitre DANTAGNAN, avoué, des dispositions de l’article 699 du NCPC
SUR CE, LA COUR Sur la recevabilité de l’action des appelants
Attendu que les appelants, en dehors de leur activité normale et naturelle d’agents immobiliers, commercialisent auprès des touristes des « packages » comprenant logement et remontées mécaniques et exercent ainsi une activité de vente de séjours ;
que c’est au titre de cette activité de vente de séjours qu’ils ont pris l’initiative de la présente action ;
que la loi n° 92.645 du 13 juillet 1992 applicable aux personnes physiques ou morales qui se livrent ou apportent leur concours aux opérations consistant en l’organisation ou la vente de voyages ou de séjours individuels ou collectifs, de services pouvant être fournis à l’occasion de voyages ou de séjours, de services liés à l’accueil touristique dispose en son article 12 : « Par dérogation aux dispositions de l’article 4, les gestionnaires d’hébergement ou leurs groupements, ………………les agents immobiliers et administrateurs de biens dont l’activité est régie par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce qui ont été habilités à cet effet dans les conditions fixées par la voie réglementaire, peuvent réaliser les opérations mentionnées à l’article 1er, sous réserve que, dans chaque cas, les prestations qu’ils fournissent dans le cadre de leur activité principale gardent un caractère prépondérant par rapport aux
autres prestations ou que ces dernières revêtent un caractère complémentaire » ;
que l’article 66 du décret 94.490 du 15 juin 1994 précise que les opérations réalisées au titre de l’habilitation ne doivent pas revêtir un caractère prépondérant et doivent représenter, dans chaque cas, moins de 50% de la valeur globale de la prestation vendue ou offerte à la vente à un prix tout compris, à moins qu’elles neoivent représenter, dans chaque cas, moins de 50% de la valeur globale de la prestation vendue ou offerte à la vente à un prix tout compris, à moins qu’elles ne présentent un caractère complémentaire et, dans ce cas, que chacune des prestations vendues ou offertes à la vente à un prix tout compris ne dépasse pas un montant fixé par arrêté du ministre chargé du tourisme ;
que l’arrêté du 22 novembre 1994 relatif aux prestations présentant un caractère complémentaire prévoit que les prestations offertes à la vente à un prix tout compris ne peuvent dépasser un montant de 7.000,00 francs pour les agents immobiliers et les administrateurs de biens dont l’activité est régie par la loi 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que l’habilitation visée à ce texte a été obtenue :
– par l’agence IMMOTIGNES par arrêté du 7 mai 1997,
– par l’agence du ROC BLANC par arrêté du 18 août 1997,
– par l’agence GESTIGNES par arrêté du 27 août 2001,
– par l’agence DESCAMPS par arrêté du 28 juin 1999,
– par l’agence EURO-IMMOBILIER par arrêté du 28 août 1996,
– par l’agence du GLACIER par arrêté du 18 août 1997 ;
qu’ainsi, l’agence GESTIGNES a donc obtenu pendant la procédure d’appel l’habilitation dont s’agit ;
que la société SOGIT n’a quant à elle pas davantage justifié de cette habilitation en cause d’appel que devant le Tribunal ;
que par ailleurs il résulte de l’article 12 précité de la loi du 13 juillet 1992 que l’habilitation permet aux agents immobiliers et administrateurs de biens qui en bénéficient de réaliser les opérations visées à l’article 1er de cette loi sous réserve toutefois « que dans chaque cas, les prestations qu’ils fournissent dans le cadre de leur activité principale conserve un caractère prépondérant par rapport aux autres prestations ou que ces dernières revêtent un caractère complémentaire » au sens de l’article 66 du décret du 15 juin 1994 et de l’arrêté du 22 novembre 1994 ;
que cette disposition qui a pour effet de déterminer l’objet de l’habilitation ne saurait constituer une condition de recevabilité de l’action des appelants ;
que la seule condition de la recevabilité à agir des agents immobiliers demandeurs et appelants tient à l’existence ou à l’absence d’habilitation ;
qu’en conséquence le Tribunal a à bon droit admis la recevabilité de l’action des agences IMMOTIGNES, DU ROC BLANC, DESCAMPS, EURO-IMMOBILIER, DU GLACIER ;
qu’il a également à bon droit admis, au soutien des intérêts des agents immobiliers régulièrement habilités, la recevabilité de l’action de l’Association des Agents Immobiliers de Tignes qui regroupe la collectivité des agents immobiliers et défend leurs intérêts étant précisé que la STGM ne soulève aucun moyen d’irrecevabilité spécifique à cette association ;
que dès lors que l’agence GESTIGNES a obtenu depuis le jugement dont appel l’habilitation qui lui faisait défaut devant le Tribunal, la
fin de non-recevoir tirée du défaut de celle-ci qui était susceptible d’être régularisée l’a été conformément à l’article 126 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que la cause d’irrecevabilité de l’action de cette agence a disparu conformément à l’article 126 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
qu’il convient par réformation du jugement entrepris à cet égard de rejeter l’exception d’irrecevabilité de son action, et de dire que seules ses prétentions afférentes à des périodes postérieures à l’obtention de l’habilitation seront recevables, comme cela sera d’ailleurs le cas pour les autres agences immobilières dont la recevabilité de l’action avait été admise par les premiers juges ;
que de surcroît; et à supposer même que l’exigence du caractère prépondérant de l’activité principale par rapport aux autres prestations ou du caractère complémentaire des prestationx réalisées au titre de l’habilitation puisse s’analyser comme constituant une condition de l’intérêt à agir des agences immobilières parties à la présente procédure et donc de la recevabilité de leur action, force est de constater qu’il n’apparaît pas sérieusement contesté, au vu des tarifs versés au dossier, qu’au sein du « package » proposé, la prestation d’hébergement a bien un caractère prépondérant ou, qu’à défaut, chacune des prestations d’hébergement et de forfait de remontées mécaniques ne dépasse pas 7.000,00 francs ; Sur la demande tendant à la communication par la STGM de ses conditions générales de vente et barèmes de prix applicables à l’ensemble des professionnels, dûment certifiés comme exhaustifs par le Commissaire aux Comptes au profit de chacun des appelants .
Attendu que l’article L 441-6 du Code de Commerce (ancien article 33 de l’ordonnance du 1er décembre 1986) dispose que « Tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de
communiquer à tout acheteur de produit ou demandeur de prestation de services pour une activité professionnelle qui en fait la demande son barème de prix et ses conditions de vente. Celles-ci comprennent les conditions de règlement et, le cas échéant, les rabais et ristournes » ;
que la société STGM estime satisfaire à cette obligation en communiquant aux agents immobiliers ses barèmes de prix et conditions générales de vente applicables à cette catégorie socio-professionnelle ;
que les appelantes prétendent quant à elles à la communication des barèmes de prix et conditions générales et particulières de vente applicables chaque saison tels qu’ils sont proposés à l’ensemble des professionnels ;
que la transparence tarifaire vise à prévenir les pratiques de prix discriminatoires en donnant à l’acheteur ou au demandeur de services le droit d’obtenir une information complète sur les prix et conditions de vente du ou des fournisseurs ;
que pour permettre un contrôle réel et l’engagement, le cas échéant, de discussions utiles, et satisfaire à l’esprit et au but de la législation en la matière, la communication ne doit pas être limitée aux seuls barème de prix et conditions de vente applicables à la catégorie de clients à laquelle l’acheteur ou demandeur de services appartient effectivement ou à laquelle le fournisseur considère qu’il appartient;
que tout acheteur de produits ou demandeur de prestations de services, à la seule condition d’exercer une activité professionnelle justifiant sa demande, doit pouvoir obtenir de ses fournisseurs communication de l’ensemble des prix et des conditions de vente applicables à l’ensemble des clients dudit fournisseur ;
que peu importe que des lettres, notes de services, articles émanant
de la DGCCRF aient pu conclure à la possibilité d’élaborer des barèmes et