Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS 1ère chambre, section H ARRET DU 14 NOVEMBRE 2000
(N , pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 2000/09916 2000/10356 Décision dont recours : Decision 00-D-24 du Conseil de la concurrence en date du 10/05/2000 Nature de la décision :
CONTRADICTOIRE Décision : REJET DEMANDERESSE AU RECOURS : SNC MK2 TOLBIAC prise en la personne de Monsieur Marin X…, Administrateur ayant son siège 55, rue Traversière 75012 PARIS Représentée par la SCP COSSEC, avoué,159,rue de la Pompe 75116 PARIS Assistée de Maître J.P.GILLI, avocat de la SCP SIRAT- GILLI,7, avenue Frédéric Le Play 75007 PARIS Toque P 0176 DEFENDERESSE AU RECOURS : ASSOCIATION DE DEFENSE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU CADRE DE VIE DE LA BIBLIOTHEQUE NATIONALE DE FRANCE prise en la personne de Monsieur Y…, son Président, présent aux débats ayant son siège 18, rue des Reculettes 75013 PARIS Représentée par Maître HUYGHE, avoué,52, boulevard de Sébastopol 75003 PARIS Assistée de Maître LE GALL, avocat,120, rue d’Assas – 75006 PARIS, 75006 PARIS EN PRESENCE : du Ministre de l’Economie, des Finances et du Budget, Représenté aux débats par Madame Z…, munie d’un mandat régulier. COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré, Monsieur LACABARATS, Président Madame BREGEON, Conseiller Monsieur LE DAUPHIN, Conseiller GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l’arrêt : Madame A… MINISTERE B… : Monsieur C…, Substitut Général DEBATS : A l’audience publique du 3 octobre 2000 ARRET : Prononcé publiquement le QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE, par Monsieur LACABARATS, Président, qui a signé la minute avec Madame A…, Greffier ;
* * * Après avoir, à l’audience publique du 3 Octobre 2000, entendu les conseils des parties, les observations de Madame le représentant du Ministre chargé de l’Economie et celles du Ministère public ; Vu
les mémoires, pièces et documents déposés au greffe à l’appui du recours; * * *
Par lettre datée du 21 juillet 1999 reçue le 21 décembre suivant, la société en nom collectif (SNC) MK2 TOLBIAC a saisi le conseil de la concurrence (le conseil) de pratiques qu’elle impute à l’association de défense de l’environnement et du cadre de vie de la bibliothèque de France et qui auraient, selon elle, pour finalité de restreindre le jeu de la concurrence sur une partie du marché du cinéma dans l’agglomération parisienne.
Par décision n° 00-D-24 du 10 mai 2000, le conseil a déclaré cette saisine irrecevable sur le fondement de l’article 19 de l’ordonnance du 1er décembre 1986.
LA COUR
Vu les recours en annulation et, subsidiairement, en réformation, formés les 26 mai et 2 juin 2000 par la SNC MK2 TOLBIAC à l’encontre de cette décision,
Vu les moyens déposés le 11 juillet 2000, par lesquels la société requérante demande à la cour de : « déclarer recevable en la forme (son) appel, au fond, le dire justifié, constater que le recours (exercé par l’association défenderesse devant le tribunal administratif de Paris) a pour fin d’interdire l’installation d’un concurrent (et) qu’il est constitutif d’un détournement de procédure, en conséquence, statuer ce que de droit sur la répression », aux motifs que : * le maire de Paris lui a délivré le 29 septembre 1998 un permis de construire dans le treizième arrondissement, dans la zone d’aménagement concerté « Paris Rive Gauche », un complexe d’environ 9.100 m composé de salles de cinéma, de studios de télévision et de bars thématiques, * l’association de défense de l’environnement et du cadre de vie de la bibliothèque de France est une « créature d’UGC », titulaire de plus de 40 % de parts du marché
parisien du cinéma, car elle a été constituée immédiatement après la délivrance de l’autorisation de construction, afin de la contester en justice, par trois personnes ne résidant pas à proximité du site litigieux et dont deux sont liées à « UGC », avec un siège social chez un tiers, * l’action introduite devant le tribunal administratif de Paris est un artifice destiné à lui interdire la mise en oeuvre d’un projet concurrent, « UGC » disposant d’un monopole depuis 1993 et ayant édifié un complexe comportant 18 salles de projection ainsi qu’un important espace de restauration sur l’autre rive de la Seine,
Vu les observations en date du 7 août 2000, par lesquelles l’association de défense de l’environnement et du cadre de vie de la bibliothèque de France, mise en cause d’office en vertu de l’article 7 du décret du 19 octobre 1987, demande à la cour de confirmer la décision déférée et de condamner la société requérante à lui verser la somme de 20.000 francs en application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Vu les observations déposées le 5 septembre 2000 par le Ministre chargé de l’économie tendant à la confirmation de la décision d’irrecevabilité,
Vu la lettre du 7 septembre 2000 par laquelle le conseil a indiqué ne pas vouloir faire usage de la faculté de présenter des observations écrites,
Vu les conclusions en réponse produites les 15 et 19 septembre 2000 par la société requérante et celles en réplique déposées le 22 septembre suivant par l’association défenderesse,
Le ministère public ayant été entendu en ses observations orales tendant au rejet du recours,
SUR CE,
Considérant qu’aux termes de l’article L 462-8 du nouveau Code de commerce reprenant les dispositions de l’article 19 de l’ordonnance
du 1er décembre 1986, le conseil peut déclarer la saisine irrecevable s’il estime que les faits invoqués n’entrent pas dans le champ de sa compétence ou ne sont pas appuyés d’éléments suffisamment probants ; Considérant que le présent recours ne peut tendre qu’au renvoi de l’affaire devant le conseil aux fins de poursuite de la procédure, et non au prononcé de sanctions, la cour étant dépourvue des pouvoirs et des moyens de procéder à l’instruction de la saisine dans les conditions prévues par les articles 21 à 23 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 devenus L 463-2 à L 463-4 du nouveau Code de commerce ; Qu’en application de l’article 2 du décret du 19 octobre 1987, sont seuls recevables les moyens déposés au greffe dans le délai de deux mois ayant suivi la notification de la décision déférée ;
Considérant qu’en l’espèce, la société MK2 TOLBIAC soutient que le recours pour excès de pouvoir introduit par l’association de défense de l’environnement et du cadre de vie de la bibliothèque de France devant le tribunal administratif de Paris a été détourné de sa finalité et constitue la mise en oeuvre d’une pratique anticoncurrentielle pour lui interdire la réalisation de son projet de construction et d’exploitation de salles de cinéma et de restauration, l’association étant en fait dirigée par son concurrent « UGC » ;
Considérant, cependant, que ses affirmations sur les liens actuels du président et de la secrétaire de l’association avec « UGC » ne sont corroborées par aucun élément probant ; que la seule circonstance que le président de l’association soit un ancien employé d’ »UGC » ne suffit pas à constituer l’indice d’une entente anticoncurrentielle ; Que, par ailleurs, l’abus de position dominante ne peut être retenu
qu’à l’encontre d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises exerçant une activité de production, de distribution ou de services ; qu’il n’est pas allégué que l’association visée par la saisine soit une entreprise exerçant une telle activité ;
Qu’en l’absence de tout élément communiqué par la société requérante sur le marché pertinent et la position de l’ensemble des opérateurs présents, la position dominante d’ »UGC » ne peut être présumée sur la seule affirmation de son « monopole » et sa détention de « plus de 40 % de parts du marché parisien du cinéma » ;
Considérant au surplus que, statuant dans les limites de la compétence dérogatoire que lui confère l’article L 464-8 du nouveau Code de commerce, dont les dispositions reprennent celles de l’article 15 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, la cour n’a pas compétence pour trancher des questions relevant d’autres juridictions de l’ordre judiciaire dans l’exercice de leur compétence de droit commun ainsi que pour connaître des actes administratifs ;
Qu’elle n’a donc pas à se prononcer sur la régularité de la constitution et de l’objet de l’association mise en cause, ainsi que sur la recevabilité du recours pour excès de pouvoir introduit par celle-ci devant la juridiction administrative au sujet du permis de construire obtenu par la société MK2 TOLBIAC ;
Qu’en définitive, la cour se trouve en mesure d’estimer qu’aucun abus de position dominante ne peut être imputé à quiconque, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner la mise en cause d’ »UGC » devant elle ;
Qu’il s’ensuit que le recours de la société MK2 TOLBIAC ne peut qu’être rejeté ;
Considérant qu’il convient d’attribuer à l’association de défense de l’environnement et du cadre de vie de la bibliothèque de France la somme de 10.000 francs au titre des frais non compris dans les dépens ;
Considérant que dans la procédure relevant de l’article L 464-8 du nouveau Code de commerce précité, le ministère d’avoué n’est pas obligatoire ; qu’il s’ensuit que celui de l’association de défense de l’environnement et du cadre de vie de la bibliothèque de France est irrecevable à solliciter que la condamnation aux dépens soit assortie à son profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le recours,
Condamne la SNC MK2 TOLBIAC à payer à l’association de défense de l’environnement et du cadre de vie de la bibliothèque de France la somme de 10.000 francs au titre des frais non compris dans les dépens,
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SNC MK2 TOLBIAC aux dépens.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT