Cour Administrative d’Appel de Versailles, 1ère Chambre, 26/11/2013, 12VE02271, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Versailles, 1ère Chambre, 26/11/2013, 12VE02271, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2012, présentée pour la SA TIKI NUI AUTOMATION, dont le siège est sis 8 rue Jean Engling L-1466 Luxembourg (Luxembourg), par Me Dussert, avocat ;

La SA TIKI NUI AUTOMATION demande à la Cour :

1° d’annuler le jugement n° 1101483 du 27 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2° de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;

Elle soutient que :

– son activité consiste en la fourniture de prestations de service d’informatique industrielle ; cette activité est exercée non à partir du  » domicile  » du dirigeant de la société en France mais de façon exclusive au  » domicile  » de ses clients ;

– sur l’existence d’un établissement stable en France : cette notion recouvre celle d’établissement stable opérationnel et celle du  » siège de direction  » ou  » siège de l’activité  » ;

– en ce qui concerne l’existence d’un établissement stable opérationnel en France : en matière de taxe sur la valeur ajoutée, et selon la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, le rattachement d’une prestation de services à un établissement autre que le siège n’entre en ligne de compte que si cet établissement présente une consistance minimale, par la réunion permanente des moyens humains et techniques nécessaires à des prestations de service ; en matière d’impôt sur les sociétés, la définition d’un établissement stable est très similaire à celle qui précède, ainsi que cela ressort de la doctrine administrative ; aucune de ces définitions ne s’applique à la situation de la SA TIKI NUI AUTOMATION, son activité opérationnelle s’effectuant exclusivement in situ, sur les sites industriels de ses clients en France et à l’étranger ; aucun moyen humain ou technique n’est déployé à Lamorlaye ou à Villiers le Bel ; ainsi l’appelante ne dispose pas d’un établissement stable opérationnel en France ;

– en ce qui concerne l’existence d’un  » siège de direction  » ou  » siège d’activité  » en France : selon la jurisprudence communautaire, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, le siège économique d’une société est le lieu où sont adoptées les décisions essentielles concernant la direction générale de cette société et où sont exercées les fonctions d’administration centrale de celle-ci ; en matière d’impôt sur les sociétés, le Conseil d’Etat a précisé qu’un siège de direction est l’endroit où sont effectués tous les actes de gestion courante de la société ; force est de constater qu’aucun acte de gestion courante n’est effectué en France ; ainsi l’appelante ne dispose pas d’un  » siège de direction  » ou  » siège d’activité  » en France ;

– les actes de gestion courante de la SA TIKI NUI AUTOMATION sont effectués au Luxembourg ; que la société dispose donc clairement d’un  » siège de direction  » ou  » siège d’activité  » au Luxembourg ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et le Grand Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 1er avril 1958, modifiée par l’avenant du 8 septembre 1970 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 12 novembre 2013 :

– le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

– et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

1. Considérant que la SA TIKI NUI AUTOMATION, dont le siège social est établi au Luxembourg, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, étendue au 30 juin 2008 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l’issue de laquelle le service vérificateur a estimé que la société disposait d’un établissement stable en France et qu’elle devait en conséquence y être assujettie à l’impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée ; que la SA TIKI NUI AUTOMATION relève régulièrement appel du jugement du 27 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions résultant de ces rectifications ;

Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés :

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes du 1er alinéa du I de l’article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l’espèce :  » Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés d’après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.  » ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SA TIKI NUI AUTOMATION, créée le 4 juillet 2003 et dont le dirigeant et actionnaire principal était M. A… B…, a poursuivi l’activité de prestations de services d’informatique industrielle précédemment réalisée par ce dernier à titre individuel puis dans le cadre d’une entreprise unipersonnelle, dont le siège social était sis 10 avenue de la Libération à Lamorlaye (Oise) ; que la SA TIKI NUI AUTOMATION a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Compiègne du 17 mai 2006 au 19 février 2008 puis au registre du commerce et des sociétés de Pontoise jusqu’au 9 juin 2009, date de sa radiation définitive à la suite de sa cessation d’activité le 31 mars 2009 ; que si la requérante soutient que cette immatriculation avait pour seule finalité de répondre aux exigences d’un établissement bancaire, sollicité par M. B… en vue de l’obtention d’un prêt immobilier, elle ne justifie pas du bien-fondé de son allégation par les pièces produites, qui ne font pas apparaître que cet établissement bancaire aurait exigé des bulletins de salaires établis par une société immatriculée en France ; que la SA TIKI NUI AUTOMATION a déclaré comme siège de son établissement le domicile de M. B… à Lamorlaye dans un premier temps puis, après son déménagement chez sa mère, à l’adresse de cette dernière à Villiers-le-Bel (Val d’Oise) ; que, contrairement à ce que la requérante soutient, les prestations de services informatiques que M. B…, seul salarié de la société, réalise sont effectuées à partir du siège de l’établissement de la société en France, et cela alors même que l’intéressé se déplace chez ses clients établis en France ou à l’étranger ; qu’ainsi, la SA TIKI NUI AUTOMATION disposait en France d’une installation fixe à partir de laquelle elle exerçait son activité de prestations de services ; que la gestion courante de la société était effectuée en France par M. B… et non au siège social sis à des adresses de domiciliation au Luxembourg et où elle ne disposait d’aucun personnel et cela alors même que sa comptabilité était tenue par un cabinet comptable luxembourgeois et qu’elle détenait un compte bancaire ouvert auprès d’une banque luxembourgeoise ; qu’il résulte de ce qui précède que c’est par une exacte application des dispositions précitées de l’article 209 du code général des impôts que la SA TIKI NUI AUTOMATION a été assujettie à l’impôt sur les sociétés en France au titre des exercices en litige ;

4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 4 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 susvisée:  » 1. Les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l’Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable. / 2. Lorsqu’une entreprise possède des établissements stables dans les deux Etats contractants, chacun d’eux ne peut imposer que le revenu provenant de l’activité des établissements stables situés sur son territoire. (…)  » ; qu’aux termes du 3. de l’article 2 de cette même convention :  » 1) Le terme  » établissement stable  » désigne une installation fixe d’affaires dans laquelle l’entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2) Au nombre des établissements stables figurent notamment : a) les sièges de direction ; b) les succursales ; c) les bureaux ; (…)  » ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit que la SA TIKI NUI AUTOMATION disposait au cours des exercices en litige d’un établissement stable en France depuis lequel M. B… assurait la direction de la société ; qu’ainsi, l’administration fiscale n’a pas méconnu les stipulations de la convention fiscale franco-luxembourgeoise en assujettissant la requérante à l’impôt sur les sociétés en France ;

6. Considérant, enfin, que la SA TIKI NUI AUTOMATION n’est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative qu’elle invoque dès lors que cette dernière ne comporte pas une interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il lui a été fait application ;

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

7. Considérant qu’aux termes de l’article 259 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur :  » Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle.  » ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la SA TIKI NUI AUTOMATION disposait au cours de la période en litige d’un établissement stable en France à partir duquel elle réalisait son activité de prestations de services d’informatique industrielle ; que cet établissement comportait les moyens humains et techniques nécessaires à la réalisation, de manière autonome, desdites prestations ; que c’est, dès lors, à bon droit que la requérante a été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée en France sur le fondement de l’article 259 du code général des impôts ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SA TIKI NUI AUTOMATION n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA TIKI NUI AUTOMATION est rejetée.

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N° 12VE02271


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