Cour administrative d’appel de Paris, 5ème chambre – Formation B, du 17 janvier 2005, 01PA02235, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Paris, 5ème chambre – Formation B, du 17 janvier 2005, 01PA02235, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2001, présentée pour M. Y X, élisant domicile …, par Me Andrieu ; M. X demande à la cour d’annuler le jugement n° 00-424 et 448 en date du 29 mars 2001, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d’impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux et de contribution sociale généralisée, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre de la période du 20 décembre 1994 au 31 décembre 1995, et d’ordonner la décharge des impositions en cause ;

…………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 3 janvier 2005 :

– le rapport de M. Privesse, rapporteur,

– et les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X dirige la société anonyme La Valouise, ayant pour objet l’exploitation de deux maisons de retraite médicalisées, dont le principal établissement se trouve à Orrouy dans l’Oise, et assure par ailleurs la gérance de plusieurs sociétés civiles immobilières, ayant ainsi une activité de loueur de fonds ; qu’à la suite de la vérification de comptabilité de la société La Valouise, M. X a fait l’objet d’un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, qui, compte tenu d’un divorce prononcé le 20 décembre 1994 suivi d’un mariage le 24 juin 1995, a notamment porté sur la période s’écoulant entre ces deux dates ; que cet examen a été engagé à la suite de l’envoi d’un avis le 27 septembre 1996 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que M. X reproche aux premiers juges de ne pas avoir répondu au moyen par lequel il faisait valoir que, le service ayant taxé en revenus de capitaux mobiliers, des sommes portées au crédit de deux comptes courants sur lesquels il avait procuration, qualifiées de détournements de recettes de la société La Valouise par l’administration, celle-ci devait dès lors lui communiquer la notification de redressement adressée à cette société ; que le jugement attaqué serait par suite irrégulier ;

Considérant toutefois que la taxation contestée de sommes apparaissant sur les comptes dont s’agit, trouve son origine non pas dans la vérification de comptabilité de la société La Valouise, mais dans l’obtention par l’administration des relevés bancaires de ces comptes conformément au droit de communication dont elle a disposé pour le contrôle des impositions sur le revenu de M. X ; que dès lors, le moyen selon lequel l’administration n’aurait pas produit dans le présent litige ni devant le tribunal, la notification de redressement adressée à la société La Valouise à la suite de sa vérification et que le détournement de recettes ne serait ainsi pas établi, est inopérant ; que dans ces conditions, le tribunal a pu s’abstenir de statuer sur ce moyen sans entacher son jugement d’irrégularité ;

Sur la compétence territoriale :

Considérant qu’aux termes de l’article 350 terdecies de l’annexe III au code général des impôts, issu du décret nº 96-804 du 12 septembre 1996, applicable au 17 septembre suivant : I. …les fonctionnaires titulaires de la direction générale des impôts … peuvent fixer les bases d’imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que notifier les redressements. (…) II. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l’égard des personnes physiques ou morales … qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial de leur service d’affectation une déclaration …(…) V. Sans préjudice des dispositions des II, III et IV, les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer leurs attributions à l’égard des personnes physiques ou morales et des groupements liés aux personnes ou groupements qui relèvent de leur compétence. – Les liens existant entre les personnes ou groupements s’entendent de l’appartenance ou du rattachement à un même foyer fiscal de l’exercice d’un rôle de direction de droit ou de fait, d’une relation d’association, de subordination ou d’interposition, ou de l’appartenance à un même groupe d’intérêts ; qu’il résulte de ces dispositions, qui ne font pas de distinction entre le contrôle sur pièces et la vérification de comptabilité, que les fonctionnaires compétents pour notifier des redressements à la société La Valouise, laquelle dépose ses déclarations au centre des impôts dont relève son siège social, sont également compétents, contrairement à ce que soutient M. X, pour notifier les redressements provenant notamment de cette même société à son dirigeant quelle que soit son adresse personnelle ; qu’en l’occurrence, le vérificateur de ladite société, dont la compétence n’est pas contestée par M. X, dépendait de la direction régionale des impôts de Picardie, dont dépendait également le fonctionnaire ayant procédé à son examen personnel de situation fiscale litigieux ; qu’aucun texte n’interdit à deux personnes relevant de la même direction d’assurer séparément ces deux contrôles, conformément aux dispositions précitées de l’article 350 terdecies de l’annexe III au code général des impôts ; que le droit de suite résultant des textes précités n’est pas subordonné à l’engagement préalable d’un contrôle fiscal à l’égard de l’intéressé ; que, par suite, la notification de redressement du 25 novembre 1997 adressée à M. X n’a pas été signée par une personne incompétente ;

Sur les bénéfices industriels et commerciaux :

Considérant en premier lieu, que s’agissant de la procédure des redressements opérés au titre des bénéfices industriels et commerciaux sur la période globale de contrôle du 20 décembre 1994 au 24 juin 1995, M. X se borne à reproduire le contenu de ses écritures de première instance ; qu’ainsi, il ne met pas le juge d’appel en mesure de se prononcer sur les erreurs qu’aurait pu commettre le tribunal administratif en écartant les moyens soulevés devant lui pour contester ce chef de redressements ; que dans ces conditions, les conclusions d’appel correspondantes, tendant à requalifier le contrôle opéré en une vérification de comptabilité dépourvue de l’envoi préalable d’un avis de vérification, ne peuvent qu’être rejetées par adoption des motifs du jugement retenu par les premiers juges ;

Considérant, en second lieu, que M. X soutient que l’intégralité des bénéfices industriels et commerciaux réalisés au titre de l’année 1995, devait être retenue pour le calcul de l’assiette de l’impôt sur le revenu à la clôture de cet exercice, ces mêmes bénéfices ne pouvant, par suite, être répartis au prorata temporis de la période antérieure à son mariage et de la période suivant celui-ci ; que l’administration de son côté, fait valoir que l’intéressé, dans ses déclarations de revenu global souscrites au titre de l’année 1995 pour chacune de ces deux périodes, a partagé le déficit déclaré pour moitié au titre de ces mêmes périodes, cette circonstance étant seule de nature à établir qu’il avait clairement manifesté son option pour l’imposition de ce revenu catégoriel au prorata temporis ;

Considérant que, s’agissant de bénéfices industriels et commerciaux, et par application combinée des articles 36, 37 et 38 du code général des impôts, la mise à disposition est réputée intervenir à la clôture de l’exercice comptable ou, à défaut, le 31 décembre de chaque année ; que M. X doit ainsi être regardé comme ayant disposé des bénéfices susmentionnés, objets desdits redressements, le 31 décembre 1995, date à laquelle il était marié avec Mme X-Golobieski, et pouvait prétendre à deux parts de quotient familial ; que s’il est admis que les bénéfices industriels et commerciaux soient, pour leur imposition, répartis prorata temporis en fonction de la date de séparation ou de mariage, le bénéfice de cette tolérance administrative, d’interprétation stricte et qui n’est pas opposable, au contribuable, n’est accordé qu’à la condition que ce mode de répartition fasse l’objet d’une demande écrite conjointe des intéressés ; que cette condition n’étant pas remplie en l’espèce, nonobstant la circonstance invoquée par l’administration, c’est à tort que celle-ci s’est cru autorisée à répartir l’imposition dont s’agit au prorata temporis sur les deux périodes de l’année 1995 séparées par le mariage du requérant ; que M. X est donc fondé à demander la décharge de cette imposition au titre de la période en litige ;

Sur les revenus de capitaux mobiliers :

Considérant d’une part, qu’aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : L’administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ; qu’il résulte de l’examen de la notification de redressement adressée le 25 novembre 1997 à M. X, qu’en ce qui concerne les redressements au titre des revenus de capitaux mobiliers, celle-ci précise que c’est à la suite de demandes de justification, que l’intéressé a lui-même fourni un détail des chèques de clients encaissés sur les deux comptes bancaires nº 049838A et n° 012435Q, le service n’ayant plus eu alors qu’à régulariser le montant total obtenu en fonction des sommes prélevées au débit de son propre compte courant, pour en arriver à un total réintégré de 398 240 F sur l’année 1995, dont 240 000 F au titre la période du 1er janvier au 23 juin de cette même année ; qu’ainsi, le contribuable ayant lui-même fourni au départ le détail des sommes concernées, une telle motivation était suffisante pour lui permettre de formuler ses observations, et doit donc être regardée comme étant conforme aux prescriptions des dispositions précitées ;

Considérant d’autre part, que M. X fait valoir que l’administration n’est pas fondée à regarder les sommes portées au crédit des comptes bancaires nº 049838A et nº 012435Q ouverts respectivement aux noms de MM. Mohammed Bassou et Fouad Zerhouni, comme résultant de détournements de recettes de la société La Valouise, dès lors que cette dernière n’a fait l’objet de réhaussements de recettes qu’à hauteur de 20 322 F ;

Considérant qu’aux termes de l’article 109-1 du code général des impôts : Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices… ; que si, aux termes de l’article 110 du même code pour l’application de l’article 109-1-1, les bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Toutefois, ces bénéfices sont augmentés de ceux qui sont légalement exonérés dudit impôt…, il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, lorsqu’il n’a pas été établi d’impôt sur les sociétés à la charge de la personne morale, mais que celle-ci a effectivement alloué des sommes aux associés au cours de l’exercice, ces dernières sommes entrent dans la catégorie des sommes non prélevées sur les bénéfices au sens de l’article 109-1-2° et peuvent donc être regardées comme des revenus distribués ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que M. X, président-directeur général de la société La Valouise et principal actionnaire de celle-ci, détenait une procuration générale sur les comptes susmentionnés de MM. Bassou et Zerhouni, et n’avait pas communiqué en temps utile les relevés bancaires y afférents au service chargé du contrôle, lequel les a demandés à l’établissement financier dans le cadre de son droit de communication ; que l’examen détaillé de ces relevés a permis d’établir, par rapprochement de fichiers, que la presque totalité des chèques déposés sur les comptes provenait de clients de la société et qu’ils avaient été signés par son dirigeant, ces dépôts devant dès lors être analysés comme des détournements de recettes de la société qu’il contrôlait ; que dans ces conditions et en l’absence de toute justification de la part de M. X, l’administration doit être regardée comme apportant la preuve de la confusion qui existait à ce titre entre les patrimoines respectifs de la société La Valouise et de son dirigeant ; qu’en application des textes précités, l’administration était dès lors fondée à présumer les sommes détournées comme étant des revenus distribués au contribuable, bénéficiaire réel de celles-ci, et à les taxer à son nom dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Considérant que la seule circonstance invoquée par M. X selon laquelle il n’a pas été établi de redressements à l’impôt sur les sociétés à la charge de la personne morale qu’il dirigeait, à concurrence des sommes précédemment qualifiées de détournements de recettes, est sans incidence sur la taxation de celles-ci au titre de l’impôt sur le revenu de l’intéressé, en raison de l’indépendance des procédures conduites à l’égard de la société d’une part, et de son dirigeant d’autre part, dès lors que les faits à l’origine des redressements de ce dernier ont été suffisamment établis ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, que c’est à bon droit que l’administration a estimé devoir réintégrer les sommes portées au crédit des comptes susmentionnés, à savoir 240 000 F pour la période du 1er janvier au 23 juin 1995, dans les bases de l’impôt sur le revenu de M. X au titre de cette même période et dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Sur les revenus d’origine indéterminée :

Considérant qu’en l’absence de nouveaux justificatifs produits malgré les affirmations du mémoire du requérant enregistré au greffe le 5 mars 2004, il y a lieu de rejeter par adoption des motifs retenus sur ce point par les premiers juges, les conclusions d’appel concernant la taxation d’office de crédits bancaires correspondant à des revenus d’origine indéterminée ;

Sur les pénalités :

Considérant qu’eu égard à sa qualité de dirigeant de plusieurs sociétés, M. X ne pouvait ignorer les obligations comptables et fiscales auxquelles il était assujetti ; qu’eu égard aux minorations volontaires et aux omissions déclaratives nombreuses, c’est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que, dans les circonstances de l’espèce, l’administration a pu être regardée comme ayant établi l’élément intentionnel exclusif de la bonne foi ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander la décharge des redressements opérés au titre des bénéfices industriels et commerciaux sur la période du 1er janvier au 24 juin 1995 ;

D E C I D E :

Article 1er : Il est accordé décharge à M. X du complément d’impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquels il demeure assujetti au titre de la période du 1er janvier au 24 juin 1995 en ce qui concerne les revenus de nature industrielle et commerciale.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Melun en date du 29 mars 2001 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 01PA02235

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N° 01PA02235


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