Cour Administrative d’Appel de Nantes, 4ème chambre, 21/03/2014, 12NT01867, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Nantes, 4ème chambre, 21/03/2014, 12NT01867, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2012, présentée pour M. B… A…, domicilié…, par Me Courreau ; M. A… demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 11 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du Calvados à lui verser une indemnité de 750 000 euros, augmentée des intérêts et de la capitalisation des intérêts et sous astreinte de 400 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, en réparation du préjudice causé par la liquidation judiciaire de la société qui l’employait ;

2°) de condamner le SDIS du Calvados à lui verser une indemnité de 750 000 euros augmentée des intérêts à compter du 2 septembre 2010 et de la capitalisation des intérêts, sous astreinte de 400 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge du SDIS du Calvados le versement de la somme de 12 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

– la solution retenue par le tribunal est fondée sur des allégations dont le bien-fondé n’est pas établi ;

– la qualité de la gestion de l’école départementale des sapeurs-pompiers du Calvados (EDSP 14) n’a jamais été remise en cause ;

– en procédant au paiement partiel de la facture du 1er juillet 2010, le SDIS du Calvados

a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle ;

– le préjudice moral et matériel de M. A… résulte de la perte de son emploi de directeur des opérations de la société DSH à l’âge de 51 ans et de la situation de surendettement dans laquelle il s’est alors trouvé ;

– son licenciement trouve sa cause dans la liquidation judiciaire de la société EDSP 14 dont son employeur, la société DSH, était entièrement dépendante sur le plan économique ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée à Me Le Bouëdec le 10 décembre 2012, en application de l’article R. 612-3 du code de justice administrative, et l’avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2013, présenté pour le SDIS du Calvados, par Me Le Bouëdec ; le SDIS du Calvados demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de M. A… le versement de la somme de 4 000 euros augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux applicable sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

– la requête, qui ne comporte pas de conclusions tendant à l’annulation ou à la réformation du jugement, n’est pas recevable ;

– le recours contentieux, qui n’a pas été précédé d’une réclamation, n’est pas recevable ;

– en sa qualité de tiers au contrat de délégation de service public, le requérant ne peut se prévaloir de l’inexécution des obligations contractuellement prévues ;

– il était en droit de ne pas régler les prestations non encore effectuées ; les conditions de la compensation de créances étaient remplies ; les créances qu’il a déclarées s’élevaient à la somme totale de 23 797 207, 36 euros ;

– la liquidation judiciaire de la société EDSP 14 résulte de sa mauvaise gestion et non de l’absence de paiement de la facture du 1er juillet 2010 ;

– le requérant, qui a créé une nouvelle société, n’établit le préjudice invoqué ni dans son principe ni dans son montant ;

– n’ayant pas la qualité de salarié, il ne peut se prévaloir de la méconnaissance de l’obligation de reprise de l’ensemble des contrats de travail prévue par l’article L. 1224-3 du code du travail ;

– la faute que constitue la mauvaise gestion de la société EDSP 14 par le requérant, qui en était le directeur, serait de nature à l’exonérer de sa responsabilité ;

Vu l’ordonnance du 10 janvier 2014 fixant la clôture de l’instruction au 3 février 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 février 2014, présenté pour M. A… qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

il ajoute que :

– son recours, qui tend à l’annulation du jugement et qui est motivé, est recevable ;

– il n’a pas la qualité de dirigeant ou d’actionnaire de la société DSH qui l’a employée en qualité de salarié ainsi que l’attestent les témoignages relatifs à l’existence d’un lien de subordination produits ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 février 2014, présenté pour le SDIS du Calvados qui maintient ses conclusions ;

il ajoute que :

– le requérant n’a pas la qualité de salarié de la société DSH ainsi que l’a jugé la cour d’appel de Caen par un arrêt rendu le 13 septembre 2013 ;

– la liquidation judiciaire de la société EDSP 14 ne trouve pas sa cause dans une faute commise par l’administration ainsi que l’a jugé la cour administrative d’appel de Nantes dans un arrêt rendu le 14 janvier 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 février 2014 :

– le rapport de Mme Aubert, président-assesseur ;

– les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

– les observations de Me Courreau, avocat de M. A… ;

– et les observations de Me Le Bouëdec, avocat du SDIS du Calvados ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 mars 2014, présentée pour M. A… ;

1. Considérant que le SDIS du Calvados a conclu le 26 avril 2006 avec la société EDSP 14 un contrat de délégation de service public et un bail emphytéotique ayant pour objet la construction, la gestion, l’entretien et l’exploitation d’une école de formation des sapeurs-pompiers ; que la société EDSP 14 a conclu avec la société ASPS (Agence européenne pour la sécurité civile et industrielle, la prévention et le secours d’urgence), devenue la société DSH (Défense sécurité holding) à la suite d’une opération de fusion-absorption, un contrat d’assistance technique, d’équipement, de fournitures, de prestations de service et de maintenance ayant pour finalité de lui fournir les moyens de remplir ses obligations de délégataire ; que les deux sociétés ayant été concomitamment placées en liquidation judiciaire les 18 et 19 août 2010, M. A…, employé par la société ASPS en qualité de directeur des opérations auprès du président, a été licencié à compter du 22 septembre 2010 ; qu’estimant que ce licenciement trouve sa cause dans le refus de l’administration de payer une facture d’un montant de 551 649,02 euros émise le 1er juillet 2010 par la société EDSP 14, lui-même à l’origine de la cessation d’activité des deux sociétés, il a saisi le tribunal administratif de Caen d’un recours tendant à la condamnation du SDIS du Calvados à lui verser une indemnité de 750 000 euros ; que par un jugement du 11 mai 2012 dont il relève appel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société EDSP 14 a adressé au SDIS du Calvados le 1er juillet 2010 une facture d’un montant de 551 649,02 euros correspondant au montant de la redevance trimestrielle due en application de l’article 25-2 du contrat de délégation de service public ; que cette facture a été réglée à hauteur de 421 819,54 euros auprès de la société Sogéfinerg, crédit-bailleur de la société EDSP 14, sur le fondement d’une délégation de créance ; que la somme de 129 829,48 euros restant due a été ramenée à 72 127,49 euros puis à 70 684,94 euros par deux mandats du SDIS des 12 et 18 août 2010, ce dernier ayant décidé de limiter le paiement au montant des prestations déjà fournies en raison du risque d’inexécution des prestations futures que présentait la procédure de redressement et de liquidation judiciaire engagée ; que la somme de 70 684,94 euros n’a pas été mise en paiement en raison de la liquidation judiciaire de la société EDSP 14 ayant pris effet le 19 août 2010 ;

3. Considérant que les tiers à un contrat administratif ne peuvent en principe se prévaloir des stipulations de ce contrat, à l’exception de ses clauses réglementaires ; que la qualité de tiers au contrat fait ainsi obstacle à ce qu’un requérant se prévale d’une inexécution du contrat dans le cadre d’une action en responsabilité quasi-délictuelle ;

4. Considérant qu’il résulte des faits énoncés au point 2 du présent arrêt que M. A… se prévaut de l’inexécution par le SDIS du Calvados d’une obligation mise à sa charge par le contrat de délégation de service public conclu avec la société EDSP 14 ; que sa qualité de tiers à ce contrat fait obstacle à ce qu’il prévale d’un tel manquement ; que ses conclusions à fin d’indemnisation doivent, dès lors et en tout état de cause, être rejetées ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité, que M. A… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du SDIS du Calvados, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par M. A… sur le fondement de ces dispositions ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ce dernier le versement au SDIS du Calvados de la somme de 1 500 euros demandée sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A… est rejetée.

Article 2 : M. A… versera au service départemental d’incendie et de secours du Calvados la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… A… et au service départemental d’incendie et de secours du Calvados.

Délibéré après l’audience du 28 février 2014, à laquelle siégeaient :

– M. Lainé, président de chambre,

– Mme Aubert, président-assesseur,

– M. D…, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 mars 2014.

Le rapporteur,

S. AUBERT Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. C…

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 12NT01867


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