Cour Administrative d’Appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 24/06/2008, 06MA00059, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 24/06/2008, 06MA00059, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2006, présentée pour M. Claude Y, demeurant …, par Me Amiel de la SCP Alcade et Associés ;

M. Y demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0001636 du 3 novembre 2005 du Tribunal administratif de Montpellier en tant qu’il a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales, ainsi que des pénalités afférentes qui lui ont été réclamées au titre de l’année 1994 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 27 mai 2008,

– le rapport de Mme Mariller, rapporteur ;

– les observations de Me Le Gnoc Tho pour la succession de M. Y ;

– et les conclusions de M. Emmanuelli, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’à l’issue de l’examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, M. et Mme Claude Y ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l’année 1994 correspondant à la réintégration dans les bases d’imposition, dans la catégorie des revenus d’origine indéterminée, de sommes taxées d’office en application des articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales ; que par le jugement attaqué du 3 novembre 2005, le Tribunal administratif de Montpellier a accordé à M. et Mme Y une réduction en base de 50 000 francs des impositions mises à leur charge au titre de l’année 1994 et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande ; que M. Claude étant décédé, Mme Y et Mlle Sylvie Y ont déclaré reprendre l’instance en cours ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que pour justifier de l’origine d’un crédit de 93 000 francs constaté sur son compte bancaire personnel, M. Y a soutenu devant les premiers juges qu’il a encaissé sur son propre compte un chèque destiné à la société SVI DAF au sein de laquelle il est associé, afin de procéder au remboursement de son compte courant d’associé dans ladite société qui avait été débité d’une telle somme ; que le tribunal, par la motivation générale qu’il a adoptée, relative au remboursement de prêts précédemment accordés, n’a pas répondu à ce moyen et a ainsi entaché son jugement d’une omission à statuer ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M Y devant le Tribunal administratif de Montpellier et auxquelles il n’a pas été fait droit ;

Sur l’étendue du litige :

Considérant que, dans leur mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif, le 11 janvier 2005, M. et Mme Y ont expressément abandonné leurs conclusions tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu résultant de la réintégration, dans les bases imposables, d’une somme de 9 497 francs ; que ce désistement étant pur et simple, il y a lieu d’en donner acte ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

Considérant, en premier lieu, que le caractère contradictoire que doit revêtir l’examen de situation fiscale personnelle d’un contribuable au regard de l’impôt sur le revenu, en vertu des articles L.47 à L.50 du livre des procédures fiscales, interdit au vérificateur d’adresser la notification de redressement qui, selon l’article L.48, marquera l’achèvement de son examen, sans avoir, au préalable, engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu’il envisage de retenir ; qu’au cours de ce débat, le vérificateur n’est cependant pas tenu d’informer le contribuable des redressements envisagés dont il aura connaissance par l’envoi de la notification de redressement et sur lesquels il pourra contradictoirement débattre ; qu’il résulte de l’instruction, qu’au cours du contrôle, le vérificateur a rencontré M. Y à deux reprises, les 22 janvier et 5 mars 1997, avant de lui adresser une demande de justifications le 3 avril 1997 ; que le vérificateur a envisagé avec lui au cours de ces entretiens, les sources de ses revenus et le détail des sommes figurant au crédit de ses comptes financiers ; qu’en l’absence d’obligation pour le vérificateur d’engager un dialogue contradictoire sur les redressements envisagés dès ce stade de la procédure avant l’envoi de la notification de redressement, la circonstance que le requérant n’a pas rencontré le vérificateur après la demande de justification ne suffit pas à révéler une absence ou une insuffisance du débat contradictoire ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L.57 du livre des procédures fiscales : « L’administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation » ; qu’il résulte de l’instruction que la notification de redressement du 29 septembre, adressée à M. Y, mentionnait précisément les motifs de droit et les bases sur lesquels les cotisations supplémentaires à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale étaient assises ; que le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la notification de redressement doit, en conséquence, être rejeté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l’imposition des crédits de 25 000, 100 000 et 106 118 francs :

Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (…) ; que les sommes inscrites au crédit d’un compte courant d’associé ont, sauf preuve contraire apportée par l’associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Considérant que les sommes de 25 000 et 100 000 francs ont été créditées sur le compte courant de M. Y dans la SARL Camping International, les 31 mars et 30 mai 1994, tandis que celle de 106 118 francs figure au crédit du compte courant du requérant dans la société ECS ; que, ces sommes devaient, par suite, être imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que M. Y est dès lors fondé à soutenir que c’est à tort que l’administration les a imposées dans la catégorie des revenus d’origine indéterminée ;

Considérant toutefois que le directeur des services fiscaux demande par voie de substitution de base légale que l’imposition de ces trois sommes soit maintenue dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que l’administration est en droit, à tout moment de la procédure, pour justifier le bien-fondé d’une imposition, de substituer une base légale valable à celle qui a été primitivement retenue, à condition que la procédure d’imposition afférente à la nouvelle base légale ait été régulièrement suivie ;

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que, nonobstant la taxation d’office des sommes en litige par application des dispositions des articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales, l’administration a adressé le 29 septembre 1997 à M. Y une notification de redressement dont la motivation répondait aux exigences des articles L.57 et L.58 du livre des procédures fiscales, sans qu’il puisse être reproché au vérificateur de ne pas avoir visé les dispositions de l’article 109-1° du code général des impôts dès lors qu’il ne s’agissait pas du fondement légal des redressements notifiés ; qu’elle précisait au requérant qu’il disposait d’un délai de trente jours pour faire connaître son acceptation ou ses observations et avait la possibilité de se faire assister d’un conseil, ce qu’il a d’ailleurs fait ; que l’administration a répondu aux observations du requérant le 26 décembre 1997 ; que, s’agissant de revenus de capitaux mobiliers, l’administration justifie ainsi avoir respecté l’ensemble des garanties offertes au contribuable dans le cadre de la procédure contradictoire ; qu’en outre, l’inscription d’un crédit à un compte courant d’associé ne permettant pas de présumer de son caractère professionnel, l’administration n’a pas commis un détournement de procédure en utilisant la procédure prévue à l’article L.16 du livre des procédures fiscales pour demander à M. Y des justifications sur la nature de ces sommes ;

Considérant, en deuxième lieu, que s’agissant des crédits de 25 000 et 100 000 francs, M. Y soutient que ces sommes correspondent à un remboursement partiel par M. Juan Llinares d’un prêt de 600 000 francs qu’il lui a personnellement accordé pour faire face au difficultés de la société LD Finances au cours de l’année 1993 ; que l’existence de prêt n’est cependant justifiée par aucun document ayant date certaine ; que la production de l’extrait de compte de la société LD Finances faisant apparaître un crédit de 1 200 000 francs au 23 juin 1993 et d‘un bordereau de remise de chèques du même jour comprenant un chèque de M. Y de 600 000 francs ne suffisent pas à établir l’existence de ce prêt ; qu’en outre, si ainsi que l’affirme le requérant, la somme de 600 000 francs apparaît au crédit du compte courant de M. Llinares et au débit de son propre compte courant dans la société LD Finances, ces sommes ne sont enregistrées qu’au mois de mars 1994, soit plus de six mois après le versement de la somme ; que M. Y n’apporte donc pas la preuve qui lui incombe de ce que la somme de 100 000 francs figurant au crédit de son compte courant dans la société SARL Camping International correspondrait au remboursement partiel d’un prêt de 600 000 francs consenti par M. Y à M. Llinares ; que le requérant ne produit aucune justification quant à l’origine et la cause du crédit de 25 000 francs ;

Considérant, en troisième lieu, que s’agissant de la somme de 106 118 francs créditée sur le compte courant de M. Y dans la société ECS, le requérant soutient qu’elle correspond à un remboursement de dépenses qu’il a personnellement engagées pour le compte de ladite société ; qu’il n’apporte cependant aucune preuve de ses allégations et du caractère non imposable de cette somme ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de faire droit à la substitution de base légale demandée par l’administration et de maintenir l’imposition des trois sommes susmentionnées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

En ce qui concerne l’imposition du crédit de 66 000 francs :

Considérant que pour justifier de l’origine de cette somme créditée le 5 avril 1994 sur son compte ouvert au Crédit Agricole, M. Y soutient qu’il a consenti à M. Didier Chatelain un prêt de 60 000 francs par l’émission de deux chèques de 50 000 et 10 000 francs, le 12 août 1992, et que ce prêt a été garanti par l’émission d’une lettre de change le 31 août 1993 d’un montant de 67 200 francs comprenant 7 200 francs d’intérêts ; qu’il allègue que le crédit litigieux, qui a été complété par un chèque émanant de M. Chatelain émis le 13 mai 1994 d’un montant de 1 200 francs, correspond au remboursement de ce prêt ;

Considérant cependant que M. Y ne justifie que d’un versement à M. Chatelain d’une somme de 50 000 francs par la production de la photocopie du chèque et du bordereau de remise par le bénéficiaire ; qu’aucune justification probante n’est apportée d’un versement supplémentaire d’une somme de 10 000 francs ; qu’en outre, le chèque de 50 000 francs a été émis et encaissé au mois d’août 1992 tandis que la lettre de change émanant de M. Chatelain est datée du 31 août de l’année suivante ; que compte tenu de l’absence de concordance tant des montants des versements et des remboursements, que des dates des événements allégués, M. Y ne peut être regardé, en l’absence de production d’un contrat de prêt ayant date certaine et précisant les modalités de remboursement, comme établissant que le crédit litigieux de 66 000 francs avait pour objet de rembourser un prêt de 60 000 francs consenti deux ans plus tôt ;

En ce qui concerne l’imposition du crédit de 325 000 francs :

Considérant que pour justifier de l’origine du crédit de 325 000 francs apparaissant sur le compte Crédit Agricole du Gard de Mme Y le 28 avril 1994, le requérant fait valoir que lui-même et son épouse ont consenti à un ami de longue date, M. Georges Arnaud, gérant de la société Arenor, un prêt de 330 000 francs contracté pour faire face aux difficultés de sa société et que le crédit contesté correspond à ce remboursement ; que le requérant établit, par la production des photocopies, que lui-même et son épouse ont émis trois chèques en faveur de M. Arnaud les 7 avril 1993, 7 janvier 1994 et 17 mars 1994 d’un montant respectif de 100 000 de 150 000 francs et de 80 000 francs ; que, néanmoins, seul le premier de ces chèques a été encaissé par la SA Arenor tandis que les deux autres ont fait l’objet d’un encaissement par une SARL Arnaud Jewelery ; que le versement par la société Arenor le 28 avril 1994 d’une somme de 325 000 francs sur le compte de Mme Y, au demeurant inférieur de 5 000 francs à la somme des trois chèques établis en faveur de M. Arnaud, ne peut donc être regardé, en l’absence de toute information sur les relations entre les deux sociétés, comme correspondant au remboursement d’un prêt ;

En ce qui concerne l’imposition du crédit de 93 000 francs :

Considérant que le crédit litigieux correspond à l’encaissement le 13 mai 1994 d’un chèque d’un montant de 93 000 francs émis par M. Chan Fat ; que si M. Y fait valoir qu’il a encaissé ce chèque au lieu et place de la SVI DAF dont il est actionnaire et qui connaissait de graves difficultés financières, il n’établit pas que M. Chan Fat était débiteur de cette société ; qu’en outre, s’il fait valoir que la somme a été débitée de son compte courant dans la société DAF le 30 avril 1994 et qu’il a rétrocédé cette somme en émettant un chèque à l’intention du gérant de la société le 8 mai 1994, le ministre relève, à juste titre, que cette explication n’est pas cohérente dès lors qu’elle suppose que le requérant aurait rétrocédé la recette sociale dont s’agit avant même de l’avoir encaissée ; qu’il ne peut ainsi être regardé comme établissant l’origine de cette somme et son caractère non imposable ;

En ce qui concerne l’imposition du crédit de 41 679 francs :

Considérant que ce crédit constaté le 19 septembre 1994 sur le compte Crédit Agricole du requérant correspond à l’encaissement de trois chèques émanant de la SVI DAF, pour un montant de 33 389 francs, de M. Mangini pour la somme de 2 000 francs et de M. Desjoyaux pour la somme de 6 290 francs ; que M. Y n’apporte aucune preuve de ce que la somme versée par la SVI DAF correspondrait au remboursement de dépenses qu’il aurait précédemment exposé pour le compte de la société DAF ; qu’il n’établit donc pas le caractère non imposable des sommes en litige ; qu’en outre, la seule circonstance qu’un chèque émane de la société DAF ne suffit pas à justifier l’imposition du crédit correspondant dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Sur les pénalités :

Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : «Lorsque la déclaration ou l’acte mentionnés à l’article 1728 font apparaître une base d’imposition ou des éléments servant à la liquidation de l’impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 et d’une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l’intéressé est établie (…) »;

Considérant que compte tenu des montants en cause et de l’absence de toute justification sérieuse et cohérente de l’origine des sommes en litige, l’administration doit être regardée comme ayant établi la mauvaise foi du requérant et, par suite, le bien-fondé des pénalités assignées en application de l’article 1729 du code général des impôts ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l’essentiel, soit condamné à payer à Mme Louise Y et Melle Sylvie Y, la somme qu’elles demandent au titre des frais exposés par elles tant en première instance qu’en appel et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 3 novembre 2005 est annulé en tant qu’il rejette les conclusions de M. et Mme Y.

Article 2 : Il est donné acte du désistement des conclusions de M. et Mme Y tendant à la décharge en base de la somme de 9 497 francs.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée au tribunal administratif est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de M. Y présentées devant la Cour sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Louise Y et Melle Sylvie Y

et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

2

N° 06MA00059


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