Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 14 décembre 2009, présentée pour M. et Mme Christian A, demeurant …, par Me Chapron ; M et Mme A demandent à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 041467 du 15 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contribution sociale ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 1998 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mette à la charge de l’Etat la somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 4 novembre 2011 :
– le rapport de M. Vincelet, rapporteur,
– et les conclusions de M. Gouès, rapporteur public ;
Considérant que Mme A a fait donation à ses six enfants, le 30 mars 1998, de la nue-propriété, évaluée à 10 504 914,56 F, de 1216 actions de la société Groupe Leblanc de Nicolay (G.L.N.) ; que le caractère définitif de cette donation était subordonné à la réalisation de la condition suspensive incluse dans l’acte, qui tenait à l’obligation faite aux donataires, à peine de caducité de la donation, de revendre les titres à la société A .O.N.avant le 31 janvier 1999 ; que cette condition s’étant réalisée le 15 mai 1998, Mme A a fait constater le 15 juin suivant auprès de la recette des impôts du 9ème arrondissement de Paris, le caractère définitif de la donation ; que l’administration a estimé que Mme A, en subordonnant la validité de la donation à cette condition, avait en réalité conservé la nue-propriété des titres jusqu’à leur revente ultérieure par les donataires, de sorte que la donation dissimulait la vente directe des actions par Mme A à la société A.O.N, et qu’elle n’avait eu d’autre but que celui de minorer le montant de la plus-value réalisée à cette occasion, en retenant pour son calcul un prix d’acquisition des titres qui correspondait à celui mentionné dans l’acte de donation ; qu’elle a en conséquence assujetti M. et Mme A, au titre de l’année 1998, sur le fondement de l’article L 64 du livre des procédures fiscales, à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contribution sociale résultant de la taxation de la plus-value recalculée sur la base du prix effectif d’acquisition des actions par Mme A ; qu’elle a majoré ces cotisations des pénalités spécifiques prévues à l’article 1729 du code général des impôts ; que M. et Mme A demandent l’annulation du jugement du 15 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités y afférentes ;
Considérant qu’aux termes de l’article L 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : Ne peuvent être opposés à l’administration des impôts les actes qui dissimulent la portée d’un contrat ou d’une convention à l’aide de clauses :
a) Qui donnent ouverture à des droits d’enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; (…)
b) Ou qui permettent d’éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d’affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d’un contrat ou d’une convention.
L’administration est en droit de restituer son véritable caractère à l’opération litigieuse ; En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit ; L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité dont les avis feront l’objet d’un rapport annuel ; Si l’administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement ; qu’il résulte de ces dispositions que lorsque l’administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu’elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;
Considérant, par ailleurs, qu’aux termes de l’article 894 du code civil : La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte ;
Considérant qu’eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, la donation en cause n’a pas eu pour effet de transférer immédiatement et irrévocablement la nue propriété des titres au profit des donataires, dès lors que ces derniers n’en avaient pas la disposition, mais qu’ils étaient au contraire tenus, à peine de caducité de la donation, de revendre les titres dans un délai précis à une société tierce ; que de ce fait Mme A, à qui les titres devaient faire retour en cas de non revente des titres dans le délai prévu, avait en fait conservé la nue-propriété des actions jusqu’au jour de leur revente par les donataires ; qu’ainsi la donation a en réalité porté, non sur la nue propriété des titres, mais sur le produit de sa revente ultérieure à la société A.O.N.; qu’il suit de là que cette donation, intervenue moins de deux mois avant la revente des titres par les donataires, a eu pour effet de faire échapper l’intéressée à l’impôt sur la plus-value qu’elle aurait normalement du acquitter lors de la cession des titres, tout en exonérant les donataires de plus-value taxable dès lors qu’ainsi qu’il a été dit, le prix d’acquisition des titres déclaré par ces derniers, tel qu’il figurait dans l’acte de donation, était égal à celui de leur cession ; qu’au demeurant la revente des titres par les donataires s’inscrivait dans le cadre d’un projet global, initié et connu des intéressés dès le mois de février 1998, de rachat par la société A.O.N. de la totalité des actions de la société G.LN, et formalisé par la signature, le 3 avril 1998 par les actionnaires de cette société, d’une promesse de contrat de cession d’actions au profit de la société A.O.N. ; qu’en réponse aux éléments ainsi mis en évidence par le service, les requérants se bornent à soutenir qu’en effectuant la donation dans les conditions susrappelées, Mme A s’est bornée à user d’une faculté prévue par le code civil et que des droits de mutation ont été acquittés à cette occasion ; que, dans ces conditions, l’administration, à qui incombe la charge de la preuve dès lors qu’elle n’a pas saisi le comité consultatif pour la répression des abus de droit, établit, en se fondant sur les éléments susénoncés, que la donation en cause présentait un caractère artificiel et qu’elle n’était motivée que par la volonté d’éluder l’impôt ; que la réponse ministérielle à M. Marini, sénateur, du 25 juillet 2002, ne fait que commenter le texte fiscal sans l’interpréter ;
Considérant, enfin, que la notification de redressements du 7 décembre 2001, après avoir rappelé la nature et la portée des clauses qui figuraient dans l’acte de donation, en particulier la caducité de l’acte en cas d’absence de revente des titres par les donataires, énonce précisément que le but recherché par cette donation était d’échapper à l’impôt sur la plus-value en créant une situation juridique selon laquelle ni la donatrice ni ses enfants n’avaient de plus-value à déclarer ; que ce faisant, cette notification a régulièrement motivé les pénalités d’abus de droit qui ont majoré le principal des droits rappelés ; qu’est sans incidence sur sa régularité le fait que cette motivation ait été exprimée dans le paragraphe de la notification afférent au principal des droits ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge des impositions contestées ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
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N° 09PA06957
Classement CNIJ :
C