Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2010, présentée pour la SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE EMOUNA, dont le siège est 24, rue Duroc à Paris (75007), par Me Delpeyroux ; la SOCIÉTÉ EMOUNA demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n°s 0609105-0609237 en date du 2 avril 2010 en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à la décharge de la pénalité de 24 000 euros qui lui a été infligée sur le fondement de l’article 1763 A du code général des impôts ;
2°) de prononcer la décharge de la pénalité litigieuse ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 mars 2012 :
– le rapport de M. Lemaire, premier conseiller,
– les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,
– et les observations de Me Devillières, substituant Me Delpeyroux, pour la SOCIÉTÉ EMOUNA ;
Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : » 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (…) » ; qu’aux termes de l’article 111 de ce code : » Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (…) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (…) » ; qu’aux termes de l’article 117 du même code, dans sa version applicable en l’espèce : » Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu’il résulte des déclarations de la personne morale visées à l’article 116, celle-ci est invitée à fournir à l’administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l’excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l’application de la pénalité prévue à l’article 1763 A » ; qu’enfin, aux termes de l’article 1763 A dudit code, alors en vigueur : » Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l’intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l’identité sont soumises à une pénalité égale à 100 p. 100 des sommes versées ou distribuées. (…) » ;
Considérant qu’à l’issue de la vérification de comptabilité de la SOCIÉTÉ EMOUNA, le service vérificateur a refusé d’admettre en déduction des résultats de l’exercice clos en 2003 de cette société, en l’absence de pièces justificatives, une somme de 24 000 euros portée en charges au titre d’une commission due à un apporteur d’affaires ; que le service, ayant estimé que cette somme devait être regardée comme un revenu distribué en application des dispositions précitées du 2° du 1 de l’article 109 du code général des impôts, a invité la SOCIÉTÉ EMOUNA, conformément à l’article 117 du même code, à en désigner le ou les bénéficiaires ; que cette société s’étant bornée à répondre que la somme n’avait pas été désinvestie et ne pouvait dès lors pas être regardée comme un revenu distribué, le service lui a infligé la pénalité prévue par les dispositions précitées de l’article 1763 A du code général des impôts ; que la SOCIÉTÉ EMOUNA relève appel du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 2 avril 2010 en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette pénalité ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, pour juger que la somme de 24 000 euros, dont la déduction avait été remise en cause par le service vérificateur, devait être regardée comme un revenu distribué, le Tribunal administratif de Paris s’est fondé sur les dispositions précitées du 1° du 1 de l’article 109 du code général des impôts, alors que l’administration n’avait invoqué que les dispositions du 2° du 1 du même article, qui constituent une base légale distincte ; que, dès lors, les premiers juges ont irrégulièrement procédé d’office à une substitution de base légale ; qu’il y a lieu, par suite, d’annuler le jugement attaqué en tant qu’il a rejeté la demande de la SOCIÉTÉ EMOUNA tendant à la décharge de la pénalité de 24 000 euros qui lui a été infligée sur le fondement de l’article 1763 A du code général des impôts ;
Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions tendant à la décharge de la pénalité litigieuse présentées par la SOCIÉTÉ EMOUNA devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur les conclusions à fin de décharge de la pénalité infligée sur le fondement de l’article 1763 A du code général des impôts :
Considérant, en premier lieu, que si le service est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier une imposition par un nouveau fondement juridique, c’est à la condition qu’une telle substitution de base légale ne prive le contribuable d’aucune des garanties de procédure prévues par la loi ; que l’administration, qui a estimé, ainsi qu’il a été dit, que la somme de 24 000 euros litigieuse devait être regardée comme un revenu distribué par application des seules dispositions du 2° du 1 de l’article 109 du code général des impôts, se prévaut devant la Cour des dispositions précitées du c de l’article 111 du même code ;
Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction que la somme de 24 000 euros, qui n’a pas été comptabilisée selon un libellé permettant d’identifier l’objet de la dépense et son bénéficiaire, a été déduite du résultat de l’exercice clos en 2003, au titre des charges, par la SOCIÉTÉ EMOUNA ; que si la SOCIÉTÉ EMOUNA soutient que cette somme correspond en réalité à une provision pour commission à payer, qui a fait l’objet le 31 décembre 2003 d’un crédit sur le compte de régularisation 4686 » charges constatées d’avance « , elle ne l’établit pas en se bornant à se prévaloir d’une simple page, non authentifiée, faisant état d’un extrait du journal des opérations diverses de l’exercice clos en 2003 ; qu’au demeurant, il ne résulte pas de l’instruction que l’écriture alléguée de crédit du compte de régularisation aurait été extournée lors des exercices suivants ; que l’administration est dès lors fondée à soutenir que la somme de 24 000 euros dont la déduction a été remise en cause doit être regardée comme un revenu distribué en application des dispositions précitées du c de l’article 111 du code général des impôts ; que, dans ces conditions, il y a lieu de substituer cette base légale à celle initialement retenue par le service vérificateur, une telle substitution ne privant la SOCIÉTÉ EMOUNA d’aucune des garanties de procédure prévues par la loi ;
Considérant, d’autre part, que la SOCIÉTÉ EMOUNA ne saurait se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse, qui n’ajoute pas à la loi fiscale, du secrétaire d’Etat au budget à M. Denais, député, publiée au Journal officiel le 7 janvier 1954, selon laquelle les bénéfices correspondant aux redressements des bases d’imposition à l’impôt sur les sociétés n’ont le caractère de revenus mobiliers imposables que s’ils ont été distribués, et non s’ils sont demeurés investis dans la société ;
Considérant, en second lieu, qu’il est constant qu’en dépit de l’invitation qui lui avait été faite, la SOCIÉTÉ EMOUNA s’est abstenue de désigner le ou les bénéficiaires de la somme de 24 000 euros litigieuse ; que c’est dès lors à bon droit que le service lui a infligé la pénalité prévue par les dispositions précitées de l’article 1763 A du code général des impôts, alors en vigueur ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SOCIÉTÉ EMOUNA n’est pas fondée à demander la décharge de la pénalité qui lui a été infligée sur le fondement des dispositions de l’article 1763 A du code général des impôts ; que les conclusions de la SOCIÉTÉ EMOUNA tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°s 0609105-0609237 du Tribunal administratif de Paris en date du 2 avril 2010 est annulé en tant qu’il a rejeté la demande de la SOCIÉTÉ EMOUNA tendant à la décharge de la pénalité de 24 000 euros qui lui a été infligée sur le fondement de l’article 1763 A du code général des impôts.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SOCIÉTÉ EMOUNA devant le Tribunal administratif de Paris et tendant à la décharge de la pénalité qui lui a été infligée sur le fondement de l’article 1763 A du code général des impôts sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIÉTÉ EMOUA est rejeté.
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N° 10PA02680