Conseil d’Etat, 3ème et 8ème sous-sections réunies, du 25 octobre 2004, 255092, publié au recueil Lebon

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Conseil d’Etat, 3ème et 8ème sous-sections réunies, du 25 octobre 2004, 255092, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 13 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Yves X, demeurant … ; M. X demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 31 décembre 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement du 16 novembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des suppléments d’impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1991, 1992 et 1993 ;

2°) statuant au fond, d’annuler le jugement du 16 novembre 1999 et de lui accorder la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Edouard Crépey, Auditeur,

– les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. X,

– les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X a acquis, en 1990, 400 des 2 000 actions composant le capital de la S.A. Cabinet Dupouy, qui l’emploie comme expert comptable salarié ; que l’administration a refusé que soient déduits de ses salaires imposables des années 1991, 1992 et 1993 les intérêts de l’emprunt qu’il avait contracté en vue de cet achat ; que M. X se pourvoit contre l’arrêt du 31 décembre 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux, confirmant le jugement du 16 novembre 1999 du tribunal administratif de Bordeaux, a rejeté sa demande en décharge des suppléments d’impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1991, 1992 et 1993 ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi ;

Considérant qu’aux termes du 1 de l’article 13 du code général des impôts : Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l’excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l’acquisition et de la conservation du revenu ; qu’en vertu de l’article 83 du même code : Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : / (…) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l’emploi lorsqu’ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales ;

Considérant qu’un salarié peut déduire de ses revenus les dépenses qui, eu égard à leur objet et à leur ampleur, peuvent être regardées comme directement utiles à l’acquisition ou la conservation de ses revenus, alors même que ni les circonstances de fait ni aucun texte ne les rendraient obligatoires ; que la cour administrative d’appel a donc commis une erreur de droit en refusant la déduction des intérêts de l’emprunt souscrit par M. X au motif que ni la loi sur les sociétés anonymes d’expertise comptable, ni les statuts de la S.A. Cabinet Dupouy ne subordonnaient la poursuite du contrat de travail du contribuable à la condition qu’il devienne actionnaire de cette société ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’après l’obtention de son diplôme d’expert comptable, M. X a été invité par le président de la S.A. Cabinet Dupouy à prendre une participation dans la société, dont les deux tiers du capital doivent, en vertu de l’article 7 de l’ordonnance du 19 septembre 1945, être détenus par des experts comptables ; que cette acquisition était de nature à faciliter directement la poursuite du contrat de travail de l’intéressé ; que le ministre ne soutient pas que le montant des intérêts litigieux serait hors de proportion avec les revenus attendus de la poursuite de ce contrat ; que M. X est, dès lors, fondé à demander l’annulation du jugement du 16 novembre 1999 du tribunal administratif de Bordeaux et la décharge des suppléments d’impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1991, 1992 et 1993 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 500 euros que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, tant devant la cour administrative d’appel que devant le Conseil d’Etat ;

D E C I D E :

————–

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 31 décembre 2002 et le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 novembre 1999 sont annulés.

Article 2 : Il est accordé à M. X décharge des suppléments d’impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1991, 1992 et 1993.

Article 3 : L’Etat versera à M. X la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Yves X et au ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.


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