Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 13 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Jean-Charles X, demeurant … ; M. X demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 31 décembre 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement du 20 juillet 1999 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en décharge des suppléments d’impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1991, 1992 et 1993 ;
2°) statuant au fond, d’annuler le jugement du 20 juillet 1999 et de lui accorder la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Edouard Crépey, Auditeur,
– les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. X,
– les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X a acquis, en 1990, 400 des 2 000 actions composant le capital de la S.A. Cabinet Dupouy, qui l’emploie comme expert comptable salarié ; que l’administration a refusé que soient déduits de ses salaires imposables des années 1991, 1992 et 1993 les intérêts de l’emprunt qu’il avait contracté en vue de cet achat ; que M. X se pourvoit contre l’arrêt du 31 décembre 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux, confirmant le jugement du 20 juillet 1999 du tribunal administratif de Bordeaux, a rejeté sa demande en décharge des suppléments d’impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1991, 1992 et 1993 ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi ;
Considérant qu’aux termes du 1 de l’article 13 du code général des impôts : Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l’excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature sur les dépenses effectuées en vue de l’acquisition et de la conservation du revenu ; qu’en vertu de l’article 83 du même code : Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : / (…) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l’emploi lorsqu’ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales ;
Considérant qu’un salarié peut déduire de ses revenus les dépenses qui, eu égard à leur objet et à leur ampleur, peuvent être regardées comme directement utiles à l’acquisition ou la conservation de ses revenus, alors même que ni les circonstances de fait ni aucun texte ne les rendraient obligatoires ; que la cour administrative d’appel a donc commis une erreur de droit en refusant la déduction des intérêts de l’emprunt souscrit par M. X au motif que ni la loi sur les sociétés anonymes d’expertise comptable, ni les statuts de la S.A. Cabinet Dupouy ne subordonnaient la poursuite du contrat de travail du contribuable à la condition qu’il devienne actionnaire de cette société ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’après l’obtention de son diplôme d’expert comptable, M. X a été invité par le président de la S.A. Cabinet Dupouy à prendre une participation dans la société, dont les deux tiers du capital doivent, en vertu de l’article 7 de l’ordonnance du 19 septembre 1945, être détenus par des experts comptables ; que cette acquisition était de nature à faciliter directement la poursuite du contrat de travail de l’intéressé ; que le ministre ne soutient pas que le montant des intérêts litigieux serait hors de proportion avec les revenus attendus de la poursuite de ce contrat ; que M. X est, dès lors, fondé à demander l’annulation du jugement du 20 juillet 1999 du tribunal administratif de Bordeaux et la décharge des suppléments d’impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1991, 1992 et 1993 ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 500 euros que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, tant devant la cour administrative d’appel que devant le Conseil d’Etat ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 31 décembre 2002 et le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 juillet 1999 sont annulés.
Article 2 : Il est accordé à M. X décharge des suppléments d’impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1991, 1992 et 1993.
Article 3 : L’Etat versera à M. X la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Charles X et au ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.