Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 mars 1998, présentée pour M. et Mme X…, demeurant … Le Plan (06150), par Me Gasne, avocat au barreau de Lyon ;
M. et Mme X… demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n 951538 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 6 novembre 1997 en tant qu’il a rejeté leurs conclusions en réduction des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvement social de 1% auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1987 et 1989, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer les réductions demandées ;
3 ) de condamner l’Etat à leur verser une somme de 30 000 francs au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 24 janvier 2002 :
le rapport de M. MILLET, premier conseiller ;
les observations de Me GASNE, avocat de M. et Mme X… ;
et les conclusions de M. BONNET, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’à la suite de la vérification de comptabilité, au titre des exercices clos de 1987 à 1989, de la société Imprastyl qui était spécialisée dans la teinture et l’impression des textiles, le vérificateur a regardé comme revenus distribués entre les mains de M. X…, son président-directeur général et principal actionnaire, des recettes non comptabilisées, s’élevant à 120 547 francs au titre de l’exercice clos en 1987 et 626 654 francs au titre de l’exercice clos en 1989 ; que M. et Mme X… ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvement social de 1% au titre de ces deux années correspondant à ces deux sommes ; qu’ils demandent la réformation du jugement du Tribunal administratif de Grenoble en date du 6 novembre 1997 en tant qu’il a rejeté ses conclusions en déduction desdites impositions ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions litigieuses :
En ce qui concerne le montant des minorations de recettes :
S’agissant de l’année 1987 :
Considérant que pour déterminer le montant des recettes dissimulées par la société Imprastyl au titre de l’exercice clos en 1987, l’administration a, conformément à l’avis émis par la commission départementale des impôts de l’Isère dans sa séance du 23 février 1993, retenu un métrage de tissus manquants vendus sans facture de 27 858 mètres, se décomposant en 17 871 mètres de tissus affectés de défauts d’impression vendus comme chiffons au prix de 2 francs le mètre, 5 000 mètres de tissus refusés par les clients et vendus également 2 francs le mètre à des soldeurs, et enfin 4 987 mètres de tissus non dépréciés, renvoyés à l’usine, et vendus 15 francs le mètre ; que si M. et Mme X… admettent une minoration de recettes de 80 000 francs au titre de cet exercice, ils ne critiquent pas pour le surplus, soit la somme de 40 547 francs, la méthode de reconstitution retenue par le vérificateur ; que, par suite, l’administration doit être regardée comme apportant la preuve, dont elle a la charge, que le montant de la minoration des recettes de l’exercice s’élève à 120 547 francs ;
S’agissant de l’année 1989 :
Considérant que pour déterminer le montant des recettes dissimulées au titre de l’exercice clos en 1989, l’administration a, de la même façon que pour l’exercice clos en 1987 et pour des prix identiques, retenu un métrage de tissus manquants de 97 579 mètres vendus sans facture, se répartissant entre 34 387 mètres de tissus affectés de défauts d’impression et vendus comme chiffons, 30 000 mètres de tissus refusés par les clients et vendus à des soldeurs et 33 192 mètres de tissus renvoyés par les clients mais non dépréciés ; que le chiffre total de 63 192 mètres de tissus refusés par les clients pour l’un ou l’autre motif correspond aux indications données par M. X… dans la réponse qu’il a apportée au vérificateur pour le compte de la société Imprastyl à la suite de l’envoi à cette dernière de la notification de redressement ; que les requérants ne peuvent utilement soutenir que le montant total des recettes dissimulées, soit la somme de 626 654 francs, devrait être réduit d’une somme de 412 209 francs versée à titre de régularisation par M. X… à la société par le débit de son compte courant pour tenir compte de recettes non comptabilisées correspondant à 29 124 mètres de tissus dès lors que le montant des recettes dissimulées sur lequel il a été imposé n’en tient pas compte ; que, toutefois, si M. X… soutient que tous les tissus refusés par les clients dont il évalue désormais le métrage à 52 386 mètres, auraient été vendus à des soldeurs, il n’apporte des justifications par des avoirs clients qu’à concurrence de 47 510 mètres, au lieu de 30 000 mètres retenus par l’administration, soit une surestimation des recettes dissimulées d’une valeur de 227 630 francs ; que, par suite, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal administratif, l’administration, à laquelle il appartenait de vérifier la cohérence de ces avoirs avec les factures clients, n’apporte la preuve du montant de la minoration des recettes de l’exercice 1989 qu’à concurrence de la somme de 339 024 francs ;
En ce qui concerne le bénéficiaire des revenus distribués :
Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : « I. Sont considérés comme des revenus distribués : 1 Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital … » ;
Considérant que pour établir, comme elle en a la charge, que M. X… a été le bénéficiaire des revenus distribués correspondant aux deux sommes de 120 547 francs et 399 024 francs, l’administration, qui, contrairement à ce que soutiennent les requérants, n’était pas tenue de mettre en oeuvre la procédure de désignation des bénéficiaires prévue à l’article 117 du code général des impôts, se fonde sur une lettre de M. X… en date du 6 décembre 1990 dans laquelle il reconnaît que seule « une bonne partie » des recettes qu’il a personnellement encaissées en espèces, notamment auprès de forains, a été reversée à la société par l’intermédiaire de son compte courant, et qu’il a procédé à une minoration du stock de 1 200 000 francs ; qu’elle retient également un jugement du Tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu en date du 6 décembre 1990 condamnant M. X… pour des achats ou des ventes sans facture au cours de chacun des exercices vérifiés, ainsi que la double circonstance de ce qu’étant président-directeur général et actionnaire majoritaire de la société Imprastyl, il était le véritable maître de l’affaire et de ce que l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle dont M. et Mme X… ont été l’objet a fait apparaître au titre de l’année 1989 un montant de crédits inexpliqué de 380 802 francs sur lesquels ils n’ont pas été imposés au titre des revenus d’origine indéterminée ;
Considérant que si les requérants invoquent des détournements de marchandises qui auraient été commis à l’insu de M. X… par des employés indélicats, ils ne justifient pas des diligences accomplies à l’encontre de ces derniers ; qu’ils ne contestent ni que pendant les années correspondant aux impositions litigieuses, M. X… était le véritable maître de l’affaire, ni que la comptabilité de la société était dépourvue de valeur probante ; que s’ils soutiennent que les crédits apparus sur les comptes bancaires ou sur les comptes courants de M. X… au cours de l’année 1989 et demeurés inexpliqués correspondraient à des recettes provenant de différents clients de la société qu’il aurait encaissées, il ne résulte pas de l’instruction, et notamment de la notification de redressement qui leur a été adressée le 16 octobre 1991, que les diverses sommes qu’ils indiquent correspondraient à ces crédits ; que, par suite, l’administration, doit être regardée comme établissant l’appréhension par M. X… des sommes litigieuses mentionnées au précédent paragraphe ;
En ce qui concerne les majorations pour mauvaise foi :
Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que l’administration établit la mauvaise foi de l’intéressé qui a sciemment détourné des recettes sociales importantes ; que, par suite, les majorations pour mauvaise foi dont ont été assorties les impositions restant à la charge de M. et Mme X… doivent être maintenues ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. et Mme X… sont seulement fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté en totalité leurs conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 1989 ;
Sur les conclusions de M. et Mme X… tendant à la condamnation de l’Etat à leur rembourser les frais exposés par eux et non compris dans les dépens :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative, reprenant celles de l’article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours d’appel, de condamner l’Etat à payer à M. et Mme X… une somme de 1000 euros au titre des frais exposés par eux en appel et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les bases d’imposition de M. et Mme X… à l’impôt sur le revenu et au prélèvement social de 1% au titre de l’année 1989 sont réduites à concurrence de la somme de 227 630 francs.
Article 2 : M. et Mme X… sont déchargés, en droits et pénalités, de la différence entre les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvement social de 1% auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 1989 et celles résultant des dispositions de l’article 1er ci-dessus .
Article 3 : Le jugement n 95-1538 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 6 novembre 1997 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L’Etat versera à M. et Mme X… une somme de 1000 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X… est rejeté.