Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D… B… et Mme C… B… ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 à 2015 et d’ordonner la restitution des impositions correspondant aux avances qui ont été remboursées à la société à responsabilité limitée (SARL) G… et leur compensation avec les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux contestées.
Par un jugement n° 1806809 du 10 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a décidé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d’instance et a rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 août 2020, M. et Mme B…, représentés par Me Laudrain, demandent à la Cour :
1°) d’annuler le jugement du 10 juin 2020 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– la proposition de rectification du 13 décembre 2016 est insuffisamment motivée ;
– l’administration ne démontre pas l’appréhension des revenus distribués par la SARL G… correspondant aux sommes portées au crédit du compte courant d’associé ouvert dans ses écritures ;
– ces sommes ont été appréhendées par la société civile immobilière (SCI) A… ;
– les rectifications auraient dû être ventilées entre les deux associés de la SARL G…;
– ils sont en droit de bénéficier, sur le fondement du deuxième alinéa de l’article 111-a du code général des impôts, de la restitution de la fraction des impositions correspondant aux distributions en cause ;
– ils sollicitent en conséquence le bénéfice de la compensation prévue par l’article L. 205 du livre des procédures fiscales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2020, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme E…,
– les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
– et les observations de M. B….
Considérant ce qui suit :
1. A l’issue de la vérification de comptabilité de la SARL G…, dont M. et Mme B… sont les associés, et d’un contrôle sur pièces du dossier de ces derniers portant sur les années 2013 à 2015, l’administration fiscale a notamment réintégré à leurs revenus imposables des revenus distribués correspondant à des sommes portées au crédit du compte courant d’associé ouvert dans les écritures de la SARL G…. M. et Mme B… doivent être regardés comme relevant appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 juin 2020 en tant qu’il a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été ainsi assujettis au titre des années 2013 à 2015, et des pénalités correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
2. D’une part, aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : » L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…) « . Aux termes de l’article R. 57-1 du même livre : » La proposition de rectification prévue par l’article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (…) « . Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l’impôt concerné, de l’année d’imposition et de la base d’imposition, et énoncer les motifs de fait et de droit sur lesquels l’administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler de façon utile ses observations. D’autre part, l’article L. 76 du livre des procédures fiscales dispose : » Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d’office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (…) « .
3. Il résulte de l’instruction que les suppléments d’impôt sur le revenu auxquels M. et Mme B… ont été assujettis au titre des années 2013 et 2015 ont été régulièrement établis selon la procédure de taxation d’office prévue par l’article L. 66 du livre des procédures fiscales. Ainsi que l’a relevé à bon droit le tribunal administratif de Marseille au point 5 de son jugement par des motifs qu’il convient d’adopter, la proposition de rectification adressée le 13 décembre 2016 à M. et Mme B… est suffisamment motivée en ce qui concerne les revenus distribués tant au regard des exigences de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales au titre de l’année 2014, qu’au regard de celles de l’article L. 76 du même livre au titre des années 2013 et 2015, par la mention des motifs de droit applicables, et notamment du 2° de l’article 109-1 du code général des impôts, ainsi que des bases d’imposition retenues pour chacune des années, alors que le détail des sommes a été notifié le même jour à Mme B…, en sa qualité de gérante de la SARL G…. Les requérants disposaient, ainsi que l’ont relevé les premiers juges, de l’ensemble des informations pour critiquer utilement la proposition de rectification.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. En premier lieu, aux termes de l’article L. 193 du livre des procédures fiscales : » Dans tous les cas où une imposition a été établie d’office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l’imposition « . Et aux termes de l’article R. 194-1 du même livre : » Lorsque, (…) s’étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l’imposition, en démontrant son caractère exagéré (…) « .
5. Il est constant que M. et Mme B… n’ont pas répondu dans le délai légal à la proposition de rectification datée du 13 décembre 2016, qui leur a été régulièrement notifiée. Par suite, ils supportent, en application des dispositions précitées de l’article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de démontrer le caractère exagéré des impositions supplémentaires qui leur ont été notifiées selon la procédure contradictoire. S’agissant des impositions notifiées selon la procédure de taxation d’office au titre des années 2013 et 2015, la charge de la preuve leur incombe également, en application des dispositions de l’article L. 193 du même livre.
6. En deuxième lieu, d’une part, aux termes du 1 de l’article 109 du code général des impôts : » Sont considérés comme revenus distribués : / (…) 2º Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (…) « . Il résulte de ces dispositions que les sommes inscrites au crédit d’un compte courant d’associé d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés ont, sauf preuve contraire apportée par l’associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
7. D’autre part, aux termes du 1° du 3 de l’article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : » Les revenus de capitaux mobiliers comprennent tous les revenus visés au VII de la 1ère sous-section de la présente section, à l’exception des revenus expressément affranchis de l’impôt en vertu de l’article 157 et des revenus ayant supporté les prélèvements visés au II de l’article 125-0 A et aux I bis, II, III, second alinéa du 4° et deuxième alinéa du 9° du III bis de l’article 125 AA. / Lorsqu’ils sont payables en espèces les revenus visés au premier alinéa sont soumis à l’impôt sur le revenu au titre de l’année soit de leur paiement en espèces ou par chèques, soit de leur inscription au crédit d’un compte « .
8. L’administration, dans le cadre de la vérification de la comptabilité de la SARL G…, a constaté l’inscription au crédit du compte courant d’associé 455 ouvert dans ses écritures de sommes pour des montants totaux de 49 898 euros en 2013, 47 300 euros en 2014 et 29 081 euros en 2015. Ces crédits correspondent à des remises de chèques émis par la SCI A… à hauteur de 47 098 euros pour l’année 2013, 3 140 euros pour l’année 2014 et 700 euros pour l’année 2015. S’agissant des sommes versées par la SCI A… la circonstance que l’administration a par ailleurs admis l’absence de comptabilisation d’une dette de la SARL G…à l’égard de la SCI correspondant à ces crédits ne fait pas obstacle à ce que les associés soient regardés comme ayant eu la disposition de ces sommes, dès lors qu’il n’est ni établi ni même allégué qu’ils n’auraient pas pu en avoir la disposition, ni que ces sommes ne correspondaient pas à la mise à disposition d’un revenu, alors d’ailleurs que le compte courant était débiteur au titre des exercices 2013 et 2014. S’agissant des autres apports en compte courant, la circonstance que les distributions correspondantes auraient pu être affectées à M. ou à Mme B… est sans incidence sur le bien-fondé des impositions, mise à la charge du foyer fiscal constitué par les deux époux. Dans ces conditions, c’est à bon droit que l’administration fiscale a considéré que les sommes en litige avaient été mises à la disposition de et Mme B…, et les a imposées sur le fondement du 2° du 1 de l’article 109 du code général des impôts.
9. En troisième lieu, d’une part, aux termes de l’article 111 du même code : » Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d’avances, de prêts ou d’acomptes. / Nonobstant toutes dispositions contraires, lorsque ces sommes sont remboursées postérieurement au 1er janvier 1960, à la personne morale qui les avait versées, la fraction des impositions auxquelles leur attribution avait donné lieu est restituée aux bénéficiaires ou à leurs ayants cause dans des conditions et suivant des modalités fixées par décret (…) « . L’article 49 quinquies de l’annexe III à ce code, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que la restitution de cette fraction intervient sur réclamation formée auprès du directeur des services fiscaux au plus tard le 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle le remboursement a été opéré et qu’elle est subordonnée, notamment, à la production d’une attestation du comptable public justifiant du paiement de l’impôt. D’autre part, aux termes de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales : » Lorsqu’un contribuable demande la décharge ou la réduction d’une imposition quelconque, l’administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l’expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l’imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l’assiette ou le calcul de l’imposition au cours de l’instruction de la demande « . Aux termes de l’article L. 205 du même livre : » Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l’encontre duquel l’administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition « .
10. A supposer même que les sommes portées au crédit du compte courant d’associé ouvert dans les écritures de la SARL G…puissent être regardées comme des avances ou des prêts consentis à M. et Mme B…, les dispositions précitées de l’article 111 n’ouvrent pas au contribuable la possibilité de demander la décharge ou la réduction de la cotisation supplémentaire assise sur les avances, prêts ou acomptes que lui a consentis une société, mais un droit à restitution de l’imposition en principal à proportion des remboursements de ces sommes à la société, à la condition que le contribuable ait procédé au préalable au paiement effectif des impositions procédant de la taxation de ces sommes. Par suite, et en tout état de cause, M. et Mme B…, qui ne justifient pas du paiement effectif de ces impositions, ne sont pas fondés à invoquer les dispositions précitées de l’article 111 du code général des impôts. Ils ne sont ainsi pas fondés à demander le bénéfice de la compensation prévue par l’article L. 205 du livre des procédures fiscales, alors qu’en tout état de cause le mécanisme de restitution prévu par les dispositions précitées de l’article 111 ne saurait être analysé comme conduisant à une surtaxe commise au préjudice du contribuable ou une double imposition.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Leurs conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B… est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D… B… et Mme C… B…, et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l’audience du 1er septembre 2022, où siégeaient :
– Mme Paix, présidente,
– Mme Carotenuto, première conseillère,
– Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 septembre 2022.
La rapporteure,
F. E…La présidente,
E. PAIX
La greffière,
M. F…
La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 20MA02785