Cour d’appel de Versailles, 20 mai 1999

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Cour d’appel de Versailles, 20 mai 1999

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE Monsieur X… détenait le tiers du capital de la société KHARYS PARFUMS, ayant son siège social à BOULOGNE BILLANCOURT et exploitant des magasins de parfumerie à TOULOUSE. La société KHARYS PARFUMS a fait l’objet d’un jugement d’ouverture de redressement judiciaire du tribunal de commerce de NANTERRE le 03 mars 1992, puis d’un jugement le 15 décembre 1992 par ce même tribunal, homologuant le plan de continuation de l’exploitation d’une durée de six années, de Monsieur Marcel Y…, repreneur, lequel acquérait, par l’intermédiaire d’une société constituée à cet effet, la société GFP, les 2/3 du capital détenu par le fondateur de la société, Monsieur Z…. Les comptes de l’exercice 1993 font apparaître une situation négative de 5.611.000 francs qui atteignait 7.399.000 francs en novembre 1994. L’actif social étant inférieur à la moitié du capital social en raison des pertes, le conseil d’administration de la société KHARYS PARFUMS a proposé aux actionnaires, lors d’une assemblée générale extraordinaire le 16 novembre 1994, une opération dite « coup d’accordéon » afin de reconstituer les fonds propres de la société, consistant à ramener à zéro le capital social de 1.680.000 francs par annulation des 4.200 actions existantes, sous la condition suspensive d’une augmentation de capital de 5.880.000 francs par l’émission d’actions nouvelles en numéraire et suivie d’une nouvelle réduction du capital d’un montant de 5.615.400 francs avec affectation du montant de cette réduction à l’amortissement d’une partie des pertes constatées permettant la reconstitution des fonds propres. Monsieur X…, actionnaire minoritaire ne détenant pas de minorité de blocage, a introduit les 25 novembre et 1er décembre 1994 une action en annulation de l’assemblée générale extraordinaire, les résolutions ayant été adoptées. Les souscriptions en numéraire n’ayant pas été effectuées dans le délai fixé par l’assemblée générale extraordinaire, une nouvelle assemblée générale extraordinaire a été convoquée le 11 janvier 1995. Elle a adopté les mêmes opérations sociales. Entre temps, la société GFP, actionnaire majoritaire de la société KHARYS PARFUMS, procédait à la fusion-absorption de la société de gestion Y… appartenant au même groupe. La réalisation de cette opération impliquait une évaluation des actifs des deux sociétés, laquelle allait faire apparaître la valeur importante attribuée à la société KHARYS PARFUMS, de l’ordre de 33 millions de francs. Monsieur X…, s’estimant lésé par cet ensemble d’opérations, a intenté de nouveau une action devant le tribunal de commerce de NANTERRE. Il demandait l’annulation de l’assemblée générale extraordinaire du 11 janvier 1995 pour abus de majorité, le coup d’accordéon ayant, selon lui, pour but de le spolier de ses droits d’actionnaire minoritaire au profit de la majorité sans qu’il soit nécessité par l’intérêt social. Il demandait, en outre, la condamnation de tous les actionnaires de la société au paiement d’une somme de 10 millions de francs de dommages et intérêts pour le préjudice subi. Le tribunal de commerce de NANTERRE a, par le jugement déféré en date du 22 avril 1997, rejeté les demandes de Monsieur X… et l’a condamné à payer la somme de 50.000 francs par application des dispositions de l’article 700 aux différents défenseurs. Monsieur X… a déposé des conclusions le 10 décembre 1998 au soutien de l’appel qu’il a interjeté contre cette décision et par lesquelles il fait en particulier valoir les éléments suivants : Actionnaire minoritaire, salarié et administrateur de la société KHARYS PARFUMS en 1984, il s’est trouvé, en 1989, en désaccord sur la politique commerciale suivie par l’actionnaire majoritaire.

Il a alors été licencié et révoqué de son poste d’administrateur. La même année, les résultats de la société sont devenus négatifs, se traduisant par une perte de 1.296.151 francs. La société KHARYS PARFUMS a alors été admise au bénéfice d’une procédure de règlement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de NANTERRE en date du 3 mars 1992. Ce règlement judiciaire est intervenu six mois après le transfert du siège social de la société de TOULOUSE à NANTERRE, ce qui témoigne du caractère préparé de la manoeuvre juridique. A l’époque, si les disponibilités sont inexistantes, le stock était en effet pléthorique. Aussi le redressement judiciaire concrétisera-t-il la réalisation d’un véritable « trésor de guerre » de 6.204.000 francs et de 5.600.000 francs de stock. Le plan de redressement a prévu l’entrée dans le capital d’un repreneur, Monsieur Y…, au travers de la société GROUPE DE GESTION Y… qui a acquis l’ensemble des actions appartenant à Monsieur Z…, soit 67 %, pour un prix à l’époque inconnu. Il est apparu, en cours de procédure, que ce prix a été de 2.000.000 francs. Les comptes de 1991 et 1992 sont été fortement déficitaires, notamment en raison de la constitution d’une provision (2.545.148 francs) qui correspondraient à des intérêts dûs au CREDIT AGRICOLE. En réalité, cette provision correspond à la totalité des intérêts à échoir d’un prêt CREDIT AGRICOLE. La constitution de cette provision n’est donc pas régulière : ces intérêts auraient dû être inscrits comme charge annuelle et non comme provision. La situation comptable était en fait ainsi volontairement obérée dans le but de faire apparaître une situation négative. De plus, les comptes 1993 montrent au contraire un rétablissement de la situation avec un bénéfice de 484.053 francs et surtout l’existence de réserves très importantes. L’état de la trésorerie était excellent, grâce au placement de plus de 9.000.000 francs. Monsieur X… précise que si aucune assemblée ne s’est prononcée, en application de l’article 241 de la loi du 24 juillet 1966, c’est en raison du fait que ce texte n’est pas applicable en cas de plan de continuation. Monsieur X… relate ensuite que la société GFP a fusionné avec SGF, les deux sociétés appartenant directement ou indirectement à Monsieur Marcel Y…. Un des actifs essentiels de la société GFP est la société KHARYS PARFUMS. Lors de cette fusion, la valeur des droits sociaux a été évaluée à 85.132.685 francs ; de cet élément, on peut inférer (cf. Note de Monsieur A… versée aux débats) que la valeur de la société KHARYS PARFUMS ne saurait avoir été inférieure à cette époque à 33.000.000 francs. Or, juste après cette fusion, la société GFP et les actionnaires minoritaires à l’exception de Monsieur X…, ont décidé de procéder à la réduction à zéro du capital par annulation des actions existantes suivie d’une augmentation de capital de 5.880.000 francs. Cela signifie que la société KHARYS PARFUMS aurait valu zéro franc…

Une telle opération n’avait en fait pour objet que de spolier les droits d’actionnaire de Monsieur X… qui a d’ailleurs protesté contre cette opération. Le 30 juin 1995, l’assemblée de la société a statué sur les résultats, positifs, de l’année 1994.

Les bénéfices de 1995 se sont élevés, quant à eux, à 2.950.554 francs et ceux de 1996 à 1.827.679 francs.

Ceci étant exposé, Monsieur X… demande à la cour d’annuler le jugement déféré, et d’annuler l’assemblée générale du 11 janvier 1995.

Sur le premier point, il souligne que cette décision n’est pas motivée, dans la mesure où la prétendue motivation se résume à trois attendus lapidaires qui ne sont que de simples pétitions de principe, sans la moindre justification.

Sur la recevabilité de son action, contestée par les intimés, Monsieur X… fait valoir que le fait qu’il a souscrit une part infime du nouveau capital ne saurait s’analyser en une approbation de l’opération réalisée.

En réalité, il s’est borné à souscrire dans la mesure de ses possibilités financières, et pour conserver un droit d’information.

Au fond, Monsieur X… fait valoir que l’opération contestée porte gravement atteinte à ses droits et a été décidée alors que les conditions nécessaires à sa réalisation n’étaient pas réunies. Une opération de « coup d’accordéon » ne saurait, en effet, être effectuée dans une société structurellement saine, comme c’était le cas de la société KHARYS PARFUMS. Elle ne peut se concevoir que si elle est rendue nécessaire par la survie de la société et que les actions ont une valeur nulle. Sur ce dernier point, notamment, force est aux intimés de reconnaître que la valeur de la société KHARYS PARFUMS était, au moment du coup d’accordéon, importante (conclusions des intimés page 21). L’abus de majorité qui a ainsi été effectué l’a été dans l’intérêt des majoritaires, au détriment de la minorité. L’opération contestée était, en outre, illégale. Les comptes avaient été présentés dans un sens volontairement défavorable. Ils comportaient, comme il a été dit, une provision qui correspondait, en réalité, aux intérêts à échoir d’un prêt. Le « coup d’accordéon » a, par ailleurs, été volontairement anticipé, le jugement du tribunal de commerce de NANTERRE n’exigeant nullement une reconstitution immédiate du capital social. De plus, si l’on compare la somme des bénéfices de 1993 à 1996, on s’aperçoit que la prétendue perte à résorber ne s’élève plus qu’à 1.060.000 francs, à rapprocher de la provision irrégulière de 2.500.000 francs. En troisième lieu, Monsieur X… s’interroge sur la réalité de la disparition des capitaux propres. Il aurait en effet suffi de réévaluer la valeur du fonds de commerce pour voir disparaître la prétendue situation nette négative. D’un autre point de vue, Monsieur X… souligne que la déloyauté des dirigeants est actuellement démontrée. Si le résultat de la société KHARYS PARFUMS s’est en effet dégradé en 1997, c’est par l’utilisation de moyens plus que critiquables. Ainsi voit-on apparaître une refacturation par la société GFP pour 2.303.633 francs de prestations correspondant aux services administratifs financiers et commerciaux, prestation qui ne correspond pas à ce qui devrait apparaître de l’effectif salarié de l’une et l’autre des deux sociétés. De même voit-on apparaître des redevances pour de prétendues concessions de brevets et licences pour un total de 823.502 francs. En réalité, les bénéfices réels de la société KHARYS PARFUMS sont supérieurs à 3.000.000 francs. Le coup d’accordéon ne remplit pas les conditions posées par la jurisprudence. Il ne saurait, en effet, être soutenu que la société KHARYS PARFUMS aurait eu, à la date du coup d’accordéon, une valeur nulle -sa valeur était au moins de 33.000.000 francs- . Par ailleurs, la survie de la société KHARYS PARFUMS n’était nullement en cause. A cet égard, l’opération est demeurée neutre. La trésorerie de la société KHARYS PARFUMS était, lors de l’opération et comme il a été précédemment indiqué, pléthorique. En fait, le but réel et exclusif de l’opération a été de spolier Monsieur X… de ses droits. Dans ces conditions, Monsieur X… demande à la cour d’annuler le jugement qu’il lui défère, d’annuler dans toutes ses dispositions l’assemblée générale extraordinaire de la société KHARYS PARFUMS du 11 janvier 1995 et de condamner solidairement la société GFP et les autres actionnaires de la société KHARYS PARFUMS à lui payer la somme de 12.000.000 francs de dommages intérêts. Il demande, enfin, 200.000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. Le 18 novembre 1998, la société KHARYS PARFUMS, la société MARIONNAUD PARFUMERIES, venant aux droits de la société GROUPEMENT FRANCAIS DE PARFUMERIE, Messieurs Marcel, Jean-Pierre et Gérald Y… et Patrick B… et Mesdames Y… et B… ont déposé des conclusions par lesquelles ils font valoir notamment les éléments suivants : Directeur commercial puis administrateur de la société KHARYS PARFUMS, Monsieur X… a été révoqué de ces fonctions en 1990. Par jugement du 3 mars 1992, la société KHARYS PARFUMS a été admise au bénéfice d’une procédure de règlement judiciaire. Le 15 décembre 1992, le tribunal de commerce de NANTERRE a homologué un plan de redressement par continuation et cession à Monsieur Y… de la participation majoritaire que détenait Monsieur Z…. Par une assemblée générale extraordinaire du 16 novembre 1994, les actionnaires de la société KHARYS PARFUMS ont adopté diverses résolutions permettant de procéder à une opération dite de « coup d’accordéon » qui devait comporter une réduction du capital à zéro par voie d’annulation des 4.200 actions sous condition suspensive d’une augmentation de capital subséquente de 5.880.000 francs par admission d’actions nouvelles en numéraire. Ces opérations sur le capital social étaient destinées à régulariser la situation financière de la société KHARYS PARFUMS affectée, au 31 décembre 1994, d’un report à nouveau négatif de 7.399.127,51 francs.

Une telle régularisation était tout à fait impérative, eu égard au plan de continuation, d’une part, et à l’article 241 de la loi du 24 juillet 1966, d’autre part.

Le montant de la réduction du capital social devait être affecté en totalité à l’amortissement d’une partie des pertes constatées et l’augmentation de capital subséquente de 5.880.000 francs n’avait d’autre but que d’apurer le passif.

L’ensemble des anciens actionnaires bénéficiait d’un droit préférentiel de souscription.

Les opérations de réduction et d’augmentation de capital n’ayant pas été couvertes dans le délai imparti, une assemblée extraordinaire s’est tenue le 11 janvier 1995 et a décidé de procéder à leur réitération .

Rappelant les nombreuses procédures déjà engagées par Monsieur X…, procédures qui se sont soldées par des déboutés de ses demandes, les intimés estiment que celui-ci tente de faire prévaloir ses intérêts propres sur ceux de la société.

Ils estiment en premier lieu que l’action aujourd’hui engagée par Monsieur X… est irrecevable.

Celui-ci en effet a souscrit à l’augmentation de capital proposée, faisant ainsi valoir tous ses droits. Le fait que Monsieur X… ait souscrit à l’augmentation de capital proposée, à la hauteur qu’il a librement choisie, démontre qu’il a obtenu toutes les informations requises et que son consentement n’a pas été vicié.

Au fond, outre les moyens précédemment développés, les intimés soulignent que l’assemblée extraordinaire du 11 janvier 1995 a été parfaitement régulière. Tous les actionnaires ont été régulièrement convoqués, l’ensemble des documents légaux leur a été adressé et les résolutions ont été adoptées à l’unanimité des actionnaires présents. Sur l’opération critiquée, les intimés font valoir que la réduction de capital est licite si elle intervient sous la condition suspensive d’une augmentation de capital destinée à amener celui-ci à un montant au moins égal au minimum légal. Tel a été le cas en l’espèce, les anciens actionnaires bénéficiant d’une priorité pour souscrire. L’opération répondait aux conditions de l’article 241 de la loi du 24 juillet 1966. Ce texte prévoit que si du fait des pertes constatées dans les documents comptables les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social. A défaut, tout intéressé peut demander en justice la dissolution anticipée de la société. Les actionnaires peuvent éviter cette dissolution notamment en diminuant le capital social, mais après avoir absorbé les pertes, et en augmentant ensuite le capital, ce qui a été fait. Sur le prétendu abus de majorité, les intimés font valoir qu’avant l’opération critiquée, Monsieur X… était actionnaire minoritaire non titulaire d’une minorité de blocage. Ses droits étaient donc limités. Il reste aujourd’hui actionnaire minoritaire et ses droits sont sur ce point inchangés. Dans le cadre du projet de plan de redressement, Monsieur Y… a proposé à chacun de racheter les actions qu’il détenait, ce qu’a fait Monsieur Z… mais pas Monsieur X….

Ce dernier, comme administrateur et directeur général, savait que la situation de la société était obérée. Il ne saurait prétendre, aujourd’hui, que la recapitalisation ne s’imposait pas.

Contrairement aux allégations de Monsieur X…, l’opération qu’il critique ne s’est nullement faite au seul profit du majoritaire. Il convient en particulier de relever que Monsieur X… pouvait souscrire à l’augmentation de capital, ce qu’il a d’ailleurs fait dans des limites qu’il a seul appréciées. L’intérêt social exigeait l’opération. S’agissant des arguments que Monsieur X… entend tirer de l’opération de fusion absorption intervenue entre les sociétés GFP et SGF, les intimés soulignent que, contrairement aux prétentions de Monsieur X…, l’évaluation préalable des sociétés qui doit être faite dans le cadre d’une fusion absorption n’a rien à voir avec le mécanisme d’une opération de « coup d’accordéon ». Dans ce dernier cas en effet, la réduction du capital social à zéro ne signifie nullement que la société serait dépourvue de toute valeur mais a pour seul objet d’assurer l’apurement d’un passif qui prédomine sur les capitaux propres. Se portant demanderesse reconventionnelle, la société KHARYS PARFUMS et les autres intimés demandent à la cour de condamner Monsieur X… à leur payer la somme de 400.000 francs de dommages intérêts. Ils soulignent que la gestion faite avant le redressement judiciaire, alors que Monsieur X… était seul actionnaire avec Monsieur Z…, a conduit à ce que de nombreuses sommes restent dues à des organismes financiers pour un montant pour lequel Monsieur X…, bien que caution, ne pourrait faire face.

Monsieur Y…, repreneur, a garanti la bonne fin du plan d’apurement sur son patrimoine personnel ce qui, par ailleurs, garantit à Monsieur X… qu’il ne sera pas inquiété dans le cadre des cautions qu’il avait donné.

Les intimés demandent enfin condamnation de Monsieur X… à leur payer la somme de 60.300 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

Sur la demande d’annulation du jugement

Attendu qu’aux termes de l’article 455 du nouveau code de procédure civile, en sa rédaction applicable à la décision déférée, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens et doit être motivé ; que ses prescriptions valent, par application de l’article 458 du même code, à peine de nullité ; Attendu que pour écarter les moyens -semblables à ceux invoqués devant la cour- que faisait valoir Monsieur X… au soutien de sa demande, les premiers juges exposent que « le tribunal observe que la nécessité de reconstituer les fonds propres de la société KHARYS PARFUMS justifiait, de façon non contestable, l’opération, approuvée par l’assemblée du 11 janvier 1995, de réduction du capital à zéro suivie d’une augmentation du capital en numéraire, constate que Monsieur X… avait la faculté d’user de son droit prioritaire de souscription s’il voulait maintenir au niveau de 1/3 sa participation au capital de la société KHARYS PARFUMS, estime que l’abus de majorité invoqué par Monsieur X… n’est nullement établi en l’espèce » ; Attendu que de tels motifs, qui consistent en une simple affirmation abstraite sans justification en relation avec les éléments de l’espèce ni réponse aux moyens soulevés devant le premier juge, ne constitue pas une motivation au sens de l’article 455 du nouveau code de procédure civile susvisé ; que le jugement déféré est dès lors nul comme rendu en violation des dispositions de ce texte ; Attendu que par application de l’article 562 alinéa 2 du même code, l’effet dévolutif s’opère pour le tout ; qu’il échet en conséquence d’examiner le litige au fond ; * Sur la recevabilité de l’action en annulation Attendu que le fait que Monsieur X… -actionnaire minoritaire qui s’est toujours opposé à l’approbation des comptes et à l’opération dont il demande aujourd’hui l’annulation- ait souscrit à l’augmentation de capital qui était une conséquence nécessaire de cette opération à laquelle il s’était cependant opposé ne saurait, en l’absence de tout autre élément, être considéré comme démonstratif de ce que son consentement n’aurait pas été vicié ; qu’en effet, une telle attitude, qui ne saurait constituer une approbation non équivoque de l’opération contestée, est justifiée par la volonté, de sa part, de conserver le moyen d’avoir un droit d’information sur la gestion de la société ;

Au fond, Attendu que l’assemblée générale extraordinaire du 11 janvier 1995 dont annulation est demandée a notamment voté les résolutions suivantes : Première résolution

« Après avoir entendu la lecture du rapport du conseil d’administration et du rapport du commissaire aux comptes établi en exécution de l’article 215 de la loi du 24 juillet 1966, l’assemblée générale décide, sous la condition suspensive de la réalisation de l’augmentation de capital visée à la deuxième résolution ci-dessous, d’amortir partiellement les pertes s’élevant à 7.399.127,51 francs par une réduction de capital de 1.680.000 francs, le solde, soit 5.719.127,51 francs, étant maintenu au compte « report à nouveau débiteur ». L’assemblée générale décide de réaliser cette opération par voie d’annulation de l’intégralité des QUATRE MILLE DEUX CENTS (4.200) actions existantes. En conséquence, le capital social se trouvera ainsi ramené de 1.680.000 francs à 0 franc, sous la même condition suspensive que celle ci-dessus posée »,

Deuxième résolution

« L’assemblée générale, après avoir entendu la lecture du rapport du conseil d’administration, et constatant que le capital social est intégralement libéré, décide d’augmenter le capital de CINQ MILLIONS HUIT CENT QUATRE VINGT MILLE FRANCS (5.800.000 francs) par l’émission de quatorze mille sept cents (14.700) actions nouvelles de numéraire de quatre cents francs (400 francs) chacune. Ces 14.700 actions nouvelles seront émises au pair, soit au prix unitaire de quatre cents francs (400 francs).

A chaque action ancienne est attaché un droit de souscription négociable dans les conditions et sous les réserves prévues par les statuts. Les souscripteurs peuvent renoncer à leurs droits de souscription dans les conditions prévues par la loi. En cas de renonciation au profit de bénéficiaires dénommés, cette renonciation doit être faite dans les conditions prévues par les statuts pour les cessions d’actions. (…) » ; Attendu qu’une telle opération, communément appelée « coup d’accordéon », consistant en une réduction du capital social à zéro sous la condition suspensive d’une augmentation de capital destinée à amener celui-ci à un montant au moins égal au minimum légal, est licite lorsqu’elle est justifiée par la survie de la société à la condition qu’elle ne constitue pas un abus de majorité ;

Attendu qu’il est exact que, comme le fait observer Monsieur X…, les dispositions de l’article 241 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ne sont, aux termes du dernier alinéa de ce texte, pas applicables aux sociétés en redressement judiciaire ; que la société ne se trouvait pas, non plus, dans la situation prévue à l’article 22 de la loi n°85-98 du 25 janvier 1985 ;

Attendu cependant qu’il n’est pas nécessaire, pour qu’une réduction à zéro du capital social suivie d’une augmentation de celui-ci destinée à l’amener à un montant au moins égal au minimum légal soit licite, que la reconstitution des fonds propres de la société soit obligatoire ; qu’il suffit qu’une telle opération résulte d’un choix social commandé par la survie de la société ; que, dès lors que les conditions préalables à ce choix sont réunies, il n’appartient pas au juge d’en apprécier l’opportunité ;

Attendu, en conséquence, que la critique de Monsieur X…, en ce qu’il soutient que l’opération de coup d’accordéon aurait été prématurée ne saurait être examinée, une telle critique ressortissant de l’appréciation de l’opportunité de la mesure ;

Attendu que Monsieur X… soutient, en outre, que la mesure serait, en toute hypothèse, illégale ;

qu’il fait valoir à cet égard que les comptes sur lesquels l’assemblée générale s’est appuyée pour prendre la décision qu’il critique auraient été volontairement présentés dans un sens défavorable, voire volontairement obérés ; qu’il avance notamment le fait que les comptes 1992 comportent une provision de 2.545.148 francs, maintenue postérieurement, provision irrégulière dans la mesure où elle correspond aux intérêts à échoir d’un prêt ; qu’il souligne qu’en outre, postérieurement à l’opération critiquée, et de façon à en masquer l’irrégularité, les comptes de la société auraient été présentés de façon à minorer son bénéfice ; qu’il fait encore observer qu’il résulte des documents qui n’ont été versés aux débats qu’après que le conseiller de la mise en état ait rendu une décision ordonnant leur communication sous astreinte de 1.000 francs par jour de retard que la société KHARYS PARFUMS ne pouvait, à la date du coup d’accordéon, être évaluée à moins de 33.000.000 francs ;

Attendu que ces éléments -et plus particulièrement le premier d’entre eux- jettent un doute sur la sincérité des informations qui ont été données à l’assemblée générale en vue des décisions critiquées et la fidélité de l’image de la société qui a pu être alors donnée aux actionnaires ;

Attendu, en ce qui concerne la sincérité des informations comptables, que le fait que les comptes ont été certifiés par le commissaire aux comptes n’est pas en soi suffisant pour les mettre à l’abri de la critique, la certification de comptes infidèles ayant seulement, en cas de faute de la part du commissaire aux comptes, pour effet de rendre possible la mise en jeu de sa responsabilité ;

Attendu dans ces conditions que la cour n’étant pas suffisamment informée sur l’exactitude et la sincérité des informations soumises à l’assemblée générale, il échet, avant dire plus ample droit, d’ordonner une expertise ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et contradictoirement, – ANNULE le jugement déféré et statuant à nouveau, – DIT Monsieur Christian X… recevable en sa demande d’annulation de l’assemblée générale du 11 janvier 1995, – Avant dire plus ample droit, COMMET Monsieur Jean Jacques C…,

75008 PARIS Avec pour mission, – convoquer les parties, les entendre, se faire remettre les documents adressés aux actionnaires en vue de l’assemblée générale du 11 janvier 1995 et tous documents, antérieurs ou postérieurs, permettant d’en apprécier l’exactitude et la sincérité, -apporter à la cour tous éléments qui lui permettront d’apprécier la fidélité de l’image de la situation de la société fournie aux actionnaires et l’exactitude et la sincérité des éléments comptables apportés en vue de l’assemblée générale du 11 janvier 1995,

– DIT que l’expert devra déposer son rapport dans les six mois de l’acceptation de sa mission,

– DIT que Monsieur Christian X… devra déposer au greffe de la cour de ce siège une somme de 15.000 francs à valoir sur la rémunération de l’expert dans les deux mois de la présente décision,

– DIT qu’à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l’expert sera caduque sauf prorogation du délai ou relevé de forclusion conformément aux dispositions de l’article 271 du Nouveau Code de Procédure Civile,

– DESIGNE Monsieur le Conseiller de la Mise en Etat pour contrôler l’exécution de la mesure d’instruction,

– RÉSERVE les dépens.

ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR MARON, CONSEILLER

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER LE CONSEILLER

Pour le Président Empêché

M.T. GENISSEL A. MARON


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