Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le contrat du 09 novembre 1984 ne stipule de résiliation sur l’initiative de la clinique qu’en cas de faute grave du praticien après un préavis de trois mois dans l’hypothèse où celui-ci aurait « dans l’exercice de sa profession un comportement manifestement anormal vis à vis de ses confrères ou des malades ».
Le contrat précise que la décision doit être prise par le conseil d’administration à la majorité des 2/3 et approuvée par l’assemblée générale extraordinaire et adoptée à la majorité des 2/3 des voies des actionnaires présents et représentés. Aux termes de son courrier du 28 juin 1999, l’administrateur évoque que le plan de continuation qu’il entend soumettre au Tribunal de Commerce, qui « pour être viable, doit emporter la coopération de l’ensemble des intervenants au sein de la clinique ». Il continue en relevant que depuis le début de la procédure l’attitude du praticien nuit à l’activité future envisagée et au redressement avec apurement du passif. Il estime que ce comportement démontre une volonté de ne pas participer pleinement au redressement. Il poursuit sur la relation d’incidents ou de litiges avant de préciser « je vous fais part de ma décision de ne pas continuer le contrat conclu le 09 novembre 1984 avec la clinique du Dr G … , et ce, sur la base de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985 (dans sa rédaction issue de la modification de 1994) relatif à l’option dont je dispose sur la décision de continuer ou non un contrat ». Cette notification ne fait ainsi nullement référence à une faute grave telle que définie par la convention des parties. D’ailleurs, la procédure préalable nécessitant une assemblée générale extraordinaire n’a pas été mise en oeuvre, seule le directoire, aux termes d’un procès verbal du 24 juin 1999, a demandé à l’administrateur « de se prononcer sur la continuation du contrat » du docteur M … , étant précisé que ce dernier n’a pas mis l’administrateur en demeure d’opter entre la poursuite et la continuation. A supposer que le contrat ait été résilié en application des dispositions légales précitées, la clinique conserve l’obligation d’indemniser son cocontractant du préjudice résultant de sa non-continuation ( alinéa 5 de l’article L 621-28 précité). De même, à supposer que l’option de non-continuation ne soit pas ouverte à l’administrateur dans l’hypothèse de la poursuite du contrat durant la période d’observation, la clinique est débitrice de la même obligation d’indemnisation. Ainsi, l’analyse des pouvoirs de l’administrateur au regard des dispositions légales précitées n’est pas un préalable nécessaire à la résolution du présent litige. Il n ‘y a donc pas lieu de statuer de ce chef.
Pareillement, les motifs qui ont conduit à la résiliation du contrat demeurent sans incidence.
La résiliation étant acquise, le docteur M… est fondé à poursuivre la fixation de sa créance d’indemnisation dont le principe même est reconnu par la clinique à concurrence de la somme de 465.225,73 francs. Dès lors que le contrat ne comporte aucune stipulation d’indemnisation en cas de résiliation non justifiée par une faute grave du praticien, le docteur M… doit être indemnisé de son entier préjudice. Ce préjudice tient de l’ancienneté de seize années du praticien dans la clinique, des recettes précédentes (1.315.139 francs en 1997 avec un bénéfice de 545.201 francs et 1.167.289 en 1998 avec un bénéfice de 864.622 francs), d’un délai raisonnable de préavis, de la reconversion imposée (le docteur M … est désormais praticien hospitalier à temps partiel et collabore avec une nouvelle clinique, son bénéfice pour l’année 2000 étant de 314.932 francs). Ces éléments démontrent que l’indemnisation sollicitée par le docteur M … est en adéquation avec le préjudice subi. Sa créance est lors de 4.000.000 francs.
La clinique poursuit la condamnation du praticien paiement d’une somme de 71.694,88 francs. Cette demande nouvelle est recevable en application des dispositions de l’article 564 du nouveau code de procédure civile en ce qu’elle vise une compensation admise par l’article L 621-24 du nouveau code de commerce. Cette créance correspond au solde débiteur du compte du docteur M… constitué des redevances dues par celui-ci. Si le docteur M… a contesté le montant réclamé comme en témoigne notamment son courrier du 15 décembre 1998 rappelant le précédent du 21 août de la même année, il convient néanmoins de constater que, selon le décompte produit, il a payé en plus des redevances mensuelles les sommes de 40.000 et 10.000 francs respectivement les 13 avril et 24 juin 1999. Ces paiements réalisés sans réserve caractérisent une acceptation de la créance. La somme de 71.694,88 francs est alors à compenser avec la créance indemnitaire du docteur M… qui est alors réduite à la somme de 3.928.305,12 francs. En application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de Procédure civile, le docteur M… doit être indemnisé de ses frais irrépétibles à concurrence de la somme demandée. Les dépens de première instance et d’appel sont à la charge de la clinique redevenue in bonis. PAR CES MOTIFS -Infirme le jugement,
-Fixe, après compensation, la créance chirographaire de Monsieur Paul M… au passif du redressement judiciaire de la société Clinique du Docteur Henri Q… à la somme de 3.928.305,12 francs,
-Condamne la société Clinique du Docteur Henri Q… à payer à Monsieur Paul M… la somme de 4.573,47 euros (30.000 francs) en application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
-Rejette toute autre demande,
-Condamne la société Clinique du Docteur Henri Q… aux entiers dépens,
-Accorde à la SCP Q… , avoué, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du même code.