Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
N° RG 1 A 00 / 05987 MINUTE N° Copie exécutoire aux avocats
Maître LAISSUE- STRAVOPODIS
Maîtres CROVISIER
Copie à : M. Le Procureur Général
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 22 Janvier 2002
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUEUDET, président de chambre
Mme VIEILLEDENT, conseiller
M. DIE, conseiller MINISTERE PUBLIC : Mme LAFONT, Substitut- Général, qui a été entendue en ses observations. GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS ET AU PRONONCÉ :
Mme SCHOENBERGER,
DÉBATS
A l’audience publique du 05 novembre 2001 ARRÊT DU 22 JANVIER 2002
Réputé contradictoire
Prononcé à l’audience publique par le président. NATURE DE L’AFFAIRE :
Tierce opposition sur relevé de forclusion.
APPELANT et défendeur :
Monsieur Christian A…
…
…
Représenté par Maître C. LAISSUE- STRAVOPODIS, avocat à la cour
Plaidant : Maître COLIN (Cabinet MUSCHEL) avocats à STRASBOURG
INTIMÉS et demandeurs :
1) Monsieur Xavier C…
…
…
Représenté par Maître CROVISIER, avocat à la cour
2) SA EUROPE BUREAU INFORMATIQUE en liquidation judiciaire
43 route du Polygone
67100 STRASBOURG
représentée par Maître Gérard D…, ès qualités de mandataire liquidateur, demeurant …
…,
non représenté, régulièrement assigné à personne le 08 février 2000 par exploit de Maître E… BERNARD, huissier de justice à STRASBOURG.
M. Christian A… était actionnaire et dirigeant de la société anonyme EUROPE BUREAU INFORMATIQUE (E. B. I.). Le 30 avril 1995, agissant tant en son nom qu’en celui d’autres actionnaires, il vendit des actions à Messieurs Xavier C…, Dominique B… et Fabrice F…, qui devinrent les nouveaux administrateurs. Par un acte sous seing privé intitulé » Caution personnelle et solidaire » en date du 9 août 1995, les cessionnaires s’engagèrent à cautionner M. A… pour toutes les garanties qu’il avait souscrites en faveur de la société E. B. I. La liquidation judiciaire de la société E. B. I. fut ordonnée par jugement du 28 avril 1997 publié au BODACC le 10 juin 1997.
La CAISSE DE CREDIT MUTUEL STRASBOURG- Saint- Jean rechercha M. A… en sa qualité de caution de la société liquidée. Le 5 janvier 1998, elle lui fit notifier un commandement de payer aux fins de saisie- vente pour un montant de 752. 510, 41 F. M. A… intenta alors une procédure de référé à l’encontre de C… qui s’est opposée à la demande en soutenant que la créance était éteinte, faute d’avoir été déclarée par le demandeur au passif de la liquidation judiciaire de la société. Le 04 mars 1998, M. A… déclara entre les mains du liquidateur la créance du même montant qu’il estimait avoir sur la société E. B. I. Maître D…, liquidateur, lui opposa la forclusion. Par requête formée le 26 mars 1998, M. A… demande à être relevé de la forclusion en faisant valoir qu’à la date du jugement ordonnant la liquidation, il ignorait que la société E. B. I. n’avait pas apuré sa dette à l’égard de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL. Par une première ordonnance du 23 avril 1998, le juge- commissaire du tribunal de grande instance de STRASBOURG considéra que la carence de M. A… n’était pas de son fait, et il le releva de la forclusion. Il précisa que sa décision serait notifiée au créancier requérant et au liquidateur.
M. A… reprit alors le 3 juin 1999 la procédure intentée devant le juge des référés en se prévalant de la déclaration de sa créance, et obtint par ordonnance du 12 octobre 1999 la condamnation solidaire de M. M. F…, B… et C… au paiement d’une provision de 485. 313, 52 francs. M. C… a interjeté appel de cette décision. Il forma également tierce opposition à l’ordonnance du 23 avril 1998 par une déclaration reçue le 22 octobre 1999. Il soutient que M. A… n’établissait pas qu’une cause à lui étrangère était à l’origine du défaut de déclaration de sa créance dans le délai légal. Par une seconde ordonnance en date du 22 novembre 2000, le juge- commissaire déclara recevable la tierce opposition en application du droit fondamental de toute personne à faire équitablement entendre sa cause. Il considéra qu’en sa qualité de caution, M. A… avait été régulièrement informé de la dette que la société E. B. I. conservait. Il infirma sa précédente décision, constata que M. A… ne justifiait pas sa défaillance à déclarer sa créance dans le délai légal, et rejeta sa demande en relevé de forclusion. M. A… a interjeté appel de cette deuxième décision par une déclaration reçue le 4 décembre 2000. Dans ses conclusions récapitulatives déposées le 3 août 2001, il soutient que M. C… avait eu connaissance du relevé de forclusion le 24 août 1999 parce que M. A… en avait fait état dans ses écritures devant le juge des référés.
Il invoque : * l’irrecevabilité de la tierce opposition au regard des stricts délais fixés aux articles 25 et 156 du décret du 27 décembre 1985, en tout cas au regard du délai de plus de deux mois que M. C… a observé après avoir eu connaissance du relevé de forclusion : * subsidiairement, le bien fondé du relevé de forclusion parce qu’il ignorait que la société E. B. I. n’avait pas apuré sa dette à l’égard de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL et parce qu’il avait tardivement appris la liquidation judiciaire de la société dont il n’était plus le dirigeant. * reconventionnellement, le préjudice que lui a causé l’action injustifiée de M. C….
Il demande à la cour d’infirmer l’ordonnance du 22 décembre 2000, de déclarer irrecevable la tierce opposition, de débouter M. C…, de le condamner à lui verser 10. 000 F à titre de dommages et intérêts et 10. 000 F en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, subsidiairement, de relever la forclusion encourue.
Dans ses conclusions récapitulatives déposées le 31 août 2001,
M. C… soutient que sa tierce opposition restait recevable en application du droit fondamental de toute personne à faire entendre sa cause. Il considère que M. A… n’apporte pas la preuve qu’il a été empêché par un élément à lui extérieur de déclarer sa créance dans le délai légal. Il demande à la cour
– de déclarer l’appel irrecevable, en tout cas mal fondé ;
– de confirmer l’ordonnance entreprise ;
– de condamner M. A… à lui verser 10. 000 F au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Le Procureur général, à qui la procédure a été communiquée le 8 janvier 2001, déclare s’en remettre à la sagesse de la cour.
SUR QUOI, LA COUR,
Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments ;
1) sur la recevabilité de l’appel :
Attendu qu’en application de l’article 592 du nouveau Code de procédure civile le jugement rendu sur tierce opposition est susceptible des mêmes voies de recours que les décisions de la juridiction dont il émane ;
Attendu que la décision du juge- commissaire statuant sur un relevé de forclusion est susceptible d’appel par application de l’article L 621- 46 du Code de commerce ; qu’il convient en conséquence de déclarer l’appel recevable ;
2) sur la recevabilité de la tierce opposition :
Attendu que les parties ne contestent pas la possibilité pour une sous- caution, de former tierce opposition à la décision rendue par le juge- commissaire relevant la caution d’une société en redressement judiciaire, de la forclusion encourue pour déclaration tardive de sa créance, mais que la caution soutient que la tierce opposition formée au- delà du délai de 10 jours du prononcé de la décision est irrecevable pour cause de tardiveté ;
Attendu que la tierce opposition prévue par l’article 156 du décret du 27 décembre 1985 constitue une voie de recours spécifique qui ne peut être assimilée au recours prévu par l’article 25 du décret du 27 décembre 1985, contre les ordonnances rendues par le juge- commissaire en toutes matières sauf précisément lorsqu’il statue notamment en matière de contestation de créance ou de relevé de forclusion ;
Attendu que le délai pour former tierce opposition est bien un délai de 10 jours à compter du prononcé de l’ordonnance comme le prévoit l’article 156 susvisé, et non le délai de 8 jours prévu par l’article 25 précité ;
Attendu qu’il est constant que la tierce opposition a été formée le 22 octobre 1999 soit bien postérieurement au délai de 10 jours du prononcé, le 23 avril 1998 de l’ordonnance rendue par le juge- commissaire qui n’est pas une décision soumise à publication au BODACC ;
Attendu que pour rendre sa tierce opposition recevable, M. Xavier C… soutient qu’il ne peut, par application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, se voir priver en l’absence de notification de la décision par le greffier, de la faculté d’exercer un recours contre une ordonnance du juge- commissaire concernant directement ses droits et obligations et rendue à son insu ;
Attendu qu’en l’espèce il est constant que la Caisse de Crédit Mutuel SAINT- JEAN, a régulièrement déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société EBI et que postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire du débiteur principal, la caution de M. A… a désintéressé la créancière le 6 avril 1999 ;
Attendu que si en application de l’article L 621- 53 du Code de commerce (ex article 60 de la loi du 25 janvier 1985) la caution a la faculté et non l’obligation de déclarer sa créance subrogatoire c’est uniquement pour préserver son recours contre le débiteur principal et non pour assurer la survie de sa créance ; Que dès lors que la C. C. M. STRASBOURG SAINT- JEAN qui avait déclaré sa créance était en droit de retourner contre la caution, et que l’obligation de la sous caution M. C… était subordonnée aux termes de l’acte sous seing privé du 9 août 1995 à la mise en jeu de la garantie par le créancier principal, l’ordonnance rendue par le juge- commissaire sur le relevé de forclusion n’avait pas pour effet d’affecter directement les droits et obligations de la sous caution et n’avait pas à lui être notifiée ;
que la sous caution était en effet tenue au paiement en application de l’acte du 9 août 1995 auquel était étrangère la C. C. M. STRASBOURG SAINT- JEAN et qu’elle ne peut se prévaloir d’une atteinte directe à ses droits résultant de l’ordonnance frappée de recours dès lors que cette décision avait pour objet de permettre à M. A… d’obtenir du débiteur principal le remboursement de tout ou partie des sommes payées au créancier et de décharger d’autant la sous caution ;
Attendu que dans ces conditions M. C…, dont les droits et obligations n’ont pas été directement affectés par l’ordonnance rendue par le juge- commissaire sur le relevé de forclusion et qui dispose d’un recours propre pour contester l’admission de la créance ne peut se prévaloir d’une violation de l’article 6- 1 de la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du seul fait qu’il n’avait pas eu connaissance de cette ordonnance ;
Attendu que le recours qui n’a pas été exercé dans le délai prescrit est donc irrecevable ; Attendu qu’au surplus, il convient de rappeler que la caution a été actionnée par le créancier après l’expiration des délais pour déclarer la créance, et qu’elle établit ainsi que sa défaillance n’est pas due à son fait, dès lors que M. A… n’avait plus d’intérêt dans la société SBI depuis plus de deux ans, que la publication du jugement au BODACC ou dans un journal d’annonces légales avait pu lui échapper dès lors qu’il était devenu un simple vendeur au sein d’une autre entreprise ;
Attendu qu’il convient en conséquence d’infirmer l’ordonnance entreprise ;
Attendu que les dépens de première instance et d’appel doivent incomber à M. C… ; Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de M. A… les frais irrépétibles d’appel pour un montant de 1. 000 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré en dernier ressort, DÉCLARE l’appel recevable, INFIRME l’ordonnance entreprise en date du 22 novembre 2000, Statuant à nouveau, DÉCLARE irrecevable la tierce opposition formée par M. C…, CONDAMNE M. C… aux dépens de première instance et d’appel et à payer à M. A… une indemnité de procédure de 1. 000 euros (MILLE EUROS). Et le présent arrêt a été signé par le président et le greffier présent au prononcé.