Cour d’appel de Rouen, 13 septembre 2001

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Cour d’appel de Rouen, 13 septembre 2001

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2001 Sur appel d’un jugement du Tribunal de Grande Instance de ROUEN du 7 juillet 2000, la cause a été appelée à l’audience publique du jeudi 31 mai 2001, PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR : Le Procureur de la République près du Tribunal de Grande Instance de ROUEN

appelant

et

H Prévenu libre

Appelant

PRESENT Assisté de Maître R

B ABSENT Représenté par Maître Z

S épouse B partie civile, intimée

ABSENTE Représentée par Maître Z

EN CAUSE – MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL – Maître P Mandataire judiciaire chargé de la liquidation judiciaire de H Maître Z a déposé des conclusions, lesquelles datées et contresignées par le greffier ont été visées par le Président puis jointes au dossier. DÉROULEMENT DES DÉBATS : Monsieur le Président a été entendu en son rapport après avoir constaté l’identité du prévenu le prévenu a été interrogé et a présenté ses moyens de défense, exposant sommairement les raisons de son appel Maître Z a plaidé, a sollicité la confirmation du jugement et la condamnation du prévenu à la somme de 4.000 F en cause d’appel sur le fondement de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale

le Substitut Général a pris ses réquisitions Maître R a plaidé La défense et le prévenu ont eu la parole en dernier

Puis la Cour a mis l’affaire en délibéré et le Président a déclaré que l’arrêt serait rendu le 13 SEPTEMBRE 2001

Et ce jour 13 SEPTEMBRE 2001 :

Le prévenu étant absent, les parties civiles absentes, Monsieur le Président a, à l’audience publique, donné seul lecture de l’arrêt en application des dispositions des articles 485 dernier alinéa et 512 du Code de Procédure Pénale en présence du Ministère Public et du greffier.

RAPPEL DE LA PROCEDURE PREVENTION

H a été à la requête du Ministère Public cité par exploit d’huissier en date du 13 juin 2000 délivré à sa personne, après renvoi par ordonnance d’un juge d’instruction en date du 29 octobre 1999 devant le Tribunal Correctionnel de ROUEN à l’audience du 7 juillet 2000 sous la prévention d’avoir : – à ROUEN entre le 25 juillet 1995 et le 21 juillet 1997, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, détourné la somme de 162.000 F qui ne lui avait été remise qu’à charge pour lui de la rendre ou la représenter ou d’en faire un usage déterminé, ce au préjudice de Monsieur et Madame B avec cette circonstance qu’il réalisait habituellement des opérations portant sur les biens des tiers pour lesquels il recouvrait des fonds ou valeurs ; Faits prévus et réprimés par les articles 314-1, 314-2 et 314-10 du Code Pénal.

JUGEMENT Le Tribunal, par jugement contradictoire en date du 7 juillet 2000 a statué dans les termes suivants :

Sur l’action publique Déclare H coupable des faits qui lui sont reprochés ; Condamne H à 5 mois d’emprisonnement ; Dit qu’il sera sursis à l’exécution de la peine d’emprisonnement qui vient d’être prononcée à son encontre ;

Sur l’action civile Reçoit Monsieur et Madame B en leur constitution de partie civile ; Déclare H entièrement responsable du préjudice subi par la partie civile ; Fixe sa créance à 15.000 F ; Condamne H à payer à la partie civile la somme de 4.000 F en application de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale.

APPELS

Par déclarations au Greffe du Tribunal en date du 17 juillet 2000, – le prévenu sur les dispositions pénales et civiles, – le Ministère Public à titre incident sur les dispositions pénales, ont interjeté appel de cette décision.

DECISION

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi. En la forme Au vu des énonciations qui précèdent et des pièces de la procédure les appels interjetés par le prévenu et le Ministère Public dans les formes et délais des articles 498 et suivants du Code de Procédure Pénale sont réguliers ; ils sont donc recevables. Les parties ont été citées devant la Cour par exploits d’huissier délivrés : – le prévenu le 27 mars 2001 à sa personne ; il est présent et assisté ; – les parties civiles, Monsieur et Madame B, les 18 et 19 avril 2001 à personne ; elles sont représentées.

Il sera donc statué par arrêt contradictoire à l’égard des parties.

Au fond

Des pièces de la procédure résultent les faits suivants : A l’époque des faits dénoncés dans une plainte, assortie d’une déclaration de constitution de partie civile, déposée le 28 août 1997 par Monsieur et Madame B, H était président du conseil d’administration de la SA H, dont l’objet social était la transaction en matière de fonds de commerce et d’immeubles. Le 24 mars 1994, H formalisait la cession d’un fonds de commerce de librairie-papeterie implanté à FECAMP entre les époux B-vendeurs et les époux A- acheteurs au prix de 2.000.000 F acquittés par deux chèques enregistrés dans la comptabilité de la SA H. Les époux L bailleurs de l’immeuble où les époux B exploitaient le fonds de commerce, le 21 avril 1994 faisaient opposition au paiement d’une somme de 152.000 F représentant notamment les frais de remise en état des locaux et les loyers dûs au titre du 1er trimestre 1994 ; ces fonds, bloqués avec d’autres, étaient placés sous compte séquestre au cabinet H ; à la date du 25 juillet 1995, restaient bloqués au compte séquestre une somme de 10.000 F sur opposition de l’Administration fiscale et la somme de 152.000 F sur opposition des époux L soit un total de 162.000 F. Par jugement du 14 novembre 1995, le tribunal de commerce ouvrait une procédure de liquidation judiciaire concernant la SA H De façon constante, tant devant le juge d’instruction qu’à la barre du tribunal et devant la Cour H a reconnu que pour faire face aux difficultés de trésorerie de la SA H il avait utilisé cet argent. Le 21 juillet 1997, Maître G, mandataire judiciaire, dans un courrier adressé à l’avocat des époux B, informait ces derniers que les fonds séquestrés avaient été détournés. Auparavant, ces derniers avaient effectué une déclaration de créance tendant à leur admission au passif pour un montant de 162.000 F et dans un courrier du 24 septembre 1996 Maître G les avait informés que le cabinet H, ne reconnaissant devoir que la somme de 150.000 F

il proposait l’admission de cette créance pour un montant de 150.000 F sous réserve de règlement par la SOCAF, la Caisse de Garantie du Cabinet H. L’opposition au paiement était levée le 10 mars 1998 ; la société SOCAF, société de caution mutuelle des professions immobilières et foncières, indemnisait les époux B à hauteur de 150.000 F le 12 juin 1998. Au cours de son audition du 6 août 1998, Monsieur B déclarait maintenir sa plainte au motif notamment que la SOCAF, sur la somme dûe de 152.000 F, n’avait remboursé que la somme de 150.000 F. Par jugement du 21 avril 1998, le tribunal de commerce de ROUEN a prononcé la mise en liquidation judiciaire de H et sa faillite personnelle pour une durée de 10 ans pour avoir disposé des biens de la SA H comme des biens propres, poursuivi abusivement son exploitation déficitaire et tenu une comptabilité incomplète. A l’audience et dans des conclusions développées par son avocat, H demande à la Cour de réformer le jugement et de le relaxer ; à cet effet il soutient et fait plaider essentiellement : – qu’il ne conteste pas que la somme de 162.000 F avait été consignée sur le compte séquestre de l’agence, qu’ultérieurement il a dû faire face à des difficultés de trésorerie qui ont conduit à la liquidation du cabinet H et que pour y remédier il a utilisé courant 1995 l’argent du compte séquestre, ce qu’il n’aurait pas dû faire, qu’il n’a toutefois pas utilisé cet argent à des fins personnelles mais pour tenter de faire face aux charges et obligations de son agence ; – que, si ses agissements peuvent être critiqués, il n’en résulte pas pour autant que l’infraction qui lui est reprochée soit constituée dans la mesure où il ne peut pas lui être reproché pénalement d’avoir utilisé les fonds séquestrés ou de ne pas les avoir rendus ou représentés entre le 25 juillet 1995 et le 21 juillet 1997 puisque durant toute cette période il était interdit au cabinet H de les remettre aux époux B du fait de l’opposition régularisée par les époux L ; – qu’à la date de la plainte avec constitution de partie civile déposée par les époux B entre les mains de Monsieur le Doyen des Juges d’Instruction, les fonds étaient toujours indisponibles ; – qu’il justifie que lorsque courant 1997 il a cédé ainsi que ses parents et son épouse les actions de la SA CABINET H à la Société J il a été précisé au terme d’un protocole d’accord en date du 8 septembre 1995 que la SA CABINET H Transactions se reconnaissait débitrice de la SOCAF d’une somme non encore définitivement arrêtée mais estimée à environ 800.000 F et prévu au terme de ce protocole que le cabinet HAVRET, avec ses nouveaux actionnaires, désintéresserait la SOCAF à concurrence des sommes dûes ; – qu’il résulte des pièces versées aux débats que la nouvelle société JH a réglé à la SOCAF quatre lettres de change pour un total de 500.000 F entre juillet 1996 et mars 1997 de telle sorte que les fonds dûs notamment aux époux B étaient à nouveau représentés directement auprès de la SOCAF à la date de la mainlevée de l’opposition ; – qu’il ignore les raisons pour lesquelles la SOCAF n’a réglé qu’une somme de 150.000 F au lieu de 152.000 F, étant observé que selon les propres déclarations de Monsieur B il n’était dû que 152.000 F, les autres 10.000 F concernant une opposition relative à la recette des impôts. Subsidiairement, H sollicite le bénéfice des plus larges circonstances atténuantes et conclut au débouté des époux B dont il estime les demandes injustifiées. Les époux B, parties civiles, par l’intermédiaire de leur avocat sollicitent la confirmation du jugement déféré et la condamnation de H à leur payer en cause d’appel une somme de 4.000 F sur le fondement de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale. Ceci étant, L’article 314-1 du Code Pénal réprime sous la qualification d’abus de confiance le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé. Il est établi que H, qui réalisait habituellement des opérations portant sur les biens des tiers pour lesquels il recouvrait des fonds, a reçu des acquéreurs du fonds de commerce appartenant aux époux B des fonds normalement destinés à être rendus à ces derniers et que consécutivement à une opposition effectuée le 21 avril 1994 par les époux L et à une opposition de l’administration fiscale il s’est vu tenu de conserver une somme de 162.000 F jusqu’à la mainlevée des oppositions. Il est non moins constant que courant 1995, postérieurement au 25 juillet, H a affecté cette somme, dont il ne pouvait en aucun cas disposer, aux besoins de la trésorerie de la société H et qu’il a ainsi sciemment détourné au préjudice des époux B des fonds qui lui avaient été remis et confié en sa qualité de séquestre et qu’il avait acceptés à charge de les conserver jusqu’à la levée des oppositions. L’abus de confiance est constitué par le seul fait du détournement qui est consommé à partir de l’instant où les fonds ont été utilisés à une fin autre que celle prévue et le fait qu’ils aient été utilisés au cours d’une période durant laquelle ils ne pouvaient être remis aux époux B en raison des oppositions régularisées ne fait pas disparaître l’infraction. De même, la restitution, dans presque leur intégralité, de ces fonds, opérée postérieurement à la consommation du détournement, au profit des époux B n’efface pas l’abus de confiance. Les faits susvisés caractérisant à la charge de H les éléments tant matériel qu’intentionnel du délit d’abus de confiance tel que défini par l’article 314-1 du Code Pénal, le jugement déféré sera donc confirmé sur la déclaration de culpabilité. Au vu des circonstances de la cause, du degré de gravité de l’infraction commise et de la qualité professionnelle du prévenu au moment de la commission des faits, la peine de 5 mois d’emprisonnement avec sursis prononcée par le tribunal est loin d’être excessive et sera confirmée par la Cour.

Sur l’action civile Le tribunal a fait une exacte appréciation de la recevabilité de la constitution de partie civile des époux B et de la responsabilité civile du prévenu déclaré responsable du préjudice subi par ces derniers.

De l’arrêté de compte séquestre du 25 juillet 1995 et de la note manuscrite y figurant produit aux débats par les parties civiles à l’appui de leur plainte il résulte que la somme de 162.000 F se décomposait comme suit : 152.000 F sur l’opposition des époux L et 10.000 F sur l’opposition de l’administration fiscale, que cette dernière somme a été remboursée et dans son audition Monsieur B l’a reconnu implicitement en fixant à la somme de 2.000 F le montant de sa créance non remboursé par la SOCAF de sorte que le préjudice matériel subsistant s’élève uniquement à la somme de 2.000 F. Par ailleurs il n’est pas contestable que ce détournement, par les désagréments et les soucis qu’ils a occasionnés aux époux B après qu’ils aient appris son existence en juillet 1997, a causé à ces derniers un préjudice moral dont le tribunal a fait une exacte appréciation en fixant sa réparation à la somme de 3.000 F. Par jugement du 21 avril 1998 le tribunal de commerce de ROUEN a prononcé la mise en liquidation judiciaire de H, à titre personnel et Maître P, mandataire judiciaire en charge de cette procédure toujours en cours en remplacement de Maître G, a fait savoir par des écritures adressées à la Cour qu’elle n’avait pas d’observations particulières à formuler. Il résulte des dispositions des articles 47 et 48 de la loi du 25 janvier 1985 devenus les articles L.621-40 et L.621-41 du Code du Commerce que la Cour, la déclaration de créance ayant été effectuée par les époux B, ne peut en l’état de la procédure de liquidation judiciaire que constater qu’il subsiste une créance et en fixer le montant à la somme de 5.000 F. La somme allouée au titre de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale, qui n’a pas le caractère de dommages et intérêts et n’obéit pas aux règles fixées par les articles précités, pouvant être mise à la charge de l’auteur de l’infraction personnellement dans les liens d’une procédure collective, la Cour confirmera la somme de 4.000 F allouée à ce titre aux époux B en première instance, le tribunal ayant fait une équitable application des dispositions dudit article, et elle condamnera H à leur payer en cause d’appel une indemnité complémentaire de 2.000 F sur le fondement de ce même article.

PAR CES MOTIFS LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement ; En la forme Déclare les appels recevables ; Au fond Sur l’action publique

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions pénales ; Constate que l’avertissement prescrit par l’article 132-29 du Code Pénal n’a pas été donné au prévenu qui n’assistait pas à l’audience à laquelle le présent arrêt a été rendu ;

Sur l’action civile Confirme le jugement déféré en ce qu’il a reçu Monsieur et Madame B en leur constitution de partie civile, déclaré H responsable du préjudice subi par ces derniers et en ces dispositions relatives à l’application de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale ; Le réformant sur l’évaluation du montant de la créance ; Fixe la créance des époux B à la somme de 5.000 F ; Y ajoutant ; Condamne H à payer aux époux B en cause d’appel une somme de 2.000 F sur le fondement de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale ; La présente procédure est assujettie à un droit fixe de 800 F, soit 121,96 ?uros dont est redevable H.


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