Cour d’appel de Versailles, du 24 janvier 2002

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Cour d’appel de Versailles, du 24 janvier 2002

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

La Cour est saisie de l’appel formé par la banque SAN PAOLO à l’encontre de l’ordonnance rendue le 22 mars 2001 par Monsieur Le X… du Tribunal de commerce de Nanterre qui l’a déclarée irrecevable en ses demandes et l’a condamnée à payer à la SA JAPEL la somme de 2.286,74 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La Cour a rendu un précédent arrêt auquel il convient de se référer pour l’exposé des faits et de la procédure. Il suffit de rappeler : – que sur requête présentée par neuf sociétés du « Groupe Y… », dont la SA JAPEL, Maître SEGARD a été désigné en qualité de mandataire ad hoc, par ordonnance rendue le 29 juin 2000 par Monsieur Le X… du Tribunal de commerce de Nanterre, – que le présent litige concerne trois ordonnances rendues par Monsieur Le X… du Tribunal de commerce de Nanterre, à savoir : . l’ordonnance rendue le 9 février 2001 qui a mis fin aux fonctions de mandataire ad hoc de Maître SEGARD, . l’ordonnance rendue le 9 février 2001 qui a désigné Maître SEGARD en qualité de conciliateur, . l’ordonnance rendue le 1er mars 2001 qui a homologué l’accord passé le 26 février 2001 entre des sociétés du Groupe Y… et sept établissements financiers de ce Groupe, – que la banque SAN PAOLO a formé un recours en rétractation contre ces trois ordonnances, et que l’ordonnance déférée, en date du 22 mars 2001 a déclaré ce recours irrecevable. La banque SAN PAOLO demande à la Cour de rétracter les deux ordonnances rendues le 9 février 2001, et l’ordonnance rendue le 1er mars 2001, et de condamner les intimés à lui payer la somme de 4.573,47 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Maître SEGARD, es qualités de conciliateur, Monsieur Jean-Pierre Y…, la SA JAPEL, la SA Y… BENELUX, la SA Y… DISTRIBUTION, la SOCIETE Y… GESTION, la SARL Y… GRAPHICS, la SA Y… GROUPE, la SA Y… LOGISTIQUE, la SARL EVERY COM et la SARL COMAGO demandent à la Cour de dire que le Tribunal de

commerce de Nanterre est compétent, de dire que la procédure de règlement amiable est régulière en la forme et qu’elle n’a pas été dévoyée de son objet, de débouter la banque SAN PAOLO, reconventionnellement de la condamner à lui payer la somme de 22.867,35 euros pour procédure abusive et la somme de 5.335,72 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et de la condamner à une amende civile de 10.000 francs soit 1.524,49 euros. La BANQUE POPULAIRE NORD DE PARIS demande à la Cour de lui donner acte de ce qu’elle est une des banques de la SA JAPEL, de dire que le Tribunal de commerce de Nanterre est compétent, de dire que la procédure de règlement amiable est régulière en la forme et ne traduit aucun dévoiement, de dire la banque SAN PAOLO tant irrecevable que mal fondée en sa demande de rétractation des ordonnances, et de la condamner à lui payer la somme de 4.573,47 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Le CREDIT DU NORD demande à la Cour de constater qu’elle est juridiction d’appel des tribunaux de commerce de Nanterre et de Pontoise, et qu’en conséquence l’exception d’incompétence, outre qu’elle est mal fondée, est irrecevable à défaut d’intérêt, de dire que la procédure de règlement amiable est régulière en la forme et bien fondée, de débouter la banque SAN PAOLO et de la condamner à lui payer la somme de 5.335,71 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La BANQUE SCALBERT DUPONT demande à la Cour de dire que l’exception d’incompétence, outre qu’elle est mal fondée, est inopérante, la Cour de Versailles devant en toute hypothèse statuer au fond, de dire que la non convocation de la banque SAN PAOLO au processus de conciliation s’explique par son intention clairement affirmée de refuser tout accord, et ne traduit aucun dévoiement de procédure, de débouter la banque SAN PAOLO de ses demandes, et de la condamner à lui payer la somme de 1.524,49 euros

sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La SOCIETE GENERALE demande à la Cour de constater que la banque SAN PAOLO est le seul établissement financier, avec toutefois la BNP PARIBAS, à avoir refusé de participer à l’accord amiable, de débouter la banque SAN PAOLO de sa demande en rétractation des ordonnances, et de la condamner à lui payer la somme de 5.335,71 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La B.E.C.M. demande à la Cour de constater qu’elle est en toute hypothèse juridiction d’appel des tribunaux de Nanterre et de Pontoise, de constater que la banque SAN PAOLO n’a pas été convoquée au processus de conciliation car elle avait manifesté clairement son opposition à tout accord, en dénonçant ses concours, en poursuivant le recouvrement de sa créance en justice et en faisant procéder à des mesures d’exécution, de débouter la banque SAN PAOLO de ses demandes, et de la condamner à lui payer la somme de 1.524,49 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La SA EURO SALES FINANCE demande à la Cour de constater qu’elle est juridiction d’appel commune aux tribunaux de Pontoise et de Nanterre, et se trouve saisie, de rejeter les demandes de la banque SAN PAOLO tendant à la rétractation des ordonnances, et de la condamner à lui payer la somme de 2.286,74 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La SA NATEXIS BANQUES POPULAIRES demande à la Cour de débouter la banque SAN PAOLO de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 1.524,49 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

DISCUSSION Sur l’incompétence de la juridiction de Nanterre Considérant que la banque SAN PAOLO soutient : – que la SA JAPEL aurait dû saisir Monsieur Le X… du Tribunal de commerce de Pontoise, juridiction dans le ressort duquel elle a son siège social, – que la notion de « groupe de société » n’est pas une donnée

juridique, et ne peut avoir de conséquence sur la compétence d’une juridiction, – que seule la société a la personnalité morale et donc un domicile de rattachement à une juridiction, – que le fait que d’autres sociétés du « Groupe Y… » aient leur siège social dans le ressort d’autres tribunaux, et notamment dans le ressort du Tribunal de commerce de Nanterre n’entraîne aucune prorogation de la compétence de ce Tribunal ; Mais considérant que la banque SAN PAOLO ne tire aucune conséquence juridique de ces constatations, et ne donne aucune indication, dans les motifs, comme dans le dispositif de ses conclusions, sur la juridiction à laquelle l’affaire devrait être renvoyée ; qu’ainsi que le font remarquer certains des intimés l’argumentation de la banque SAN PAOLO ne peut conduire qu’à la compétence de la Cour d’appel de Versailles ; Considérant que l’exception d’incompétence suggérée par la banque SAN PAOLO sera déclarée irrecevable faute d’intérêt, et également par application de l’article 75 du Nouveau Code de Procédure Civile qui impose à la partie qui soulève cette exception, à peine d’irrecevabilité, de faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée ; Sur le défaut de convocation de la banque SAN PAOLO Considérant que la banque SAN PAOLO fait observer qu’elle fait partie des « principaux créanciers » puisque sa créance de plus de 8 millions de francs représente 45 % des dettes financières de la SA JAPEL, et en déduit que Maître SEGARD aurait dû la convoquer aux négociations qui ont abouti à l’accord du 26 février 2001 ; Mais considérant que la règle de l’égalité des créanciers, principe fondamental des procédures collectives, ne s’applique pas à la procédure de règlement amiable ; que le conciliateur apprécie librement s’il doit convoquer aux négociations tous les créanciers ou certains d’entre eux ; que le fait que la banque SAN PAOLO soit le principal créancier de la SA JAPEL n’est pas un motif suffisant pour

rendre indispensable sa participation aux négociations, alors que l’accord envisagé englobait l’ensemble du Groupe Y… ; Considérant qu’aucune irrégularité ne résulte de l’absence de convocation de la banque SAN PAOLO par le conciliateur aux négociations, ni d’ailleurs de l’absence de la banque SAN PAOLO à l’accord lui-même ; qu’au demeurant rien n’empêche la banque SAN PAOLO de participer à l’accord si elle le désire, comme de critiquer cet accord comme elle le fait dans la présente instance ; Sur l’absence d’ordonnance décidant la suspension provisoire des poursuites Considérant que la banque SAN PAOLO reproche au conciliateur de ne pas avoir usé de la faculté ouverte par l’article L.611-4 du Code de commerce alinéa 3 de demander une ordonnance de suspension provisoire des poursuites ; Mais considérant que le conciliateur ne doit recourir à la suspension provisoire des poursuites que si cette mesure est de nature à faciliter la conclusion de l’accord ; qu’en l’espèce cette mesure ne s’imposait pas, l’accord ayant été signé 15 jours après la nomination du conciliateur ; Sur le titre exécutoire de la banque SAN PAOLO Considérant que la banque SAN PAOLO fait observer qu’elle dispose d’un titre exécutoire contre la SA JAPEL ; Mais considérant que ce fait n’est d’aucune conséquence sur la régularité formelle, ni sur le bien fondé des trois ordonnances en litige ; Sur le dévoiement de l’accord amiable Considérant que la banque SAN PAOLO soutient que les dirigeants du Groupe Y… ont utilisé la procédure de règlement amiable, pour compléter leur oeuvre de spoliation des créanciers de la SA JAPEL au profit du Groupe Y… ; qu’elle fait notamment valoir : – que le Groupe Y… a pris récemment le contrôle de la SA JAPEL et, après avoir changé les dirigeants, s’est employé à piller cette société à son profit, – qu’ainsi les stocks ont disparu, – que les créances ont été affacturées ou cédées, mais à d’autres banques, et qu’elle-même a été écartée de ce mode de financement moins risqué,

alors qu’au contraire il aurait dû permettre l’apurement du passif à court terme, – qu’en fait le Groupe Y… se sert de l’excédent de trésorerie de la SA JAPEL pour couvrir ses propres besoins, – que les comptes n’ont été publiés qu’avec retard, – que le Groupe Y… envisage désormais de vendre la SA JAPEL dans des conditions inconnues, et à un cessionnaire inconnu, – que le Groupe Y… a favorisé ses propres banques au détriment des banques de la SA JAPEL dont elle-même est la plus fortement engagée, – que le sort plus favorable fait par l’accord du 26 février 2001 aux banques du Groupe Y… explique que ces dernières ont accepté cet accord, et qu’elle-même n’ait pas été conviée aux négociations qui lui auraient permis de faire valoir ses droits, – que l’accord des banques intimées s’explique également par le fait que des garanties leur ont été données, alors qu’au contraire le Groupe Y… s’est efforcé, avec succès, de la priver de tout recours, et notamment des saisies conservatoires qu’elle avait été autorisée à faire le 22 novembre 2000, et qu’elle avait pu utilement diligenter. Mais considérant que la banque SAN PAOLO n’apporte pas à l’appui de ses affirmations des éléments suffisamment probants pour convaincre la Cour d’un dévoiement de procédure ; que si la comptabilité a été établie tardivement, ce qui est certainement regrettable, il n’est pas contesté qu’elle est fiable et sincère ; que la banque SAN PAOLO ne fait état que des comptes des exercices 1998 et 1999, mais non de ceux de l’exercice 2000, et n’apporte aucune critique aux comptes prévisionnels des 6 et 20 octobre 2000 ; qu’il n’est pas contesté que les actionnaires ont apporté la somme de 40 millions de francs ; que tous les établissements financiers sollicités ont accepté l’accord proposé ; que ces établissements sont ceux qui financent le Groupe Y…, mais également ceux qui financent la SA JAPEL ; qu’il n’est pas démontré que des garanties particulières aient été consenties aux

autres établissements, et refusées qu’à la seule banque SAN PAOLO ; que cette dernière a refusé de revenir sur sa décision de rompre ses concours, et ne peut se plaindre de n’avoir pas pu procéder à un financement par voie de cession de créances professionnelles ; que la mise à l’écart de la banque SAN PAOLO s’explique objectivement par son attitude de refus et n’implique aucune hostilité à son égard ; Considérant qu’ainsi aucun élément du dossier ne laisse penser que la désignation de Maître SEGARD comme conciliateur et l’homologation de l’accord du 26 février 2001 auraient eu d’autres buts que ceux, prévus par la procédure d’accord amiable, de favoriser le fonctionnement de l’entreprise et de rechercher la conclusion d’un accord avec les créanciers ; Considérant que la banque SAN PAOLO doit être déboutée de sa demande en rétractation des ordonnances rendues le 9 février 2001 et le 1er mars 2001 ; Sur les autres demandes Considérant que la banque SAN PAOLO exerce un recours en rétractation d’ordonnances auxquelles elle n’était pas partie ; que ce recours n’est pas fondé, mais n’apparaît pas abusif ; que les demandes formées contre la banque SAN PAOLO à titre de dommages-intérêts seront rejetées ; Considérant que l’ordonnance sera infirmé en ce qu’elle a condamné la banque SAN PAOLO à payer à la SA JAPEL la somme de 2.286,74 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Considérant qu’il convient en équité de faire droit aux demandes formées par les intimés sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu’il sera précisé dans le dispositif ; Considérant que la banque SAN PAOLO qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, et déboutée des demandes qu’elle forme sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, Déclare irrecevable l’exception d’incompétence, Infirme l’ordonnance rendue le 22 mars 2001 par

Monsieur Le X… du Tribunal de commerce de Nanterre, Statuant à nouveau, déclare le recours de la banque SAN PAOLO recevable, mais mal fondé, L’en déboute, Condamne sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la banque SAN PAOLO à payer la somme de 1.250 euros à chacun des groupes de personnes suivantes : .Maître SEGARD, es qualités de conciliateur, Monsieur Jean-Pierre Y…, la SA JAPEL, la SA Y… BENELUX, la SA Y… DISTRIBUTION, la SOCIETE Y… GESTION, la SARL Y… GRAPHICS, la SA Y… GROUPE, la SA Y… LOGISTIQUE, la SARL EVERY COM et la SARL COMAGO, .la SA NATEXIS BANQUES POPULAIRES .la SA EURO SALES FINANCE .la Société B.E.C.M. .la SOCIETE GENERALE .la BANQUE SCALBERT DUPONT .le CREDIT DU NORD .la BANQUE POPULAIRE NORD DE PARIS Condamne la banque SAN PAOLO aux dépens de première instance et d’appel et accorde à la SCP KEIME & GUTTIN, la SCP JULLIEN- LECHARNY- ROL, la SCP DEBRAY – CHEMIN, et la SCP FIEVET- ROCHETTE- LAFON, titulaires d’un office d’Avoué le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, Et ont signé le présent arrêt : Monsieur Jean Z…, qui l’a prononcé, Madame Michèle A…, qui a assisté à son prononcé, Le GREFFIER,

Le X…,


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