Cour d’appel de Colmar, du 30 janvier 2002

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Cour d’appel de Colmar, du 30 janvier 2002

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

N° RG 1 B 98/03405 MINUTE N° 87/2002 Copie exécutoire aux avocats Maître HEICHELBECH et associés SCP CAHN, LEVY, BERGMANN Le 30.01.02 Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D’APPEL DE COLMAR PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 30 JANVIER 2002 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme GOYET, président de chambre Mme VIEILLEDENT, conseiller M. DIE, conseiller GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS ET AU PRONONCÉ : Mme X…, DÉBATS A l’audience publique du 22 novembre 2001 ARRÊT DU 30 JANVIER 2002 Contradictoire Prononcé à l’audience publique par le président. NATURE DE L’AFFAIRE : Demande relative à un contrat de concession, de franchise, ou de fournitures APPELANTE ET DÉFENDERESSE : SA ITM FRANCE ayant son siège social 24, rue Auguste Chabrière 75015 PARIS représentée par son représentant légal Représentée par Maîtres HEICHELBECH et associés, avocats à la cour Plaidant : Maître OSTER, avocat à STRASBOURG INTIMÉS ET DEMANDEURS : 1) SA JEPOL ayant son siège social 8, rue des Sports 67380 LINGOLSHEIM représentée par son représentant légal 2) Monsieur Y… Z… 3, Place du Panorama 67870 BISCHOFFSHEIM Représentés par la SCP CAHN, LEVY, BERGMANN, avocats à la cour Plaidant : Maître LEVEQUE, avocat à DIJON (21).

…/1

Le 14 septembre 1983, M. Y… Z… a conclu un contrat d’adhésion avec la SA I.T.M. ENTREPRISES, puis a constitué quatre sociétés pour l’exploitation de quatre points de vente à LINGOLSHEIM, MOLSHEIM, MUTZIG et KOENIGSHOFFEN.

Pour l’ouverture de ce dernier point de vente, il a créé la SA JEPOL, dont il était, avec sa femme, actionnaire majoritaire, et a signé le

26 mars 1991, en sa qualité de président du conseil d’administration de la SA JEPOL, un contrat de franchise avec la SA I.T.M. FRANCE, agissant tant pour son compte qu’en sa qualité de mandataire de la SA I.T.M. ENTREPRISES ;

En juillet 1993, la société JEPOL a arrêté son exploitation en raison des mauvais résultats obtenus dans le point de vente de KOENIGSHOFFEN ;

Par exploit du 21 mars 1994, la SA JEPOL et M. Y… Z… ont fait citer la SA I.T.M. FRANCE en annulation du contrat de franchise pour dol et en paiement de la somme de 16.584.000 F en réparation du préjudice subi par la SA JEPOL en raison des fautes délictuelles commises par I.T.M. FRANCE à l’égard du franchisé.

M. Z… a demandé de son côté que la société I.T.M. FRANCE soit tenue de réparer intégralement le préjudice financier qui pourrait découler de ses engagements personnels souscrits à l’occasion de la création du magasin INTERMARCHE STRASBOURG-KOENIGSHOFFEN.

La SA I.T.M. FRANCE a conclu à :

– l’incompétence de la présente juridiction au vu de la clause

d’arbitrage prévue par l’article 16 du contrat de franchise du

26 mars 1991,

– l’irrecevabilité des demandeurs de leur demande en ce qu’elle

est dirigée à l’encontre de la SA I.T.M. FRANCE,

– à leur débouté de leur demande, dépens à leur charge, outre la

somme de 25.000 F au titre de l’article 700 du nouveau Code de

procédure civile.

Par jugement du 5 juin 1998, le tribunal de grande instance de STRASBOURG, chambre commerciale :

– s’est déclaré compétent pour connaître du litige ;

– a déclaré la demande de la société JEPOL et de M. Z…

recevable à l’encontre de la société I.T.M. FRANCE ;

– a prononcé la nullité du contrat de franchise du 26 mars 1991

en toutes ses dispositions pour dol commis par le franchiseur ITM

FRANCE ;

– a dit que la SA ITM FRANCE sera tenue de réparer l’intégral

préjudice corrélativement subi par :

– la SA JEPOL,

– M. Y… Z… pouvant découler de l’ensemble

des engagements personnels souscrits par lui à l’occasion

de la création du magasin INTERMARCHE de

STRASBOURG-KOENIGSHOFFEN ;

– a condamné la SA ITM FRANCE à payer à la SA JEPOL une

somme de 2.000.000 F ;

– a réservé à statuer sur le surplus et a ordonné la réouverture des débats sur l’étendue du préjudice subi par la SA JEPOL ;

– a invité les parties à sa prononcer sur la nécessité d’une expertise;

Le tribunal a considéré que les arbitres ne pouvaient se faire juges de la validité de la convention qui les investissait du pouvoir de juger, et que la clause arbitrale était nulle si le contrat la contenant était lui-même annulé et que l’appréciation du respect d’une obligation légale devant être exécutée avant la signature du contrat relevait de l’appréciation des juridictions ordinaires.

Le tribunal a encore estimé la demande contre I.T.M. FRANCE recevable puisque cette société avait signé le contrat de franchise tant pour

son compte, que celui D’I.T.M. ENTREPRISE, et que cette société était souvent citée seule dans le contrat en ce qui concernait les obligations du franchiseur.

Enfin, le tribunal a considéré que I.T.M. FRANCE a commis des fautes en se trompant grossièrement dans l’évaluation du chiffre d’affaires prévisionnel, supérieur de 60 % à celui réellement atteint par la SA JEPOL, et en assurant M. Z… que son engagement ne serait que temporaire tout en refusant ensuite d’accréditer un repreneur potentiel sérieux, fautes sous lesquelles le contrat de franchise et les engagements de M. Z… n’auraient pas été conclus.

Par déclaration reçue au greffe le 30 juin 1998, la SA I.T.M. a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions récapitulatives du 19 octobre 2000, elle demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu le 5 juin 1998 par la 2ème chambre

commerciale du tribunal de grande instance de STRASBOURG

en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

In limine litis :

– déclarer nul le jugement rendu le 5 juin 1998 par la 2ème chambre

commerciale du tribunal de grande instance de STRASBOURG;

– se déclarer incompétent en raison de la clause d’arbitrage

contenue dans le contrat de franchise JEPOL du 26 mars 1991 ;

– constater que la société défenderesse et appelante a d’ores et

déjà entamé et mis en oeuvre la procédure d’arbitrage :

Subsidiairement,

– déclarer les demandeurs et intimés irrecevables en leur demande

en ce qu’elle est dirigée contre la société ITM FRANCE ;

Plus subsidiairement,

Au fond :

– déclarer les demandeurs et intimés mal fondés en toutes leurs

fins et conclusions ;

– les en débouter ;

– les condamner aux entiers frais et dépens de la procédure, y

compris ceux de première instance ainsi qu’à payer à la

défenderesse et appelante une somme de 50.000 F par

application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 3 mai 2001, La SA JEPOL et M. Y… Z… demandent à la cour de :

– déclarer irrecevable la société ITM FRANCE en son exception

de nullité du jugement en date du 5 juin 1998, faute d’intérêt;

– débouter la société ITM FRANCE de son exception

d’incompétence et confirmer le jugement du tribunal de grande

instance de STRASBOURG en date du 5 juin 1998 en ce

qu’il s’est déclaré compétent pour connaître du litige ;

– débouter la société ITM FRANCE de son exception d’irrecevabilité

et confirmer le jugement du tribunal de grande instance de

STRASBOURG en date du 5 juin 1998 en ce qu’il a déclaré

recevable la demande de la société JEPOL et de M. Y…

Z… à l’encontre de la société ITM FRANCE ;

Pour le surplus,

– débouter la société ITM FRANCE de l’intégralité de ses demandes

fins et conclusions ;

Et,

Vu les manoeuvres ou omissions volontaires du franchiseur ayant

trompé la SA JEPOL ainsi que M. Y… Z… ,

Vu l’absence d’informations pré-contractuelles faites au franchisé,

Vu le manquement de la société ITM FRANCE à son devoir de

conseil,

Vu la loi du 31 décembre 1989, dite loi DOUBIN,

Vu le contrat de franchise en date du 26 mars 1991,

Vu l’article 1116,

– prononcer la nullité du contrat de franchise en date du 26 mars

1991 en toutes ses dispositions ;

– prononcer également par conséquent la nullité de la clause

d’arbitrage contenue dans le contrat de franchise en date du

26 mars 1991 ;

– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de

STRASSBOURG en date du 5 juin 1998 en ce qu’il a prononcé

la nullité du contrat de franchise du 26 mars 1991 en toutes ses

dispositions pour dol commis par le franchiseur ;

Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil,

– dire et juger que la SA ITM FRANCE s’est rendue coupable de

faute délictuelle à l’égard du franchisé, la SA JEPOL, ainsi qu’à

l’égard de M. Y… Z… ;

– condamner la SA ITM FRANCE à réparer l’entier préjudice de

la SA JEPOL

– dire et juger que la SA ITM FRANCE sera tenue de réparer

intégralement le préjudice financier qui pourrait découler de

l’ensemble des engagements personnels souscrits par M. Y…

Z… à l’occasion de la création du magasin INTERMARCHE

de STRASBOURG-KOENIGSHOFFEN ;

– confirmer par conséquent le jugement du tribunal de grande

instance de STRASBOURG en date du 5 juin 1998 en ce qu’il a

dit que la société ITM FRANCE sera tenue de réparer l’intégral

préjudice corrélativement subi par :

– la SA JEPOL,

– M. Y… Z…,

lequel préjudice pouvant découler de l’ensemble des engagements

personnels souscrits par lui à l’occasion de la création du magasin INTERMARCHE de STRASBOURG-KOENIGSHOFFEN ;

– dire n’y avoir lieu à évocation sur l’étendue et le quantum

desdits préjudices ;

– confirmer le jugement

desdits préjudices ;

– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de

STRASBOURG en date du 5 juin 1998 en ce qu’il a alloué à la SA

JEPOL une somme de 2.000.000 F à titre de provision, à valoir

sur son préjudice ;

– renvoyer les parties devant ce même tribunal sur l’étendue et le

quantum du préjudice subi par la SA JEPOL et par M. Y…

Z… ;

Subsidiairement sur ce point,

– réserver à la SA JEPOL et à M. Y… Z… le droit de

conclure,

– condamner la SA ITM FRANCE à payer la SA JEPOL ainsi

qu’à M. Y… Z…, à chacun, la somme de 25.000 F par

application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile;

– condamner la SA ITM FRANCE aux entiers frais et dépens de

la procédure, y compris ceux de première instance, dont

distraction au profit de la SCP CAHN, LEVY, BERGMANN,

par application des dispositions de l’article 699 du NCPC.

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux

débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments ;

Attendu que la SA ITM FRANCE demande d’abord d’annuler le jugement entrepris au motif qu’il s’est fondé exclusivement sur une attestation de M. A… pourtant retirée des débats parce que produite après l’ordonnance de clôture ;

Attendu que la SA JEPOL et M. Z… rétorquent que le premier juge ne s’est pas seulement fondé sur cette pièce, mais également sur la fiche info-projet et ses annexes, et que de toute façon, la cour d’appel se trouve saisie de l’entier litige en vertu de l’effet dévolutif de l’appel ;

Attendu qu’il y a lieu en effet d’observer que si le premier juge a évoqué, à tort, dans son jugement, une pièce écartée des débats, il ne s’est pas fondé exclusivement sur cette attestation, mais également sur l’étude de marché réalisée par un service spécialisé NORMINTER-ALSACE démontrant la bonne rentabilité du projet ;

Attendu que quoiqu’il en soit, la SA INTERMARCHE FRANCE a eu la possibilité de s’expliquer longuement sur l’attestation litigieuse au cours de la procédure d’appel ;

Attendu qu’il convient en conséquence de rejeter la demande en annulation du jugement frappé d’appel ;

Attendu que la SA INTERMARCHE soulève en second lieu l’exception d’incompétence de la juridiction étatique en invoquant la clause d’arbitrage prévue à l’article 16 du contrat de franchise du 26 mars 1991 et en se fondant sur l’article 1458 du nouveau Code de procédure civile pour soutenir l’autonomie de la clause compromissoire par rapport au contrat de franchise et l’antériorité de la mise en oeuvre de la procédure d’arbitrage dès avant assignation ;

que la SA JEPOL et M. Z… rétorquent qu’ils ont saisi le tribunal de grande instance de STRASBOURG pour faire sanctionner le

non-respect par la société ITM FRANCE de son obligation pré-contractuelle d’information prévue par la loi DOUMIN ayant pour conséquence l’annulation du contrat, non respect que seules les juridictions étatiques ont compétence pour apprécier ;

qu’en demandant l’annulation du contrat, ils ont entendu remettre en cause la validité même de la clause d’arbitrage contenue dans le contrat;

Mais attendu que la cour considère, au contraire des premiers juges, que c’est à bon droit que la société ITM FRANCE soulève l’incompétence de la juridiction étatique au profit du tribunal arbitral, eu égard à la clause compromissoire figurant à l’article 16 du contrat de franchise du 26 mars 1991 signé par les parties ;

que cette clause stipule en effet que « tous les litiges auxquels le contrat pourra donner lieu, notamment au sujet de sa validité, de son interprétation, de son exécution et de sa résiliation, seront résolus par voie d’arbitrage » ;

Attendu que s’il est clair que la SA JEPOL a assigné la SA ITM FRANCE devant le tribunal de grande instance de STRASBOURG par exploit du 21 mars 1994 avant le courrier du 10 février 1995 par lequel le groupement INTERMARCHE l’informait de sa volonté de mettre en oeuvre la procédure d’arbitrage, il n’en reste pas moins que l’article 1458 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile dispose que « si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la juridiction (de l’Etat) doit également se déclarer incompétente, à moins que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle » ;

qu’en application de ce texte, il appartient aux arbitres de statuer sur la validité ou les limites de leur investiture et la juridiction étatique, si elle ne constate pas que la convention d’arbitrage est manifestement nulle, est incompétente pour le faire (civ 2ème 14 mai 1997) ;

Attendu que la jurisprudence de la Cour de cassation citée par la SA JEPOL et M. Z…, est antérieure au décret n° 81-500 du 12 mai 1981 sur l’arbitrage qui a entendu donner pleine autonomie à la clause compromissoire en la considérant comme une convention autonome d’arbitrage se suffisant à elle-même ;

qu’au surplus, en l’espèce, les parties ont entendu expressément étendre la compétence arbitrale à l’examen de la validité du contrat de franchise et qu’il est artificiel de prétendre que cette compétence ne pourrait s’étendre à la phase pré-contractuelle dès lors que celle-ci doit être nécessairement examinée lorsqu’est invoquée la nullité du contrat en raison d’un vice du consentement, que ce vice soit provoqué par l’inobservation d’une obligation légale ou par des manoeuvres du co-contractant ;

Attendu qu’aux termes de l’article 1458 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile, le seul cas où la juridiction étatique peut se déclarer compétente est lorsqu’elle considère que la convention d’arbitrage est manifestement nulle, c’est-à-dire, d’une nullité évidente et incontestable qui peut être constatée sans autre examen ; qu’en l’occurrence, une telle nullité n’est même pas alléguée, les demandeurs invoquant seulement la nullité du contrat de franchise, de nature à entraîner selon eux, la nullité de la clause compromissoire, ce qui ne peut être admis, eu égard aux dispositions du nouveau Code de procédure civile relatives à l’arbitrage ;

Attendu que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il s’est déclaré compétent pour connaître du litige entre la SA JEPOL et la SA INTERMARCHE FRANCE, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens invoqués par les parties ;

Attendu par ailleurs que la demande de M. Z…, au demeurant non

chiffrée, ne peut être examinée tant qu’il n’aura pas été statué sur la validité du contrat de franchise ;

Attendu que les intimés seront condamnés aux entiers dépens de première instance et d’appel, mais que l’équité n’impose pas de faire application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, au profit de l’appelante. PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré en dernier ressort, INFIRME le jugement entrepris, Statuant à nouveau, SE DECLARE incompétente pour connaître du litige entre la SA JEPOL et la SA INTERMARCHE FRANCE ; REJETTE la demande non chiffrée de M. Z… ; CONDAMNE la SA JEPOL et M. Z… aux dépens de première instance et d’appel afférents à leurs demandes ; DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Et le présent arrêt a été signé par le président et le greffier présent au prononcé.


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