Décision 2001-455 DC – 12 janvier 2002 – Loi de modernisation sociale – Non conformité partielle

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Décision 2001-455 DC – 12 janvier 2002 – Loi de modernisation sociale – Non conformité partielle

Texte intégral

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la loi de modernisation sociale, le 20 décembre 2001, par MM. Josselin de ROHAN, Nicolas ABOUT, Jean-Paul ALDUY, Jean-Paul AMOUDRY, Pierre ANDRÉ, Philippe ARNAUD, Jean ARTHUIS, Denis BADRÉ, Gérard BAILLY, Bernard BARRAUX, Jacques BAUDOT, Michel BÉCOT, Roger BESSE, Laurent BÉTEILLE, Joël BILLARD, Jacques BLANC, Maurice BLIN, Mme Annick BOCANDÉ, MM. Joël BOURDIN, Jean BOYER, Jean-Guy BRANGER, Gérard BRAUN, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Jean-Claude CARLE, Gérard CÉSAR, Jean CHÉRIOUX, Jean CLOUET, Jean-Patrick COURTOIS, Xavier DARCOS, Robert DEL PICCHIA, Jean-Paul DELEVOYE, Fernand DEMILLY, Marcel DENEUX, Gérard DÉRIOT, Michel DOUBLET, Paul DUBRULE, Alain DUFAUT, André DULAIT, Ambroise DUPONT, Jean-Léonce DUPONT, Louis DUVERNOIS, Jean-Paul ÉMIN, Pierre FAUCHON, Jean FAURE, André FERRAND, Hilaire FLANDRE, Gaston FLOSSE, Jean-Pierre FOURCADE, Bernard FOURNIER, Serge FRANCHIS, Yann GAILLARD, Christian GAUDIN, Mme Gisèle GAUTIER, MM. Patrice GÉLARD, Alain GÉRARD, François GERBAUD, Francis GIRAUD, Paul GIROD, Alain GOURNAC, Adrien GOUTEYRON, Francis GRIGNON, Louis GRILLOT, Georges GRUILLOT, Charles GUENÉ, Michel GUERRY, Hubert HAENEL, Mme Françoise HENNERON, MM. Pierre HÉRISSON, Daniel HOEFFEL, Jean-François HUMBERT, Jean-Jacques HYEST, Alain JOYANDET, Jean-Marc JUILHARD, Joseph KERGUÉRIS, Jean-Philippe LACHENAUD, Lucien LANIER, Jacques LARCHÉ, Gérard LARCHER, André LARDEUX, Patrick LASSOURD, Robert LAUFOAULU, Dominique LECLERC, Jacques LEGENDRE, Marcel LESBROS, Mme Valérie LÉTARD, MM. Gérard LONGUET, Jean-Louis LORRAIN, Simon LOUECKHOTE, Roland du LUART, Serge MATHIEU, Louis MOINARD, Georges MOULY, Bernard MURAT, Philippe NOGRIX, Mme Nelly OLIN, M. Jacques OUDIN, Mme Anne-Marie PAYET, MM. Michel PELCHAT, Jean PÉPIN, Bernard PLASAIT, Jean PUECH, Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, Victor REUX, Charles REVET, Henri REVOL, Henri de RICHEMONT, Bernard SAUGEY, Jean-Pierre SCHOSTECK, Bruno SIDO, Louis SOUVET, Michel THIOLLIERE, André TRILLARD, François TRUCY, Maurice ULRICH, André VALLET, Jean-Marie VANLERENBERGHE, Alain VASSELLE, Jean-Pierre VIAL, Xavier de VILLEPIN, Serge VINÇON et François ZOCCHETTO, sénateurs,

et, le même jour, par MM. Jean-Louis DEBRÉ, Philippe DOUSTE-BLAZY, Jean-François MATTEI, Bernard ACCOYER, Mme Michèle ALLIOT-MARIE, MM. René ANDRÉ, Philippe AUBERGER, Pierre AUBRY, Jean AUCLAIR, Gauthier AUDINOT, Jean BARDET, Léon BERTRAND, Jean-Yves BESSELAT, Jean BESSON, Franck BOROTRA, Bruno BOURG-BROC, Michel BOUVARD, Philippe BRIAND, Bernard BROCHAND, Christian CABAL, Gilles CARREZ, Mme Nicole CATALA, MM. Richard CAZENAVE, Henri CHABERT, Jean-Paul CHARIÉ, Jean CHARROPPIN, Philippe CHAULET, Jean-Marc CHAVANNE, Olivier de CHAZEAUX, François CORNUT-GENTILLE, Alain COUSIN, Charles COVA, Henri CUQ, Arthur DEHAINE, Patrick DELNATTE, Yves DENIAUD, Patrick DEVEDJIAN, Guy DRUT, Jean-Michel DUBERNARD, Jean-Pierre DUPONT, Nicolas DUPONT-AIGNAN, François FILLON, Robert GALLEY, Henri de GASTINES, Hervé GAYMARD, Michel GIRAUD, Jacques GODFRAIN, Lucien GUICHON, François GUILLAUME, Gérard HAMEL, Michel HUNAULT, Christian JACOB, Didier JULIA, Alain JUPPÉ, Jacques KOSSOWSKI, Robert LAMY, Pierre LASBORDES, Jean-Claude LEMOINE, Lionnel LUCA, Alain MARLEIX, Jean MARSAUDON, Philippe MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Jacques MASDEU-ARUS, Mme Jacqueline MATHIEU-OBADIA, MM. Gilbert MEYER, Jean-Claude MIGNON, Pierre MORANGE, Jean-Marc NUDANT, Patrick OLLIER, Mme Françoise de PANAFIEU, MM. Robert PANDRAUD, Jacques PÉLISSARD, Etienne PINTE, Serge POIGNANT, Bernard PONS, Robert POUJADE, Didier QUENTIN, Jean-Bernard RAIMOND, Jean-Luc REITZER, André SCHNEIDER, Bernard SCHREINER, Philippe SÉGUIN, Frantz TAITTINGER, Michel TERROT, Georges TRON, Jean UEBERSCHLAG, Léon VACHET, François VANNSON, Roland VUILLAUME, Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, MM. Pierre ALBERTINI, Pierre-Christophe BAGUET, Jacques BARROT, Jean-Louis BERNARD, Claude BIRRAUX, Emile BLESSIG, Mmes Marie-Thérèse BOISSEAU, Christine BOUTIN, MM. Loïc BOUVARD, Jean BRIANE, Yves BUR, Charles de COURSON, Yves COUSSAIN, Francis DELATTRE, Léonce DEPREZ, Jean-Pierre FOUCHER, Germain GENGENWIN, Gérard GRIGNON, Pierre HÉRIAUD, Patrick HERR, Mme Anne-Marie IDRAC, MM. Jean-Jacques JÉGOU, Edouard LANDRAIN, Jacques LE NAY, Maurice LIGOT, François LOOS, Christian MARTIN, Pierre MÉHAIGNERIE, Pierre MENJUCQ, Pierre MICAUX, Hervé MORIN, Dominique PAILLÉ, Henri PLAGNOL, Jean-Luc PRÉEL, Marc REYMANN, François ROCHEBLOINE, Rudy SALLES, Mme Nicole AMELINE, M. François d’AUBERT, Mme Sylvia BASSOT, MM. Dominique BUSSEREAU, Antoine CARRE, Pascal CLÉMENT, Georges COLOMBIER, Bernard DEFLESSELLES, Franck DHERSIN, Laurent DOMINATI, Charles EHRMANN, Nicolas FORISSIER, Claude GATIGNOL, Gilbert GANTIER, Claude GOASGUEN, François GOULARD, Michel HERBILLON, Philippe HOUILLON, Denis JACQUAT, Marc LAFFINEUR, Pierre LEQUILLER, Michel MEYLAN, Yves NICOLIN, Paul PATRIARCHE, Bernard PERRUT, Mme Marcelle RAMONET, MM. José ROSSI, Jean-Pierre SOISSON, Guy TESSIER, Gérard VOISIN et Jean VALLEIX, députés ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code du travail ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de la construction et de l’habitation ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code pénal ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l’éducation ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;

Vu la loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d’épargne retraite ;

Vu la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail ;

Vu la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 sur l’épargne salariale ;

Vu la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et notamment ses articles 24 à 31 ;

Vu la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001, relative à la lutte contre les discriminations ;

Vu la convention du 23 mars 2000 passée entre l’Etat, l’AGIRC et l’ARRCO, relative à la validation pour la retraite complémentaire des périodes de pré-retraite et de chômage indemnisées par l’Etat ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 3 janvier 2002 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les auteurs des saisines défèrent au Conseil constitutionnel la loi de modernisation sociale, en mettant en cause la régularité de la procédure ayant conduit à son adoption, ainsi que la conformité à la Constitution de son titre II et, en particulier, de ses articles 96, 97, 100, 101, 106, 107, 108, 112, 113, 118, 119 et 128 ; qu’en outre, les sénateurs requérants critiquent, en tout ou partie, ses articles 40, 48, 49, 158, 159, 162, 169, 170 et 217 et les députés requérants son article 98 ;

– SUR LA RÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE LÉGISLATIVE DANS SON ENSEMBLE :

2. Considérant que les députés requérants critiquent le dépôt, par le Gouvernement, lors de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, d’amendements portant articles additionnels  » dont plus de quatorze concernent les licenciements  » ; qu’ils allèguent que ces articles, parce qu’ils  » modifient de façon conséquente le projet de loi, créant ex nihilo un nouveau régime juridique pour le droit de licenciement « , auraient dû, pour respecter l’article 39 de la Constitution, faire l’objet d’un projet de loi distinct ; qu’ils les considèrent en outre comme  » sans lien avec le projet débattu  » ;

3. Considérant, en premier lieu, qu’en vertu de la première phrase du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution,  » les projets de loi sont délibérés en Conseil des ministres après avis du Conseil d’Etat et déposés sur le bureau de l’une des deux assemblées  » et qu’aux termes du premier alinéa de son article 44 :  » Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement  » ;

4. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 39 de la Constitution est inopérant s’agissant d’amendements déposés par le Gouvernement, avant la réunion de la commission mixte paritaire, dans l’exercice du droit qu’il tient du premier alinéa de l’article 44 de la Constitution ;

5. Considérant, en second lieu, qu’il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d’amendement s’exerce à chaque stade de la procédure législative, sous réserve des dispositions particulières applicables après la réunion de la commission mixte paritaire ; que, toutefois, les adjonctions ou modifications ainsi apportées au texte en cours de discussion, quels qu’en soient le nombre et la portée, ne sauraient, sans méconnaître les exigences qui découlent des premiers alinéas des articles 39 et 44 de la Constitution, être dépourvues de tout lien avec l’objet du projet ou de la proposition soumis au vote du Parlement ;

6. Considérant que le projet de loi comportait, dès son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, au premier chapitre de son titre II, des sections relatives respectivement à la prévention des licenciements, au droit à l’information des représentants du personnel, ainsi qu’au plan social et au droit au reclassement ; qu’en conséquence, les dispositions en cause, qui ont été introduites avant la réunion de la commission mixte paritaire, ne sont pas dénuées de lien avec le texte en cours de discussion ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que doivent être rejetés les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure législative ;

– SUR LE GRIEF TIRÉ DU DÉFAUT DE CLARTÉ ET D’INTELLIGIBILITÉ DES ARTICLES 96, 97, 98, 101, 106, 108, 112, 119, 128 et 162 :

8. Considérant que, selon les requérants, manqueraient aux exigences de clarté et d’intelligibilité de la loi, du fait de leur imprécision, de leur ambiguïté ou de leur obscurité, les dispositions des articles 96, 97, 98, 101, 106, 108, 112, 119, 128 et 162 ;

9. Considérant qu’il appartient au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie l’article 34 de la Constitution ; qu’il doit, dans l’exercice de cette compétence, respecter les principes et règles de valeur constitutionnelle et veiller à ce que le respect en soit assuré par les autorités administratives et juridictionnelles chargées d’appliquer la loi ; qu’à cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle de l’article 34 de la Constitution, et l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, lui imposent, afin de prémunir les sujets de droits contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire, d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; qu’il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l’interprétation des dispositions d’une loi qui lui est déférée dans la mesure où cette interprétation est nécessaire à l’appréciation de sa constitutionnalité ; qu’il appartient aux autorités administratives et juridictionnelles compétentes d’appliquer la loi, le cas échéant sous les réserves que le Conseil constitutionnel a pu être conduit à formuler pour en admettre la conformité à la Constitution ;

– En ce qui concerne l’article 96 :

10. Considérant que le I de l’article 96 insère trois alinéas après le premier alinéa de l’article L. 321-4-1 du code du travail ; que les deuxième et troisième alinéas nouveaux de cet article subordonnent l’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi, dans les entreprises où la durée collective du travail est fixée à un niveau supérieur à 35 heures hebdomadaires ou à 1 600 heures sur l’année, à la conclusion préalable d’un accord collectif de réduction du temps de travail ou, à défaut, à l’engagement par l’employeur de négociations tendant à la conclusion d’un tel accord ; que le quatrième alinéa nouveau ouvre aux institutions représentatives du personnel dans l’entreprise,  » jusqu’à l’achèvement de la procédure de consultation prévue à l’article L. 321-2 « , la faculté de saisir le juge statuant en la forme des référés, aux fins de faire prononcer la suspension de la procédure de licenciement et fixer un délai pour l’accomplissement par l’employeur de ses obligations ; qu’il prévoit également que  » dès qu’il constate que les conditions fixées par le deuxième ou le troisième alinéa du présent article sont remplies, le juge autorise la poursuite de la procédure. Dans le cas contraire, il prononce, à l’issue de ce délai, la nullité de la procédure de licenciement  » ;

11. Considérant que, selon les requérants, le législateur aurait insuffisamment précisé le régime juridique de l’obligation de négociation préalable pesant sur l’employeur ; qu’il lui revenait en particulier d’indiquer si le juge saisi est ou non tenu de suspendre la procédure de licenciement en cas de manquement à cette obligation et comment, après avoir fixé un délai pour son accomplissement, il peut se prononcer sans attendre l’expiration de ce délai ; qu’enfin, le législateur aurait omis de trancher le point de savoir si la carence de l’employeur peut être relevée à l’occasion d’un contentieux ultérieur portant sur la validité du plan de sauvegarde de l’emploi ;

12. Considérant qu’il résulte des termes mêmes de la loi déférée que le législateur a entendu définir une voie de droit spécifique conférant au juge, saisi en la forme des référés par le comité d’entreprise, le pouvoir de purger les irrégularités entachant la procédure de licenciement et, à défaut d’une telle régularisation, d’en prononcer la nullité ; que cette interprétation est confortée par la nouvelle rédaction donnée au premier alinéa de l’article L. 122-14-4 du code du travail par l’article 111 de la loi déférée, qui limite explicitement le champ de la nullité de la procédure de licenciement et de l’obligation de réintégration des salariés qui en découle au cas prévu par le cinquième alinéa de l’article L. 321-4-1, c’est-à-dire  » tant qu’un plan visant au reclassement de salariés s’intégrant au plan de sauvegarde de l’emploi n’est pas présenté par l’employeur aux représentants du personnel  » ; qu’en l’absence de disposition expresse en ce sens, et la nullité ne se présumant point, la violation de la loi ne pourrait pas être sanctionnée a posteriori devant le juge du contrat de travail par la nullité de la procédure de licenciement et l’obligation de réintégration qui en découlerait ; qu’une telle violation se traduirait seulement, le cas échéant, par l’octroi d’indemnités pour absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, dans les conditions du droit commun ;

13. Considérant qu’il n’incombait pas à l’article critiqué de préciser davantage les pouvoirs du juge ni la procédure suivie devant celui-ci, dès lors qu’il peut être fait application, dans ces domaines, des règles du droit commun ; qu’ainsi, le législateur n’est pas resté en deçà de sa compétence ;

– En ce qui concerne l’article 101 :

14. Considérant que l’article 101 remplace le deuxième alinéa de l’article L. 432-1 du code du travail par six alinéas ; qu’aux termes des deuxième et troisième alinéas nouveaux de cet article :  » Le comité d’entreprise est obligatoirement informé et consulté sur tout projet de restructuration et de compression des effectifs. Il émet un avis sur ledit projet et sur ses modalités d’application et peut formuler des propositions alternatives à ce projet. Ces avis et les éventuelles propositions alternatives sont transmis à l’autorité administrative compétente. – Le comité d’entreprise dispose d’un droit d’opposition qui se traduit par la saisine d’un médiateur selon les modalités prévues à l’article L. 432-1-3. Pendant la durée de la mission du médiateur, le projet en question est suspendu  » ; que l’article L. 432-1-3 précité, créé par l’article 106 de la loi déférée, prévoit en son premier alinéa :  » En cas de projet de cessation totale ou partielle d’activité d’un établissement ou d’une entité économique autonome ayant pour conséquence la suppression d’au moins cent emplois, s’il subsiste une divergence importante entre le projet présenté par l’employeur et la ou les propositions alternatives présentées par le comité d’entreprise, l’une ou l’autre partie peut saisir un médiateur, sur une liste arrêtée par le ministre du travail  » ;

15. Considérant que, selon les sénateurs requérants, le renvoi par le nouvel article L. 432-1 aux  » modalités prévues à l’article L. 432-1-3  » ne permettrait pas de définir le champ d’application du droit d’opposition du comité d’entreprise, dont on ne pourrait déterminer s’il peut s’exercer  » en présence de tout projet de restructuration et de compression des effectifs « , ou seulement dans l’hypothèse prévue par le nouvel article L. 432-1-3 ; qu’en outre, selon les députés requérants, le terme de  » restructuration  » serait  » très flou  » ;

16. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des termes de l’article L. 432-1 modifié, éclairés par les travaux préparatoires, que cet article doit être interprété comme ouvrant au comité d’entreprise un droit d’opposition qui se traduit par la saisine d’un médiateur, dans les seuls cas de  » cessation totale ou partielle d’activité d’un établissement ou d’une entité économique autonome ayant pour conséquence la suppression d’au moins cent emplois  » ;

17. Considérant, en second lieu, que le terme de  » restructuration  » figurant à l’article 101 est suffisamment précis ;

18. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée dans le considérant 16 de la présente décision, l’article 101 n’est pas contraire à l’article 34 de la Constitution ;

– En ce qui concerne l’article 108 :

19. Considérant que l’article 108 de la loi déférée complète l’article L. 321-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :  » Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi de catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l’entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient  » ;

20. Considérant que les requérants soutiennent que l’obligation qui pèse ainsi sur l’employeur de réaliser  » tous les efforts de formation et d’adaptation  » est une obligation floue dont la portée et les limites ne sont pas définies ; que le législateur aurait dû préciser si la méconnaissance de cette obligation de reclassement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ou si elle entraîne la nullité du licenciement ouvrant droit à réintégration ;

21. Considérant qu’il résulte des travaux préparatoires de l’article 108 que le législateur a entendu consacrer la jurisprudence selon laquelle l’employeur, tenu d’exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leurs emplois, obligation aujourd’hui codifiée à l’article L. 932-2 du code du travail par la loi susvisée du 19 janvier 2000 ; qu’en vertu de cette obligation, l’employeur doit offrir au salarié la formation nécessaire pour occuper les emplois qu’il lui propose dans le cadre de son obligation de reclassement, c’est-à-dire des emplois de même catégorie que celui qu’il occupe ou équivalents ou encore, sous réserve de son accord exprès, d’une catégorie inférieure ; qu’en l’absence de disposition expresse en ce sens, et la nullité ne se présumant point, la méconnaissance de cette obligation ne pourra pas être sanctionnée par la nullité de la procédure de licenciement et l’obligation de réintégration qui en résulterait ; que, sous ces réserves, l’article 108 n’est pas contraire à l’exigence de clarté découlant de l’article 34 de la Constitution ;

– En ce qui concerne l’article 112 :

22. Considérant que l’article 112 se borne à modifier, à l’article L. 321-4-1 du code du travail, la liste des mesures susceptibles d’être intégrées au plan de sauvegarde de l’emploi que l’employeur doit établir et mettre en oeuvre en vertu du premier alinéa du même article ; que, selon les sénateurs requérants, le législateur aurait omis de préciser les conditions permettant au juge de déclarer nulle la procédure de licenciement en cas d’insuffisance du plan de reclassement ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces conditions sont définies au deuxième alinéa, devenu le cinquième, de l’article L. 321-4-1 du code du travail, qui n’est pas modifié par la loi déférée ; que, dès lors, le grief manque en fait ;

– En ce qui concerne l’article 128 :

23. Considérant que l’article 128 complète l’article L. 432-4-1 du code du travail pour conférer au comité d’entreprise le pouvoir de saisir l’inspecteur du travail de  » faits susceptibles de caractériser un recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée et aux contrats de travail temporaire  » ; que les requérants critiquent l’usage par le législateur de la notion de  » recours abusif  » à ces formes d’emploi, qu’il n’a pas définie ;

24. Considérant qu’en vertu des articles L. 122-1 et L. 124-2 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée et le contrat de travail temporaire ne peuvent avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise ; que l’article 128 doit être interprété au regard de ces dispositions de portée générale ; qu’en visant l’hypothèse d’un  » recours abusif « , le législateur a entendu permettre au comité d’entreprise de saisir l’inspection du travail dans tous les cas où, sans préjudice de la qualification susceptible d’être ultérieurement retenue par les juges compétents, il lui apparaît que les articles L. 122-1 et L. 124-2 ont pu être méconnus par l’employeur ; que, dès lors, l’article 128 n’est pas entaché d’incompétence négative ;

– En ce qui concerne les autres dispositions critiquées :

25. Considérant que les articles 97 et 98 insèrent respectivement dans le code de commerce les articles L. 239-1 et L. 239-2 ; que la première de ces dispositions soumet la cessation d’activité d’un établissement ou d’une entité économique autonome entraînant la suppression d’au moins cent emplois à une décision des organes sociaux de direction et de surveillance, prise après consultation du comité d’entreprise et sur présentation, par le chef d’entreprise, d’une  » étude d’impact social et territorial  » dont le contenu est défini par décret en Conseil d’Etat ; que la seconde de ces dispositions impose la présentation d’une telle étude pour  » tout projet de développement stratégique … susceptible d’affecter de façon importante les conditions d’emploi et de travail  » au sein de la société ; que les requérants jugent trop imprécises les notions  » d’établissement  » et  » d’entité économique autonome  » adoptées par l’article 97 ; que, selon la saisine des députés, la définition retenue pour le  » projet de développement stratégique  » mentionné à l’article 98 serait également lacunaire ;

26. Considérant que l’article L. 432-1-3 inséré dans le code du travail par l’article 106 de la loi déférée énonce, en son cinquième alinéa, que :  » Le médiateur dispose dans le cadre de sa mission des plus larges pouvoirs pour s’informer de la situation de l’entreprise  » et, en son septième alinéa, que :  » En cas d’acceptation par les deux parties, la recommandation du médiateur … emporte les effets juridiques d’un accord au sens des articles L. 132-1 et suivants  » ; que, selon les requérants, seraient insuffisamment définis les pouvoirs du médiateur et le régime juridique de sa recommandation, lorsqu’elle est acceptée par les parties ;

27. Considérant que l’article 119 insère dans le code précité un article L. 321-4-3 relatif au congé de reclassement ; qu’aux termes du troisième alinéa de ce nouvel article :  » Le congé de reclassement est effectué pendant le préavis, dont le salarié est dispensé de l’exécution. Lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté d’une durée égale à la durée du congé de reclassement restant à courir. Pendant cette période, le préavis est suspendu  » ; qu’en vertu de son quatrième alinéa, pendant la période de suspension du préavis, le salarié bénéficie d’une rémunération mensuelle, à la charge de l’employeur, dont le montant est fixé conformément au 4° de l’article L. 322-4 ; qu’il est reproché à cet article d’être  » difficilement compréhensible  » en ce qu’il prévoit la suspension d’un préavis qu’il prolonge par ailleurs ;

28. Considérant que l’article 162 ajoute à la loi du 6 juillet 1989 susvisée un article 22-2 qui dresse la liste limitative des documents que le bailleur ne peut demander au candidat à la location en préalable à l’établissement du contrat de location ; que ces documents sont les suivants :  » – photographie d’identité ; – carte d’assuré social ; – copie de relevé de compte bancaire ou postal ; – attestation de bonne tenue de compte bancaire ou postal  » ; que, selon les sénateurs requérants, la portée de ce texte serait incertaine, dès lors que son interprétation  » a contrario  » permettrait au bailleur d’exiger, dans trois de ces cas, la production d’une copie et, dans le quatrième, celle d’un original ;

29. Considérant que le législateur n’a nullement méconnu la compétence qui est la sienne en vertu de l’article 34 de la Constitution ; que les articles 97, 98, 106, 119 et 162 ne sont pas entachés d’incompétence négative ;

30. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que doit être rejeté le grief tiré du défaut de clarté et d’intelligibilité des articles précités ;

– SUR LE GRIEF TIRÉ DE L’ATTEINTE AU PRINCIPE D’ÉGALITÉ PAR LES ARTICLES 48, 96 ET 113 :

31. Considérant que les auteurs des saisines reprochent aux articles 48, 96 et 113 de méconnaître le principe d’égalité ;

32. Considérant que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;

– En ce qui concerne l’article 48 :

33. Considérant que l’article 48 abroge la loi susvisée du 25 mars 1997 ainsi que plusieurs de ses dispositions insérées dans le code général des impôts et dans le code de la sécurité sociale ;

34. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent que cette abrogation créerait, en méconnaissance du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946,  » une inégalité devant la retraite entre travailleurs du secteur public et salariés du régime général « , du fait de la suppression de la  » déductibilité du revenu imposable des versements effectués par les salariés en vue de se constituer une épargne retraite complémentaire  » ;

35. Considérant, en premier lieu, que les salariés liés par un contrat de travail de droit privé, d’une part, et les agents des collectivités publiques, d’autre part, relèvent de régimes juridiques différents au regard de la législation sur les retraites ;

36. Considérant, en second lieu, qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ;

37. Considérant qu’en l’espèce, l’abrogation de la loi susvisée ne modifie en rien les droits des salariés du secteur privé aux prestations servies par les régimes de base de sécurité sociale et par les régimes complémentaires ; que, dès lors, elle ne prive pas de garanties légales les exigences issues du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;

38. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’article 48 ne porte pas atteinte au principe d’égalité ;

– En ce qui concerne l’article 96 :

39. Considérant que les requérants reprochent à l’article 96, en imposant la négociation d’un accord de réduction du temps de travail préalablement à l’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi, de rompre l’égalité au détriment des entreprises qui se trouveraient, faute d’organisation syndicale représentative en leur sein, dans l’impossibilité de négocier ;

40. Considérant que le législateur n’a pas entendu mettre à la charge des employeurs concernés une obligation de résultat, mais seulement une obligation de moyens ; qu’ainsi, l’article L. 321-4-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’article contesté, doit être interprété comme visant exclusivement les entreprises dans lesquelles il existe au moins une organisation syndicale représentative et comme permettant de n’invoquer la carence de l’employeur que pour autant que l’inexécution des obligations prévues par cet article lui est imputable ; que, sous cette réserve, l’article 96 n’est pas contraire à la Constitution ;

– En ce qui concerne l’article 113 :

41. Considérant que les parlementaires requérants soutiennent qu’en majorant le taux de l’indemnité légale de licenciement pour motif économique, l’article 113 de la loi déférée introduit une rupture d’égalité au détriment des salariés licenciés pour un motif inhérent à leur personne ;

42. Considérant, toutefois, que les salariés licenciés pour motif économique sont, au regard de l’objectif de la loi qui est de prévenir les licenciements économiques en renchérissant leur coût, dans une situation différente de celle des salariés qui sont licenciés pour un autre motif ; qu’ainsi, l’article contesté ne méconnaît pas le principe d’égalité ;

– SUR LE GRIEF TIRÉ DE L’ATTEINTE PORTÉE A LA LIBERTÉ D’ENTREPRENDRE PAR L’ARTICLE 107 ET PAR LE CHAPITRE 1ER DU TITRE II :

– En ce qui concerne l’article 107 :

43. Considérant que l’article 107 de la loi déférée modifie l’article L. 321-1 du code du travail en remplaçant la définition du licenciement économique issue de la loi n° 89-549 du 2 août 1989 par une nouvelle définition ainsi rédigée :  » Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification du contrat de travail, consécutives soit à des difficultés économiques sérieuses n’ayant pu être surmontées par tout autre moyen, soit à des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l’entreprise, soit à des nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l’activité de l’entreprise  » ; qu’il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu’elles s’appliquent non seulement dans l’hypothèse d’une suppression ou transformation d’emploi mais également en cas de refus par un salarié d’une modification de son contrat de travail ; qu’en vertu de l’article L. 122-14-4 du même code, la méconnaissance de ces dispositions ouvre droit, en l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, à une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois ;

44. Considérant que les requérants soutiennent que cette nouvelle définition porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre ; qu’en limitant, par la suppression de l’adverbe  » notamment « , la liste des situations économiques permettant de licencier,  » le législateur écarte des solutions imposées par le bon sens comme la cessation d’activité  » ; que la notion de  » difficultés sérieuses n’ayant pu être surmontées par tout autre moyen  » va permettre au juge de s’immiscer dans le contrôle des choix stratégiques de l’entreprise qui relèvent, en vertu de la liberté d’entreprendre, du pouvoir de gestion du seul chef d’entreprise ; que les notions de  » mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l’entreprise  » ou de  » nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l’activité de l’entreprise  » constituent des  » formules vagues  » dont la méconnaissance sera néanmoins sanctionnée par les indemnités dues en l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

45. Considérant que le Préambule de la Constitution réaffirme les principes posés tant par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 que par le Préambule de la Constitution de 1946 ; qu’au nombre de ceux-ci, il y a lieu de ranger la liberté d’entreprendre qui découle de l’article 4 de la Déclaratio


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