Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours, enregistré le 19 septembre 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0215534 du 16 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles
M. et Mme Marc A ont été assujettis au titre des années 1995, 1996 et 1997 ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de remettre ces impositions à leur charge ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 décembre 2011 :
– le rapport de M. Ladreit de Lacharrière, premier conseiller,
– et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’à la suite d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme A l’administration a imposé, en application des dispositions de l’article L. 69 du livre des procédures fiscales, en tant que revenus d’origine indéterminée, les sommes de 605 473 F, 1 316 470 F et 1 069 964 F figurant au crédit de leur compte bancaire au titre respectivement des années 1995, 1996 et 1997 ; que, par un jugement du 16 mai 2008, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes réclamées aux époux A ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE relève appel de ce jugement ;
Sur le moyen retenu par le Tribunal administratif de Paris pour prononcer la décharge des impositions litigieuses :
Considérant que le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des impositions contestées au motif que l’administration savait que les sommes portées au crédit du compte bancaire de M. et Mme A constituaient des versements de la société Vanilla Overseas Group, dont M. A était l’actionnaire et le dirigeant, et que ces sommes devaient dès lors être regardées, sauf preuve contraire, comme des revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application de l’article 109 du code général des impôts, et non comme des revenus d’origine indéterminée ;
Considérant que si les sommes inscrites au crédit d’un compte courant d’associé ont, sauf preuve contraire apportée par l’associé titulaire du compte, le caractère de revenus et ne sont alors imposables que dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, une telle présomption ne s’applique pas dans le cas de sommes portées au crédit d’un compte bancaire du contribuable ; qu’en réponse aux demandes de justification adressées par le service, M. et Mme A se sont bornés à affirmer que les sommes créditées sur leur compte bancaire constituaient des remboursements de frais que M. A avait avancés pour le compte de la société de droit américain Vanilla Overseas Group, dont il était le dirigeant, ou des avances consenties par cette société ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que les crédits bancaires en litige constituaient des revenus de capitaux mobiliers ou des revenus imposables dans une autre catégorie de revenus ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est dès lors fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme B ont été assujettis au titre des années 1995, 1996 et 1997 ainsi que des pénalités correspondantes au motif que les crédits bancaires en cause constituaient des revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et non comme des revenus d’origine indéterminée ;
Considérant qu’il appartient à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;
Sur les autres moyens invoqués par les contribuables :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :
Considérant, en premier lieu, que le caractère contradictoire que doit revêtir l’examen de la situation fiscale personnelle au regard de l’impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d’adresser la notification de redressements qui, selon l’article L. 48 du même livre, marquera l’achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les éléments qu’il envisage de retenir ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que le vérificateur a eu, le 2 juillet 1998, un entretien avec M. A, ayant trait aux renseignements recueillis et aux éléments faisant défaut, et qu’à la suite de cette rencontre, le contribuable a ensuite présenté divers documents et observations écrites qui ont d’ailleurs conduit l’administration à réduire les montants des redressements initialement notifiés à hauteur de 46 831 F pour 1995, 71 939 F en 1996 et 42 774 F en 1996 ; que, par suite, le moyen tiré de l’absence de débat contradictoire entre le vérificateur et le contribuable vérifié manque en fait ;
Considérant, en second lieu, que, si l’administration ne peut régulièrement taxer d’office, en application de l’article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont elle n’ignore pas qu’elles relèvent d’une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d’office si, au vu des renseignements dont elle disposait avant l’envoi de la demande de justifications fondée sur l’article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la nature des sommes en cause, et donc la catégorie de revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher, demeure inconnue ;
Considérant qu’il résulte tant des renseignements obtenus par l’administration auprès des autorités américaines à la suite d’une demande d’assistance administrative que des termes de l’ordonnance susvisée du conseiller à la Cour d’appel de Versailles, en date du 20 mai 2011, que les coordonnées françaises de la société Vanilla Overseas correspondaient en réalité au domicile de M. A à Paris et celles de la société aux Etats-Unis à l’adresse d’une personne physique, présentée comme un intermédiaire en douanes, auquel M. A avait donné mandat pour agir au nom de la société, que l’extrait Florida Corporate Dossier Report mentionnait que la société Vanilla Overseas avait été dissoute en 1994 et qu’elle avait le statut inactif à la suite d’une décision positive de l’intéressée , que cette société ne disposait pas, en outre, des moyens matériels lui permettant d’exercer une activité sur le territoire américain et que les courriers, les appels téléphoniques et les transactions financières de la société étaient réalisés depuis le domicile de M. A en France ; que c’est dès lors à bon droit que le service a estimé que les réponses fournies par M. A, selon lesquelles les sommes créditées sur son compte bancaire constituaient des remboursements de frais et d’avances en compte courant ou des avances consenties par ladite société, ne présentaient pas un caractère sérieux et ne permettaient pas d’établir l’origine réelle et l’objet des crédits en cause, et de déterminer, par suite, de quelle catégorie de revenus imposables ils relevaient ; qu’il s’ensuit que doit être écarté le moyen tiré par les contribuables de ce qu’ils ont été irrégulièrement taxés d’office ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant qu’il est loisible au contribuable régulièrement taxé d’office sur le fondement de l’article L. 69 du livre des procédures fiscales d’apporter devant le juge de l’impôt la preuve que les sommes taxées d’office, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus ; que, dans cette dernière situation, le contribuable peut obtenir, le cas échéant, une réduction de l’imposition d’office régulièrement établie au titre du revenu global, à raison de la différence entre les bases imposées d’office et les bases résultant de l’application des règles d’assiette propres à la catégorie de revenus à laquelle se rattachent, en définitive, les sommes en cause ;
Considérant que les contribuables ne produisent devant le juge de l’impôt aucun élément de nature à établir que, ainsi qu’ils l’allèguent, les crédits bancaires taxés d’office en tant que revenus d’origine indéterminée ne constituaient pas des revenus imposables mais avaient la nature de remboursements de frais que M. A avait avancés pour le compte de la société de droit américain Vanilla Overseas Group, dont il était le dirigeant, ou des avances consenties par cette société ;
Sur les pénalités pour mauvaise foi :
Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts alors applicable : 1. Lorsque la déclaration ou l’acte mentionnés à l’article 1728 font apparaître une base d’imposition ou des éléments servant à la liquidation de l’impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 et d’une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l’intéressé est établie (…) ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que, pour motiver les pénalités de mauvaise foi, l’administration s’est fondée sur la circonstance que M. A ne pouvait de bonne foi ignorer qu’il devait être regardé comme résident en France et que les revenus provenant de son activité de négoce de vanille étaient imposables en France et non aux Etats-Unis, comme il l’avait d’abord soutenu ; que M. A ne soutient pas ni même n’allègue qu’il aurait été imposé aux Etats-Unis pour des revenus de source américaine ou même qu’il aurait déclaré des revenus auprès de l’administration fiscale américaine des revenus ; que, dans ces conditions, le moyen tiré du caractère non fondé des pénalités de mauvaise foi dont les redressements litigieux ont été assortis doit être écarté ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a accordé à M. et Mme A la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1995, 1996 et 1997 ainsi que des pénalités correspondantes ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0215534 du 16 mai 2008 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu ainsi que les pénalités correspondantes auxquelles M. et Mme Marc B ont été assujettis au titre des années 1995, 1996 et 1997 sont remises à la charge des intéressés.
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N° 08PA04848