Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A… B…a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, des contributions sociales, des intérêts de retard et des majorations, auxquels il a été assujetti au titre de l’année 2012.
Par un jugement n° 1504290-7 du 9 mars 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 mai 2017 et le 9 mai 2018, M. A… B…, représenté par MeC…, demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1504290-7 du 9 mars 2017 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– il apporte la preuve des apports en compte courant qu’il a effectués à la société La Grande Literie dès lors qu’il a engagé des frais pour le compte de la société avant même son immatriculation afin de lui permettre de démarrer son activité ;
– les sommes constatées sur le compte courant d’associé correspondent à une dette de la société son égard ; les dépenses qu’il a assumées sont réelles et ont été engagées dans l’intérêt de la société.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2018, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
– il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre les contributions sociales, à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d’instance ;
– les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Un mémoire a été produit par le ministre de l’action et des comptes publics et enregistré au greffe le 5 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Stoltz-Valette,
– et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
1. Considérant que suite à la vérification de comptabilité de la Sarl La Grande Literie, dont il est associé à hauteur de 80 % du capital social, M. A… B… a fait l’objet d’un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre de l’année 2012 ; qu’à l’issue des opérations de contrôle le service a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ainsi que des intérêts de retard et des pénalités, selon la procédure de rectification contradictoire prévue à l’article L. 55 du livre des procédures fiscales ; que M. A… B…relève appel du jugement du 9 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires résultant de ces redressements, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants ;
Sur l’étendue du litige :
2. Considérant que, par une décision du 6 juin 2018, postérieure à l’introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques a prononcé un dégrèvement à concurrence d’une somme totale, en droits et pénalités, de 1 283 euros des contributions sociales mises à la charge de M. A…B…, correspondant à la différence entre les prélèvements sociaux calculés sur une assiette majorée de 25 % et les impositions calculées sur le rehaussement non majoré, pour tenir compte des réserves d’interprétation des dispositions du 2° du 7 de l’article 158 du code général des impôts émises par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2016-610 QPC du 10 février 2017 ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
3. Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l’année d’imposition en litige : » 1. Sont considérés comme revenus distribués : (…) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices » ; que, s’agissant des revenus distribués, il appartient en principe à l’administration, lorsque le contribuable a régulièrement contesté les rectifications, d’apporter la preuve de l’existence et du montant de ces distributions ainsi que de leur appréhension ; que, toutefois, les sommes inscrites au crédit d’un compte courant d’associé d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés doivent, sauf preuve contraire apportée par l’associé titulaire du compte, être regardées comme mises à sa disposition dès cette inscription et ont le caractère de revenus imposables à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
4. Considérant que dans le cadre de la vérification de comptabilité de la Sarl La Grande Literie, le service a constaté qu’elle a crédité le compte courant d’associé ouvert dans ses comptes au nom de M. A…B…, détenteur de 80 % de son capital social, de la somme de 25 539,76 euros le 29 février 2012 ; que l’administration fiscale a également constaté que ce compte courant d’associé présentait un solde débiteur d’un montant de 5 924,45 euros au 31 décembre 2012 ; que l’administration fiscale a, notamment, réintégré au résultat imposable de la Sarl, au titre de l’exercice clos en 2012 la somme de 31 464,21 euros, correspondant au total d’un apport non justifié et du solde débiteur, a considéré que M. A…B…a appréhendé la somme litigieuse et l’a par suite regardée comme des revenus distribués par la Sarl à M. A…B…;
5. Considérant que pour contester le rehaussement litigieux, M. A…B…fait valoir que les sommes mises à sa disposition correspondent au remboursement de dépenses qu’il a effectuées dans l’intérêt de la société dont il est un membre fondateur et qui était alors en cours d’immatriculation ; que le requérant fait valoir qu’il justifie de la dette de la société à son égard à hauteur de la somme de 25 285,14 euros, versée au moyen de douze chèques établis entre le 21 novembre 2011 et le 28 avril 2012 et admet ne pas être en mesure de justifier de la somme de 254,62 euros correspondant à des frais de publicité légale lors de la constitution de la société ; qu’il ne conteste pas devant la Cour le rehaussement relatif à la somme de 5 924,45 euros correspondant au solde débiteur du compte courant d’associé au 31 décembre 2012 ; qu’il n’est pas contesté que les dépenses effectuées pour le compte de la société en formation n’ont pas été reprises par la Sarl La Grande Literie soit lors de la signature des statuts soit ultérieurement par décision des associés ; qu’en outre de telles dépenses n’ont pas été enregistrées dans sa comptabilité ;
6. Considérant que si M. A…B…fait valoir que les chèques des 5 et 28 avril 2012 d’un montant respectif de 1 650 euros et 1 400 euros correspondent à des avances effectuées au profit de la Sarl La Grande Literie et se prévaut de la copie de ces chèques ainsi que d’un extrait de ses relevés bancaires, il est constant que ces chèques ont été établis postérieurement à la date d’enregistrement de la somme litigieuse figurant sur le compte courant d’associé et ne peuvent ainsi être prises en compte ; que si M. A…B…fait valoir que le chèque du 16 février d’un montant de 1 366,12 euros établi à l’ordre de la SCI Saint-Cloud correspond au paiement des loyers dus par la Sarl La Grande Literie, la quittance produite mentionne une adresse différente de celle de la société et fait référence à un local situé également à une autre adresse sans qu’aucune explication ne soit fournie ; que dans ces conditions il n’établit pas que cette dépense a effectivement été engagée dans l’intérêt de la société ;
7. Considérant que si M. A…B…soutient que les deux chèques des 29 novembre 2011 et 13 février 2012 d’un montant identique de 2 000 euros correspondent à des avances effectuées au bénéfice du gérant nommé lors de la constitution de la société, il ne justifie pas de la réalité de ses allégations en se bornant à produire une copie de ses relevés bancaires, à l’exclusion de tout autre document ; que s’il se prévaut également d’une facture d’honoraires d’un montant de 4 186 euros établie le 8 février 2012 par la société JB Partenaire et produit la copie d’un chèque d’un même montant qu’il a émis le même jour, en faisant valoir qu’il s’est acquitté de ce paiement au motif que la société a servi d’intermédiaire pour la location d’un bien, il est constant que l’adresse du local commercial loué ne correspond pas à celle de la Sarl La Grande Literie, sans qu’aucune explication ne soit fournie ;
8. Considérant que si M. A…B…soutient que le chèque du 8 février 2012 d’un montant de 5 979 euros correspond à un dépôt de garantie effectué au profit de la SCI Saint-Cloud pour des locaux servant d’entrepôt, il est constant que le nom du bénéficiaire figurant sur le chèque n’est pas celui indiqué par le requérant qui se borne par ailleurs à produire, outre la copie de ce chèque, un extrait de son relevé bancaire ; que concernant les deux chèques établis les 28 novembre 2011 pour un montant identique de 4 000 euros et celui établi le 11 janvier 2012 pour un montant de 500 euros, ils ne sont accompagnés d’aucun commencement de début de preuve de nature à justifier qu’ils correspondraient à des avances effectuées au profit de la Sarl La Grande Literie ; qu’ainsi en l’absence d’élément sur la nature de ces sommes M. A…B…n’est pas fondé à soutenir qu’elles correspondraient à des avances ; que dans ces conditions, M. A…B…n’apporte pas la preuve du caractère non imposable des sommes dont il allègue qu’elles ont été versées à titre de remboursements d’avances qu’il aurait effectuées au profit de la société ;
9. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 8 que les sommes en litige constituaient des revenus distribués imposables sur le fondement des dispositions précitées du 1-2° de l’article 109 du code général des impôts ; que c’est, par suite, à bon droit que le service les a réintégrées dans les revenus imposables de M. A…B…au titre de l’année 2012 ;
10. Considérant, en revanche, que M. A…B…produit une copie d’un chèque du 21 novembre 2011 d’un montant de 968,76 euros libellé à l’ordre de la société Gemofis, un extrait de son relevé bancaire ainsi qu’une facture d’honoraires établie par cette société le même jour et dont la mission consistait à trouver un local à usage de bureaux pour la Sarl La Grande Literie ; que la facture d’honoraires concerne le bail conclu par la société pour son siège social situé 2 rue de la Briqueterie à Chelles à compter du 21 novembre 2011, ainsi que cela ressort des termes du contrat de bail commercial signé le 16 novembre 2011 ; que dans ces conditions, M. A…B…apporte la preuve que la somme de 968,76 euros correspond à une dépense acquittée pour le compte de la Sarl La Grande Literie ; que M. A…B…produit également un extrait de son relevé bancaire faisant apparaître au débit de son compte le 3 janvier 2012 une somme de 785,24 euros dont il s’est acquitté par chèque ainsi qu’une copie d’une quittance du 22 novembre 2011 établie par le bailleur du local à usage de bureaux pris en location par la Sarl La Grande Literie ; que cette quittance correspond au prorata du loyer du mois de novembre et au loyer du mois de décembre 2011 augmenté de la provision pour charges ; que dans ces conditions M. A…B…apporte la preuve que la somme de 785,24 euros correspond à une dépense acquittée pour le compte de la Sarl La Grande Literie ; que, par suite, à concurrence de la somme de 1 754 euros, M. A…B…est fondé à soutenir que le crédit constaté sur son compte courant d’associé a pour objet le remboursement de la dette contractée par la Sarl La Grande Literie à son égard ; que dans cette mesure ce crédit de 1 754 euros doit être regardé comme étant une somme non imposable ;
11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A…B…est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun ne lui a pas accordé la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et des contributions sociales mises à sa charge au titre de l’année 2012 à raison de la prise en compte de la somme de 1 754 euros ;
12. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A… B…présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête de M. A…B…à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d’instance.
Article 2: Les bases de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels M. A…B…a été assujetti au titre de l’année 2012 sont réduites de la somme de 1 754 euros.
Article 3 : M. A…B…est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l’année 2012 correspondant à la réduction de la base d’imposition définie à l’article 2.
Article 4 : Le jugement n° 1504290-7 du 9 mars 2017 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… B…et au ministre de l’action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris parisien 1).
Délibéré après l’audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
– M. Jardin, président de chambre,
– M. Dalle, président assesseur,
– Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 décembre 2018.
Le rapporteur,
A. STOLTZ-VALETTELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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N° 17PA01535