Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2010, présentée pour Mme A…B…, demeurant à…, par MeD… ;
Mme B… demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0801180, 0900318 du 24 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, qui lui sont réclamées au titre des années 2003 et 2004 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 300 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 19 mars 2013,
– le rapport de Mme Haasser, rapporteur ;
– et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;
1. Considérant que Mme B…relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 mars 2010 qui a refusé de la décharger des rappels d’impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui sont réclamés au titre des années 2003 et 2004 suite à la vérification de comptabilité de la SARL Serr qui exerce, sous l’enseigne » Pizzeria des deux provinces « , une activité de bar, restauration rapide et vente à emporter à Montpellier ;
Sur l’étendue du litige :
2. Considérant que Mme B…demandait, en première instance, la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales des années 2003 et 2004 ; que le jugement n’a pas statué sur les suppléments d’impôt sur le revenu de l’année 2004 ; qu’il y sera statué dans le présent arrêt ;
Sur le bien-fondé de l’imposition :
3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la SARL Serr a fait l’objet d’une vérification de comptabilité sur la période d’octobre 2002 à septembre 2004 ; qu’à la suite de ce contrôle, Mme B…a été assujettie à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2003 et 2004 en tant que bénéficiaire des revenus distribués par cette société ;
4. Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : » 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (…) » ; aux termes de l’article 117 du code précité : » Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu’il résulte des déclarations de la personne morale visées à l’article 116, celle-ci est invitée à fournir à l’administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l’excédent de distribution.(…). » ; que, pour l’application des dispositions précitées, il incombe à l’administration, lorsque, comme en l’espèce, les intéressés ont contesté les rehaussements qui leur ont été notifiés, d’apporter la preuve de l’existence, du montant et de l’appréhension des distributions qu’elle entend imposer entre leurs mains ;
S’agissant de l’existence et du montant des distributions issues de la vérification de comptabilité de la SARL Serr :
5. Considérant, d’une part, que la vérification de la comptabilité de la société Serr, entreprise sur la période d’octobre 2002 à septembre 2004, a conduit le service à rejeter la comptabilité présentée par cette dernière comme non probante, pour différents motifs rappelés dans un procès-verbal du 10 novembre 2005 : le journal des recettes était manuscrit, tenu mensuellement, avec une globalisation journalière ventilée en catégories imprécises (bar, restaurant, emporté, bières, chaud), absence de bandes de caisse enregistreuse et de livre de caisse, absence d’inventaire détaillé des stocks d’entrée et de sortie ;
6. Considérant qu’en application des dispositions de l’article L. 80 F du livre des procédures fiscales, l’administration a exercé, le 17 décembre 2004, un droit d’enquête auprès d’un fournisseur de la société, la société Avidoc à Boujan sur Libron, aux fins de consulter les factures et documents de ses clients ; que le procès-verbal délivré le 15 février 2005 mentionne qu’à l’adresse de la SARL Serr existe, dans les comptes d’Avidoc, un client » B…Carole » ayant effectué en 2003 et 2004, d’importants achats commandés par téléphone, et réglés en espèces ; que le gérant de la société Avidoc reconnaît expressément que les » marchandises facturées à Mme B…ont bien été livrées au restaurant exploité par la SARL Les 2 Provinces, rue de Maguelonne « , c’est-à-dire à la société Serr ; que l’article L. 80 H rend les constatations du procès-verbal opposables à l’assujetti (Avidoc) et aux tiers concernés par la facturation ;
7. Considérant que l’administration a ensuite mis en oeuvre le droit de communication des articles L. 81 et L. 85 du même livre chez… ; que le procès-verbal du 16 mars 2006 clôturant cette procédure mentionne un montant d’achats de 14 294 euros pour 2003 et de 42 739 euros pour 2004 ; que le vérificateur a constaté que ces factures n’avaient pas été comptabilisées chez… ; qu’interrogée par lettre 2172 le 14 mars 2006 sur l’origine des fonds lui ayant permis de financer ces acquisitions, Mme B… s’est bornée à demander au service la copie des factures correspondantes ; que ces informations obtenues d’un tiers, fournisseur de la SARL Serr, sont corroborées par des constatations propres à la société Serr, dans la mesure où les achats sont effectués par l’une de ses associées co-gérantes, MmeB…, auprès de l’un des fournisseurs de la société Serr, sont comptabilisés chez…, » ; qu’il ne peut être reproché au vérificateur de n’avoir pas constaté ces éléments dans la comptabilité de la société Serr dès lors que ces achats n’y étaient pas comptabilisés ;
8. Considérant que, par suite, l’ensemble de ces éléments rend la comptabilité de la SARL Serr non probante ; que le service était fondé à la rejeter et à procéder à une reconstitution des recettes, d’ailleurs limitée à l’évaluation des recettes omises du fait de la non-comptabilisation desdits achats ; que le vérificateur a appliqué auxdits achats les coefficients de marge de 3,02 et de 3, soit des recettes de 40 615 euros HT pour 2003 et 98 645 euros HT pour 2004, puis en a retranché, au titre des charges, les achats omis ; que le supplément de bénéfice imposable s’élève à 25 468 euros et à 61 623 euros ; que si la société Serr qualifie d’erronée cette méthode comme reposant sur les mentions d’une comptabilité occulte saisie chez…, ; qu’au surplus, la contestation de la SARL Serr a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 mars 2010, devenu définitif, validant l’existence d’achats non comptabilisés et la reconstitution du chiffre d’affaires ainsi opérée par le service ;
S’agissant de l’appréhension des revenus distribués :
9. Considérant que les omissions de recettes ainsi rétablies ont été à juste titre regardées par le service comme constituant des revenus distribués sur le fondement de l’article 109-1-2° du code général des impôts, imposées suite à la proposition de rectification du 19 octobre 2006 entre les mains de MmeB…, après que la même procédure eut été engagée, puis abandonnée, à l’encontre de M. C…B…, son père, désigné par la société Serr le 11 juillet 2006 en application de l’article 117 du même code ;
10. Considérant que Mme B…soutient ne pas avoir appréhendé lesdites sommes car la gestion de fait était assurée par son père, présent en permanence sur le point de vente, souscripteur des contrats d’assurance, en relation permanente avec les fournisseurs Avidoc, Bibal, Froid’Oc ainsi que ceux-ci en attestent en 2009, et avec le vérificateur, montrant qu’il avait qualité pour engager la société ;
11. Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme B…détient deux cent quatre-vingts parts de la SARL Serr, dont le capital est divisé en mille parts appartenant à hauteur de deux cent quatre-vingts parts chacun, à ses deux frères, et à hauteur des cent soixante parts restantes, à sa mère, alors que son père n’est pas associé ; que si, en sa qualité de co-gérante associée, elle organisait et gérait la société, signait les déclarations fiscales, représentait la société pour la location du fonds de commerce, était seule signataire du contrat de location gérance, présidait les assemblées générales, avait été désignée pour accomplir au nom de la société toutes les formalités nécessaires aux travaux d’amélioration du fonds de commerce, et enfin représentait la société dans ses courriers avec la société d’assurance et qu’ainsi, son rôle » institutionnel » apparaît important, l’implication dans le travail de M.B…, père de l’intéressée, soulignée par MmeB…, ne doit pas être négligée et semble tout aussi prépondérante ; qu’en l’absence d’indications sur les rémunérations et sur le nombre et l’identité du ou des détenteurs de la procuration bancaire, et sur le rôle des autres associés, l’administration n’apporte pas la preuve qui lui incombe que Mme B…s’est comportée comme le seul véritable maître de l’affaire ;
12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme B… est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’accorder à Mme B… une quelconque somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Mme B… est déchargée du montant de 26 677 (vingt six mille six cent soixante-dix-sept) euros au titre des suppléments d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, et des pénalités correspondantes, mises en recouvrement au titre de l’année 2003. Elle est déchargée également du montant de 63 677 (soixante trois mille six cent soixante-dix-sept) euros au titre des suppléments d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, et des pénalités correspondantes, mises en recouvrement au titre de l’année 2004.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 mars 2010 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A… B…et au ministre de l’économie et des finances.
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N° 10MA01920