CAA de BORDEAUX, 6ème chambre – formation à 3, 06/06/2017, 15BX02475, Inédit au recueil Lebon

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CAA de BORDEAUX, 6ème chambre – formation à 3, 06/06/2017, 15BX02475, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Technosoud a demandé au tribunal administratif de la Guyane d’annuler la décision du 23 juin 2014, par laquelle l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 69 800 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-1 du code du travail.

Par un jugement n° 1401107 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de la Guyane a déchargé la société Technosoud de cette contribution, à concurrence de la somme de 9 800 euros sur la somme de 69 800 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 juillet 2015 et un mémoire complémentaire du 25 novembre 2016, la société Technosoud représentée par Me D… demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du 13 mai 2015 du tribunal administratif de la Guyane en tant qu’il rejette sa demande à hauteur de la somme de 60 000 euros.

2°) d’annuler dans sa totalité la décision du 23 juin 2014 par laquelle le directeur de l’OFII a appliqué à la société Technosoud, la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-1 du code du travail d’un montant de 69 800 euros.

3°) de mettre à la charge de l’Office français de l’immigration et de l’intégration la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la procédure contradictoire prévue par les articles L. 8253-1 R. 8253-3 et R. 8253-4 du code du travail n’a pas été respectée avant l’intervention de la décision du 23 juin 2014 dès lors que si la société requérante a été invitée par un courrier du 9 janvier 2014 à présenter ses observations dans les quinze jours et s’il lui a été indiqué que la contribution spéciale serait mise en oeuvre à l’expiration de ce délai, la décision n’est en réalité intervenue que le 23 juin 2014 ;

– comme l’impose l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et comme l’a reconnu le Conseil d’Etat par un arrêt du 29 juin 2016, EURL DLM Sécurité, n° 398398, la société avait droit à la communication des procès-verbaux de constatation des infractions sur lesquels se fonde la décision du 23 juin 2014 ;

– la société à demandé la communication de ces procès-verbaux à l’OFII le 20 février 2014 ;

– l’absence de communication de ces procès-verbaux a constitué une irrégularité substantielle et non régularisable dans la procédure, devant entrainer l’annulation de la décision du 23 juin 2014 ;

– sur le fond, le tribunal administratif ayant annulé par un premier jugement du 7 mai 2015, la décision du 23 juin 2014, ce jugement a l’autorité de la chose jugée dans le cadre du présent litige ;

– la contribution spéciale est entachée d’une erreur de fait et d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors que les villas pour la construction desquelles a été constatée l’emploi irrégulier de quatre ressortissants étrangers n’appartiennent pas à la société Technosoud, mais en propre à M.A… ;

– le tribunal correctionnel de la Guyane a relaxé la société des poursuites dirigées contre elle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2016, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), représenté par MeC…, conclut au rejet de la requête de la société Technosoud, à l’annulation du jugement du 13 mai 2015 en tant que le tribunal administratif de la Guyane a déchargé la société Technosoud de cette contribution, à concurrence de la somme de 9 800 euros sur la contribution totale de 69 800 euros mise à sa charge par la décision du 23 juin 2014, et à ce qu’une somme de 2 800 euros soit mise à la charge de la société Technosoud au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

– le jugement n° 1401107 du 7 mai 2015 du tribunal administratif de la Guyane est distinct du jugement n° 1401106 du même jour rendu par le même tribunal, qui concerne une infraction postérieure à celle qui est en litige ;

– aucun texte ne prévoit que les procès-verbaux dressés concernant les infractions à l’article L. 8253-1 du code du travail soient annexés à la décision de contribution spéciale, la jurisprudence écartant cette communication ;

– la procédure contradictoire a été respectée avant l’intervention de la contribution spéciale ;

– en vertu de l’article 431 du code de procédure pénale, les procès-verbaux d’infraction font foi jusqu’à preuve contraire et établissent la matérialité des faits ;

– les faits sont en l’espèce incontestables et ont été reconnus par M.A…, en sa qualité de gérant de la société Technosoud et les ressortissants étrangers ont été surpris en situation de travail, par les fonctionnaires de police et l’infraction prévue par l’article L. 8251-1 du code du travail est donc matériellement établie ;

– c’est à l’employeur de vérifier les autorisations de séjour et de travail des ressortissants étrangers qu’il emploie ;

– l’absence d’élément intentionnel est sans incidence sur la légalité de la contribution spéciale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

– le code du travail ;

– le code pénal et le code de procédure pénale ;

– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

– la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978;

– le décret n°2012-812 du 16 juin 2012 ;

– le décret n°2013-467 du 4 juin 2013 ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Pierre Bentolila,

– les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

– et les observations de MeB…, représentant la société Technosoud.

Considérant ce qui suit :

1. Le 8 octobre 2012, lors d’un contrôle d’un chantier de construction de deux maisons individuelles situé à Rémire-Monjoly (Guyane), appartenant à M.A…, gérant et unique actionnaire de la société Technosoud, les services de police ont constaté la présence de quatre ressortissants étrangers démunis de titres de séjour et de contrats de travail. Un procès-verbal a été établi le même jour ayant donné lieu à une contribution spéciale prise par l’OFII le 23 juin 2014, pour un montant de 69 800 euros. La société Technosoud relève appel du jugement n° 1401107 du 13 mai 2015 du tribunal administratif de Guyane en tant que ce jugement n’a fait droit que partiellement à sa demande en déchargeant la société Technosoud de la contribution spéciale, à concurrence de la somme de 9 800 euros sur la somme de 69 800 euros. L’OFII relève appel incident du jugement n° 1401107 du 13 mai 2015 du tribunal administratif de Guyane en tant que ce jugement décharge la société Technosoud de la contribution spéciale, à concurrence de la somme de 9 800 euros.

Sur l’appel principal de la société Technosoud :

Sur les conclusions à fins d’annulation totale de la décision du 23 juin 2014 :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :

Sur la communication des procès-verbaux d’infraction :

2. Aux termes de l’article L. 8253-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable dispose :  » l’Office français de l’immigration et de l’intégration est chargé de constater et de liquider la contribution spéciale due par un employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l’article L. 8251-1.  » et selon l’article L. 8253-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable :  » Outre les inspecteurs et contrôleurs du travail, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l’article L. 8251-1 relatif à l’emploi d’un étranger sans titre de travail et de l’article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d’un employeur d’un étranger sans titre. Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l’article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l’article L. 626-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions « .

3. Aux termes de l’article R. 8253-6 dans sa rédaction applicable du même code :  » Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis, le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration décide de l’application de la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-1 et notifie sa décision à l’employeur ainsi que le titre de recouvrement. « .

4. Si les articles L. 8253-1 et L. 8271-17 du code du travail, pas plus que les dispositions réglementaires codifiées dans le code du travail ne prévoient pas expressément que le procès-verbal constatant l’infraction aux dispositions de l’article L. 8251-1 relatif à l’emploi d’un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait, contrairement à ce que soutient l’OFII en défense, faire obstacle à cette communication, afin d’assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de la contribution spéciale, qui revêt le caractère d’une sanction administrative. Il appartient seulement à l’administration, le cas échéant, d’occulter ou de disjoindre, préalablement à la communication du procès-verbal celles de ses mentions qui seraient étrangères à la constatation de l’infraction sanctionnée par la liquidation de la contribution spéciale et susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales.

5. La société requérante soutient qu’elle aurait fait la demande de communication des procès-verbaux le 20 février 2014. Mais le courrier qu’elle produit en annexe à son mémoire en réplique du 25 novembre 2016, fait référence aux infractions du 28 janvier 2013 et non à celles du 8 octobre 2012, sur lesquelles se fonde la décision du 23 juin 2014. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que la société Technosoud aurait été mise à même de solliciter les procès-verbaux d’infraction du 8 octobre 2012 par lesquels les services de la police nationale ont constaté la présence sur un chantier d’une propriété appartenant au gérant de la société Technosoud, de quatre étrangers, démunis de pièces d’identité et d’autorisations de travail, employés dans l’établissement.

6. La société Technosoud qui a dès lors été privée d’une garantie est fondée à demander l’annulation du jugement du 13 mai 2015 du tribunal administratif de Guyane en tant qu’il n’a pas fait droit totalement à sa demande et de la décision dans son entier du 23 juin 2014 par laquelle le directeur de l’OFII a appliqué la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-1 du code du travail d’un montant de 69 800 euros.

Sur l’appel incident de l’OFII :

7. Compte tenu de ce qui est indiqué aux points 2 à 6, tenant à l’illégalité de la décision du 23 juin 2014 par laquelle le directeur de l’OFII a appliqué la contribution spéciale à hauteur de la somme de 69 800 euros, l’appel incident présenté par l’OFII contre le jugement du 13 mai 2015 du tribunal administratif de Guyane en tant que ce jugement a fait droit partiellement à la demande de la société Technosoud en la déchargeant de la contribution spéciale, à concurrence de la somme de 9 800 euros, ne peut être que rejeté.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. La société Technosoud n’étant pas, dans la présente instance, la partie perdante les conclusions présentées par l’OFII sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’OFII la somme de 1 500 euros au bénéfice de la société Technosoud, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1401107 du 7 mai 2015 du tribunal administratif de la Guyane en tant qu’il ne fait pas droit à la demande d’annulation totale présentée par la société Technosoud, et la décision du 23 juin 2014 par laquelle le directeur de l’OFII a appliqué à la société Technosoud la contribution spéciale prévue à l’article L. 8253-1 du code du travail d’un montant de 69 800 euros sont annulés.

Article 2 : L’appel incident présenté par l’OFII et ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : Il est mis à la charge de l’OFII, au profit de la société Technosoud, la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Technosoud et à l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Copie en sera transmise à la direction régionale des finances publiques de la Guyane.

Délibéré après l’audience du 9 mai 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

M. Axel Basset, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 juin 2017.

Le rapporteur,

Pierre BentolilaLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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N° 15BX02475


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