Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L’association » Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambrésis « , la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France, M. P… AP…, Mme AT… L…-AU…, M. I… L…, M. AR… AL…, M. K… AM…, Mme X… AM…, Mme W… Y…, Mme AQ… G…, M. AS… G…, Mme B… AB…-AX…, M. AH… AB…, M. N… Z…, Mme AD… M…-AV…, M. A… M…, Mme AN… O…, M. C… O…, M. AF… D…, M. Q… R…, Mme V… S…-AW…, M. E… S…, M. AI… AE…, Mme AJ… AE…-D…, Mme AG… AY…-AK… et M. AO… AK…, représentés par Me AC… U…, ont demandé au tribunal administratif de Lille d’annuler la décision du 26 janvier 2016 par laquelle le préfet du Nord a autorisé l’exploitation d’une installation de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent de six aérogénérateurs dit » parc éolien Le Bois de Saint-Aubert « .
Par un jugement n° 1602467 du 7 septembre 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
I – Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2018 sous le n° 18DA02155, et des mémoires, enregistrés les 25 avril, 14 novembre et 17 décembre 2019, la société » Les vents du Sud Cambrésis « , représentée par Me F… AA…, demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du 7 septembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée en première instance par l’association » Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambrésis » et autres ;
3°) de surseoir à statuer dans les conditions prévues par le 2°) du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement pour permettre au préfet du Nord de régulariser le vice dont serait entachée l’autorisation en litige ;
4°) de mettre à la charge des requérants de première instance la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
II – Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2018, sous le n° 18DA02208, et un mémoire, enregistré le 22 février 2019, la société » Les vents du Sud Cambrésis « , représentée par Me F… AA…, demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Lille du 7 septembre 2018 et de mettre à la charge des requérants de première instance la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
III – Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2018 sous le n° 18DA02221, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du 7 septembre 2018 ;
2°) de rejeter la requête présentée en première instance par l’association » Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambrésis » et autres ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans les conditions prévues par le 2°) du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement pour permettre au préfet du Nord de régulariser le vice dont serait entachée l’autorisation en litige.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
– la directive n° 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;
– la directive n° 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 ;
– la directive n° 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’environnement ;
– le code des transports ;
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;
– l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;
– la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
– l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;
– le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
– le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;
– le décret n° 2015-1229 du 2 octobre 2015 ;
– le décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 ;
– le décret n° 2017-82 du 26 janvier 2017 ;
– le décret n° 2017-626 du 25 avril 2017 ;
– l’arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. AS… Bouchut, premier conseiller,
– les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,
– et les observations de Me F… AA…, représentant la société » Les vents du Sud Cambrésis « , et de Me AC… U…, représentant l’association » Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambrésis » et autres.
Considérant ce qui suit :
1. L’association » Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambrésis » et autres ont demandé au tribunal administratif de Lille d’annuler l’arrêté du 26 janvier 2016 par lequel le préfet du Nord a accordé à la société » Les vents du Sud Cambrésis » l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent de six aérogénérateurs pour le parc éolien dit » Le Bois de Saint-Aubert « . Le ministre de la transition écologique et solidaire, sous le n° 18DA02221, et la société » Les vents du Sud Cambrésis « , sous le n° 18DA02155, relèvent appel du jugement du 7 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l’arrêté du préfet du Nord du 26 janvier 2016 et demandent à la cour de rejeter la demande de première instance de l’association » Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambrésis » et autres et, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur la demande de l’association et autres pour permettre au préfet du Nord de régulariser le vice dont serait entachée l’autorisation unique litigieuse. Sous le n° 18DA02208, la société » Les vents du Sud Cambrésis » demande à la cour, en outre, de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Lille du 7 septembre 2018.
Sur la jonction :
2. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement :
3. Si le ministre de la transition écologique et solidaire soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, il ressort de sa lecture que les premiers juges, ayant relevé l’existence d’un vice tenant à l’absence d’autonomie de l’autorité environnementale consultée, ont considéré que ce vice n’avait pas permis une bonne information de l’ensemble des personnes intéressées par l’opération et qu’il avait été susceptible d’exercer une influence tant sur le déroulement de l’enquête publique que sur le sens la décision, motivant ainsi suffisamment leur jugement. Les premiers juges se sont en outre prononcés sur la mise en oeuvre des pouvoirs qu’ils tenaient des dispositions de l’article L. 181-18 du code de l’environnement en se fondant sur la circonstance que » le vice substantiel » qu’ils avaient relevé n’était » pas susceptible de régularisation « . Dès lors, le ministre n’est pas fondé à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen d’annulation retenu par le tribunal administratif :
4. Pour annuler l’arrêté d’autorisation unique du 26 janvier 2016, les premiers juges ont estimé que l’avis de l’autorité environnementale du 28 avril 2015, émanant du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, avait été émis dans des conditions irrégulières, entachant ainsi la procédure d’adoption de l’arrêté en litige d’un vice substantiel qui n’était pas susceptible de régularisation.
Sur la régularité de l’avis rendu par l’autorité environnementale :
5. En vertu de l’article L. 181-17 du code de l’environnement, issu de l’article 1er de l’ordonnance du 26 janvier 2017 et applicable depuis le 1er mars 2017, l’autorisation environnementale est soumise, comme les autres autorisations mentionnées au 1° de l’article 15 de cette même ordonnance, et notamment l’autorisation unique délivrée sur le fondement de l’ordonnance du 20 mars 2014, à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d’apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation et celui des règles de fond régissant l’installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d’urbanisme qui s’apprécient au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l’autorisation.
6. La directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement vise à ce que l’autorisation de réaliser de tels projets ne soit accordée qu’après une évaluation des incidences notables sur l’environnement, réalisée sur la base d’informations appropriées. A cette fin, elle prévoit notamment, à son article 6 paragraphe 1, que : » Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d’ouvrage et sur la demande d’autorisation. A cet effet, les Etats membres désignent les autorités à consulter, d’une manière générale ou cas par cas. Celles-ci reçoivent les informations recueillies en vertu de l’article 5. Les modalités de cette consultation sont fixées par les Etats membres « .
7. L’article L. 122-1 du code de l’environnement, pris pour la transposition des articles 2 et 6 de cette directive, dispose, dans sa rédaction applicable en l’espèce, que : » I. – Les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine sont précédés d’une étude d’impact. (…) / III. Dans le cas d’un projet relevant des catégories d’opérations soumises à étude d’impact, le dossier présentant le projet, comprenant l’étude d’impact et la demande d’autorisation, est transmis pour avis à l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement. (…). / IV.- La décision de l’autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d’ouvrage à réaliser le projet prend en considération l’étude d’impact, l’avis de l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement et le résultat de la consultation du public (…) « . En vertu de l’article R. 122-6 du même code, alors en vigueur : » III – Dans les cas ne relevant pas du I ou du II ci-dessus, l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement mentionnée à l’article L. 122 1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d’ouvrage ou d’aménagement doit être réalisé « , les I et II disposant, pour les cas qu’ils précisent, que l’autorité compétente en matière d’environnement est le ministre chargé de l’environnement ou la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable.
8. La directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement comme la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement ont pour finalité commune de garantir qu’une autorité compétente et objective en matière d’environnement soit en mesure de rendre un avis sur l’évaluation environnementale des plans et programmes ou sur l’étude d’impact des projets, publics ou privés, susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l’interprétation des dispositions de l’article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l’affaire C-474/10, et à la finalité identique des dispositions des deux directives relatives au rôle » des autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement « , il résulte clairement des dispositions de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu’une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné.
9. Le projet éolien autorisé par l’arrêté en litige du 26 janvier 2016 était préalablement soumis à la réalisation d’une étude d’impact en vertu de la rubrique 1° du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, dans sa rédaction alors en vigueur. Ce projet a, en conséquence, fait l’objet d’un avis de l’autorité environnementale mentionné au III de l’article L. 122-1 du même code, émis le 28 avril 2015 par le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, conformément aux dispositions du III de l’article R. 122-6 du code de l’environnement dans leur version alors applicable, et préparé par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) du Nord-Pas-de-Calais.
10. Ni cet article R. 122-6, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’ont prévu de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet est compétent pour autoriser le projet, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité interne disposant d’une autonomie réelle à son égard, conformément aux exigences rappelées au point 8 du présent arrêt. Les dispositions de l’article R. 122-6 du code de l’environnement, alors en vigueur, sont ainsi, en tant qu’elles désignaient le préfet de région comme autorité compétente pour émettre un avis sans que soit prévu un tel dispositif, incompatibles avec les objectifs de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, ainsi que l’a d’ailleurs jugé le Conseil d’Etat statuant au contentieux dans sa décision n° 414930 du 13 mars 2019.
11. En l’espèce, il ne résulte pas de l’instruction que l’avis émis le 28 avril 2015 aurait néanmoins répondu à ces mêmes objectifs.
12. L’évaluation environnementale a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement afin de respecter les objectifs des directives mentionnées ci-dessus. Compte tenu du rôle joué par l’autorité environnementale au début du processus d’évaluation, de l’autonomie dont cette autorité doit disposer, et de la portée de l’avis qu’elle rend, cette autorité et ses avis constituent une garantie pour atteindre les objectifs en question. En l’espèce, compte tenu des conditions dans lesquelles l’avis a été émis, rappelées au point 10, cette garantie ne peut être regardée comme ayant été assurée. L’avis de l’autorité environnementale du 28 avril 2015 entache, dès lors, d’un vice substantiel la procédure d’adoption de l’arrêté en litige.
13. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire et la société » Les Vents du Sud Cambrésis » ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu le motif tiré de l’irrégularité de l’avis émis par l’autorité environnementale pour annuler l’arrêté du 26 janvier 2016. Par voie de conséquence, la requête n° 18DA02208 présentée par la société » Les Vents du Sud Cambrésis » aux fins de sursis à exécution du jugement attaqué doit être rejetée.
Sur la régularisation du vice retenu :
14. Aux termes de l’article L. 181-18 du code de l’environnement issu de l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, applicable à compter du 31 mars 2017 : » I. Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et demander à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité ; / 2° Qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (…) « .
15. Lorsque le juge administratif estime qu’une autorisation d’exploiter a été délivrée en méconnaissance des règles de procédure applicables à la date de sa délivrance, il peut, eu égard à son office de juge du plein contentieux, même pour la première fois en appel, prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu’elles n’aient pas eu pour effet de nuire à l’information complète de la population. En outre, si une telle régularisation n’est pas intervenue à la date à laquelle il statue, le juge peut, en application de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, créé par l’article 1er de l’ordonnance du 26 janvier 2017, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe afin de permettre à l’administration de régulariser l’illégalité par une autorisation modificative. Le juge peut préciser, par sa décision avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui impliquent l’intervention d’une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée. Un vice de procédure, dont l’existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date.
16. Par sa décision n° 400559 du 6 décembre 2017, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux a annulé le décret du 28 avril 2016 portant réforme de l’autorité environnementale en tant qu’il maintient, au IV de l’article R. 122-6 du code de l’environnement, la désignation du préfet de région en qualité d’autorité compétente de l’Etat en matière d’environnement, en méconnaissance des objectifs énoncés au paragraphe 1 de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. Le vice de procédure qui résulte de ce que l’avis prévu par le III de l’article L. 122-1 du code de l’environnement a été rendu par le préfet de région en qualité d’autorité environnementale dans un cas où le préfet de département était par ailleurs compétent pour autoriser le projet, peut être réparé par la consultation, sur le projet en cause, à titre de régularisation, d’une autorité présentant les garanties d’impartialité requises.
17. Par suite, le ministre de la transition écologique et solidaire et la société » Les vents du Sud Cambrésis » sont fondés à soutenir que le vice substantiel entachant la procédure d’adoption de l’arrêté en litige est régularisable. Pour mettre en oeuvre les dispositions précitées de l’article L. 181-18 du code l’environnement, il appartient alors au juge d’examiner l’ensemble des autres moyens soulevés par les demandeurs tant en première instance qu’en appel à l’encontre de l’arrêté en litige.
Sur les autres moyens soulevés :
En ce qui concerne les dispositions applicables à l’arrêté en litige :
18. Il résulte de l’article 3 de la directive du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne, notamment dans ses arrêts du 11 septembre 2012 (C 43/10), Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias et du 27 octobre 2016 (C-290/15) Patrice d’Oultremont contre région wallonne, que la notion de » plans et programmes » se rapporte à tout acte qui établit, en définissant des règles et des procédures de contrôle applicables au secteur concerné, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en oeuvre d’un ou de plusieurs projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. Si, selon la Cour de justice de l’Union européenne, la notion de » plans et programmes » peut ainsi recouvrir au sens de la directive des actes normatifs adoptés par la voie législative ou réglementaire, c’est à la condition toutefois que ces actes concernent des secteurs déterminés et qu’ils définissent le cadre dans lequel la mise en oeuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011 peut être autorisée.
19. L’ordonnance du 20 mars 2014 relative à l’autorisation unique, l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, le décret du 2 mai 2014 et le décret du 26 janvier 2017, qui déterminent les règles applicables aux projets relevant des secteurs soumis auparavant à la règlementation des installations classées pour la protection de l’environnement, n’ont pas pour objet de définir le cadre dans lequel peuvent être mis en oeuvre des projets déterminés dans un secteur particulier. Ni ces ordonnances ni ces décrets ne relèvent, en conséquence, de la notion de » plans et programmes » au sens de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001. Ils n’avaient donc pas à être précédés d’une évaluation environnementale. Dès lors, le moyen tiré de ce que l’absence d’évaluation environnementale s’oppose à ce que ces ordonnances et leurs décrets d’application soient applicables à la décision en litige doit être écarté.
En ce qui concerne la phase d’examen de la demande :
20. Aux termes de l’article 11 du décret du 2 mai 2014, alors en vigueur : » Lorsque le dossier de demande n’est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour poursuivre son instruction, le représentant de l’Etat dans le département demande les compléments et correctifs au demandeur dans un délai qu’il fixe. « . L’article 12 du même décret, alors en vigueur, dispose que : » (…) / (…) II Le représentant de l’Etat dans le département peut rejeter la demande pour l’un des motifs suivants : /1°) Le dossier reste incomplet ou irrégulier à la suite de la demande mentionnée à l’article 11 ; « .
Sur l’avis du département du Nord :
21. Aux termes de l’article 17 du décret du 2 mai 2014 : » Nonobstant toute disposition réglementaire contraire, notamment les dispositions des I et II de l’article R. 512-21 du code de l’environnement, le représentant de l’Etat dans le département, s’il le juge nécessaire, peut consulter les organismes mentionnés au I de cet article (…) « . Il ressort de ces dispositions que le préfet du Nord n’était pas tenu de solliciter l’avis du département du Nord, propriétaire de la route départementale n° 118 desservant l’éolienne n° 1, s’il ne le jugeait pas nécessaire. Les intimés n’établissent pas en quoi une telle consultation aurait été nécessaire au sens des dispositions précitées. Il suit de là que le moyen tiré de l’absence au dossier de l’avis du département du Nord ne peut qu’être écarté.
Sur l’indication de la nature des garanties financières :
22. Aux termes de l’article L. 516-1 du code de l’environnement : » La mise en activité, tant après l’autorisation initiale qu’après une autorisation de changement d’exploitant, des installations définies par décret en Conseil d’Etat présentant des risques importants de pollution ou d’accident, des carrières et des installations de stockage de déchets est subordonnée à la constitution de garanties financières. / Ces garanties sont destinées à assurer, suivant la nature des dangers ou inconvénients de chaque catégorie d’installations, la surveillance du site et le maintien en sécurité de l’installation, les interventions éventuelles en cas d’accident avant ou après la fermeture, et la remise en état après fermeture. Elles ne couvrent pas les indemnisations dues par l’exploitant aux tiers qui pourraient subir un préjudice par fait de pollution ou d’accident causé par l’installation. / Un décret en Conseil d’Etat détermine la nature des garanties et les règles de fixation de leur montant. (…) « . Aux termes de l’article R. 512-5 de ce code, alors en vigueur : » Lorsque la demande d’autorisation porte sur une installation mentionnée à l’article R. 516-1 ou R. 553-1, elle précise, en outre, les modalités des garanties financières exigées à l’article L. 516-1, notamment leur nature, leur montant et les délais de leur constitution « . Selon l’article R. 516-1 du même code : » Les installations dont la mise en activité est subordonnée à l’existence de garanties (…) sont : / (…) / 5° Les installations soumises à autorisation au titre de l’article L. 512-2 (…) « . L’article R. 516-2 du même code dispose que : » I. – Les garanties financières exigées à l’article L. 516-1 résultent, au choix de l’exploitant : a) De l’engagement écrit d’un établissement de crédit, d’une société de financement, d’une entreprise d’assurance ou d’une société de caution mutuelle ; b) D’une consignation entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations ; c) Pour les installations de stockage de déchets, d’un fonds de garantie géré par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ; d) D’un fonds de garantie privé, proposé par un secteur d’activité et dont la capacité financière adéquate est définie par arrêté du ministre chargé des installations classées ; ou e) De l’engagement écrit, portant garantie autonome au sens de l’article 2321 du code civil (…). / II.- L’arrêté d’autorisation fixe le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d’actualisation de ce montant. / III. – Dès la mise en activité de l’installation, l’exploitant transmet au préfet un document attestant la constitution des garanties financières. Ce document est établi selon un modèle défini par arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé des installations classées (…) « .
23. Il résulte de l’instruction que la demande d’autorisation présentée par la société » Les vents du Sud Cambrésis » mentionne le montant des garanties, calculé conformément à l’arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution de garanties financières pour les installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent, soit en l’espèce 300 000 euros, et expose les conditions d’actualisation de ce montant. La société pétitionnaire s’engage à fournir à l’autorité administrative la preuve de la mise en place de ces garanties financières à hauteur de 300 000 euros, trois mois avant la mise en service des éoliennes par l’intermédiaire d’un établissement de crédit ou d’une entreprise d’assurance. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l’insuffisante indication de la nature des garanties financières dans le dossier de demande d’autorisation doit être écarté.
Sur l’indication des capacités techniques et financières :
24. Aux termes de l’article R. 512-3 du code de l’environnement, alors en vigueur : » La demande prévue à l’article R. 512-2, remise en sept exemplaires, mentionne : / (…) 5° Les capacités techniques et financières de l’exploitant (…) « .
25. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d’une autorisation d’exploiter une installation classée pour la protection de l’environnement est tenu de fournir, à l’appui de son dossier, des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières. Le pétitionnaire doit notamment justifier disposer de capacités techniques et financières propres ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine, le mettant à même de mener à bien son projet et d’assumer l’ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l’exploitation et de la remise en état du site au regard des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu’il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 516-1 et L. 516-2 du même code.
26. Il ressort de l’instruction que les trois actionnaires de la société » Les vents du Sud Cambrésis » sont trois sociétés unipersonnelles dirigées respectivement par trois personnes compétentes dans le domaine de la construction et de l’exploitation des éoliennes, que le dossier de demande d’autorisation présente la liste des collaborateurs de la société Ecotera, dirigée par deux de ces trois personnes et composée d’une équipe de chargés de projet ou de chargés d’études disposant de compétences dans le domaine de la construction et de l’exploitation de parcs éoliens, et que la société Vestas fournira les éoliennes. Par suite, le dossier comporte les éléments permettant d’apprécier les capacités techniques de la société pétitionnaire.
27. Le projet est évalué à 18 millions d’euros d’investissement dont 80 % seront financés par des prêts bancaires conditionnés à l’obtention des autorisations purgées de tout recours, le solde, soit 3,6 millions d’euros, étant constitué des fonds propres dont disposent les trois actionnaires. La demande d’autorisation présentée par la société pétitionnaire mentionne qu’elle n’exerce pas d’autres activités et se fonde sur ses capacités à obtenir un prêt bancaire à hauteur de 80 % du coût du projet en exposant, de façon précise, que la construction de parcs éoliens donne lieu, de manière habituelle, à des prêts sans recours de la part d’établissements bancaires, ceux-ci considérant que les flux de trésorerie futurs sont suffisamment sûrs, compte tenu des études de vent réalisées au préalable et de l’obligation d’achat de l’électricité produite par EDF à un tarif garanti, pour rembourser l’emprunt en dehors de toute garantie fournie par les actionnaires de la société. Aucun engagement d’un établissement susceptible d’accorder un tel prêt à la société ne figure toutefois au dossier, à l’exception d’une attestation bancaire d’un montant de 415 828 euros destiné aux mesures de suivi des incidences environnementales, ainsi qu’aux dispositions d’information sur la sécurité du site. La société pétitionnaire ne produit non plus aucun engagement des trois sociétés unipersonnelles composant son actionnariat, ni les capacités de ces actionnaires à supporter un tel engagement, la répartition de l’investissement de 3,6 millions d’euros entre eux n’étant du reste pas indiquée. Malgré la circonstance que la société Boralex soit devenue actionnaire unique de la société » Les vents du Sud Cambrésis » le 22 décembre 2015, il résulte de ce qui précède que les capacités financières de cette dernière ne sont pas établies de façon suffisamment certaine dans le dossier soumis à l’examen de l’autorité compétente.
28. Toutefois, l’insuffisance entachant la composition du dossier n’est susceptible de vicier la procédure, et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de ce dossier, que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elle a été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité adm