Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 21 août 2008, présentée pour la société ROYAL AUTOMOBILES, dont le siège social est situé 162 avenue Georges Clémenceau BP 1619 à Papeete (98713) Tahiti, par Me Quinquis ; la société ROYAL AUTOMOBILES demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0700245 du 20 mai 2008 du Tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu’il a rejeté sa demande de décharge de la cotisation d’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2006, à raison d’intérêts d’un montant de 9 130 167 F CFP servis à ses associés, correspondant à des dividendes qui leur ont été distribués en 2005 et qu’ils ont maintenus sur leurs comptes courants ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de prononcer la décharge de la contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2006, à raison des mêmes intérêts ;
4°) de mettre une somme de 2 500 euros à la charge de la Polynésie française au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française ;
Vu le code des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 octobre 2009 :
– le rapport de M. Dalle, rapporteur,
– et les conclusions de Mme Larere, rapporteur public ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société anonyme ROYAL AUTOMOBILES a procédé en 2005 à la distribution de dividendes au profit de ses actionnaires ; que les dividendes en cause, que les actionnaires ont décidé de bloquer jusqu’en 2008 sur leurs comptes courants d’associés, ont produit en 2005 des intérêts d’un montant total de 9 130 167 F CFP, dont la société Royal Automobiles a estimé qu’ils n’auraient pas dû être imposés, comme ils l’ont été en 2006, à l’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers, dès lors qu’ils entraient dans le champ de l’article 178-32 du code des impôts, exonérant dudit impôt les intérêts servis aux associés à raison des sommes versées par eux dans la caisse sociale au cours de l’année 2005, en sus de leur part en capital ; que, par la présente requête, la société ROYAL AUTOMOBILES relève appel du jugement du 20 mai 2008 du Tribunal administratif de la Polynésie française, en tant qu’il a rejeté sa demande en décharge d’une cotisation d’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers d’un montant de 913 000 F, mise en recouvrement le 31 juillet 2006, assise sur des intérêts d’un montant de 9 130 167 F CFP, déclarés par la société au service des contributions le 26 avril 2006 ; qu’elle demande également la décharge d’une cotisation de contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers de 456 500 CFP, mise en recouvrement le 31 juillet 2006, assise sur les mêmes intérêts ;
Sur la cotisation de contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que les premiers juges ont prononcé la décharge de cette cotisation ; que la société est donc irrecevable en appel à contester cette cotisation ;
Sur la cotisation d’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers :
Considérant qu’aux termes de l’article 611-2 du code des impôts : Le contribuable qui désire contester tout ou partie d’un impôt qui le concerne doit d’abord adresser une réclamation au président de la Polynésie française (…) ; qu’aux termes de l’article 611-7 du même code : Le président de la Polynésie française statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation. Le président peut déléguer, en totalité ou en partie, son pouvoir de décision ; que l’article 611-8 du même code dispose : En cas rejet total ou partiel de la réclamation, le contribuable peut saisir le tribunal administratif dans le délai de trois mois imparti par l’article 772-4, alinéa 1, du code de justice administrative, à partir du jour de la réception de la décision prise sur sa réclamation. Toutefois, le contribuable qui n’a pas reçu la décision du président de la Polynésie française, ou de son délégué, dans le délai de six mois mentionné à l’article 611-7, peut saisir le tribunal administratif dès l’expiration de ce délai ; que si les irrégularités – telle l’incompétence de son auteur – pouvant entacher la décision statuant sur la réclamation d’un contribuable sont sans influence sur la régularité et le bien-fondé des impositions, elles ont néanmoins pour effet de priver l’administration et, après elle, le juge, de la possibilité d’opposer au contribuable la tardiveté de ses conclusions devant le tribunal administratif ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que, par une réclamation datée du 20 septembre 2006, reçue par le service des contributions le 21 septembre 2006, la société ROYAL AUTOMOBILES a notamment contesté la cotisation susmentionnée d’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers, mise à sa charge au titre de l’année 2006 ; que le chef du service des contributions a rejeté cette réclamation par une décision en date du 7 mai 2007 ; que, saisi le 28 juin 2007 par la société ROYAL AUTOMOBILES, le tribunal administratif a rejeté les conclusions de cette dernière tendant à la décharge de la cotisation susmentionnée, au motif qu’elles n’avaient été présentées que dans un mémoire complémentaire déposé le 12 octobre 2007 auprès du tribunal, soit plus de trois mois après la décision du 7 mai 2007 ;
Considérant, cependant, qu’il ne résulte pas de l’instruction et notamment pas de l’arrêté du ministre des finances et de la fonction publique du 16 mars 2007, qui est relatif aux délégations consenties par ce ministre et non par le président de la Polynésie française et, en tout état de cause, ne mentionne pas les réclamations contentieuses parmi les matières déléguées, que le service des contributions aurait disposé d’une délégation du président de la Polynésie française, en vue de statuer sur les réclamations contentieuses en matière fiscale, conformément au deuxième alinéa de l’article 611-7 du code des impôts ; que si une décision implicite de rejet, réputée avoir été prise par le président de la Polynésie française, était apparue le 21 mars 2007, à l’expiration du délai de six mois prévu au deuxième alinéa de l’article 611-8, ce qui autorisait en conséquence la société ROYAL AUTOMOBILES à saisir dès cette date le tribunal administratif, celle-ci, en l’absence d’une décision expresse du président de la Polynésie française ou d’une personne déléguée par lui, était encore recevable le 12 octobre 2007 et bien qu’un délai de plus de trois mois s’était écoulé depuis la notification de la décision du 7 mai 2007, à contester l’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers mis à sa charge ; que le jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française doit donc être annulé, en tant qu’il a rejeté comme tardives les conclusions relatives à l’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers ;
Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société ROYAL AUTOMOBILES devant le Tribunal administratif de la Polynésie française ;
Considérant qu’aux termes de l’article 171-1 du code des impôts : L’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers s’applique : 1° aux dividendes, intérêts, arrérages, revenus et tous autres produits des actions de toute nature et des parts de fondateurs des sociétés, compagnies et entreprises quelconques financières, industrielles, commerciales ou civiles, ayant leur siège en Polynésie, quelle que soit l’époque de leur création ; 2° aux intérêts, produits et bénéfices des parts d’intérêts et commandites dans les sociétés, compagnies et entreprises ayant leur siège social en Polynésie française, dont le capital n’est pas divisé en actions ; (…) 7° aux intérêts, arrérages et tous autres produits des (…) emprunts de toute nature des (…) sociétés, compagnies et entreprises désignées aux 1°) et 2°) qui précèdent, que la dette soit ou non constatée par un écrit, enregistré ou non ; (…) ; et qu’aux termes de l’article 178-32 du même code : Les intérêts servis aux associés, actionnaires ou porteurs de parts à raison des sommes versées par eux dans la caisse sociale au cours de l’année 2005, en sus de leur part en capital, sont exonérés d’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers. L’exonération est subordonnée : – au maintien des sommes placées dans l’entreprise pendant l’année du placement et les deux exercices suivants ; – à la déclaration au service des contributions des intérêts dont il s’agit dans les délais prévus par l’article 173-2 et suivants ; – à la production chaque année sur les trois exercices considérés, concomitamment au dépôt de la déclaration de résultat ou des recettes brutes, d’un extrait du grand livre relatif aux comptes courants de la personne morale débitrice ; – à l’affectation des sommes placées au financement d’opérations procédant d’une gestion normale de l’entreprise ; – à la rémunération du placement et au respect des conditions de sa déductibilité dans la limite fixée par l’article 113-9. L’exonération s’applique aux intérêts versés au cours des années 2005 à 2007 ;
Considérant qu’eu égard à la nature de prêt des sommes laissées en compte courant, les intérêts litigieux, afférents à des dividendes distribués par la société ROYAL AUTOMOBILES mais que les associés bénéficiaires ont laissés sur leurs comptes courants, ont le caractère de revenus de capitaux mobiliers, au sens des dispositions précitées du 7° de l’article 171-1 du code des impôts et doivent être soumis à l’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers, par application de cet article ; que, pour échapper à cette imposition, la société ROYAL AUTOMOBILES ne peut se prévaloir des dispositions précitées de l’article 178-32 dès lors que les intérêts litigieux, ainsi qu’il a été dit, ne sont pas afférents à des sommes versées par les associés dans la caisse sociale mais à des dividendes mis en distribution par la société et versés sur les comptes courants des associés, où ceux-ci les y ont maintenus ; qu’il suit de là que les conclusions en décharge de l’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers présentées par la société ROYAL AUTOMOBILES devant le tribunal administratif ne peuvent qu’être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ; que la Polynésie française n’étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la société ROYAL AUTOMOBILES tendant au remboursement de ses frais d’instance ne peuvent qu’être rejetées ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la Polynésie française ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du 20 mai 2008 est annulé, en tant qu’il a rejeté comme tardives les conclusions de la société ROYAL AUTOMOBILES relatives à l’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers.
Article 2 : Les conclusions en décharge de l’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers présentées par la société ROYAL AUTOMOBILES devant le tribunal administratif sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées devant la cour par la société ROYAL AUTOMOBILES, relatives à la contribution de solidarité territoriale sur le revenu des capitaux mobiliers, ainsi que celles présentées par elle et par la Polynésie française sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 08PA04755